[traduction française]
ENTRE :
LABORATORIES LIMITED
et
et APOTEX INC.
MOTIFS PUBLICS DE L’ORDONNANCE
(Motifs confidentiels de l’ordonnance rendus le 29 décembre 2006)
LA JUGE HENEGHAN
I. Introduction
[1]
Abbott
Laboratories et Abbott Laboratories Limited (les « demanderesses » ou
« Abbott ») présentent cette demande en vertu du Règlement sur les
médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/193-133 (le « Règlement AC »)
en vue d’obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer
un avis de conformité (« AC ») conformément à l’article C.08.004 du Règlement
sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870 jusqu’à expiration des brevets
canadiens suivants :
2,261,732 (le
« brevet 732 »);
2,258,606 (le « brevet 606 »);
2,386,527 (le « brevet 527 »);
2,386,534 (le « brevet 534 »);
2,277,274 (le « brevet 274 »);
2,387,361 (le « brevet 361 »); et
2,387,356 (le « brevet 356 »)
(collectivement les « brevets d’Abbott »).
[2] La présente demande a été présentée en réponse à un avis d’allégation (AA), daté du 21 août 2003, signifié par Apotex Inc. (la « défenderesse » ou « Apotex »). Apotex soutient que les brevets d’Abbott sont invalides pour plusieurs motifs, notamment pour cause d’antériorité, d’évidence, d’absence d’utilité, d’absence de prédiction valable et outre, que sa version générique de la clarithromycine ne contrefait pas les brevets d’Abbott qui sont valides.
[3] Le 7 octobre 2003, les demanderesses ont intenté la présente procédure en présentant une demande, conformément au Règlement AC et ont indiqué dans leur avis de demande que les allégations n’étaient pas justifiées.
II. Les parties
[4] La demanderesse Abbott Laboratories Limited est une entreprise canadienne qui distribue et vend notamment, BIAXIN® BID (« BIAXIN »), un antibiotique. La demanderesse Abbott Laboratories, une société constituée en vertu des lois des États‑Unis d’Amérique, est la société mère d’Abbott Laboratories Limited. Elle est titulaire des brevets en cause dans la présente instance. Les demanderesses s’occupent du développement et de la fabrication de produits pharmaceutiques innovateurs.
[5] Apotex est une société canadienne qui fabrique des produits génériques. Elle a présenté une demande d’AC pour être autorisée à commercialiser sa version de la clarithromycine, vendue sous forme de comprimés de 250 mg et de 500 mg.
III. Clarithromycine
[6] La clarithromycine, ou la 6-0-méthylérythromycine, est un antibiotique. Elle combat les infections dans l’organisme humain et est décrite dans les brevets d’Abbott comme étant utile au traitement des infections de l’appareil respiratoire. Il s’agit de l’ingrédient actif dans le produit BIAXIN des demanderesses, qui est vendu en dosages de 250 et de 500 mg.
[7] La molécule de clarithromycine peut prendre plusieurs formes cristallines, selon la méthode de fabrication. Il existe au moins sept formes pures et d’innombrables combinaisons peuvent être créées à partir de ces formes et autres substances.
[8] La clarithromycine a été divulguée pour la première fois le 9 décembre 1981 dans la demande de brevet européen No. 0 041 355 A1. Elle a été commercialisée au Canada pour la première fois en juillet 1992.
[9] Les demanderesses n’ont pas inventé la clarithromycine même, mais elles ont inventé certaines des formes cristallines du médicament. Initialement, on pensait que la clarithromycine n’avait qu’une seule forme cristalline, mais on a ensuite découvert qu’elle était polymorphe, c’est-à-dire qu’elle avait plus d’une forme cristalline. Abbott prétend avoir découvert ces nouvelles formes, lesquelles constituent le fondement des brevets faisant l’objet du présent litige.
[10] Les brevets d’Abbott visent des composés, des procédés et des méthodes de la clarithromycine, pour sa fabrication, et l’utilisation des composés revendiqués comme un antibiotique. Plus précisément, les revendications visent les formes cristallines appelées forme 0, forme I et forme II, et l’utilisation de la forme 0 pour fabriquer la forme II.
[11] La conversion d’une forme de clarithromycine vers une autre comprend le réchauffement de la substance à des températures élevées. Abbott est d’avis que le réchauffement à des températures élevées n’était pas une méthode connue de tous et que cela constitue l’étape inventive. Apotex soutient que le réchauffement à des températures élevées était une méthode connue des personnes versées dans l’art et que cela ne constitue pas une invention.
[12]
La
forme générique envisagée par Apotex de la clarithromycine utilise la
forme 0 pour produire la forme II. Apotex propose de vendre sa
version en formes de dosage de 250 et 500 mg, en utilisant des méthodes de
fabrication qui, selon elle, sont divuguées dans le dossier d’antériorité.
IV. Les brevets
[13] Les demanderesses détiennent sept brevets canadiens liés à la clarithromycine, énumérés ci-dessus et un AA a été signifié à l’encontre de ces brevets. Toutefois, les demanderesses n’ont abordé que quatre de leurs brevets dans leur mémoire des faits et du droit, à savoir les brevets ’274, ’732, ’606 et ’361.
[14]
Au
début de l’audience, le 11 septembre 2000, l’avocat des demanderesses
ont indiqué qu’une convention avait été conclue avec la défenderesse en vertu
de laquelle, aux fins de la présente instance et uniquement la présente
instance, les demanderesses n’obtiendront pas une ordonnance d’interdiction en
lien avec le brevet ’274 par suite de la décision de la Cour d’appel fédérale
dans Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé) (2006), 350
N.R. 242 (« Ratiopharm »), demande d’autorisation
de pourvoi devant la Cour suprême du Canada présentée le
17 août 2006. À la fin de l’audition de la présente demande, l’avocat
a présenté une copie de cette convention concernant le brevet ’274. Voici le
texte de cette convention :
[traduction]
Les deux parties ont convenu de procéder à l’audience à condition qu’aucune des deux parties n’avance des arguments au sujet du brevet ’274.
Abbott a reconnu cela, en raison des faits de cette affaire particulière, le jugement de la Cour d’appel dans l’affaire Ratiopharm en lien avec le brevet ’274 lie la Cour et par conséquent, l’allégation d’antériorité d’Apotex concernant le brevet ’274 doit être reconnue comme justifiée par la Cour.
Les parties ont reconnu que la convention susmentionnée est sans préjudice pour toute partie avançant toute position souhaitée à la Cour d’appel, si un appel était poursuivi.
[15] Compte tenu de cette convention entre les parties, il n’est pas nécessaire que je me penche sur le brevet ’274. Je reconnais qu’Abbott n’a pas abandonné ses arguments concernant le brevet ’274, mais l’examen de ces arguments aura lieu ailleurs, le cas échéant. L’affaire a été instruite uniquement pour ce qui est du brevet ’732, du brevet ’606 et du brevet ’361.
A. Brevet canadien No 2,261,732 (le « brevet ’732 »)
[16] Le brevet ’732 est intitulé [traduction] « Préparation de la forme cristalline II de la clarithromycine ». L’invention dans ce brevet est décrite comme un [traduction] « processus pour l’isolement direct des cristaux de 6-O-méthylérythromycine A de forme II ». Les revendications 1 à 15 énoncent les méthodes et processus selon lesquels la forme II peut être formée; les préparations découlant de la forme II sont visées par les revendications 16 à 21.
[17] Le brevet ’732 a été déposé auprès du Bureau canadien des brevets le 28 juillet 1997 et les dates de priorité sont le 29 juillet 1996 et le 25 juillet 1987. Ce brevet revendiquait la priorité sur les demandes de brevet américaines numéros 08/681,695 et 08/900,271 respectivement. Le brevet ’732 a été délivré le 24 juillet 2001.
B. Brevet canadien No 2 258 606 (le « brevet ’606 »)
[18] Le brevet ’606 est intitulé [traduction] « Forme cristalline II de la clarithromycine ». Il porte sur une invention pour [traduction] « les formes cristallines I et II de la 6-0 méthylérythromycine A, un procédé pour leur préparation, les compositions pharmaceutiques comprenant ces composés et les méthodes d’utilisation en tant qu’agent thérapeutique ». Les revendications 1 à 4 visent les formes I et II, ayant différentes valeurs pour leur diffraction de rayons X sur poudres.
[19] La demande du brevet ’606 a été déposée auprès du Bureau canadien des brevets le 25 juillet 1997 et sa date de priorité est le 29 juillet 1996 en ce qui a trait à la demande de brevet américaine 08/681,723. Ce brevet a été délivré le 27 mai 2003.
[20] Les revendications du brevet ’606 pertinentes quant à la présente demande sont les suivantes :
• Les revendications une (1) et deux (2) sont reliées à deux formes de la forme II de la 6-0-méthylérythromycine A, qui sont caractérisées par des pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ.
• Les revendications trois (3) et quatre (4) portent sur deux formes de la forme II de la 6-0-méthylérythromycine A, qui sont substantiellement dépourvues de la forme I de de la 6-0-méthylérythromycine A, et qui sont caractérisées par des pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ.
C. Brevet canadien No 2,387,361 (le « brevet ’361 »)
[21] Le brevet ’361 est intitulé [traduction] « Forme cristalline 0 et forme cristalline II de la clarithromycine et utilisation de ces formes ». Une protection de brevet est réclamée pour [traduction] « le nouveau composé, la forme 0 solvatée cristalline de la 6‑0‑méthylérythromycine A, un procédé pour sa préparation, les compositions pharmaceutiques comprenant ce composé et une méthode d’utilisation en tant qu’agent thérapeutique ». Les formes et les compositions du médicament apparaissent dans les revendications 15 à 23 et 42 à 50. Les utilisations sont abordées dans les revendications 8 à 14, 24 à 41, et 51 à 68, tandis que les procédés apparaissent dans les revendications 1 à 7.
[22] Une demande a été présentée auprès du Bureau canadien des brevets le 19 décembre 1997. Une priorité a été réclamée au 17 janvier 1997 à l’égard de la demande de brevet américaine no 08/785,623. Le brevet 361 a été délivré le 27 mai 2003.
[23] Les revendications du brevet ’361 pertinentes quant à la présente demande sont les suivantes :
• La
revendication une (1) vise un procédé de préparation de la forme II de la
6-0-méthylérythromycine A qui comprend le réchauffement de la forme 0 solvatée
de la 6-0-méthylérythromycine A, sous vide, à une température située entre
environ soixante-dix et cent dix degrés Celsius.
• La
revendication trente-et une (31) vise l’utilisation de la forme 0 d’éthanolate
de la 6-0-méthylérythromycine A dans la préparation de la forme II de la
6-0-méthylérythromycine A pour obtenir un antibiotique.
• La revendication soixante-deux (62) vise l’utilisation de la forme 0 d’éthanolate de la 6-0-méthylérythromycine A, substantiellement dépourvue de la forme I de la 6-0-méthylérythromycine A, dans la préparation de la forme II de la 6-0-méthylérythromycine A, substantiellement dépourvue de la forme I de la 6-0-méthylérythromycine A et de la forme 0 d’éthanolate de la 6-0-méthylérythromycine A, dans laquelle la forme 0 d’éthanolate et la forme II sont caractérisées par des pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ.
V. L’AA
[24]
Par
une lettre datée du 21 août 2003, Apotex a signifié son AA aux
demanderesses, conformément au paragraphe 5(3) du Règlement AC, concernant
sa clarithromycine générique. L’AA était long, comprenant cent quatre pages,
ainsi que des annexes. L’AA renfermait des allégations d’invalidité et
d’inéligibilité de certaines revendications aux fins d’inclusion dans le
Registre des brevets. Il soutenait également qu’Apotex ne contreferait pas les
brevets d’Abbott parce que son produit serait préparé selon des méthodes
divulguées dans le dossier d’antériorité.
[25]
Dans
son AA, Apotex soutient que la forme disponible dans le commerce et viable de
la clarithromycine a toujours été le forme II, depuis la date de revendication
des brevets pertinents, à savoir le 29 juillet 1996.
[26]
Apotex
indique que ses comprimés proposés ne comprendraient que la forme II et
qu’elle utiliserait des méthodes de fabrication qui sont, selon elle,
divulguées dans le dossier d’antériorité. Elle soutient que les brevets des
demanderesses ne seraient pas contrefaits puisqu’un brevet valide ne peut pas
être contrefait si l’activité attaquée est ancienne ou qu’il s’agit d’une
version de cette activité non brevetable. À cet égard, la défenderesse s’appuie
sur Gillette Safety Razor Co. v. Anglo American Trading Co. Ltd. (1913),
30 R.P.C. 465, pages 480-481 (H.L.) (la « défense Gillette »).
[27]
En
plus de ces allégations formulées de manière générale, l’AA abordait la
question de la non-contrefaçon des brevets individuels, à l’exception du brevet ‘606.
Dans chacun des cas, il était allégué qu’Apotex pouvait produire sa version
générique de la clarithromycine sans contrefaire les brevets des demanderesses.
[28] Des allégations d’invalidité ont été avancées pour tous les brevets des demanderesses. Ces allégations se fondaient sur des affirmations de double brevet, d’évidence, d’absence d’invention, d’antériorité, du fait que les revendications des brevets ont une portée plus large que l’invention réalisée, et la modification du mémoire descriptif pour décrire la matière qui ne pouvait pas être raisonnablement déduite de la revendication originale.
[29]
Apotex
alléguait en outre que les brevets des demanderesses ne sont pas et n’ont
jamais été admissibles à une inscription au Registre des brevets, conformément
au Règlement AC. L’alinéa 4(2)b) du Règlement AC énonce les critères de l’inclusion
d’un brevet au Registre des brevets, c’est-à-dire une revendication pour le
médicament en soi ou une revendication pour l’utilisation du médicament. Apotex
alléguait qu’aucun des brevets d’Abbott ne comporte des revendications valides
pour les médicaments ou une revendication pour l’utilisation d’un médicament.
[30]
De
plus, Apotex soutient que les brevets sont inadmissibles aux fins d’inscription
dans le Registre puisqu’aucun de ces brevets n’a une date de dépôt qui précède
la date du dépôt des demandes d’avis de conformité originales.
VI. La preuve
[31]
Les
demanderesses et la défenderesse ont déposé des affidavits de plusieurs témoins
des faits et témoins experts. Les qualifications des experts ne sont pas
contestées, bien qu’à certains égards, chaque partie a remis en question la
valeur des éléments de preuve présentés.
i. Témoins des demanderesses
[32]
Abbott
a déposé les affidavits de M. Daniel Artola, Mme Sonia Atwell,
Mme Loretta del Bosco, M. Kenneth Dillman, M. Michael Zaworotko,
Ph. D., M. Leonard Chyall, Ph. D., M. Allan Myerson,
Ph. D., M. Stephen Bryn, Ph. D. et M. Jerry Atwood,
Ph. D.
[33]
M.
Artola, avocat du cabinet McCarthy Tétrault et avocat des demanderesses dans la
présente affaire, a fait état de ses efforts en vue d’obtenir de l’information
au sujet du livre intitulé « Analytical Profiles of Drug Substances and
Excipients » publié par Acadamia Press. Un chapitre dans ce livre,
consistant en un article de I.I. Salem, a été cité comme antériorité par la
défenderesse dans son AA.
[34]
Mme Atwell
est technicienne juridique au cabinet d’avocats de McCarthy Tétrault. Dans son
affidavit, elle a offert quelques détails factuels concernant le médicament
BIAXIN des demanderesses et la réception de l’AA de la défenderesse, en
août 2003. Parmi les éléments de preuve joints à cet affidavit se trouvent
des copies de l’AA et de l’Avis de demande déposé par Abbott, le 7 octobre 2003.
[35]
Mme del
Bosco est directrice des affaires réglementaires et de l’assurance de la
qualité d’Abbott Canada. Elle a joint à son affidavit, comme pièce, la copie
d’un document qui a été présenté lors d’une réunion d’ingénieurs chimistes, le
5 novembre 2002. Dans son affidavit, elle a déclaré que ce document
portait sur des expériences menées dans le cours normal des activités d’Abbott.
[36]
M.
Kenneth Dillman est technicien de laboratoire à SCCI, Inc., un laboratoire
indépendant qui a été choisi par McCarthy Tétrault, avocat des demanderesses, pour
effectuer des analyses de la diffraction de rayons X
sur poudres
sur des échantillons de matières solides qui lui ont été fournis et qui ont été
désignés SSCI#48844, no d’échantillon. 1765-01-01.
[37]
M. Michael Zaworotko,
Ph. D., est professeur et directeur du Département de chimie de la
University of South Florida, à Tampa, en Floride. Il se considère comme un
expert dans le domaine de la cristallographie aux rayons X et
du génie de la matière cristalline [traduction]
« notamment la façon dont ces domaines se rattachent à la compréhension de
la forme et du polymorphisme des produits pharmaceutiques ». On a demandé
à M. Zaworotko, Ph. D., de se prononcer sur la thèse préparée par
G.A. Stephenson, intitulée [traduction]
« études à l’état solide de certains composés pharmaceutiques » qui a
été citée par la défenderesse comme antériorité en lien avec le brevet ’606.
[38]
M. Leonard
Chyall, Ph. D., est un scientifique à l’emploi de SCCI, Inc. Il est
chimiste organicien ayant de l’expérience dans la
technologie de cristallisation. Il a reçu un échantillon d’Abbott
Laboratories et a créé plusieurs échantillons par recristallisation de la clarithromycine
à partir de l’éthanol. L’échantillon a ensuite été séché dans plusieurs
conditions différentes, y compris un séchage à la température ambiante, à 40°
Celsius, sous vide et avec un aspirateur sous vide. Il a effectué une nouvelle
analyse, par diffraction de rayons X sur poudre, sur l’échantillon qui a
été séché à 40° Celsius pendant 15 heures. Il ne donne aucun avis dans son
affidavit, mais fait plutôt rapport des résultats des expériences antérieures
qu’il a menées à la demande des demanderesses.
[39]
Lors
du contre-interrogatoire au sujet de son affidavit, M. Chyall,
Ph. D., a déclaré qu’il n’avait jamais rien séché à une température
supérieure à 40° Celsius. Il a indiqué que l’utilisation d’une température plus
élevée [traduction] « …me
semble, a priori, anormale et inutile ».
[40]
M. Allan
Myerson, Ph. D, professeur de génie détenteur de la chaire à Philip
Danforth Armour, est vice-recteur et vice-président principal de l’Illinois
Institute of Technology. Il est titulaire d’un doctorat en génie chimique et
enseigne au niveau universitaire depuis près de trente ans. Il se considère
comme un expert dans les domaines du génie chimique et de la cristallisation,
notamment la cristallisation industrielle et le polymorphisme.
[41]
On
a demandé à M. Myerson, Ph. D., d’examiner les allégations de l’AA en
rapport avec l’ensemble des brevets d’Abbott. Il a exprimé l’avis que toutes
les allégations d’invalidité et de non-contrefaçon étaient injustifiées. Selon
lui, aucune des références d’antériorité ne permet de connaître l’existence de
multiples formes cristallines de la clarithromycine et elles ne permettent pas
non plus [traduction]
« d’apprendre une quelconque méthode pour produire une forme particulière
de la clarithromycine ».
[42]
Il
est en outre d’avis qu’aucun des brevets d’Abbott n’est rendu évident par
l’antériorité. Il est d’avis que la vente de BIAXIN avant juillet 1996 ne
constituait pas une antériorité par rapport aux brevets puisqu’elle ne
divulguait pas les formes cristallines de la clarithromycine et qu’une personne
versée dans l’art n’aurait pas été en mesure de l’établir, si une telle forme
existait.
[43]
En
plus de ses commentaires généraux, M. Myerson, Ph. D. a parlé de
chaque brevet individuel. En ce qui concerne le brevet ’606, il a rejeté
l’argument de la défenderesse selon lequel la demande de brevet européen 0
041 355 et le brevet américain no 4 331 803 et la
spécification no 0 041 355 B1 du brevet européen, document d’Apotex
no 1, divulguent une méthode de fabrication de la Forme II.
Puisqu’aucune méthode n’est divulguée, il est d’avis que l’allégation de
non-contrefaçon n’est pas justifiée.
[44]
Il
a conclu que l’antériorité citée par Apotex pour établir l’antériorité ne
divulgue pas l’information nécessaire pour produire les formes et les méthodes
revendiquées dans le brevet’ 606. Aucune des antériorités ne comporte
l’atteinte des températures de séchage requises pour convertir la forme 0
ou la forme I vers la forme II.
[45]
M. Myerson,
Ph. D., a conclu que le procédé de fabrication proposé par la défenderesse
pour ses comprimés de clarithromycine est visé par les revendications du
brevet ’361 et que, pour cette raison, il contrefait ce brevet. En outre,
il a exprimé l’avis que ce brevet ne fait l’objet d’aucune antériorité ni
d’évidence. Selon lui, une personne versée dans l’art ne déduirait pas, à
partir de l’antériorité, que la forme II pourrait exister sous toute
forme, et encore moins dans des formes cristallines multiples. Une personne versée
dans l’art ne déduirait pas que le réchauffement de la forme 0 ou de la
forme I à des températures élevées pourrait provoquer une conversion vers
la forme II.
[46]
M. Stephen Bryn,
Ph. D., est professeur en chimie médicinale, détenteur de la chaire
Charles B. Jordan, à l’école de pharmacie et des sciences pharmaceutiques et
chef du Département de pharmacie industrielle et physique de la Purdue
University, en Indiana. Il est détenteur d’un doctorat en chimie physique et
organique.
[47]
M. Bryn,
Ph. D., a examiné les allégations en rapport à l’ensemble des brevets
d’Abbott. Son évaluation des antériorités l’ont amené à conclure que, aux dates
des revendications des brevets d’Abbott, le dossier d’antériorité ne montrait
pas que la clarithromycine était polymorphe, c’est-à-dire qu’elle avait plus
d’une forme cristalline, l’existence et les formes cristallines des
formes 0, I et II, ni leurs méthodes de fabrication. Il est en coutre
d’avis qu’Abbott n’a pas divugué ses inventions en préparant BIAXIN à la vente
dans le commerce et qu’il n’y a pas d’antériorité, d’évidence ou de double
brevet.
[48]
M. Bryn,
Ph. D., a parlé de plusieurs antériorités précises. Il a déclaré que l’article
d’Iwasaki divulgue une structure de solvate du méthanol qui ne correspond à
rien de ce qui est revendiqué dans les brevets d’Abbott.
[49]
Lors
du contre-interrogatoire, M. Bryn, Ph. D. a admis qu’exposer une
substance à une chaleur élevée peut provoquer une fonte. Toutefois, il a ajouté
qu’un tel traitement pouvait aussi provoquer la création d’une matière amorphe
ou une dégradation.
[50]
M. Jerry Atwood,
Ph. D. est professeur et président du Département de chimie à la
University of Missouri de Columbia. Il détient un doctorat en chimie et possède
plus de trente années d’expérience en enseignement au niveau universitaire. Il
se considère comme un expert dans les domaines de la croissance cristalline, du
génie de la matière cristalline et de la chimie des polymères.
[51]
M. Atwood,
Ph. D., a répondu à l’allégation de la défenderesse selon laquelle le
Règlement AC ne s’applique pas aux brevets d’Abbott. Il a déclaré qu’il n’y
avait aucun fondement à l’affirmation de la défenderesse selon laquelle les
formes 0 et I sont des intermédiaires puisque les brevets, comme
l’illustrent les brevets ’527 et ’274, les désignent clairement comme des
antibiotiques, et une personne versée dans l’art les reconnaîtrait en tant que
tel. Malgré l’instabilité de la forme 0, une personne versée dans l’art
saurait que celle-ci est un antibiotique ayant une utilité thérapeutique, et
pas simplement un intermédiaire. Il est en outre d’avis que la forme I est
suffisamment stable pour être utilisée comme médicament.
[52]
M. Atwood,
Ph. D., a également rejeté les allégations concernant le brevet ’361. Il a
rejeté l’allégation selon laquelle la production de la clarithromycine par
Apotex ne le contrefera pas parce qu’Apotex ne réchauffera pas la forme 0
à des températures situées entre 70 et 100° Celsius. Il a observé qu’une
personne versée dans l’art saurait que la température de conversion changerait
et que cela n’aurait aucun effet matériel sur la façon dont le processus de
conversion s’est opéré. De plus, il a conclu que les modifications du brevet ’361
ont été correctement apportées.
[53]
Selon
M. Atwood, Ph. D., les antériorités citées ne contenaient aucune
information au sujet des formes cristallines particulières de la
clarithromycine et des méthodes de fabrication, en particulier le fait que de
sécher et réchauffer la clarithromycine pourrait provoquer une conversion de la
forme.
[54]
Lors
du contre-interrogatoire, M. Atwood, Ph. D., a admis qu’en 1996, une
personne versée dans l’art saurait comment analyser un comprimé pharmaceutique
pour déterminer la forme cristalline de son ingrédient pharmaceutique actif. Cette
même personne saurait comment séparer les cristaux d’un solvant. Il a contesté
l’affirmation selon laquelle, en 1996, des composés étaient chauffés jusqu’à
150° degrés Celsius afin de déterminer si une transition polymorphe se
produirait. Toutefois, il était d’accord sur le fait qu’une méthode permettant
de déterminer si une transition aurait lieu serait de soumettre l’échantillon à
une chaleur élevée.
ii. Témoins d’Apotex
[55]
Pour
sa part, Apotex a produit les affidavits de John Hems, Peter Stang,
Lee Timothy Grady, Carlos Zetina Rocha, Allan W. Remy, Matthew Buck,
Robert McClelland, Nicholas Taylor, Robert Brown, Michael J.
Cima, et William K. Sinden.
[56]
M.
John Hems est le directeur des affaires réglementaires d’Apotex. Il est
responsable de la préparation des présentations de drogue de l’entreprise aux
fins d’approbation réglementaire. On lui a demandé de fournir des échantillons
des comprimés de 250 mg et de 500 mg de BIAXIN, qui consistent en
comprimés de clarithromycine enrobés d’un film, à M. Michael Cima,
Ph. D., professeur au Massachusetts Institute of Technology de Cambridge,
au Massachusetts.
[57]
M. Peter
J. Stang, Ph. D. est professeur de chimie à la University of Utah. Il
détient un doctorat en chimie organique et est considéré comme un expert dans
le domaine. On lui a demandé de rendre un avis sur les allégations de
non-contrefaçon avancées par Apotex concernant les brevets d’Abbott. On lui a
également demandé d’examiner et de comparer la fiche maîtresse de médicament
(FMM) de Medicorp, le fournisseur de clarithromycine d’Apotex, avec
l’antériorité citée par Apotex.
[58]
M. Stang,
Ph. D., a parlé de la conversion de l’érythromycine A en clarithromycine,
comme cela est énoncé dans la FMM de Medicorp. Selon lui, le procédé de
Medicorp ne donnerait pas lieu à la forme II, mais plutôt à un solvate
d’acétane de clarithromycine. Un solvate d’acétane n’est pas la forme II
et, par conséquent, le procédé de Medicorp ne contrefait pas le brevet ’732. Il
est possible d’obtenir la forme II à partir d’un solvate de méthanol par
des périodes de séchage prolongées, mais le brevet ’732 n’indique pas cela.
[59]
M. Stang,
Ph. D., a reconnu que les antériorités, en particulier, l’article de
Morimoto ne dit rien sur l’étape du séchage. Toutefois, il a déclaré qu’une
personne versée dans l’art considérerait l’étape de séchage comme étant
implicite et inhérente, et que la forme 0 et la forme I [traduction]
« ont été fabriquées et sont inhérentes dans les antériorités ».
[60] M. Lee Timothy Grady, Ph. D., est vice-président et directeur émérite de la United States Pharmacopeial Convention, Incorporated (« USPC »). On lui a demandé d’examiner la correspondance de l’avocat d’Apotex pour formuler des commentaires à la USPC concernant certains lots de clarithromycine.
Dans son affidavit, M. Grady,
Ph. D. a fourni de l’information au sujet des opérations de la pharmacopée
des États-Unis (« USP »).
[61]
M. Carlos
Zetina Rocha, Ph. D., détient un doctirat en chimie et a travaillé antérieurement
en tant que chimiste de recherche à Apotex Pharmaceuticals Inc., autrefois
appelée Brantford Chemicals Inc. Il occupait alors un poste de chimiste
organicien de synthèse. On lui a demandé d’effectuer la reproduction de
certains exemples du brevet ’732 comprenant la cristallisation et la
recristallisation de la clarithromycine.
[62]
Dans
son affidavit, il a fourni des détails au sujet d’expériences qu’il a
réalisées. Il n’a offert aucun avis. Lors du contre-interrogatoire,
M. Zetina, Ph. D., a déclaré que, généralement, lorsque l’on sèche
une substance pour retirer un solvant, une température plus basse est utilisée
que celle employée avec la clarithromycine.
[63]
M. Robert McClelland,
Ph. D., est professeur de chimie à la University of Toronto, à Toronto. Il
a déclaré qu’il se considérait comme un expert international en chimie
organique physique et en chimie biologique. Il possède plus de trente années
d’expérience en recherche et en enseignement. Dans son long affidavit, il a
présenté son opinion sur les allégations énoncées dans l’AA.
[64]
M. McClelland,
Ph. D., a soutenu que les procédures de la cristallisation et de la
recristallisation énoncées dans les brevets d’Abbott sont des méthodes
courantes bien connues de toute personne versée dans l’art. Il a exprimé l’avis
selon lequel il n’y avait pas d’étape inventive dans les cristallisations de
l’éthanol énoncées dans les brevets d’Abbott.
[65]
En
ce qui concerne l’article d’Iwasaki, M. McClelland, Ph. D., a déclaré
que cet article enseignait une méthode, avant 1996, qui permettait à une
personne versée dans l’art d’être dirigée directement et sans difficulté
jusqu’au polymorphe de la clarithromycine. De plus, les méthodes établies par
Watanabe expliquaient à une personne versée dans l’art la façon de créer la forme II
(substantiellement dépourvue de la forme I).
[66]
D’autres
questions ont été soulevées concernant le brevet ’361. M. McClelland a
déclaré que ce brevet n’avait aucun fondement solide permettant à une personne
versée dans l’art de comprendre comment elle pourrait obtenir ou relever la
forme 0 solvatée ou utiliser la forme 0 solvatée dans le procédé de
préparation de la forme II. Il a ensuite déclaré en contre-interrogatoire
qu’il n’y avait rien dans les antériorités au sujet du réchauffement de la
clarithromycine à des températures supérieures à 70° degrés Celsius, mais que
le réchauffement en dessous de 70° degrés Celsius était évident.
[67]
M. Nicholas
J. Taylor, Ph. D., est professeur de chimie et gestionnaire du service de
radiographie du Département de chimie de la University of Waterloo, en Ontario.
Il est titulaire d’un doctorat en chimie et possède plus de vingt-cinq années
d’expérience en enseignement au niveau universitaire. On lui a remis des copies
des brevets d’Abbott, de l’AA, des antériorités et des affidavits des experts
des demanderesses. On lui a demandé de déterminer la structure
monocristalline par diffusion des rayons X pour la
clarithromycine obtenue par cristallisation ou recristallisation à partir de
différentes préparations de solvants selon les instructions des brevets ’606, ’527,
’534, ’274, ’356 et ’361. Il lui a également demandé de sonner son avis
concernant les affidavits de M. Zaworotko, Ph. D. et de
M. Chyall, Ph. D. On lui a demandé, en outre, de déterminer la
structure monocristalline par diffusion des rayons X pour la clarithromycine
par cristallisation ou recristallisation à partir de l’acétone et du méthanol,
chaque fois en suivant les instructions du brevet ’732.
[68]
Il
a déterminé que la cristallisation ou recristallisation de la clarithromycine
donne lieu à un solvate mono-acétone. La cristallisation ou la
recristallisation de la clarithromycine à partir du méthanol donne lieu à un
solvate mono-méthanol qui est en accord avec le solvate mono-méthanol publié
par Iwasaki dans l’antériorité.
[69]
M. Robert
S. Brown, Ph. D., est professeur de chimie à la Queen’s University, à
Kingston, en Ontario. Il possède plus de trente années d’expérience en
enseignement et en recherche dans le domaine de la chimie. On lui a demandé de
fournir un avis concernant les allégations de non-contrefaçon et d’invalidité
des brevets d’Abbott, telles qu’elles sont énoncées dans l’AA.
[70]
Dans
son affidavit, M. Brown, Ph. D., soutient que la forme II était
une [traduction]
« ancienne » substance, ayant été divulguée dans des demandes de
brevet européen, deux articles de Morimoto et trois articles de Watanabe. Bien
que ces articles ne divulguent pas le processus de séchage, il est certain
qu’ils divulguent la forme II.
[71]
Il
a exprimé l’avis que les méthodes A et B dans l’article de 1993 de Watanabe
étaient [traduction] « des
équivalents chimiques évidents » aux méthodes décrites dans le brevet ’732.
De plus, il a conclu que le procédé de Medicorp utilisé pour fabriquer la
clarithromycine pour Apotex ne contrefait pas les brevets d’Abbott.
[72]
Lors
du contre-interrogatoire, M. Brown, Ph. D. a déclaré que, sans expérimentation,
il ne serait pas possible de prédire les résultats quant à savoir si on
obtiendrait un solvate désolvaté, une matière amorphe, une nouvelle forme cristalline
ou un changement d’une forme à une autre. Les résultats ne seraient pas
évidents pour une personne versée dans l’art.
[73]
Il
a également convenu qu’aucune des antériorités citées n’indiquait que la
clarithromycine était polymorphe ou n’indiquait des procédures de séchage
appropriées, c’est-à-dire des températures et des durées. Finalement, il a
convenu qu’il ne serait pas possible pour une personne versée dans l’art de
lire l’antériorité et d’en déduire qu’une personne avait produit un solvate
d’éthanol de la clarithromycine.
[74]
M. Michael
J. Cima, Ph. D., est professeur en science des matériaux et en génie au
MIT, au Massachusetts. On lui a demandé de fournir un avis sur la thèse de
Stephenson, particulièrement sur la question de savoir si ce document constituait
une antériorité ou rendait évidente la forme II de la clarithromycine
revendiquée dans le brevet ’732, le brevet ’606 et le brevet ’527.
[75]
M. Allan
W. Rey, Ph. D., occupe le poste degestionnaire, Propriété intellectuelle
et recherche et développement de programme à Apotex Pharmachem Inc.
(« API ») et est responsable d’un groupe de chimistes et
d’ingénieurs, y compris de la supervision de leur travail. En cette qualité, on
lui a demandé d’effectuer et/ou de superviser certaines procédures reliées au
brevet ’732. Il a fourni le brevet à M. Zetina, Ph. D., lui a indiqué
ce qui était requis et a supervisé certaines procédures. M. Rey,
Ph. D., a également supervisé le contrôle de certaines procédures
effectuées par M. Matthew Buck.
[76]
M.
Matthew Buck est un associé de la recherche et du développement (Niveau II)
à API. On lui a demandé d’effectuer certaines procédures, y compris la
cristallisation ou recristallisation de la clarithromycine à partir de
différents solvants et de systèmes mixtes de solvants, en suivant les
différents exemples divulgués dans les brevets ’732, ’527 et ’274. Des copies
de pages de ses cahiers de laboratoire ont été jointes comme pièces à son
affidavit.
[77]
M.
William Kitt Sudin est un agent de brevets enregistré. Il a effectué plusieurs
recherches documentaires liées à la clarithromycine. Ses recherches ont inclus
des références à des brevets reliés à la clarithromycine, notamment
l’antériorité citée dans l’AA de la défenderesse.
VII. Questions en litige
[78]
Les
questions suivantes ont été soulevées dans les observations écrites et orales
des parties.
1.
À
qui incombe le fardeau de la preuve compte tenu de la présomption de validité
découlant de l’article 43 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985,
ch. P-4?
2.
Les
demanderesses ont-elles droit à l’ordonnance d’interdiction concernant les
allégations de la défenderesse visant le brevet ’732?
3.
Le
brevet ’606 rend-il la forme II de la clarithromycine antériorisée ou
évidente?
4.
Les
revendications 31 et 62 du brevet ’361 sont-elles admissibles et valides?
VIII. Analyse et décision
[79]
La
demande vise à interdire la délivrance d’un AC à la défenderesse pour
sa version générique de la clarithromycine. Selon son AA, la défenderesse a
déposé une présentation abrégée de drogue nouvelle (« PADN ») au ministre
en soutien à sa demande d’un AC pour ses comprimés de clarithromycine de 250 mg
et de 500 mg à administration orale, faisant référence à cet égard à
BIAXIN, les comprimés de clarithromycine enrobés d’un film de 250 mg et de
500 mg des demanderesses. La défenderesse, dans son AA, fait référence aux
brevets d’Abbott et soutient que lesdits brevets sont invalides ou,
subsidiairement que ses produits pharmaceutiques proposés ne porteront pas
atteinte à ces brevets.
[80] L’avis de conformité confère une autorisation de commercialisation de médicaments au Canada. Il est délivré par le gouvernement fédéral et indique qu’il a été satisfait, conformément au Règlement sur les aliments et drogues, à toutes les exigences visant à assurer la protection de la santé et de la sécurité publiques. Le Règlement AC autorise les titulaires de brevets de produits pharmaceutiques à soumettre une « liste de brevets » à l’égard des produits pour lesquels un avis de conformité leur a été délivré. Le Règlement AC désigne la personne qui soumet cette liste comme la « première personne ». En l’espèce, les demanderesses sont la « première personne ».
[81] Le régime du Règlement AC permet aux fabricants de génériques de se fonder sur une approbation antérieure de produits pharmaceutiques connexes lorsqu’ils cherchent à faire approuver, aux fins de la commercialisation, leur forme générique des produits. Les fabricants qui produisent le même médicament peuvent présenter une demande d’AC dans laquelle il est mentionné que la version du médicament d’origine a fait l’objet d’une autorisation, sur laquelle se fonde la demande. Ce fabricant est appelé la « seconde personne »; la défenderesse agit en cette qualité.
[82] Le Règlement AC interdit au ministre de la Santé de délivrer un AC avant l’expiration de tous les brevets de produit et d’utilisation reliés au médicament antérieurement autorisé, énumérés dans la liste de brevets. Par conséquent, la seconde personne doit soit attendre l’expiration du brevet pour obtenir un AC, soit présenter un avis d’allégation au ministre avec sa présentation de drogue nouvelle.
[83] Le Règlement AC exige que l’avis d’allégation soit signifié à la première personne. L’article 5 expose les motifs pouvant être invoqués dans l’avis d’allégation. En résumé, il peut comporter l’une ou l’autre des allégations suivantes : la première personne n’est pas le breveté, le brevet est expiré ou n’est pas valide, la délivrance d’un avis de conformité n’entraînerait pas la contrefaçon du brevet visé par l’avis d’allégation.
[84]
À
la suite de la signification de l’AA, le ministre peut délivrer un AC à la
seconde personne, à moins que la première personne ne fasse valoir,
conformément au paragraphe 6(1) du Règlement AC, son droit de solliciter
une ordonnance de la Cour fédérale interdisant au ministre de délivrer l’AC. La
première personne doit prendre cette mesure, le cas échéant, dans les 45
jours après avoir reçu signification de l’avis d’allégation. Une fois
cette procédure engagée, la délivrance d’un avis de conformité à la seconde
personne est suspendue pour un délai maximal de vingt-quatre mois. Dans la
présente instance, la période statutaire prendra fin le
30 décembre 2006, à la suite d’une prolongation sur consentement des
parties.
i. Fardeau de la preuve
[85] Les demanderesses soutiennent que la présomption législative de la validité accordée par l’article 43(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4 (la « Loi sur les brevets ») impose le fardeau à la défenderesse qui doit invalider chacune des revendications du brevet. Elles soutiennent en outre avoir droit à une ordonnance d’interdiction si la défenderesse n’établit pas l’invalidité, ne fut-ce que pour une seule des revendications.
[86]
Apotex
conteste ces arguments. Elle soutient que la jurisprudence a clairement établi
que le fardeau incombe aux demanderesses de montrer, selon la prépondérance des
probabilités, que les allégations de la seconde personne d’inadmissibilité, de
non-contrefaçon et d’invalidité ne sont pas justifiées. Elle allègue que ce
fardeau ne passe pas des demanderesses à la seconde personne et s’appuie sur la
jurisprudence suivante : Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la
Santé) (2005), 45 C.P.R. (4 th) 81 aux paragraphes 23-29
(C.F.); Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2006), 46
C.P.R. (4 th) 281 aux paragraphes 9-12 (C.F.), inf. Pour
d’autres motifs (2006), 351 N.R. 189 (C.A.F.); Bayer Inc. c. Canada
(Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (2000), 6 C.P.R.
(4 th) 285 au paragraphe 5 (C.A.F.).
[87] Dans Smith Kline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc., [2001] 4 C.F. 518 (1re inst.), conf. [2003] 1 C.F. 118 (C.A.F.), le juge Gibson a examiné le fardeau de la preuve dans une instance visée par la Règlement AC où l’invalidité d’un brevet était alléguée. Aux pages 533 à 534, il a écrit ce qui suit :
Dans cette perspective, je conclus ceci : le « fardeau de présentation de la preuve » qui incombe à Apotex étant d’établir que chacune des questions que soulève son avis d’allégation est mise en jeu, si elle s’acquitte de cette charge, le « fardeau de persuasion » repose ensuite sur SmithKline. Dans l’hypothèse où Apotex parvient à établir que la validité du brevet 637 est mise en jeu, SmithKline a droit de s’appuyer sur la présomption de validité du brevet prévue au paragraphe 43(2) de la Loi.
Toutefois, le caractère de la procédure intentée devant la Cour a des répercussions sur le « fardeau de persuasion » incombant à SmithKline dans les circonstances évoquées au paragraphe précédent. Dans l’arrêt Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), le juge Hugessen, s’exprimant au nom de la Cour, a écrit aux pages 319 et 320 :
Si je saisis bien l’économie du règlement, c’est la partie qui se pourvoit en justice en application de l’article 6, en l’espèce Merck, qui doit poursuivre la procédure et assumer la charge de la preuve initiale. Cette charge me paraît difficile puisqu’il s’agit de réfuter certaines ou l’ensemble des allégations de l’avis d’allégation, allégations qui, si elles n’étaient pas contestées, permettraient au ministre de délivrer l’avis de conformité.
[…]
À ce sujet, il y a lieu de noter que si l’alinéa
7(2)b) [du Règlement] semble prévoir que la Cour rend un jugement déclarant que
le brevet n’est pas valide ou qu’il n’est pas contrefait, il ne fait aucun
doute que ce jugement déclaratoire ne peut être rendu dans le cadre de la
procédure fondée sur l’article 6 elle-même. Cette procédure est après tout
engagée par le breveté pour demander une interdiction contre le ministre;
puisqu’elle revêt la forme d’un recours sommaire en contrôle judiciaire, il est
impossible de concevoir qu’elle puisse donner lieu à une demande
reconventionnelle de la part de l’intimé en vue de pareil jugement
déclaratoire. L’invalidité de brevet, tout comme la contrefaçon de brevet, n’est
pas une question relevant d’une procédure de ce genre.
Par conséquent, la charge qui incombe à SmithKline consiste seulement à réfuter les allégations contenues dans l’avis d’allégation, et non pas à justifier des déclarations de validité et de contrefaçon, ou réciproquement à réfuter les prétentions formulées à l’égard des allégations d’invalidité et d’absence de contrefaçon.
[88]
Le
fardeau incombe à Abbott, en tant que demanderesses, de réfuter les allégations
avancées par Apotex dans son AA daté du 21 août 2003. Par conséquent,
comme c’est le cas pour tous les demandeurs, le fardeau
ultime de preuve incombe à Abbott. Apotex, en tant que
défenderesse, a l’obligation de mettre en jeu les allégations de son
avis d’allégation.
[89]
Abbott
accepte de porter le fardeau de la preuve en ce qui a trait à l’allégation de
non-contrefaçon. Toutefois, elle affirme que le fardeau incombe à Apotex pour
ce qui est de l’allégation d’invalidité, au motif de la présomption de validité
accordée par l’article 43 de la Loi sur les brevets.
[90]
Apotex
conteste cet argument. Se fondant sur la décision dans Bayer Inc. c. Canada
(Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 6 C.P.R.
(4th) 285 (C.A.F.), elle reconnaît qu’Abbott apprécie la présomption de
validité, toutefois, cela ne décharge pas les demanderesses du fardeau de
produire des preuves pour démontrer que les allégations d’invalidité ne sont
pas justifiées. Si elles ne le font pas, alors leur demande d’interdiction
devrait être rejetée, voir Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé
nationale et du Bien-être social) (2000), 6 C.P.R. (4th) 285.
[91]
Dans
Janssen-Ortho Inc. c. Novopharm Ltd. (2004), 35 C.P.R. (4th) 353 (C.F. 1re inst.),
le juge Mosley a conclu que tant que la seconde personne produit une
preuve qui n’est pas clairement inapte à étayer ses allégations d’invalidité,
alors la présomption légale est épuisée et ne peut pas aider la première
personne aux fins d’une demande d’interdiction.
[92]
Je
suis d’avis que les arguments des demanderesses concernant le fardeau de la
preuve ne sont pas valables. Dans Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de
la Santé) (2006), 46 C.P.R. (4th) 281 (C.F.) au
paragraphe 12 et dans Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la
Santé) (2005), 45 C.P.R. (4th) 81 (C.F.), la Cour a clairement
rejeté les arguments sur la question du transfert du fardeau. Bien que la
défenderesse caractérise les arguments des demanderesses à cet égard comme
étant un abus de procédure, au motif que la question a déjà été tranchée et que
la jurisprudence est connue des demanderesses, je refuse de faire des
commentaires sur cette affirmation. Je n’accepte pas les arguments des
demanderesses, compte tenu de la jurisprudence.
[93]
La
présente instance est une procédure sommaire qui repose sur le
Règlement AC et les Règles des Cours fédérales, 1998, DORS/98-106
(les « Règles »), régissant les demandes de contrôle judiciaire. Encore
une fois, si la question de l’invalidité ou de la contrefaçon est soulevée dans
une poursuite ultérieure, les conclusions tirées à ce sujet dans le cadre d’une
procédure sommaire ne seront pas déterminantes; voir Pharmacia Inc. c.
Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 58
C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.) à la page 216 où l’on peut lire ce qui
suit :
... ces procédures ne constituent pas des actions touchant la validité ou la contrefaçon d’un brevet : il s’agit plutôt de procédures visant à établir si le ministre peut délivrer un avis de conformité. Cette décision doit être axée sur la question de savoir si la société générique fait valoir des allégations suffisamment bien fondées pour appuyer la conclusion, tirée à des fins administratives (la délivrance d’un avis de conformité), que la mise en marché du produit générique ne violerait pas le brevet du requérant....
[94]
Je
conclus qu’il incombe aux demanderesses d’établir que les allégations
d’invalidité d’Apotex ne sont pas justifiées.
[95]
Au
début de l’audience, les avocats des parties ont confirmé, dans le dossier, que
la contrefaçon n’était pas en cause, bien que l’AA comporte des allégations de
non-contrefaçon. La position de la défenderesse est que le produit ne
contrefera pas le produit des demanderesses, parce qu’il est fabriqué en
suivant un procédé différent de celui utilisé par les demanderesses.
[96]
Les
trois brevets qui seront examinés sont les brevets ’732, ’606 et ’361.
ii. Le brevet ’732
[97]
Les
demanderesses affirment que la défenderesse ne peut pas alléguer une
non-contrefaçon du brevet ’732, au motif qu’elle n’a pas soulevé cette question
dans la procédure T-1133-02, à savoir la décision du juge Phelan,
publié à Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé) (2005), 45
C.P.R. (4th) 81 (C.F.). Les demanderesses soutiennent qu’elles ne
pouvaient pas soulever cette question avant que la décision ne soit rendue dans
l’affaire T-1133-02; ce jugement a été rendu le
28 septembre 2005. En soutien à cette allégation, les demanderesses
s’appuient sur une ordonnance qui a été signée le 9 septembre 2002 par
le protonotaire Lafrenière.
[98]
Pour
sa part, la défenderesse soutient que les demanderesses n’ont pas soulevé cette
question dans leur Avis de demande et qu’il est maintenant trop tard pour
soulever cet argument uniquement dans l’argumentation écrite présentée en
soutien à cette demande. La défenderesse allègue qu’un argument concernant la
préclusion découlant d’une question déjà tranchée requiert un fondement
probant et que l’omission par les demanderesses de soulever cette question dans
leur Avis de demande est préjudiciable et inappropriée. À cet égard, elle
s’appuie sur la décision de la juge Justice Layden-Stevenson dans Astrazeneca
AB c. Apotex Inc. (2006), 46 C.P.R. (4th) 418 (C.F.)
[99]
L’Avis
de demande signifié par les demanderesses dans cette affaire énonce ce qui suit
en ce qui concerne le brevet ’732 :
[traduction]
13.
Le
brevet canadien 2,261,732 (le « brevet ’732 ») a été délivré à
Abbott U.S.A. le 24 juillet 2001. Il concerne un procédé pour la
préparation de la forme II de la 6-O-méthylérythromycine A et de la
forme cristalline II de la 6-O-méthylérythromycine A préparées
selon ledit procédé. Le brevet ’732 contient 15 revendications
relatives au procédé pour la préparation de la forme II de la 6-O-méthylérythromycine
A ainsi que 6 revendications reliées èa la forme cristalline II de la
6-O-méthylérythromycine A préparée selon ledit procédé.
14.
Le
9 août 2001, et dans le délai de 30 jours prévu par
l’article 4(4) du Règlement AC, Abbott Canada a soumis des listes de
brevets selon la formule IV contenant le brevet ’732.
15. Apotex a formulé des allégations en vertu des sous-alinéas 5(1)b)(iv) [non-contrefaçon] et 5(1)b)(iii) [invalidité] du Règlement concernant le brevet ’732. Aucune de ces allégations n’est justifiée.
[100]
Rien
en l’espèce n’indique que les demanderesses n’entendaient invoquer la
préclusion découlant d’une question déjà tranchée. Rien dans le dossier ne
montre que des efforts ont été faits pour demander une autorisation de
modification de l’Avis de demande. En effet, même si cette affaire devait
initialement être entendue en octobre 2005, les parties avaient demandé un
ajournement de cette audience en juin 2005 et une nouvelle date d’audience
a été fixée dans une ordonnance rendue le 15 juillet 2005.
[101] Je souscris aux observations de la défenderesse sur ce point et je renvoie à la décision du juge Mosley dans Pfizer Canada Inc c. Apotex Inc. (2005), 43 C.P.R. (4th) 81 C.F. au paragraphe 100 où il a déclaré ce qui suit :
En effet, l’alinéa 301e) des Règles de la Cour fédérale (1998) porte que l’avis de demande doit contenir un énoncé complet des motifs invoqués. De plus, comme l’a rappelé le juge Wetston à la page 339 de Pharmacia, précitée, il découle de la charge de persuasion imposée par l’article 6 du Règlement au demandeur que ce dernier doit informer le défendeur des « motifs de l’opposition » du breveté, de sorte qu’il puisse, s’il y a lieu, produire des preuves en réponse.
[102]
Les
demanderesses n’ont rien dit concernant cette question lorsqu’elles ont intenté
la présente procédure en déposant leur Avis de demande, le
7 octobre 2003. Il était trop tard pour soulever cette question dans
leur mémoire écrit déposé le 13 juillet 2006.
[103]
Dans
les circonstances, je n’examinerai pas les arguments liés à la préclusion
découlant d’une question déjà tranchée concernant le brevet ’732. Les
demanderesses n’ont présenté aucune autre observation et en conséquence, aucune
ordonnance d’interdiction ne sera rendue concernant le brevet ’732.
iii. L’interprétation des
revendications
[104]
La
première étape de l’évaluation des allégations d’invalidité consiste à interpréter
la revendication contestée du brevet. Dans Whirlpool Corp. c. Camco Inc.,
[2000] 2 R.C.S 1067 et dans Free World Trust c. Électro Santé Inc.,
[2000] 2 R.C.S 1024, la Cour suprême du Canada a conclu que la
revendication d’un brevet doit être interprétée en fonction de l’objet et que
la Cour doit examiner l’ensemble du mémoire descriptif du brevet pour
comprendre les termes employés dans une revendication contestée. Dans Free
World Trust, aux pages 1043-1044, le juge Binnie a reconnu une
liste de principes qui guident l’interprétation téléologique d’une
revendication, comme suit :
a. La Loi sur les brevets favorise le respect de la teneur des revendications.
b. Le respect de la teneur des revendications favorise à son tour tant l’équité que la prévisibilité.
c. La teneur d’une revendication doit toutefois être interprétée de façon éclairée et en fonction de l’objet.
d. Ainsi interprétée, la teneur des revendications définit le monopole. On ne peut s’en remettre à des notions imprécises comme « l’esprit de l’invention » pour en accroître l’étendue.
e. Suivant une interprétation téléologique, il ressort de la teneur des revendications que certains éléments de l’invention sont essentiels, alors que d’autres ne le sont pas. Les éléments essentiels et les éléments non essentiels sont déterminés :
i. en fonction des connaissances usuelles d’un travailleur versé dans l’art dont relève l’invention;
ii. à la date à laquelle le brevet est publié;
iii. selon qu’il était ou non manifeste, pour un lecteur averti, au moment où le brevet a été publié, que l’emploi d’une variante d’un composant donné ne modifierait pas le fonctionnement de l’invention, ou
iv. conformément à l’intention de l’inventeur, expresse ou inférée des revendications, qu’un composant en particulier soit essentiel, peu importe son effet en pratique;
v. mais indépendamment de
toute preuve extrinsèque de l’intention de l’inventeur.
f. Il n’y a pas contrefaçon si un élément essentiel est différent ou omis. Il peut cependant y avoir contrefaçon s’il y a remplacement ou omission d’éléments non essentiels.
[105]
Les
décisions dans Whirlpool et dans Free World Trust fournissent des
instructions claires selon lesquelles les revendications doivent être interprétées
à la lumière du mémoire descriptif du brevet. Lorsqu’elle adopte
une analyse fondée sur l’objet lorsqu’elle interprète les termes ou les
phrases d’une revendication, la Cour devrait rester dans le cadre du mémoire
descriptif et se limiter aux termes de la revendication interprétée dans le
contexte du mémoire descriptif dans son ensemble, en évitant de se fonder sur
des preuves d’intention extrinsèques; voir Whirlpool à la page 1095.
La preuve d’expert est admissible, mais uniquement pour aider la Cour à
interpréter la revendication de façon éclairée; voir Whirlpool à la
page 1102.
iv. Le brevet ’606
[106]
Le
brevet ’606 est intitulé [traduction]
« Forme cristalline II de la clarithromycine ». La date de dépôt
est le 27 juillet 1997 et la date de publication est le
5 février 1998. La priorité est revendiquée par rapport au brevet
américain 08/681,723, la date de priorité étant le
29 juillet 1996.
[107]
Le
brevet ’606 comporte quatre revendications qui se lisent comme suit :
[traduction]
1.
La
forme II de la 6-O-méthylerythromycine A se caractérise par des
pics dans le diffractogramme X sur poudres ayant les valeurs 2θ
suivantes : 8,5° ±0,2, 9,5° ±0,2, 10,8° ±0,2, 11,5° ±0,2,
11,9° ±0,2, 12,4° ±0,2, 13,7° ±0,2, 14,1° ±0,2, 15,2° ±0,2,
16,5° ±0,2, 16,9° ±0,2, 17,3° ±0,2, 18,1° ±0,2, 18,4° ±0,2,
19,0° ±0,2, 19,9° ±0,2, et 20,5° ±0,2.
2.
La
forme II de la 6-O-méthylerythromycine A se caractérise par des
pics dans le diffractogramme X sur poudres ayant les valeurs 2θ
suivantes : 8,52° ±0,2, 9,48° ±0,2, 10,84° ±0,2, 11,48° ±0,2,
11,88° ±0,2, 12,36° ±0,2, 13,72° ±0,2, 14,12° ±0,2, 15,16° ±0,2,
16,48° ±0,2, 16,92° ±0,2, 17,32° ±0,2, 18,08° ±0,2, 18,40° ±0,2,
19,04° ±0,2, 19,88° ±0,2, et 20,48° ±0,2.
3.
La
forme II de la 6-O-méthylérythromycine A, substantiellement
dépourvue de la forme I de la 6-O-méthylérythromycine A, caractérisée
par des pics dans le diffractogramme X sur poudres ayant les valeurs 2θ
suivantes : 8,5° ±0,2, 9,5° ±0,2, 10,8° ±0,2, 11,5° ±0,2,
11,9° ±0,2, 12,4° ±0,2, 13,7° ±0,2, 14,1° ±0,2, 15,2° ±0,2,
16,5° ±0,2, 16,9° ±0,2, 17,3° ±0,2, 18,1° ±0,2, 18,4° ±0,2,
19,0° ±0,2, 19,9° ±0,2, et 20,5° ±0,2.
4. La forme II de la 6-O-méthylérythromycine A, substantiellement dépourvue de la forme I de la 6-O-méthylérythromycine A, caractérisée par des pics dans le diffractogramme X sur poudres ayant les valeurs 2θ suivantes : 8,52° ±0,2, 9,48° ±0,2, 10,84° ±0,2, 11,48° ±0,2, 11,88° ±0,2, 12,36° ±0,2, 13,72° ±0,2, 14,12° ±0,2, 15,16° ±0,2, 16,48° ±0,2, 16,92° ±0,2, 17,32° ±0,2, 18,08° ±0,2, 18,40° ±0,2, 19,04° ±0,2, 19,88° ±0,2, et 20,48° ±0,2.
[108]
De
nouveau, la première étape est l’interprétation du brevet. Cela demande qu’on
lise les revendications du point de vue d’une personne versée dans l’art et
informée par la divulgation, et que l’on examine également la preuve d’expert,
au besoin.
[109]
Les
revendications visent un produit en soi. Dans les revendications 1 et 2, le
produit est la forme II de la clarithromycine, caractérisée par son mode
de diffraction de rayons X sur poudres. La diffraction de rayons X sur poudres
est identique dans chaque revendication, à l’exception du fait que, dans la
revendication 2, ce mode comprend deux chiffres après la virgule
décimale, plutôt qu’un seul.
[110]
Les
revendications 3 et 4 revendiquent la forme II de la clarithromycine
substantiellement dépourvue de la forme I. De nouveau, ces revendications
se caractérisent par leur mode de diffraction de rayons X sur poudres, le mode
de la revendication 4 comportant deux chiffres après la virgule
décimale, alors que le mode de la revendication 3 comporte un chiffre
après la virgule décimale.
[111]
La
défenderesse a soutenu dans son AA que le brevet ’606 est invalide pour
cause d’antériorité et d’évidence. Elle s’est appuyée sur des réalisations
antérieures, dont un article d’Iwasaki, la thèse de Stephenson, l’antériorité
liée à l’éthanol, la norme de l’USP et la vente antérieure de BIAXIN.
[112]
Compte
tenu de la décision rendue par le juge von Finckenstein dans Abbott
Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé) (2005), 42 C.P.R. (4th)
121 (C.F.), conf. par la Cour d’appel fédérale dans Abbott Laboratories c.
Canada (Ministre de la Santé), 2006 C.A.F. 187 (« Ratiopharm ») dans
laquelle il a été conclu que le brevet ’606 faisait l’objet d’une antériorité
par Iwasaki, les arguments concernant ce brevet peuvent être rejetés
sommairement.
[113]
Iwasaki
est cité comme exemple d’antériorité dans la présente affaire. L’article a été
publié le 15 juin 1993 dans « Crystal Structure Communication »,
Volume 49, Partie 6 et est le document no 29 dans les
documents produits en l’espèce par Apotex. Le juge von Finckenstein et la Cour
d’appel fédérale disposaient de la même preuve. Iwasaki présente un produit qui
est défini par des résultats de diffraction de rayons X sur poudre qui
correspondent aux résultats de diffraction de rayons X sur poudre énoncés
dans la revendication du brevet ’606. Cet article est pertinent et est une
preuve concluante en ce qui concerne la question de l’antériorité, compte tenu
du critère établi dans Beloit Canada Ltd. et al. v. Valmet Oy (1986), 8
C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.). Cela suffit pour établir l’antériorité.
[114]
Le
juge de première instance et la Cour d’appel fédérale ont tous
deux considéré les modes de diffraction de rayons X sur poudre comme un
élément déliminant et essentiel de la revendication du brevet ’606. Aucune
preuve extrinsèque, d’expert ou autre, ne peut changer le libellé clair des
revendications. L’article d’Iwasaki établit des antériorités au brevet ’606.
[115]
Il
ne m’est pas nécessaire de formuler des commentaires sur les autres
antériorités citées par la défenderesse. La demande d’ordonnance d’interdiction
est rejetée pour ce qui est du brevet ’606.
v. Le brevet ’361
[116]
Le
brevet ’361 est intitulé [traduction]
« Forme cristalline 0 et forme cristalline II de la
clarithromycine et utilisation de ces formes ». Il comporte
68 revendications. Les revendications 1 à 7 sont des revendications
de procédé. Les autres revendications visent l’utilisation, les formes et les
compositions du médicament. La date de dépôt de ce brevet est le
19 décembre 1997 et il était accessible à l’inspection à compter du
23 juillet 1998. Le brevet a été délivré le 25 mai 2003. Il
s’agit d’un divisionnaire du brevet ’274 et il revendique une priorité sur la
demande de brevet américain 08/785,623 datée du 17 janvier 1997.
[117]
Les
demanderesses abordent la revendication 31 comme étant une revendication
représentative dans leur mémoire écrit, mais ont aussi abordé la
revendication 62 au cours de la plaidoirie.
[118]
La
première question à examiner est l’interprétation du brevet. Que signifient les
revendications 31 et 62?
[119]
Les
revendications 31 et 62 se lisent comme suit :
[traduction]
31. L’utilisation de la forme 0 d’éthanolate de la 6-O-méthylérythromycine A dans la préparation de la forme II de la 6-O-méthylérythromycine A pour obtenir un antibiotique.
62. L’utilisation de la forme 0 d’éthanolate de la 6-O-méthylérythromycine A, substantiellement dépourvue de la forme I de la 6-O-méthylérythromycine A, dans la préparation de la forme II de la 6-O-méthylérythromycine A, substantiellement dépourvue de la forme I de la 6-O-méthylérythromycine A et de forme 0 d’éthanolate de la 6-O-méthylérythromycine A, pour obtenir un antibiotique, dans lequel ladite forme 0 d’éthanolate de la 6-O-méthylérythromycine A est caractérisée par des pics dans le diffractogramme X sur poudres ayant les valeurs 2θ suivantes : 4,72° ±0,2, 6,60° ±0,2, 7,72° ±0,2, 9,30° ±0,2, 10,40° ±0,2, 11,10° ±0,2, 11,86° ±0,2, 12,72° ±0,2, 13,90° ±0,2, 15,02° ±0,2, 17,18° ±0,2, 18,50° ±0,2, 19,08° ±0,2, 19,68° ±0,2, 23,14° ±0,2, et 23,98° ±0,2 et ladite forme II de la 6-O-méthylérythromycine A est caractérisée par des pics dans dans le diffractogramme X sur poudres ayant les valeurs 2θ suivantes : 8,52° ±0,2, 9,48° ±0,2, 10,84° ±0,2, 11,48° ±0,2, 11,88° ±0,2, 12,36° ±0,2, 13,72° ±0,2, 14,12° ±0,2, 15,16° ±0,2, 16,48° ±0,2, 16,92° ±0,2, 17,32° ±0,2, 18,08° ±0,2, 18,40° ±0,2, 19,04° ±0,2, 19,88° ±0,2, et 20,48° ±0,2.
[120]
Selon
moi, le sens ordinaire des termes de la revendication 31 montre que cette
dernière revendique l’utilisation de la forme 0 pour fabriquer quelque
chose d’autre, c’est-à-dire la forme II.
[121]
La
revendication 62, selon le sens ordinaire de ses termes, revendique
l’utilisation du solvate de forme 0 dans la préparation de la
forme II substantiellement dépourvue de la forme I.
[122]
Le
premier argument soulevé par la défenderesse est que toutes les revendications
du brevet ’361 sont inadmissibles à une inscription au Registre des
brevets parce qu’elles revendiquent l’utilisation de la forme 0 en tant
qu’intermédiaire dans la préparation de la forme II. La défenderesse prétend
en second lieu que le brevet ’361 fait l’objet d’une antériorité et/ou
qu’il est évident compte tenu des antériorités, en particulier celles liées à
l’éthanol et les références sur le point de fusion.
[123]
Elle
soutient que la revendication 31 traite de l’utilisation de la
forme 0 dans la préparation de la forme II sans aucune autre étape
intermédiaire. De façon générale, la revendication 62 traite de la même
question. La défenderesse soutient que les termes de la revendication 31 [traduction] « pour obtenir un
antibiotique » ne sont pas essentiels à la revendication et que, de toute
façon, il n’est pas contesté que la clarithromycine est utile comme
antibiotique. En outre, la Cour d’appel dans Ratiopharm a conclu que la
forme 0 était ancienne et le juge Phelan a conclu que la
forme II était ancienne.
[124]
En
réponse, les demanderesses affirment que la Cour d’appel fédérale dans Ratiopharm
a déclaré de façon concluante que chacune des formes 0, I et II
constituait un médicament. Les demanderesses invoquent les paragraphes 5
et 6 de cette décision qui se lisent comme suit :
5. Abbott soutient avoir découvert trois formes de clarithromycine, qu’elle a baptisées respectivement « forme 0 », « forme I » et « forme II ». Il n’est pas contesté que la clarithromycine – qu’elle se présente sous la forme 0, la forme I ou la forme II – est un antibiotique et que chacune de ces formes de clarithromycine correspond à la définition que le Règlement AC donne du terme « médicament », ainsi libellée :
« médicament » Substance destinée à servir ou pouvant servir au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes.
"medicine" means a substance intended or capable of being used for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or the symptoms thereof.
6. Le produit à base de clarithromycine proposé par Ratiopharm contient la forme II. On s’accorde pour reconnaître que la forme 0 est produite au cours du procédé de fabrication de la forme I ou de la forme II. Cependant, la forme 0 produite de cette façon est instable, dans ce sens que si rien n’est fait, cette forme 0 se transformera en peu de temps en une forme différente de la clarithromycine. Il semblerait que la forme 0 n’ait pas été identifiée en tant que substance seule jusqu’à ce qu’elle soit stabilisée par des inventeurs dont les noms apparaissent dans le brevet 274.
[125]
Les
termes « revendication pour le médicament en soi », « revendication
pour l’utilisation du médicament » et « médicament » sont
définis à l’article 2 du Règlement AC, de la façon suivante :
2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement. « revendication pour le médicament en soi » S’entend notamment d’une revendication, dans le brevet, pour le médicament en soi préparé ou produit selon les modes du procédé de fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes. « revendication pour l’utilisation du médicament » Revendication pour l’utilisation du médicament aux fins du diagnostic, du traitement, de l’atténuation ou de la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes.
|
2. In these Regulations, "claim for the medicine itself" includes a claim in the patent for the medicine itself when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed or by their obvious chemical equivalents; "claim for the use of the medicine" means a claim for the use of the medicine for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or the symptoms thereof; |
[126]
L’article 4
du Règlement AC porte sur la liste des brevets et prévoit ce qui suit :
4.(1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d’avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l’égard de la drogue, accompagnée de l’attestation visée au paragraphe (7). (2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants : a) la forme posologique, la concentration et la voie d’administration de la drogue; b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l’égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l’inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l’utilisation du médicament, et qu’elle souhaite voir inscrit au registre; c) une déclaration portant, à l’égard de chaque brevet, que la personne qui demande l’avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l’inclure dans la liste; d) la date d’expiration de la durée de chaque brevet aux termes des articles 44 ou 45 de la Loi sur les brevets; e) l’adresse de la personne au Canada aux fins de signification de tout avis d’allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c), ou les nom et adresse au Canada d’une autre personne qui peut en recevoir signification avec le même effet que s’il s’agissait de la personne elle-même. |
4.(1) A person who files or has filed a submission for, or has been issued, a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine may submit to the Minister a patent list certified in accordance with subsection (7) in respect of the drug. (2) A patent list submitted in respect of a drug must (a) indicate the dosage form, strength and route of administration of the drug; (b) set out any Canadian patent that is owned by the person, or in respect of which the person has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list, that contains a claim for the medicine itself or a claim for the use of the medicine and that the person wishes to have included on the register; (c) contain a statement that, in respect of each patent, the person applying for a notice of compliance is the owner, has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list; (d) set out the date on which the term limited for the duration of each patent will expire pursuant to section 44 or 45 of the Patent Act; and (e) set out the address in Canada for service on the person of any notice of an allegation referred to in paragraph 5(3)(b) or (c), or the name and address in Canada of another person on whom service may be made, with the same effect as if service had been made on the person. |
[127]
Il ressort
clairement de la jurisprudence qu’un intermédiaire n’est pas une
« revendication pour le médicament en soi » ni une « revendication
pour l’utilisation du médicament ».
[128]
Dans
Deprenyl Research Ltd. et al. v. Apotex Inc. et al. (1984), 55 C.P.R.
(3d) 171 (C.F. 1re inst.) à la page 176, la Cour a déclaré
ce qui suit :
[traduction]
Par conséquent, l’expression « revendication pour le médicament en soi », dans le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) signifie une revendication pour le médicament en soi, dans le sens ordinaire et naturel des termes, et une revendication pour le médicament lorsqu’il est préparé en suivant un procédé particulier, dans le sens ordinaire et naturel des termes utilisés à l’article 2. Il n’y a rien dans le libellé de la loi qui suggère que l’expression vise également une revendication pour un procédé particulier utilisé pour produire un médicament. Une telle interprétation serait, selon moi, un élargissement injustifié du sens naturel des termes utilisés dans le Règlement.
[129]
Dans
Eli Lilly and Co. et al. c. Apotex inc. et al. (1996), 68
C.P.R. 2d 126 (C.A.F.), La Cour d’appel fédérale a formulé des commentaires sur
la définition de « médicament » à l’article 2 du Règlement AC, à
la page 128, qui se lisent comme suit :
[traduction]
La définition à l’article 2 du Règlement est claire et absolument sans équivoque : afin d’être un « médicament », une substance doit être destinée à servir ou être susceptible de servir à l’un ou plusieurs des usages médicaux précis énumérés. La transformation chimique ou la synthèse en une autre substance qui peut elle-même servir de médicament ne fait pas partie de ces usages. Le texte français de la définition est, si telle chose est possible, encore plus clair que le texte anglais puisqu’il met l’accent sur l’usage final pour lequel la substance elle-même doit être prévue afin de répondre à la définition.
[130]
Le cœur
de l’argument de la défenderesse, ici, est que les revendications 31 et 62
du brevet ’361 traitent de l’utilisation de la forme 0, non en tant
que médicament, mais en tant que produit utilisé pour fabriquer un autre
produit. Elle soutient que cette interprétation découle d’une simple lecture
du libellé des revendications et que les conclusions de la Cour d’appel
fédérale dans Ratiopharm ne régissent pas l’affaire qui nous occupe
puisque la Cour, dans cette affaire, examinait un brevet différent, comportant
des revendications différentes.
[131]
Dans
Bristol Myers-Squibb Co. c. Canada (Procureur général) (2005), 39 C.P.R.
(4th) 499 (C.S.C.), la Cour suprême a discuté de la portée et de la
fonction du Règlement AC et a fait remarquer que ce régime de réglementation
vise à accorder une certaine protection. Elle s’adresse aux personnes
qui utilisent l’invention brevetée. En l’espèce, l’« invention
brevetée » est la forme II fabriquée à partir de la forme 0.
[132]
Plus
récemment, dans AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé),
[2006] A.C.S. no 49, la Cour suprême du Canada a de nouveau
abordé l’objet du Règlement AC et a déclaré, au paragraphe 39, que le
paragraphe 5(1) du Règlement AC exige une « analyse portant sur
des brevets précis ». Bien qu’AstraZeneca ait porté sur la question
des « travaux préalables », je suis d’avis que la directive de mener
une analyse portant sur des brevets précis est également applicable en l’espèce.
Le brevet ’361 vise l’utilisation de la forme 0 en tant qu’intermédiaire,
non en tant que médicament. Le statut de la forme 0 comme médicament dans
un autre contexte ne change pas son statut en l’espèce.
[133]
Enfin,
en ce qui a trait à la décision de la Cour d’appel fédérale dans Ratiopharm,
je constate que la Cour a déclaré qu’Abbott avait défini le brevet ’361
« comme revendiquant une méthode de fabrication de la forme II à
partir de la forme 0 ». Cela signifie que, tout au moins devant la
Cour d’appel, les demanderesses ont défini le brevet ’361 comme un brevet
de procédé. Une telle revendication est inadmissible en vertu du Règlement AC.
[134]
En
conséquence, je conclus que les revendications pertinentes du brevet ’361 ne
remplissent pas les conditions d’admissibilité prévues pour figurer sur la
Liste des brevets. Cette question est concluante à l’égard du brevet ’361
et il n’est pas nécessaire d’examiner les autres arguments soulevés par les
parties.
IX. Conclusion
[135]
Pour
les motifs qui précèdent, la présente demande est rejetée.
[136]
La
présente demande était fondée sur un dossier confidentiel. La Cour a
demandé aux parties si elles voulaient que l’audience soit tenue à huis
clos et elles ont répondu que cela n’était pas nécessaire. Toutefois, afin
d’éviter que, par inadvertance, des renseignements confidentiels soient
divulgués, les présents motifs seront rendus sous le sceau de la
confidentialité. Les parties informeront la Cour dans les quinze (15) jours
qui suivront le dépôt des présents motifs.
[137] Les parties ont demandé à avoir la possibilité de soumettre des observations au sujet des dépens. À cet égard, les parties déposeront des observations, d’au plus cinq (5) pages, au plus tard le 26 janvier 2007.
« E. Heneghan »
Ottawa (Ontario)
Le 11 janvier 2007
COUR FÉDÉRALE
avocats inscrits au dossier
DOSSIER : T-1847-03
INTITULÉ : Abbott Laboratories et Abbott Laboratories Limited et le ministre de la Santé et Apotex Inc.
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Du 11 au 13 septembre 2006 et du 14 au 16 novembre 2006
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE HENEGHAN
DATE DES MOTIFS : Le 11 janvier 2007
COMPARUTIONS :
Du 11 au 13 septembre 2006 Andrew J. Reddon Steven G. Mason Andrew Mandlsohn Caroline Jacques (le 11 septembre 2006) Lisa Melanson (le 12 septembre 2006)
Du 14 au 16 novembre 2006 Andrew J. Reddon Steven G. Mason |
POUR LES DEMANDERESSES |
Du 11 au 13 septembre 2006 Andrew Brodkin Richard Neiberg Katherine Cornett Kitt Sinden
Du 14 au 16 novembre 2006 Andrew Brodkin Richard Neiberg Kitt Sinden |
POUR LA DÉFENDERESSE APOTEX INC. |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
McCarthy Tétrault LLP Toronto (Ontario)
|
POUR LES DEMANDERESSES |
Goodmans LLP Toronto (Ontario) |
POUR LA DÉFENDERESSE APOTEX INC. |