Date : 20070117
Dossier : IMM-2570-06
Référence : 2007 CF 42
Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN
ENTRE :
et
LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision qu'un agent des visas a rendue le 24 mars 2006 et dans laquelle il concluait que la demanderesse était interdite de territoire au Canada parce que sa fille était interdite de territoire. L'agent des visas a conclu que la fille de la demanderesse, qui est atteinte d'un retard mental moyen, risquait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux du Canada.
[2] La demanderesse est citoyenne du Kazakhstan. Elle a présenté une demande de résidence permanente en novembre 2001 dans la catégorie des immigrants indépendants avec son mari et ses enfants. Elle a été évaluée à titre de travailleur qualifié dans le domaine de l'analyse économique et a obtenu le nombre de points minimum requis en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2.
[3] Dans une lettre datée du 4 juillet 2005, la demanderesse a été avisée qu'après une évaluation clinique, on était arrivé à la conclusion que sa fille était atteinte d'un retard mental moyen. La lettre faisait part de réserves quant au fait qu'elle aurait presque assurément besoin d'une éducation spécialisée au Canada et invitait la demanderesse à présenter des observations en réponse.
[4] La demanderesse a déposé des observations supplémentaires le 9 août 2005, qu'un médecin agréé a examiné. Il a conclu que la fille de la demanderesse n'avait pas de handicap physique et qu'elle ne devait pas être mise en isolement pour une maladie contagieuse. Cependant, le médecin a noté que la fille de la demanderesse fréquentait une école spécialisée au Kazakhstan, dans un programme personnalisé, et il a maintenu son premier avis selon lequel elle aurait probablement besoin d'une éducation spécialisée au Canada.
[5] L'agent des visas a examiné les observations de la demanderesse et l'avis du médecin agréé, et a conclu que la fille de la demanderesse était interdite de territoire parce que son état risquait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux du Canada. Cette décision fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.
Les questions en litige
[6] Les questions soulevées par la présente demande sont les suivantes :
1. Le médecin et l'agent des visas ont-ils commis une erreur en supposant que l'Alberta fournirait à la fille de la demanderesse une éducation spécialisée qui dépasserait la moyenne des dépenses par habitant au Canada?
2. L’agent des visas a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte de la volonté et de la capacité de la demanderesse de payer pour les besoins de sa fille en matière d’éducation spécialisée?
LES DISPOSITIONS LÉGALES ET RÉGLEMENTAIRES APPLICABLES
[7] Les dispositions légales et réglementaires applicables à la présente demande sont tirées de la loi et du règlement suivants :
1. la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi);
2. le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS 2002-227 (le Règlement).
Les dispositions applicables de la Loi sont les suivantes :
|
|
38. (1) Emporte, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour motifs sanitaires l’état de santé de l’étranger constituant vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risquant d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé. |
38. (1) A foreign national is inadmissible on health grounds if their health condition |
[…] |
[…] (c) might reasonably be expected to cause excessive demand on health or social services. […] |
|
|
42. Emportent, sauf pour le résident permanent ou une personne protégée, interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale les faits suivants : |
42. A foreign national, other than a protected person, is inadmissible on grounds of an inadmissible family member if |
a) l’interdiction de territoire frappant tout membre de sa famille qui l’accompagne ou qui, dans les cas réglementaires, ne l’accompagne pas; |
(a) their accompanying family member or, in prescribed circumstances, their non-accompanying family member is inadmissible; or |
b) accompagner, pour un membre de sa famille, un interdit de territoire.
|
(b) they are an accompanying family member of an inadmissible person. |
[8] Les motifs d'interdiction de territoire sont précisés dans les dispositions suivantes du Règlement :
Définitions
|
Definitions
|
1. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la Loi et au présent règlement. |
1. (1) The definitions in this subsection apply in the Act and in these Regulations. |
[…] |
[…] |
« fardeau excessif » |
“excessive demand” |
« fardeau excessif » Se dit : |
“excessive demand” means |
a) de toute charge pour les services sociaux ou les services de santé dont le coût prévisible dépasse la moyenne, par habitant au Canada, des dépenses pour les services de santé et pour les services sociaux sur une période de cinq années consécutives suivant la plus récente visite médicale exigée par le présent règlement ou, s’il y a lieu de croire que des dépenses importantes devront probablement être faites après cette période, sur une période d’au plus dix années consécutives; |
(a) a demand on health services or social services for which the anticipated costs would likely exceed average Canadian per capita health services and social services costs over a period of five consecutive years immediately following the most recent medical examination required by these Regulations, unless there is evidence that significant costs are likely to be incurred beyond that period, in which case the period is no more than 10 consecutive years; or |
b) de toute charge pour les services sociaux ou les services de santé qui viendrait allonger les listes d’attente actuelles et qui augmenterait le taux de mortalité et de morbidité au Canada vu l’impossibilité d’offrir en temps voulu ces services aux citoyens canadiens ou aux résidents permanents. (excessive demand) […] |
(b) a demand on health services or social services that would add to existing waiting lists and would increase the rate of mortality and morbidity in Canada as a result of the denial or delay in the provision of those services to Canadian citizens or permanent residents. (fardeau excessif) |
« services de santé » |
“health services” |
« services de santé » Les services de santé dont la majeure partie sont financés par l’État, notamment les services des généralistes, des spécialistes, des infirmiers, des chiropraticiens et des physiothérapeutes, les services de laboratoire, la fourniture de médicaments et la prestation de soins hospitaliers. (health services) |
“health services” means any health services for which the majority of the funds are contributed by governments, including the services of family physicians, medical specialists, nurses, chiropractors and physiotherapists, laboratory services and the supply of pharmaceutical or hospital care. (services de santé) |
« services sociaux » |
“social services” |
« services sociaux » Les services sociaux — tels que les services à domicile, les services d’hébergement et services en résidence spécialisés, les services d’éducation spécialisés, les services de réadaptation sociale et professionnelle, les services de soutien personnel, ainsi que la fourniture des appareils liés à ces services : |
“social services” means any social services, such as home care, specialized residence and residential services, special education services, social and vocational rehabilitation services, personal support services and the provision of devices related to those services, |
a) qui, d’une part, sont destinés à aider la personne sur les plans physique, émotif, social, psychologique ou professionnel; |
(a) that are intended to assist a person in functioning physically, emotionally, socially, psychologically or vocationally; and |
b) dont, d’autre part, la majeure partie sont financés par l’État directement ou par l’intermédiaire d’organismes qu’il finance, notamment au moyen d’un soutien financier direct ou indirect fourni aux particuliers. (social services) |
(b) for which the majority of the funding, including funding that provides direct or indirect financial support to an assisted person, is contributed by governments, either directly or through publicly-funded agencies. (services sociaux) |
[…] |
[…] |
Évaluation pour motifs sanitaires |
Assessment of inadmissibility on health grounds |
20. L’agent chargé du contrôle conclut à l’interdiction de territoire de l’étranger pour motifs sanitaires si, à l’issue d’une évaluation, l’agent chargé de l’application des articles 29 à 34 a conclu que l’état de santé de l’étranger constitue vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risque d’entraîner un fardeau excessif. |
20. An officer shall determine that a foreign national is inadmissible on health grounds if an assessment of their health condition has been made by an officer who is responsible for the application of sections 29 to 34 and the officer concluded that the foreign national's health condition is likely to be a danger to public health or public safety or might reasonably be expected to cause excessive demand. |
[…] |
[…] |
Fardeau excessif |
Excessive demand |
34. Pour décider si l’état de santé de l’étranger risque d’entraîner un fardeau excessif, l’agent tient compte de ce qui suit : |
34. Before concluding whether a foreign national's health condition might reasonably be expected to cause excessive demand, an officer who is assessing the foreign national's health condition shall consider |
a) tout rapport établi par un spécialiste de la santé ou par un laboratoire médical concernant l’étranger; |
(a) any reports made by a health practitioner or medical laboratory with respect to the foreign national; and |
b) toute maladie détectée lors de la visite médicale. |
(b) any condition identified by the medical examination.
|
La norme de contrôle
[9] La décision faisant l'objet du présent contrôle judiciaire porte sur une conclusion fortement axée sur les faits en ce qui a trait au fardeau que l’état de santé de la fille de la demanderesse risque d'entraîner pour les services sociaux ou de santé au Canada. Par conséquent, l'agent des visas doit se voir accorder une déférence importante relativement à cette décision, et la Cour n'interviendra que si la décision est manifestement déraisonnable. Le défaut de l'agent des visas d'examiner la capacité de la demanderesse d'assumer les coûts de l'éducation spécialisée de sa fille, qui est atteinte d'un retard mental, est une question de droit et la décision correcte est la norme de contrôle applicable.
Analyse
Question no 1 : Le médecin et l'agent des visas ont-ils commis une erreur en supposant que l'Alberta fournirait à la fille de la demanderesse une éducation spécialisée qui dépasserait la moyenne des dépenses par habitant au Canada?
[10] La demande de la demanderesse a été rejetée en raison de la conclusion selon laquelle il était raisonnable de croire que l’état de santé de sa fille risquait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux au Canada. Comme le Règlement le prévoit, le « fardeau excessif » est déterminé en fonction du coût moyen, par habitant au Canada, des dépenses pour les services de santé et les services sociaux. La demanderesse soutient que les coûts d'éducation spécialisée pour sa fille ne dépasseront pas la moyenne des dépenses en matière d'éducation pour les enfants canadiens en Alberta.
[11] Dans son avis médical, le médecin a déclaré :
[traduction] À partir de l'évaluation, il est presque certain qu'elle serait considérée comme étant une étudiante exceptionnelle qui a besoin d'une éducation spécialisée, et un financement particulier lui serait alloué pour qu'elle obtienne une scolarité de niveau secondaire.
La demanderesse fait valoir que l'agent des visas a commis une erreur en supposant que sa fille aurait besoin d'un financement particulier pour son éducation, qui entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux.
[12] La demanderesse soutient que, comme elle a mentionné que sa famille et elle souhaitaient habiter en Alberta, il est nécessaire d'examiner les lois et les politiques de l'Alberta pour déterminer si le fait que sa fille fréquente une école dans cette province entraînera un fardeau excessif.
[13] La demanderesse a présenté des preuves au sujet des lois et des politiques de l'Alberta. La demanderesse se fonde sur un rapport du gouvernement de l'Alberta, publié en novembre 2000, intitulé « Shaping the Future for Students with Special Needs: A review of Special Education in Alberta » (Modeler l'avenir pour les étudiants qui ont des besoins spéciaux : analyse de l'éducation spécialisée en Alberta). Dans ce rapport, les étudiants qui ont des besoins spéciaux y sont présentés comme étant des étudiants qui ont des handicaps légers, moyens ou graves, et comme des étudiants qui sont doués. Le rapport décrit la procédure de la prestation des services :
[traduction]
Lorsqu'il est établi qu'un étudiant a des besoins spéciaux, l'administration scolaire doit élaborer et fournir un programme d'éducation qui offre à l'étudiant la possibilité de faire un apprentissage de valeur. Les résultats des évaluations, qui sont d'abord utilisés pour déterminer les besoins spéciaux de l'étudiant, aident l'enseignant à préparer et à mettre en œuvre un programme personnalisé. Le ministère de l’Éducation de l’Alberta exige que de tels programmes soient préparés pour chaque étudiant qui a des besoins spéciaux.
[Non souligné dans l'original.]
[14] Le rapport mentionne ensuite que le financement pour les étudiants qui ont un retard léger ou moyen est inclus dans le financement de base pour l'enseignement qui est fourni aux administrations scolaires :
[traduction] Le ministère de l’Éducation de l’Alberta fournit du financement aux administrations scolaires en matière de programmes d'apprentissage destinés aux étudiants qui ont des besoins spéciaux. Le financement pour les étudiants qui ont un retard léger ou moyen, et pour les étudiants qui sont doués, est présentement inclus dans le financement de base pour l'enseignement. Un financement additionnel est prévu pour fournir des programmes et offrir un soutien aux étudiants qui sont atteints d'un retard grave. Les administrations scolaires sont tenues d'utiliser une portion du financement de base pour l'enseignement, en plus du financement additionnel qui est prévu pour les étudiants qui sont atteints d’un retard grave, afin de fournir aux étudiants des programmes préparés en fonction de leurs besoins particuliers.
[Non souligné dans l'original.]
D'après le Funding Manual for School Authorities (manuel sur le financement des administrations scolaires) de 2006-2007, préparé par le ministère de l’Éducation de l’Alberta et déposé en preuve par la demanderesse, le financement de base pour l'enseignement pour les enfants de la 1ere à la 12e année en Alberta est de 5 291 $ par enfant.
[15] La demanderesse soutient que, comme sa fille est atteinte d'un retard moyen et qu'elle ne nécessitera pas de financement additionnel au sens de la politique de financement pour l'enseignement de l'Alberta, son état de santé n'entraînerait pas un « fardeau excessif » pour les services d'éducation dans cette province. La demanderesse ajoute que, comme les étudiants ayant un retard léger ou moyen sont traités de la même façon que les étudiants doués, sa fille ne sera pas perçue comme un fardeau pour les services d'éducation de l'Alberta, puisqu'en fait elle n'en sera pas un.
[16] Le défendeur soutient que, comme la fille de la demanderesse a déjà besoin d'un programme d'enseignement spécialisé et personnalisé, il n'est pas déraisonnable de s'attendre à ce que, pour le programme d'enseignement aux étudiants ayant des besoins spéciaux en l'Alberta, elle soit évaluée comme ayant un retard grave.
[17] La demanderesse n'a pas réfuté de manière adéquate la présomption de l'agent des visas selon laquelle sa fille aura besoin d'une éducation spécialisée et qu'il est raisonnable de croire que cela entraînera un fardeau excessif pour les services sociaux de l'Alberta. La preuve qui permettrait de réfuter cette présomption devrait prendre la forme d’un rapport d’expert de l’Alberta, dans lequel il serait affirmé que l'éducation d'un enfant atteint de retard mental qui n'a pas de ressources financières n'est pas financée par la province. Le rapport que la demanderesse a présenté à ce sujet pour établir ce fait n'est pas suffisant. Par conséquent, la conclusion de l'agent des visas selon laquelle l'enfant aura besoin d'une éducation spécialisée n'est pas manifestement déraisonnable. Il est logique de supposer qu'un enfant atteint de retard mental aura besoin d'une éducation spécialisée et que, si la famille de l'enfant n'a pas les ressources adéquates, la province payera pour cette éducation.
Question no 2 : L’agent des visas a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte de la volonté et de la capacité de la demanderesse de payer pour les besoins de sa fille en matière d’éducation spécialisée?
[18] La demanderesse fonde son argument sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration); De Jong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CSC 57. Dans cette affaire, la cour a noté au paragraphe 69 que la loi de l'Ontario pertinente prévoyait la possibilité que les familles contribuent financièrement au coût des services aux personnes atteintes d'un handicap. Ainsi, la cour a conclu au paragraphe 70 que le médecin avait commis une erreur parce qu'il n'avait pas tenu compte de l'incidence possible de la volonté des familles d'apporter leur soutien.
69 Les services sociaux relèvent de lois provinciales. En Ontario, la province où les familles Hilewitz et de Jong ont exprimé l'intention de s'installer, les établissements, l'aide et les services susceptibles d'être mis à la disposition des personnes ayant une déficience intellectuelle sont en partie régis par la Loi sur les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle, L.R.O. 1990, ch. D.11 et ses modifications. Selon l'article 15 du règlement d’application de la Loi sur les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle, R.R.O. 1990, no 272, il faut déterminer si une personne qui demande [TRADUCTION] « l'admission à un établissement et de l'aide » est à même de supporter « tout ou partie du coût » de telles mesures. L'article 16 étend l'application de cette même règle aux demandes de « services ». Manifestement, la législation ontarienne envisage la participation financière des familles qui ont les moyens de le faire. Même si les intentions exprimées par les familles Hilewitz et de Jong en matière d'éducation et de formation ne se matérialisaient pas, les ressources financières de ces familles sont telles que ces dernières seraient vraisemblablement appelées à supporter une part substantielle, voire la totalité, des coûts afférents à certains services sociaux fournis par la province
70 Les médecins agréés et les agents des visas avaient l'obligation de tenir compte de tous les éléments pertinents, tant de nature médicale que non médicale, par exemple la disponibilité des services et les besoins prévus à cet égard. Or dans les deux cas, les agents des visas ont commis une erreur en confirmant le refus des médecins agréés de prendre en considération l'incidence possible de la volonté des familles d'apporter leur soutien. […]
[Non souligné dans l’original.]
[19] Dans ses observations écrites, le défendeur a tenté de distinguer l'affaire en l'espèce de l'arrêt Hilewitz, précité, parce que la famille de la demanderesse, en l'espèce, ne s'est pas engagée à payer pour un enseignement privé pour sa fille, et que rien ne donnait à penser que la famille avait les moyens de le faire. Le défendeur soutient aussi que l’application de la conclusion tirée dans l'arrêt Hilewitz, précité, au sujet de la nécessité d'examiner la capacité de la famille de payer les frais, ne peut pas être étendue des catégories établies en matière d'immigration relativement aux gens d’affaires à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Le défendeur fait valoir que les travailleurs qualifiés (fédéral) ne sont pas tenus de présenter d'autres preuves objectives et fiables de leurs ressources financières que celles qui démontrent qu'ils possèdent les fonds adéquats pour leur installation. Le défendeur a déclaré dans ses observations écrites :
[traduction] L'évaluation des ressources financières des demandeurs dans la catégorie des travailleurs qualifiés peut comprendre un certain degré de supposition et d'incertitude qui peut rendre peu fiable l'analyse sur les mesures d'atténuations quant à la capacité du demandeur de payer. Cette analyse peu fiable ne peut pas servir de fondement pour écarter une conclusion de fardeau excessif.
[20] À mon avis, l'arrêt Hilewitz de la Cour suprême du Canada, qui exige que les agents des visas tiennent compte de la volonté de la famille à payer pour les frais d'un membre de la famille en matière de santé et de services sociaux, ne peut pas être restreint aux demandeurs des catégories des gens d'affaires. Bien que les demandeurs dans ces catégories soient plus facilement aptes à démontrer leur capacité de payer les frais pour un membre de leur famille, il ne s'ensuit pas que les demandeurs dans d'autres catégories ne sont pas en mesure de le faire. Cela est particulièrement vrai compte tenu de la diversité des états de santé qui peuvent entraîner qu’une personne fasse une demande pour des services sociaux ou de santé qui excèderait la moyenne par habitant au Canada.
[21] En l'espèce, la demanderesse a clairement fait état de sa volonté de payer pour les programmes sociaux (soit l'éducation) dont sa fille aura besoin s'ils obtiennent le droit d'immigrer au Canada. La demanderesse soutient que l'agent des visas n'a pas tenu compte de la volonté de la famille de payer pour les services sociaux. La demanderesse fait valoir que sa famille et elle n'ont jamais eu recours aux services sociaux offerts par le gouvernement au Kazakhstan pour prendre soin de sa fille. Ce n'est pas le cas. Le programme d'éducation spécialisée au Kazakhstan était financé par l'État.
[22] En l'espèce, même si la demanderesse a fait clairement état de sa volonté de payer pour le programme d'éducation dont sa fille aura besoin si la famille est autorisée à immigrer au Canada, elle n'a pas présenté de preuves démontrant sa capacité à le faire. D'après la preuve qui a été présentée, la demanderesse n'a pas les fonds nécessaires et les membres de sa famille au Canada n'ont pas déposé de preuve attestant qu'ils avaient suffisamment de fonds pour payer les coûts en Alberta en matière d'éducation spécialisée pour une enfant de 10 ans atteinte d'un retard mental moyen. Par conséquent, la demanderesse ne peut pas alléguer que l'agent des visas a commis une erreur de droit en n'examinant pas sa capacité de payer pour l'éducation spécialisée de sa fille. La demanderesse a la possibilité de présenter une nouvelle demande de résidence permanente et de présenter des preuves de la volonté et de la capacité de sa famille de payer pour le programme d'éducation spécialisée dont sa fille aura besoin si la famille est autorisée à immigrer au Canada.
[23] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire devra être rejetée.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Dossier : IMM-2570-06
INTITULÉ : LIDIYA AIRAPETYAN c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : Calgary (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 10 janvier 2007
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE KELEN
DATE DES MOTIFS : Le 17 janvier 2007
COMPARUTIONS :
Peter Wong, c.r.
|
|
Rick Garvin
|
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Caron & Partners LLP Calgary (Alberta)
|
POUR LA DEMANDERESSE |
John H. Sims, c.r. POUR LA DÉFENDERESSE. Sous-procureur général du Canada
|