Montréal (Québec), le 15 janvier 2007
En présence de Me Richard Morneau, protonotaire
ENTRE :
demandeur
et
AGENT DE LIBÉRATION CONDITIONNELLE
POUR LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
Requête écrite du défendeur en radiation de la déclaration d’action du demandeur selon les règles 221(1)a) et 369 des Règles des Cours fédérales (les règles).
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Le demandeur est détenu sous la juridiction du Service correctionnel du Canada (SCC) à l’Établissement de sécurité « moyenne » de La Macaza (Québec).
[2] Une lecture objective de la déclaration d’action indique que le demandeur – qui se représente seul – se plaint qu’une copie d’une déclaration qu’il considère comme ayant été obtenue d’une manière non conforme aux lois canadiennes figure dans son dossier correctionnel et soit utilisée par le SCC, malgré qu’il ait demandé sans succès, (voir les paragraphes 13 et 17 de la déclaration d’action du demandeur) que ladite déclaration du 11 mars 2006 soit retirée de son dossier. Il réclame en conséquence des dommages-intérêts à hauteur de 50 000.00 $.
[3] L’article 24(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition L.C. 1992, ch. 20 (la Loi), prévoit la procédure à suivre par un délinquant afin de faire corriger son dossier correctionnel :
24. […] 2) Le délinquant qui croit que les renseignements auxquels il a eu accès en vertu du paragraphe 23(2) sont erronés ou incomplets peut demander que le Service en effectue la correction; lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées. |
24. […] (2) Where an offender who has been given access to information by the Service pursuant to subsection 23(2) believes that there is an error or omission therein, (a) the offender may request the Service to correct that information; and (b) where the request is refused, the Service shall attach to the information a notation indicating that the offender has requested a correction and setting out the correction requested. |
[4] En l’espèce, le demandeur n’allègue pas avoir suivi la procédure prévue au paragraphe 24(2) de la Loi.
[5] Or, le demandeur ne saurait avoir plus de droit qu’un autre détenu qui exerce les recours prévus par la Loi et le demandeur ne peut donc procéder directement par voie d’action.
[6] Par ailleurs, si le demandeur a demandé la correction de renseignements contenus à son dossier et qu’il n’est pas satisfait de la réponse obtenue, il se devait de faire contrôler judiciairement cette réponse par cette Cour, ce qu’il n’a pas fait.
[7] En effet, tel qu’exposé amplement par le défendeur, seule une demande de contrôle judiciaire peut décider de la légalité de cette réponse ou décision.
[8] Ici, le demandeur ne peut attaquer collatéralement une décision d’un office fédéral par le biais d’une action en dommages et intérêts, et ce, afin d’éviter le morcellement du contrôle de la légalité des décisions provenant des organismes fédéraux.
[9] De plus, même si l’on considérait, comme le soutient le demandeur dans son dossier de réponse déposé à l’encontre de la requête à l’étude, que la prémisse centrale de son action en dommages et intérêts ne repose pas sur la décision de refuser le retrait d’une déclaration obtenue du demandeur, mais que le demandeur cherche à faire valoir proprement une action contre le défendeur Séguin pour allégations fausses et malicieuses, cette action, malgré le libellé de l’alinéa 17(5)b) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C., 1985, ch. F-7, tel qu’amendée, ne relèverait pas de la juridiction de la Cour fédérale puisque la base d’action du demandeur serait fondée sur le droit provincial et non sur du droit fédéral existant.
[10] Tel que noté par les auteurs Saunders et al. dans leur volume Federal Court Practice, 2007, Thomson Canada Ltd., en page 76 et 89 :
The extent of the jurisdiction conferred on the Federal Court depends upon not only the words of section 17 but also the constitutional limits of section 101 of the Constitution Act, 1867. For the Federal Court to have jurisdiction, all three of the following questions must be answered in the affirmative.
1. Do the words of section 17 purpot to confer jurisdiction in respect of such a claim ?
2. Is the claim founded upon existing and applicable federal law ?
3. Is that federal law within the legislative competence of the Parliament of Canada ?
(…)
Leblanc v. Canada (2003), 237 F.T.R. 169, 2003 CarswellNat 1936, 2003 FCT 776 (Proth.); affirmed 2004 CarswellNat 1648, 2004 FC 774; reversed (2005), 339 N.R. 244, 2005 CarswellNat 1672, 2005 FCA 234 – The fact that a power allegedly misused by a federal public servant emanates from a federal statute, or that a duty alleged to have been breached was created by a federal statute, does not mean there is federal law to support the grant of jurisdiction. The rights arising from such misuse of power or breach of statutory duty, including the tort of misfeasance in public office, remain emanations of provincial law.
(je souligne)
[11] En conséquence, il est clair et évident que la déclaration d’action ne révèle aucune cause d’action valable et doit donc être radiée en vertu de l’alinéa 221(1)a) des règles, sans possibilité d’amendement, le tout avec dépens.
[12] Par ailleurs, en ce qui concerne la modification demandée par le demandeur à son équipe de gestion de cas, outre le fait que cette Cour n’est pas compétente car aucune requête n’a été produite en ce sens, il s’agit vraisemblablement d’une décision de pure gestion administrative de la part du SCC dans le cadre de son pouvoir de gestion sur ses employés et sur laquelle cette Cour n’aurait vraisemblablement pas compétence.
ORDONNANCE
En vertu de l’alinéa 221(1)a) des règles, la déclaration d’action du demandeur est radiée, sans possibilité d’amendement, et son action est rejetée, le tout avec dépens.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1974-06
INTITULÉ : DENIS BÉGIN
demandeur
et
MARC SÉGUIN
AGENT DE LIBÉRATION CONDITIONNELLE
POUR LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
défendeur
REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À MONTRÉAL SANS COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE MORNEAU
DATE DES MOTIFS : LE 15 JANVIER 2007
OBSERVATIONS ÉCRITES :
Monsieur Denis Bégin
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DEMANDEUR |
Me Dominique Guimond Me Héloïse Dumont
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Monsieur Denis Bégin
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DEMANDEUR |
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JOHN H. SIMS, c.r. Sous-Procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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