Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY
ENTRE :
et
ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), par suite d'une décision de M. Norman Morgan, premier secrétaire (l'agent des visas), établi aux Émirats arabes unis. Dans une lettre datée du 28 décembre 2005, l'agent des visas a conclu que le demandeur n'appartenait pas à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ni à la catégorie désignée des personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières.
LES POINTS LITIGIEUX
[2] L'agent des visas a‑t‑il tiré une conclusion de fait manifestement déraisonnable?
[3] Comme les motifs énoncés ci‑dessous l'expliquent, des conclusions de fait manifestement déraisonnables ont été tirées. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie.
HISTORIQUE
[4] Le demandeur est un citoyen somalien qui a fui, le 21 octobre 1996, l'agitation qui régnait dans son pays. Sa fuite l'a amené au Yémen le 5 novembre 1996, où il vit depuis lors en tant que réfugié.
[5] En 1999, le demandeur a épousé Hawa Ali Omar, au Yémen. Le 5 avril 2005, il a demandé à résider en permanence au Canada à titre de réfugié à l'étranger. Le nom de son épouse figure dans la demande. Le demandeur a eu une entrevue le 18 décembre 2005. Sa demande a été refusée par une lettre datée du 28 décembre 2005, de sorte que la Cour a été saisie de l'affaire.
LA DÉCISION VISÉE PAR L'EXAMEN
[6] En refusant la demande, l'agent des visas a conclu que le demandeur n'avait pas [traduction] « démontré [qu'il] crai[gnait] d'être victime d'une persécution individuelle précise en Somalie ou au Yémen ». En outre, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR) n'a pas reconnu le demandeur à titre de réfugié, et la présumée agression à laquelle se seraient livrés des soldats yéménites à l'endroit du demandeur ne démontrait pas qu'il était expressément ciblé.
[7] Le demandeur affirme avoir fait face à la persécution du fait de son appartenance à un clan, et parce qu'il avait épousé une femme appartenant à un clan différent et plus puissant que le sien. Il affirme que l'agent des visas a compris erronément qu'il venait d'un clan plus puissant que celui de sa femme et qu’en outre l'agent n'a pas reconnu le clan qu'il avait désigné comme le sien. Ce mariage exposerait les conjoints à un risque de persécution s'ils retournaient en Somalie, et les expose déjà à un risque au Yémen. De plus, le demandeur affirme que les Nations Unies l'ont reconnu à titre de réfugié pendant qu'il était au Yémen, en ce sens que sa femme et lui étaient tous deux en possession d'une carte d'identité cosignée par le HCR et par le gouvernement du Yémen, laquelle a été délivrée le 1er juillet 2002, sa date d'expiration étant le 31 décembre 2004.
ANALYSE
La norme de contrôle
[8] Les parties ne se sont pas penchées sur la norme de contrôle applicable à une décision discrétionnaire rendue par un agent des visas à l'égard de la détermination de l'appartenance à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou de l'appartenance à la catégorie désignée des personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières.
[9] Mon collègue le juge Edmond Blanchard a traité de cette question au paragraphe 22 de la décision Khwaja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 522, [2006] A.C.F. no 703 (C.F.) (QL), et j'adopte son analyse en entier :
[...] Dans la décision Ouafae c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 459, le juge Yves de Montigny a constaté que la Cour était divisée sur la question de savoir si c’était la norme de la décision raisonnable simpliciter ou celle de la décision manifestement déraisonnable qui s’appliquait aux décisions des agents des visas. Après avoir pris note de l’analyse pragmatique et fonctionnelle effectuée par le juge John O’Keefe dans le jugement Yin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 106 A.C.W.S. (3d) 726 (C.F. 1re inst.), le juge de Montigny a conclu que les décisions des agents des visas fondées sur des conclusions purement factuelles devaient être examinées en fonction de la norme de la décision manifestement déraisonnable, tandis que les décisions des agents des visas fondées sur l’application de faits à des normes juridiques appelaient l’application de la norme de la décision raisonnable. Le juge de Montigny a déclaré aux paragraphes 18 à 20 et 22 :
[18] La norme de contrôle applicable dans le cadre des décisions prises par les agents des visas ne fait pas l’unanimité et semble avoir donné lieu à des décisions en apparence contradictoires. Dans certains cas, on a retenu la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir, entre autres, Yaghoubian c. Canada (M.C.I.), [2003] CFPI 615; Zheng c. Canada (M.C.I), IMM‑3809‑98; Lu c. Canada (M.C.I.), IMM‑414‑99). Dans d’autres décisions, on a plutôt opté pour la norme de la décision manifestement déraisonnable (voir notamment Khouta c. Canada (M.C.I.), [2003] CF 893; Kalia c. Canada (M.C.I.), [2002] CFPI 731).
[19] Pourtant, si l’on y regarde de plus près, ces décisions ne sont pas irréconciliables. Si l’on en est arrivé à des conclusions différentes, c’est essentiellement parce que la nature de la décision faisant l’objet de révision par cette Cour peut varier selon le contexte. Ainsi, il va de soi que la norme de contrôle applicable à la décision discrétionnaire d’un agent des visas appelé à évaluer l’expérience d’un immigrant éventuel au regard d’une profession sera celle de la décision manifestement déraisonnable. Dans la mesure où la décision de l’agent repose sur un examen des faits, cette Cour n’interviendra pas à moins que l’on puisse démontrer que cette décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire.
[...]
[22] […] [C]ette Cour doit faire preuve de retenue lorsque la décision contestée est purement factuelle. [...]
Je souscris au raisonnement de mon collègue au sujet de la norme de contrôle applicable aux décisions des agents des visas.
[10] L'application de cette décision aux faits de la présente affaire montre que la décision de l'agent des visas est uniquement axée sur les faits. Cela étant, la Cour n'interviendra pas à moins qu'il ne puisse être démontré que la décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire.
Les conclusions de fait manifestement déraisonnables
[11] Le demandeur soutient que l'agent des visas a tiré deux conclusions de fait erronées : l'une à l'égard du risque personnalisé auquel il est exposé et l'autre concernant son statut de réfugié reconnu par le HCR.
(i) Le risque personnalisé
[12] L'agent des visas a conclu que rien ne montrait [traduction] « [que le demandeur crai[gnait] d'être victime d'une persécution individuelle précise en Somalie ou au Yémen ». La demande du demandeur mentionnait généralement les risques qui existaient si le demandeur devait retourner en Somalie, en particulier en réponse à la question 6A), où le demandeur a écrit ce qui suit :
[traduction] Q6A) La sécurité dans ce pays n'est pas encore offerte ou elle n'est pas certaine :
- le pays est encore sous la tutelle de certains chefs de guerre sans merci;
- nous ne croyons pas pouvoir être protégés par quelque groupe ou par quelque autorité que ce soit. La ségrégation est courante partout dans le pays.
Q6B) Je ne suis pas libre de travailler, d'étudier ou de voyager à ma guise dans ce pays; le droit commun du pays ne garantit pas ce genre de liberté.
[13] Et en réponse à une question portant sur le danger auquel il est exposé au Yémen, le demandeur a écrit ce qui suit :
[traduction] Q7. Je suis en danger, et diverses catégories d'organismes du pays me posent des problèmes à cause de l'absence de liberté de mouvement; si je me déplaçais, je serais arrêté par les autorités concernées, qui se livrent parfois à des agressions à notre endroit; ces organismes nous intimident et nous parlent parfois d'une façon que nous ne pouvons pas supporter.
[14] Toutefois, le demandeur a également signalé d'autres risques personnalisés, lorsqu'il a déclaré ce qui suit :
[traduction] Q9. Je tiens à vous dire, pour information, que dans mon pays d'origine (la Somalie), il y a maintenant divers comportements et diverses cultures qui, d'une façon ou d'une autre, se manifestent dans la collectivité, et ce, depuis de nombreuses années. Par le passé, aucun régime n'a mené une campagne pour enrayer ces comportements négatifs, qui sont encore bien vivants dans toute la collectivité somalienne; un grand nombre de gens ont été victimes de ces atrocités ou comportements, ce qu'on appelle la ségrégation dans la société. Nous tenons à vous informer honnêtement que je viens de ce genre de collectivité et que l'on nous regarde constamment avec dédain. Cela étant, nous, les mariés, venons d'un milieu où l'on favorise cette étrange coutume (un tel mariage est passablement rare), et si nous voulons retourner chez nous, il nous faut être prêts à mourir tous les deux. Même dans le pays d'accueil, nous faisons face à ce genre de ségrégation de la part des autres réfugiés somaliens.
[15] Avant l'entrevue, les notes suivantes avaient été consignées dans le STIDI, le 8 juin 2005 :
[traduction] Le DP déclare qu'il pourrait être exécuté en Somalie à cause de contraintes traditionnelles étant donné qu'il est marié dans un clan fort privilégié. Le DP déclare ne pas pouvoir retourner en Somalie à cause de l'absence de sécurité. On ne sait pas trop à quelle persécution le DP fait face en Somalie.
[16] Les notes consignées dans le STIDI relatent les propos suivants, qui ont été échangés lors de l'entrevue à laquelle l'agent des visas avait convoqué le demandeur, le 18 décembre 2005, au Yémen :
[traduction] RECEVABILITÉ
Le DP [le demandeur principal] appartient au clan Mardeban (à noter, il ne s'agit pas du clan Marehan), sous‑clan Omar Mohamed, sous‑sous‑clan Diya Nahir. Sa femme appartient au clan Ogaden, sous‑clan Reer Abdul. Le DP déclare avoir quitté Mogadiscio le 21 octobre 1996 après que les combats eurent éclaté. Il a déclaré qu'il n'était pas membre d'une milice et qu'il ne se mêlait pas de politique. Son père ne se mêlait pas de politique lui non plus.
Le DP est arrivé au Yémen le 8 novembre 1996.
Le DP a épousé sa femme au Yémen en 1999.
Lorsque je lui ai demandé pourquoi il ne pouvait pas retourner en Somalie, le DP a dit que c'était parce qu'il n'y avait pas de gouvernement et pas de lois et que l'ordre n'y régnait pas. Il n'a rien ajouté d'autre. J'ai ensuite posé des questions au DP au sujet de l'allégation selon laquelle il craint d'être persécuté parce qu'il vient d'un clan privilégié. Il n'a pas pu donner d'explications à ce sujet, mais l'interprète a dit séparément que le clan Mardeban est connu comme s'occupant de commerce.
[17] L'affidavit de l'agent des visas renfermait des explications additionnelles au sujet de cette conversation :
[traduction] 8. Lorsque j'ai demandé à M. Abdulle pourquoi il ne pouvait pas retourner en Somalie, il a dit que c'était parce qu'il n'y avait pas de gouvernement et pas de lois et que l'ordre n'y régnait pas. Je lui ai demandé s'il y avait d'autres raisons et s'il avait d'autres inquiétudes que je devrais noter. Il n'a rien ajouté d'autre en réponse à ces questions. J'ai ensuite posé à M. Abdulle des questions portant expressément sur l'allégation selon laquelle il craignait d'être persécuté parce qu'il venait d'un clan particulier, comme le mentionnait sa demande. Il n'a pas pu donner d'explications au sujet de cette déclaration. L'interprète m'a informé que le clan Mardeban est connu en Somalie comme s'occupant de commerce. Au cours de l'entrevue, M. Adbulle n'a jamais déclaré craindre d'être persécuté en Somalie parce qu'il avait épousé une femme d'un autre clan, et encore moins une femme venant d'un clan rival hostile.
(Voir l'affidavit de Norman Earl Morgan [l'agent des visas], paragraphe 8, page 3.)
[18] Lorsque l'avocat du demandeur, David Matas, l'a contre‑interrogé (par téléconférence), l'agent des visas a donné cette explication au sujet de la série de questions qu'il avait posées (page 7 de la transcription) :
[traduction] 13. Q. J'aimerais maintenant me reporter aux notes consignées dans le STIDI, à la page 44. Elles disent : « J'ai ensuite posé des questions au DP »; par « DP », je suppose que vous entendez le « demandeur principal », « au sujet de l'allégation selon laquelle il craint d'être persécuté parce qu'il vient d'un clan privilégié ».
R. Oui.
14. Q. « Il n'a pas donné d'explications à ce sujet. »
R. Oui, je l'ai devant moi.
15. Q. Je crois comprendre, d'après votre affidavit, que ce dont vous parlez se rapporte à quelque chose qui se trouve dans le Formulaire de renseignements personnels de M. Abdulle.
Eh bien, je devrais peut‑être vous demander à quoi cette question visait, en ce qui concerne l'allégation selon laquelle il craint d'être persécuté parce qu'il vient d'un clan privilégié? Qu'est‑ce que vous lui demandiez exactement?
R. Voyez-vous, comme je l'ai indiqué dans mes notes du STIDI, je lui ai demandé : « Veuillez me dire pourquoi vous craignez d'être persécuté en Somalie. » Il a donné une réponse fort générale, comme mes notes vous permettent de le constater : « Le DP a expliqué que c'était parce qu'il n'y avait pas de gouvernement et pas de lois et que l'ordre n'y régnait pas. » Et je lui ai en conséquence posé la question suivante : « Est‑ce tout? » Et l'interprète a traduit : « C'est tout. Il n'a rien d'autre à ajouter. »
Et ensuite, pour être absolument juste, pour encourager le demandeur à en dire davantage, au cas où il aurait oublié quelque chose, j'avais vu cela dans son FRP ainsi que dans les notes du STIDI qui avaient été préparées, les notes préparatoires rédigées par les agents d'immigration au Haut Commissariat du Canada, à Londres, lesquelles se trouvent ci‑dessus, où il était question de ce clan privilégié. Je ne voulais pas mettre des mots ou des idées dans la tête du demandeur. Toutefois, pour être absolument juste, j'ai dit : Eh bien, je vous ai déjà donné à deux reprises la possibilité de – ce n'est pas ce que je lui ai dit, je ne faisais qu'y penser, eh bien, je lui ai déjà donné à deux reprises la possibilité d'expliquer pourquoi il craint d'être persécuté en Somalie, je vais aller un peu plus loin, je vais même lui poser des questions sur ce clan privilégié au sujet duquel j'avais lu quelque chose et lui donner la possibilité de voir si cela entraînera une réponse quelconque, quelque chose que je peux utiliser dans mon évaluation. Et malheureusement, et bien, malheureusement pour lui, mais comme vous le savez, je consigne et je fonde mes évaluations et mes décisions en me fondant sur tous les faits et sur tous les renseignements qu'il me fournit et sur les faits dont je dispose, et il n'a pas pu fournir d'explications au sujet de cette déclaration.
[19] L'avocat du demandeur a ensuite demandé à l'agent des visas de commenter les notes du STIDI concernant la possibilité pour le demandeur d'être exécuté en Somalie à cause de son mariage (comme il en est ci-dessus fait mention). Il a également cité des passages du FRP portant sur le mariage du demandeur et sur son affiliation à un clan. Il a demandé à l'agent des visas de formuler des commentaires au sujet de la confusion apparente existant dans les déclarations, à savoir quel époux venait d'un clan privilégié : le demandeur ou sa femme. L'agent des visas a déclaré qu'il essayait de le savoir au moyen de la série de questions qu'il avait posées : [traduction] « Et pourtant, il n'y avait rien. Il n'y avait rien sur ce point. Il n'a pas répondu. Aucun détail, aucune explication n'ont été fournis à ce sujet. » L'agent des visas a en outre déclaré, lors du contre‑interrogatoire, que le demandeur n'avait rien fait pour corriger l'impression que c'était lui plutôt que sa femme qui appartenait à un clan privilégié. Les mots [traduction] « épousé d’un » ont ensuite été examinés parce qu'ils étaient ambigus (à savoir si c'était le demandeur ou sa femme qui venait d'un clan privilégié), et les mêmes mots figurent également dans l'addenda du FRP, dans le dossier du tribunal.
[20] L'agent des visas a ensuite parlé du clan auquel le demandeur affirmait appartenir et il a déclaré ne pas être capable de trouver quelque renseignement que ce soit à ce sujet. Il a ensuite dit que le présumé clan de l'épouse avait été privilégié, mais qu'il ne l'est peut‑être plus. Lorsqu'on a demandé à l'agent des visas s'il se pouvait qu'il ait mal compris le nom du clan du mari, il a répondu qu'il ne le croyait pas. L'autre nom mentionné était « Madhiban » au lieu de « Mardeban », soit le nom qu'il avait entendu. Le premier clan est connu comme un groupe qui a été persécuté, et des renseignements sont joints aux observations complémentaires du demandeur au sujet de ce clan.
[21] Dans l'ensemble, la preuve montre que l'agent des visas a vraiment tenté d'obtenir des renseignements du demandeur sur ce point. Toutefois, il existe certes de la confusion au sujet de la question de savoir qui appartenait au clan privilégié et à quel clan le mari affirmait appartenir. Fait encore plus important, la preuve concernant le risque qui existait, selon le demandeur, si celui‑ci devait retourner en Somalie, compte tenu de ce mariage, n'a pas été examiné, même si elle figure dans le FRP du demandeur et dans les notes consignées dans le STIDI. Je ne vois pas comment l'argument de l'agent des visas selon lequel aucun renseignement n'a été donné sur ce point peut être retenu puisqu'il a déjà été soulevé comme indication de l'existence d'un risque. Cela étant, je crois que l'affaire doit être renvoyée à un agent des visas différent pour réexamen. L'agent des visas n'a pas tenu compte d'une façon adéquate de l'assertion que le demandeur a faite au sujet du risque de persécution (s'il reste au Yémen ou s'il est renvoyé en Somalie) qui a été mentionné dans le FRP et dans les notes du STIDI. Pour ce seul motif, la demande devrait être renvoyée pour réexamen par un agent des visas différent.
(ii) Le statut de réfugié reconnu par le HCR
[22] Une autre question qui a été soulevée se rapporte à la conclusion de l'agent des visas selon laquelle le HCR n'avait pas reconnu le demandeur à titre de réfugié. Le demandeur affirme que la carte d'identité que le HCR lui a délivrée lui reconnaît le statut de réfugié. Le défendeur affirme de son côté que, même s'il s'agit d'une identification officielle du HCR, cela ne veut pas dire que le statut de réfugié a été reconnu.
[23] Dans son affidavit et pendant son contre-interrogatoire, l'agent des visas a expliqué en détail l'importance qui est accordée, selon ce qu'il croit comprendre, aux cartes et aux différents types de reconnaissance du statut de réfugié. Fondamentalement, même si le HCR peut, ainsi que le gouvernement du Yémen, reconnaître prima facie le statut de réfugié aux Somaliens et à certains autres étrangers à leur arrivée au Yémen, ces gens n'ont pas réellement été assujettis à la procédure de reconnaissance du statut de réfugié, dans le cadre de laquelle le HCR procède à une évaluation en vue de déterminer si ces gens sont visés par la définition « réfugié au sens de la Convention ». Cela étant, le fait qu'il peut y avoir reconnaissance prima facie du statut de réfugié n'entre pas en ligne de compte dans la décision de l'agent des visas canadien lorsque ce dernier cherche à savoir si un demandeur est visé par la définition « réfugié au sens de la Convention ».
[24] En outre, comme l'agent des visas le signale, le demandeur a répondu par la négative à la question 3C) de l'annexe 2 du FRP : « Avez‑vous déjà demandé le statut de réfugié au sens de la Convention auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR)? ».
[25] Bien qu’il semble contradictoire pour le demandeur d'affirmer que les conjoints ont demandé le statut de réfugié et qu'ils l'ont obtenu, l'agent des visas n'a pas tenu compte du fait que le demandeur et son épouse avaient tous deux en leur possession une carte d'identité cosignée du HCR et du gouvernement du Yémen. Il semble également que l'agent des visas se soit fondé sur des renseignements étrangers non accessibles au public pour conclure que le demandeur, même si le HCR lui avait délivré une carte d'identité, n'avait pas été reconnu par le HCR à titre de réfugié relevant de son mandat ou à titre de réfugié au sens de la Convention.
[26] Le demandeur propose la certification de la question ci‑après énoncée :
[traduction] Une personne qui est reconnue à titre de réfugiée au sens de la Convention par un État qui a adhéré à la Convention et au Protocole des Nations Unies relatifs au statut des réfugiés est‑elle également une réfugiée relevant du mandat du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés?
[27] Le défendeur s'oppose à la certification de cette question; il fait valoir que la présente affaire est axée sur les faits et que la question dont la certification est proposée n'est pas une question de portée générale, soit une caractéristique reconnue par la jurisprudence. Je suis d'accord.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée pour nouvel examen par un agent des visas différent. Aucune question n'est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Mario Lagacé, jurilinguiste
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : WINNIPEG (MANITOBA)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 7 DÉCEMBRE 2006
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : LE 18 DÉCEMBRE 2006
COMPARUTIONS :
David Matas |
POUR LE DEMANDEUR |
Nalini Reddy
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
David Matas Winnipeg (Manitoba) |
POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Winnipeg (Manitoba) |
POUR LE DÉFENDEUR
|