Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2006
En présence de Monsieur le juge Simon Noël
ENTRE :
Demandeur
et
JACQUES ROY, ès-qualités de syndic
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire du Procureur général du Canada à l’encontre de décisions disciplinaires complémentaires et continues, rendues les 3 décembre 2004 (en ce qui concerne le bien-fondé ou non d’infractions disciplinaires) et 31 janvier 2005 (la détermination de la sanction) par Me Lawrence Poitras, agissant en qualité de délégué du surintendant des faillites (« le délégué » ou « le délégué Poitras ») en vertu de l’article 14.01 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, c. B-3 (« la loi »), mettant en cause le défendeur, M. Jacques Roy, syndic (« le syndic »). De plus, cette Cour fait face à une demande de contrôle judiciaire additionnelle concernant les mêmes décisions et impliquant certaines des mêmes parties, mais initiée cette fois par le syndic (voir Jacques Roy c. Lawrence Poitras et Sylvie Laperrière, dossier T-360-05).
[2] Le délégué a conclu dans ces décisions que le syndic avait commis quatre (4) des quinze (15) infractions disciplinaires auxquelles il faisait face, dont certaines ont été retirées pendant l’audience. Par ailleurs, le délégué concluait que sept (7) autres manquements disciplinaires n’étaient pas fondés. En conséquence, une suspension de la licence du syndic d’une (1) semaine était appropriée. Pour les fins de la présente décision, j’utiliserai le mot « manquement », plutôt que le mot « infraction», un terme plus approprié selon les faits du présent dossier.
[3] Le Procureur général, par sa demande de contrôle judiciaire, demande la révision de la décision du délégué du rejet de ces (7) manquements prétendant qu’il s’agit d’une décision erronée en droit si l’on tient compte de l’interprétation à donner à certaines dispositions législatives et réglementaires.
I. Les Faits
[4] Depuis 1986, le syndic est détenteur d’une licence de syndic émise en vertu de la loi et il n’a aucun antécédent disciplinaire.
[5] Dans le cadre de l’administration des actifs de la faillite de Distribution Sunliner (1985) Inc. (« faillite Sunliner ») par le syndic, un des actionnaires, M. Paris, a demandé au Bureau du surintendant des faillites (« B.S.F. »), par lettre en date du 7 décembre 1995, une enquête « ...sur les agissements du syndic de faillite Jacques Roy ».
[6] Mme Josée Plourde (« Mme Plourde ») du B.S.F. se voit confier le mandat de faire suite à la demande d’enquête et elle produit un rapport factuel relatant certaines situations de faits touchant des dossiers particuliers de la faillite Sunliner. Dans une lettre envoyée au syndic le 9 mai 1997, Mme Plourde émet l’opinion suivante:
- l’administration de ce dossier semble être de façon générale conforme aux dispositions de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, aux Règles régissant la faillite et aux directives émises par le surintendant.
- … que les frais judiciaires ont été approuvés par les inspecteurs et taxés par le Tribunal. Quant aux honoraires et déboursés du syndic, nous nous en remettons au Tribunal qui vous accordera une rémunération juste et raisonnable selon les circonstances
(Dossier conjoint des parties, volume XI, onglet B-15, Lettre de Josée Plourde à Jacques Roy datée du 9 mai 1997)
[7] Le 23 juillet 1997, un jugement libérant le syndic de l’administration de la faillite Sunliner est signé par la Registraire adjointe. Dans les documents accompagnant la demande de libération on y retrouve un état définitif des recettes et des débours signé par le syndic en date du 19 novembre 1996.
[8] Le 8 juin 1999, Mme Plourde participe à une nouvelle rencontre en compagnie de M. Paris, M. Gallant et un représentant de la Gendarmerie Royale du Canada. Pendant cette rencontre, on discute de l’administration de la faillite Sunliner, de l’implication de M. Yves Lemaire (« M. Lemaire ») dans l’administration de la faillite, des montants reçus par la Banque Nationale et de l’encaissement de chèques émis par la compagnie BCL, certains desdits chèques ayant été encaissés par M. Lemaire.
[9] Le 10 juin 1999, étant donné ces nouveaux faits, le B.S.F. confie le dossier à M. Nolet de la section vérification. Un rapport est signé par ce dernier le 21 octobre 1999.
[10] Le 2 mars 2000, la directrice nationale intérimaire – Conformité et enquête –, Mme L. MacDonald, recommande au B.S.F. du district Québec de soumettre le syndic à un comité de discipline suite aux plaintes déposées par M. Paris considérant les « … éléments nouveaux … » découlant de la réunion du 8 juin 1999, la réponse du syndic et le rapport de vérification de M. Nolet.
[11] Dans le dossier de la faillite de Pierre-André Jacob (« faillite Jacob »), une plainte à l’endroit du syndic fut déposée le 24 novembre 1999 par un créancier impliqué dans la faillite. Ce dossier soulève la question d’une substitution de syndic, de la diligence à agir et de la vérification à donner au procès-verbal d’assemblée. Les faits seront discutés lors de l’analyse.
[12] Le 23 mars 2000, le B.S.F. confie à Mme Sylvie Laperrière, analyste principale de la conduite professionnelle (« l’analyste Laperrière »), le mandat d’enquêter sur la conduite professionnelle du syndic dans le cadre des dossiers des faillites Jacob et Sunliner.
[13] Le 17 avril 2001, Mme Laperrière signe son rapport. Il fut amendé le 2 novembre 2001. Dans son rapport, Mme Laperrière conclut que la conduite du syndic dans le cadre de l’administration des faillites Jacob et Sunliner justifiait le dépôt de quinze (15) manquements à la loi et/ou aux Règles sur la faillite et l’insolvabilité, C.R. 1978, ch. 368, (« les Règles ») ainsi qu’aux instructions émises par le surintendant de la faillite. Ledit rapport fut remis au surintendant afin qu’une audience ait lieu selon les articles 14.01 et 14.02 de la loi. Ce dernier déléguait ses attributions suivant les articles 14.01, 14.02 et 14.03 de la loi au délégué Poitras (le premier choix du surintendant décéda et par la suite le délégué Poitras fut choisi), le tout conformément au paragraphe 14.01(2).
[14] À l’automne 2004, le délégué présida l’audition disciplinaire des quinze (15) manquements allégués dont certains furent retirés pendant l’audition et finalement, n’en a retenu que quatre (4).
[15] Par ailleurs, le délégué, dans sa décision du 3 décembre 2004, conclut que sept (7) des autres manquements reprochés au syndic n’étaient pas fondés. Ils se lisent ainsi :
Dossier de la faillite Jacob
1) « Le syndic a signé un procès-verbal faux et trompeur sur le déroulement de l’assemblée du 7 octobre 1999 quant à sa confirmation à titre de syndic par l’assemblée et à l’omission d’indiquer la suspension de l’assemblée aux fins de procéder à certaines vérifications, contrevenant ainsi à l’article 13.5 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et à la Règle 45. »
Dossier de la faillite Sunliner
2) « Le syndic n’a pas obtenu la permission des inspecteurs pour vendre les comptes à recevoir à Isomur et accepter comme contre-partie une somme d’argent payable à une date future, contrevenant ainsi aux alinéas 30(1)(a) et (f) de la Loi. »
3) « Le syndic n’a pas obtenu la permission des inspecteurs pour employer un avocat pour déposer une requête en recouvrement de deniers contre Isomur et messieurs Rivard et Genest, contrevenant ainsi à l’alinéa 30(1)e) de la Loi »
4) « Le syndic n’a pas obtenu la permission des inspecteurs pour transiger sur la réclamation de 15 000$, plus les intérêts et l’Indemnité prévue, faite par l’actif contre Isomur suite au jugement du 4 janvier 1995, contrevenant ainsi à l’article 30(1)(i) de la Loi. »
6) « Le syndic a omis de conserver le registre du temps consacré à l’administration de l’actif pendant la période prescrite suivant la date de sa libération, contrevenant ainsi au paragraphe 26(2) de la Loi et à la Règle 65 (Règle 68(1) depuis le 30 avril 1998) »
8) « Le syndic a signé un relevé des recettes et déboursés en indiquant que tout l’actif avait été réalisé alors qu’il devait raisonnablement savoir que la perception du produit de la vente des comptes à recevoir n’était pas encore réalisée et il a ensuite signé une demande de libération appuyée par un affidavit inexact, contrevenant ainsi à l’article 13.5, aux paragraphes 41(1) et 152(1) de la Loi et aux Règles 45 et 64(2) (Règle 61(2) depuis le 30 avril 1998). »
9) « Le syndic a signé un relevé des recettes et déboursés en indiquant que tout l’actif avait été réalisé alors qu’il devait raisonnablement savoir que la réalisation des sommes à recevoir de BCL n’était pas complétée et il a ensuite signé une demande de libération appuyée par un affidavit inexact, contrevenant ainsi à l’article 13.5, aux paragraphes 41(1) et 152(1) de la Loi et aux Règles 45 et 64(2) (Règle 61(2) depuis le 30 avril 1998). »
Il est à noter que la numérotation des manquements suit celle utilisée par le délégué dans sa décision du 3 décembre 2004.
[16] En l’instance, par l’entremise d’une demande de contrôle judiciaire, le Procureur général demande la révision du rejet de ces sept (7) allégations de manquements qui apparaissent dans la décision du 3 décembre 2004.
II. Les questions en litige
[17] Tenant compte de ce qui est mentionné précédemment et de la connaissance que le soussigné a du présent dossier, les questions en litige à aborder sont les suivantes :
(1) Quelle est la norme de contrôle applicable pour chacune des questions en litige ci-après?
(2) Le délégué a-t-il erré dans son interprétation de la Règle 45 en concluant que « l’intention coupable » du syndic devait être prouvée pour conclure à un manquement disciplinaire?
(3) Le délégué a-t-il commis une erreur de droit en concluant que le syndic n’avait pas enfreint l’article 152 de la loi ni la Règle 45 en indiquant, dans son état définitif de recettes et débours relatif à la faillite de Sunliner, que tout l’actif avait été réalisé?
(4) Le délégué a-t-il commis une erreur de droit en concluant que l’article 30 de la loi n’imposait pas au syndic l’obligation d’obtenir la permission des inspecteurs avant de poser les actes qui sont énumérés à cet article?
(5) Le délégué a-t-il erré en droit en concluant que les feuilles de temps d’un syndic ne constituent pas des « documents de l’actif » au sens de l’article 26 de la loi?
III. Analyse
(1) Quelle est la norme de contrôle applicable pour chacune des questions en litige ci-après?
[18] Avant de procéder à l’analyse de chacune des questions en litige, il est important pour les fins de l’analyse, de cerner la ou les normes de contrôle applicables selon les questions en litige.
[19] Pour les raisons mentionnées dans le jugement impliquant certaines des mêmes parties portant le numéro T-360-05, aux paragraphes 19 et suivants, j’ai déjà conclu que la norme de contrôle applicable à un rapport disciplinaire et à la décision sur la sanction est celle de la décision raisonnable (voir aussi Sheriff c. Canada (Surintendant des faillites), 2005 CF 305, paragraphes 30 et 31). Pour en arriver à une telle conclusion, j’avais pris en considération l’objectif de la loi, le rôle du surintendant comme surveillant des syndics et de l’actif qui leur est confié, tout en tenant compte des questions que soulevaient ce dossier qui, à l’exception d’une question qui traitait que de faits (décision manifestement raisonnable), les autres questions étaient des questions mixtes de faits et de droit (décision raisonnable).
[20] Dans le cas de la présente demande de contrôle judiciaire, une étude des quatre (4) questions en litige me permet de constater que le Procureur général prétend, au sujet de chacune des questions, que le délégué a mal interprété certaines dispositions législatives et réglementaires et certaines des instructions du surintendant et qu’en conséquence, il a appliqué des principes de droit erronés. Donc, la matière ici en litige est de nature à soulever des questions de droit.
[21] Il est reconnu par la jurisprudence que les questions de droit font intervenir la norme de la décision correcte. Dans un dossier impliquant certaines des mêmes parties mais traitant de différentes questions de droit (l’étendue des garanties procédurales, l’impartialité et l’indépendance du système enquêtant sur la conduite des syndics de faillite), le juge Martineau en arrivait à la conclusion que la norme de la décision correcte s’appliquait (voir Sam Lévy & Associés Inc. c. Mayrand, 2005 CF 702, au paragraphe 27).
[22] Les procureurs du Procureur général plaident en ce qui concerne la cinquième question en litige que les feuilles de temps constituent des documents faisant partie des documents de l’actif et que bien qu’il s’agisse d’une conclusion de droit du délégué à l’effet que ces feuilles de temps ne font pas partie des documents de l’actif, un tel constat fait néanmoins appel à l’expertise du surintendant, donc la norme de contrôle devrait être celle de la décision raisonnable. À mon avis, ce que la cinquième question en litige met en cause est l’interprétation à donner à l’article 26 de la loi à savoir, est-ce que les feuilles de temps font partie des documents de l’actif? Il s’agit là d’une question de droit. Enfin, la norme de contrôle à appliquer est alors celle de la décision correcte.
[23] En l’espèce, pour chacune des questions en litige, la décision correcte sera la norme de contrôle utilisée.
(2) Le délégué a-t-il erré dans son interprétation de la Règle 45 en concluant que « l’intention coupable » du syndic devait être prouvée pour conclure à un manquement disciplinaire?
[24] Dans le cadre du dossier de faillite Jacob, l’analyste Laperrière, allégua que le syndic avait enfreint la Règle 45, qui se lit ainsi :
45. Le syndic ne signe aucun document, notamment une lettre, un rapport, une déclaration, un exposé et un état financier, qu’il sait ou devrait raisonnablement savoir être faux ou trompeur, ni ne s’associe de quelque manière à un tel document, y compris en y joignant sous sa signature un déni de responsabilité. [Je souligne] |
45. Trustees shall not sign any document, including a letter, report, statement, representation or financial statement that they know, or reasonably ought to know, is false or misleading, and shall not associate themselves with such a document in any way, including by adding a disclaimer of responsibility after their signature. [Emphasis added] |
[25] Le reproche de l’analyste était que le syndic avait signé un procès-verbal indiquant qu’il avait été confirmé comme syndic dans le dossier de faillite Jacob lors d’une assemblée en date du 7 octobre 1999 alors que tel n’était pas le cas. La preuve est contradictoire à ce sujet et le délégué ne tira aucune conclusion dans sa décision quant à savoir si oui ou non le syndic avait été confirmé comme syndic le 7 octobre 1999 dans le dossier de faillite Jacob.
[26] Toutefois, le délégué commenta, quant au fardeau de la preuve, qu’il était du devoir de l’analyste de prouver un manquement découlant de la Règle 45. Il s’exprimait alors de la façon suivante:
En vertu de notre jurisprudence, il incombait au surintendant des faillites de prouver que le syndic avait eu « l’intention coupable de tromper et de confectionner un faux document ». Nous sommes d’avis qu’il n’y a aucune preuve au dossier que le syndic voulait tromper quiconque ou de confectionner un faux document bien que les intéressés ne se soient pas entendus sur ce qui s’est produit aux assemblées en question. Cette plainte doit être rejetée.
(Dossier conjoint, volume I, onglet 2, Décision du délégué datée du 3 décembre 2004 à la page 3)
[27] Le Procureur général est de l’avis que ce type de raisonnement est erroné en droit. Selon lui, l’utilisation des mots « qu’il sait ou devrait raisonnablement savoir être faux ou trompeur » (en anglais : “that they know, or reasonably ought to know, is false or misleading”) énoncés à la Règle 45 n’exige pas la démonstration d’une intention de tromper.
[28] Pour expliciter l’argument, les avocats du Procureur général ont recours à de la jurisprudence traitant spécifiquement de l’interprétation à donner aux mots « sait ou devrait raisonnablement savoir » (en anglais : “he or she knows or reasonably ought to know”). Dans le cadre de contextes différents de celui du droit de la faillite et de la Règle 45, le juge Killeen, dans la décision Home Depot Inc. v. Fieder Painting Inc., [1995] O.J. No. 2263, précise que les mots « sait ou devrait raisonnablement savoir » n’incluent pas la notion de mens rea. Dans la décision Tam-Kal Ltd Ltd. V. Stock Mechanical, [1998] O.J. No. 4577, le juge Ground commentant le test exigé par les mots «sait ou devrait raisonnablement savoir » précisait que celui-ci était disjonctif à cause de l’utilisation du conjonctif « ou » et que la deuxième partie du test exigait une analyse objective quant à savoir ce qu’une personne raisonnable aurait dû savoir dans de telles circonstances. Donc, l’intention réelle de la personne en cause n’est pas requise.
[29] Le procureur du syndic fait remarquer que les mots «qu’il sait ou devrait raisonnablement savoir être faux ou trompeur» exige une connaissance de la part du syndic que le document à l’étude est faux ou trompeur. Il y a donc une exigence explicite de démontrer chez le syndic une intention coupable (mens rea) d’utiliser un document faux. Si la Règle 45 exige la connaissance de l’existence et l’utilisation d’un document faux ou trompeur par le syndic, il va de soi que l’intention coupable doit être prouvée.
[30] Pour étayer son argumentation, le procureur du syndic plaide que les notions associées aux mots « faux ou trompeur » contiennent une intention coupable de la part de la personne contre qui le reproche est fait. Si le législateur de la Règle n’avait pas voulu y inclure une telle exigence, il aurait plutôt utilisé les termes « erroné », « inexact », « incorrect », ou un synonyme de même nature, ce qui aurait éliminé tout doute quant à la nécessité de prouver l’intention coupable de l’individu présumé fautif.
[31] Selon le procureur du syndic, la jurisprudence établit que l’adjectif « faux » a souvent été associé à une intention coupable lorsqu’on était appelé à le définir ou à l’interpréter. Dans l’arrêt Dupont c. Brault, Guy O’Brien Inc., [1990] R.J.Q. 112 (C.A.), la Cour d’appel était saisie d’un pourvoi impliquant un courtier en valeurs mobilières accusé d’avoir fourni « des informations fausses et trompeuses » en contravention de la Loi sur les valeurs mobilières, L.R.Q, c. V-1.1, et elle fut appelée à se prononcer sur le sens à donner à l’adjectif « faux » aux pages 116 et 117 :
Je partage entièrement ce point de vue et j'ajouterai que la définition de l'adjectif « faux », au Vocabulaire Juridique de Cornu, retient la notion d'une « attestation intentionnellement inexacte ».
[32] Dans un autre arrêt de la Cour d’appel du Québec, Latulippe c. Desruisseaux [1986] R.J.Q. 1350 (C.A.), cette dernière était appelée à se prononcer sur la notion juridique du mot « faussement » associé à des services rendus par un médecin en contravention à la Loi sur l’assurance-maladie, L.R.Q., c. A-29, et elle explique à la page 1355 :
In requiring that the service be « faussement décrit » (falsely described) to constitute the offense, I find it difficult to see that the legislature could have contemplated anything other than an intentional misdescription on the part of a doctor. Perhaps the word “faussement” can have a neutral meaning in some other situations, when used in a penal statute, as it is here, the normal inference would be an intentional act.
(le jugement est disponible seulement en anglais)
[33] Maintenant, si l’on revient à la Règle 45, il est important de noter qu’elle fait partie du Code de déontologie des syndics s’apparentant à une disposition de droit pénal. Le Code de déontologie des syndics est une partie intégrante des Règles, notamment le Code est composé des articles 34 à 53 des Règles. À la Règle 34, il est précisé que:
34. Le syndic se conforme à des normes élevées de déontologie, lesquelles sont d’une importance primordiale pour le maintien de la confiance du public dans la mise en application de la Loi. |
34. Every trustee shall maintain the high standards of ethics that are central to the maintenance of public trust and confidence in the administration of the Act. |
[34] La Règle 45 énonce que les documents ne doivent pas être « faux » ou « trompeurs ». Il s’agit là de l’élément essentiel de cette règle.
[35] L’adjectif « faux » est défini dans le dictionnaire le Petit Larousse, 2006, comme étant:
1. Contraire à ce qui est vrai ou juste, à l’exactitude, à la logique. Addition fausse. Raisonnement faux. 2. Qui n’est pas justifié par les faits, qui est sans fondement. Fausse alerte…
Le mot « false» est défini dans la première édition du Concise Canadian Oxford Dictionnary, comme étant :
1. not according with fact; wrong, incorrect (false idea). 2. (a) spurious, sham, artificial (false gods, false teeth; false modesty) (b) acting as such; appearing to be such, esp. deceptively (false lining) … 5. deceptively (false advertising). 6. deceitful, treacherous, or unfaithful…
On a déjà vu que la définition donnée par le vocabulaire juridique Cornu au mot “faux” sous-entend l’intention.
[36] L’adjectif « trompeur » est défini dans le dictionnaire le Petit Larousse, 2006, comme suit :
Qui trompe, qui induit en erreur. Les apparences sont trompeuses. n. Litt., menteur, hypocrite.
Le qualificatif « misleading » est défini dans la huitième édition du Black’s Law Dictionnary, comme suit :
Delusive; calculated to be misunderstood.
En tenant compte de ces définitions, il me semble qu’est associé à un document trompeur ce qui induit en erreur par mensonges ou par d’autres moyens intentionnels et sous entend par le fait même l’élément d’intention sous-jacent.
[37] Il est aussi important de noter que la Règle 45, telle que libellée, crée une infraction ou un manquement par simple association à ce genre de document et qu’un déni de responsabilité inscrit audit document est sans effet.
[38] Les avocats du Procureur général prétendent que l’emploi des mots dans la Règle 45 « qu’il sait ou devrait raisonnablement savoir être faux ou trompeur » (en anglais « that they know or reasonably ought to know, is false or misleading ») n’exige pas la démonstration d’une intention de tromper pour le signataire du document. Pour eux, si une personne raisonnable aurait dû savoir que le document était faux ou trompeur, il y a contravention et ce, que l’on ait ou non démontré une intention réelle de tromper. Il s’agit d’un test objectif sans égard à l’intention réelle de la personne en cause.
[39] Ma lecture de la Règle me permet de constater que le syndic doit avoir une connaissance que le document signé est faux ou trompeur. Le libellé de la Règle lie le syndic avec le verbe savoir ou devrait raisonnablement savoir que le document est faux ou trompeur. L’adjectif « faux » ou « trompeur » sous-entend l’élément d’intention de savoir ou de devoir raisonnablement savoir que le document est faux ou trompeur. Je ne vois pas en quoi les mots « devrait raisonnablement savoir être faux ou trompeur » peuvent en soi éliminer la connaissance du syndic pour y établir un test objectif. L’intention du syndic de savoir ou de devoir raisonnablement savoir lorsqu’il signe un document faux ou trompeur m’apparaît être un élément essentiel permettant de conclure ou non au bien-fondé du manquement disciplinaire suivant le libellé de la Règle 45.
[40] La conclusion à laquelle le délégué en est arrivée, soit que la Règle 45 inclut l’intention coupable d’être associé à un document faux ou trompeur, est correcte. Sa conclusion à l’effet qu’il n’y a pas de preuve au dossier que le syndic avait l’intention de confectionner un document faux ou trompeur n’est pas remise en question. Elle est conforme au droit applicable et elle est correcte.
(3) Le délégué a-t-il commis une erreur de droit en concluant que le syndic n’avait pas enfreint l’article 152 de la loi ni la Règle 45 en indiquant, dans son état définitif de recettes et débours relatif à la faillite de Sunliner, que tout l’actif avait été réalisé?
[41] L’article 152 de la loi se lit ainsi:
152. (1) L’état définitif des recettes et des débours, préparé par le syndic, contient un relevé complet de toutes les sommes d’argent reçues par le syndic sur les biens du failli ou autrement, le montant des intérêts reçus par le syndic, toutes les sommes d’argent déboursées et les dépenses subies et la rémunération réclamée par le syndic, ainsi que tous les détails, la description et valeur de la totalité des biens du failli qui n’ont pas été vendus ou réalisés, en indiquant le motif pour lequel ces biens n’ont pas été vendus ou réalisés, ainsi que la façon dont il en a été disposé. [Je souligne] |
152. (1) The trustee’s final statement of receipts and disbursements shall contain a complete account of all moneys received by the trustee out of the property of the bankrupt or otherwise, the amount of interest received by the trustee, all moneys disbursed and expenses incurred and the remuneration claimed by the trustee, together with full particulars, description and value of all property of the bankrupt that has not been sold or realized, setting out the reason why the property has not been sold or realized and the disposition made thereof. [Emphasis added] |
[42] La Règle 45 se retrouve au paragraphe 24 de la présente décision. Les motifs en réponse à la question en litige précédente (voir paragraphes 24 à 40 de la présente décision), relatifs à l’interprétation de la Règle 45, notamment pour déterminer si l’intention coupable fait partie intégrante de la Règle 45, s’appliquent aussi à la présente question en litige. Il fut déterminé que l’intention coupable faisait partie de la Règle. Le délégué décida que bien que de l’information manquait à l’état définitif des recettes et débours et que l’actif n’avait pas été totalement réalisé conformément à la preuve, la responsabilité du syndic ne serait pas retenue étant donné qu’il n’y avait pas de preuve « d’intention de tromper ». Il ne reste qu’à traiter de l’allégation d’infraction reliée à l’article 152 de la loi.
[43] Le syndic signa l’état définitif des recettes et débours le 19 novembre 1996 dans lequel il indique que « tout l’actif a été réalisé » (Dossier conjoint, volume X, onglet 54, État définitif des recettes et des débours). Le document avait été approuvé par deux (2) inspecteurs.
[44] En date du 19 novembre 1996, un montant de 15 000,00$ n’avait toujours pas été récupéré de trois débiteurs (le montant de 15 000,00$ faisait partie de la conclusion d’un jugement en date du 4 janvier 1995 – voir Dossier conjoint, volume XI, onglet B-10, Rapport de Josée Plourde sur la faillite de Distribution Sunliner (1985) Inc.) et dans l’état définitif, le syndic n’a pas indiqué que ce montant n’avait pas été collecté et ce dernier n’a pas donné de motif expliquant l’état de la situation.
[45] En date du 19 novembre 1996, la compagnie BCL détenait toujours un montant de 17 660,97$ à remettre au syndic. Ce montant devait être payé lorsque la compagnie recevrait des paiements de certains débiteurs. Le syndic mandata M. Yves Lemaire de faire le suivi « … puisqu’il semblait qu’il faudrait un certain temps avant d’obtenir ces montants … » (Dossier conjoint, volume IX, onglet 4, lettre de Jacques Roy à Michael Luftglass datée du 19 novembre 1999 - Commentaires relatives au rapport de Louis Nolet, page 11). L’histoire du dossier révèle que trois (3) chèques furent émis par la compagnie BCL en avril 1997, février 1998 et en 2001, totalisant 10,178.20$, le solde du montant original ayant été compensé. Les deux (2) chèques de 1997 et 1998 furent encaissés par M. Lemaire bien qu’ils étaient au nom du syndic. Le troisième chèque fut encaissé par le syndic. Ces montants ont été remis à la Banque Nationale car elle détenait des droits et des sûretés de premier rang.
[46] Le délégué, dans sa décision du 3 décembre 2004 à la page 16, commentait la situation de la façon suivante :
Même si l’état des recettes et débours préparé par le syndic ne rencontrait pas entièrement les exigences de l’article 152(1) de la Loi sur la faillite, il n’a aucunement contrevenu à la règle 45 en vertu de laquelle le syndic aurait signé un document « qu’il savait ou devrait raisonnablement savoir être faux ou trompeur. »
Qu’en est-il de la contravention de l’article 152 de la loi constatée par le délégué?
[47] Le procureur du syndic plaide que l’enquête de 1995 par Mme Plourde du B.S.F. dévoile que les montants mentionnés aux paragraphes 44 et 45, non inclus à l’état définitif des recettes et débours, étaient connus. Le rapport de Mme Plourde (Dossier conjoint, volume XI, onglet B-10, Rapport de Josée Plourde sur la faillite de Distribution Sunliner (1985) Inc.) révèle que le montant de 15 000,00$ était toujours possiblement récupérable en date du rapport. Quant au montant de 17 660,97, dû par la compagnie BCL, je ne retrace pas dans le rapport de Mme Plourde de référence quant au statut de ce montant ni à l’entente du syndic avec M. Lemaire et la Banque Nationale. Donc, ces montants demeuraient pour le moment dans l’actif de la faillite et aucune référence ou explication n’y est faite dans l’état définitif des recettes et débours par le syndic.
[48] En plus, le procureur du syndic plaide que le dossier de faillite Sunliner a suivi les étapes des procédures et qu’en aucun temps il ne fut signalé qu’il y avait une anomalie identifiée à corriger. Les étapes suivies vont comme suit : l’enquête de Mme Plourde (y incluant sa lettre de satisfaction en date de mai 1997), l’ordonnance de taxation en date du 23 mai 1997, la libération du syndic, le programme d’intervention et l’explication des étapes à suivre et de la supervision du B.S.F. Le procureur plaide que si à une étape on avait émis la moindre réserve, « le syndic aurait pu présenter un relevé amendé ou modifié. » Pour le syndic, l’approbation par le séquestre officiel et le tribunal de l’état définitif des recettes et débours ainsi que la libération du syndic justifient une opposition de fin de non recevoir aux allégations de tels manquements. Dans la décision Sam Lévy & Associés Inc., précité, aux paragraphes 195 et 196, le juge Martineau répondait en partie à cet argument en commentant le paragraphe 48(1) de la loi :
[195] Bien que le paragraphe 41(8) de la Loi libère le syndic de tout acte ou manquement dans l’administration des biens du failli et en ce qui concerne sa conduite à titre de syndic, cette disposition ne doit pas viser la totalité des pouvoirs de surveillance du surintendant en vertu des articles 14.01 et suivants de la Loi. C’est en effet le surintendant qui détient le pouvoir exclusif de délivrer des licences de syndic et d’assujettir l’obtention de ces licences à certaines conditions.
[196] Par ailleurs, l’ordonnance de libération rendue par la Cour de faillite ne touche la conduite du syndic qu’à l’égard des tiers et de toute personne qui a un intérêt dans la faillite. À cet effet, la procédure de libération ne constitue pas une instance visant à examiner la conduite professionnelle d’un syndic et au terme de laquelle un syndic peut être condamné à une sanction disciplinaire. En effet, conclure autrement équivaudrait, en définitive, à reconnaître à la Cour de faillite le pouvoir de mettre les syndics de faillite à l’abri de toute sanction disciplinaire, ce qui serait une usurpation de la compétence exclusive du surintendant…
[49] La décision du délégué n’indique pas si un tel argument lui fut présenté en défense aux allégations. Les mémoires déposés par les parties ne révèlent pas si de tels arguments ont été abordés.
[50] Ceci dit, je ne peux que noter que le rapport de Mme Plourde indique que le montant de 15 000,00$ était toujours à l’étape de recouvrement en date de son rapport et que ce dernier ne discute pas du montant de 17 660,97$ dû par la compagnie BCL. Ce dernier montant a été en partie remboursé par l’entremise de trois (3) chèques émis au nom du syndic bien après la signature de l’état définitif des recettes et débours.
[51] L’affidavit du syndic à l’appui de sa demande de libération en date du 11 juillet 1997 atteste que:
Le relevé des recettes et déboursés annexé à ladite demande et marqué pièce A constitue un état exact et fidèle de l’administration de l’actif susmentionné et ledit relevé a été approuvé par les inspecteurs à la faillite et taxé par le Tribunal.
(Dossier conjoint, volume IX, onglet 55, Affidavit de la demande de libération du syndic daté du 11 juillet 1997)
[52] Le paragraphe 152(1) n’est pas ambigu. Il informe que l’état définitif des recettes et débours contient entre autres (nous le citons à nouveau étant donné son importance pour l’analyse):
152. (1) L’état définitif des recettes et des débours, préparé par le syndic, contient un relevé complet de toutes les sommes d’argent reçues par le syndic sur les biens du failli ou autrement, le montant des intérêts reçus par le syndic, toutes les sommes d’argent déboursées et les dépenses subies et la rémunération réclamée par le syndic, ainsi que tous les détails, la description et valeur de la totalité des biens du failli qui n’ont pas été vendus ou réalisés, en indiquant le motif pour lequel ces biens n’ont pas été vendus ou réalisés, ainsi que la façon dont il en a été disposé. [Je souligne] |
152. (1) The trustee’s final statement of receipts and disbursements shall contain a complete account of all moneys received by the trustee out of the property of the bankrupt or otherwise, the amount of interest received by the trustee, all moneys disbursed and expenses incurred and the remuneration claimed by the trustee, together with full particulars, description and value of all property of the bankrupt that has not been sold or realized, setting out the reason why the property has not been sold or realized and the disposition made thereof. [Emphasis Added] |
Force est de constater que pour les montants de 15 000,00$ et 17 660,97$, l’état définitif des recettes et débours du syndic en date du 19 novembre 1996 est totalement silencieux à leurs sujets et aucun motif ou explication n’y apparaît. Le délégué constata cette situation de faits mais ne conclua pas quant aux allégations de manquements du paragraphe 152(1) de la loi. Il s’agit d’une décision incorrecte. En conséquence, les deux allégations de manquements 8 et 9, (voir paragraphe 15 des présents motifs), doivent être retournées au délégué afin qu’il rende une nouvelle décision en tenant compte de l’article 152 de la loi.
(4) Le délégué a-t-il commis une erreur de droit en concluant que l’article 30 de la loi n’imposait pas au syndic l’obligation d’obtenir la permission des inspecteurs avant de poser les actes qui sont énumérés à cet article?
[53] L’article 30 de la loi stipule ce qui suit :
30. (1) Avec la permission des inspecteurs, le syndic peut: a) vendre ou autrement aliéner, à tel prix ou moyennant telle autre contrepartie que peuvent approuver les inspecteurs, tous les biens ou une partie des biens du failli, y compris l’achalandage, s’il en est, ainsi que les créances comptables échues ou à échoir au crédit du failli, par soumission, par enchère publique ou de gré à gré, avec pouvoir de transférer la totalité de ces biens et créances à une personne ou à une compagnie, ou de les vendre par lots; b) donner à bail des immeubles ou des biens réels; c) continuer le commerce du failli, dans la mesure où la chose peut être nécessaire pour la liquidation avantageuse de l’actif;
d) intenter ou contester toute action ou autre procédure judiciaire se rapportant aux biens du failli; e) employer un avocat ou autre représentant pour engager des procédures ou pour entreprendre toute affaire que les inspecteurs peuvent approuver; f) accepter comme contrepartie pour la vente de tout bien du failli une somme d’argent payable à une date future, sous réserve des stipulations que les inspecteurs jugent convenables quant à la garantie ou à d’autres égards; … i) transiger sur toute réclamation faite par ou contre l’actif; [Je souligne] |
30. (1) The trustee may, with the permission of the inspectors, do all or any of the following things: (a) sell or otherwise dispose of for such price or other consideration as the inspectors may approve all or any part of the property of the bankrupt, including the goodwill of the business, if any, and the book debts due or growing due to the bankrupt, by tender, public auction or private contract, with power to transfer the whole thereof to any person or company, or to sell the same in parcels; (b) lease any real property or immovable; (c) carry on the business of the bankrupt, in so far as may be necessary for the beneficial administration of the estate of the bankrupt;
(d) bring, institute or defend any action or other legal proceeding relating to the property of the bankrupt; (e) employ a barrister or solicitor or, in the Province of Quebec, an advocate, or employ any other representative, to take any proceedings or do any business that may be sanctioned by the inspectors; (f) accept as the consideration for the sale of any property of the bankrupt a sum of money payable at a future time, subject to such stipulations as to security and otherwise as the inspectors think fit; … (i) compromise any claim made by or against the estate; [Emphasis added]
|
[54] D’autres articles méritent d’être reproduits pour les fins de la présente question en litige :
19. (1) Le syndic peut, antérieurement à la première assemblée des créanciers, obtenir un avis juridique et prendre les procédures judiciaires qu’il peut juger nécessaires pour recouvrer ou protéger les biens du failli. (2) Dans un cas d’urgence où il est impossible d’obtenir des inspecteurs, en temps utile, l’autorisation requise pour prendre les mesures qui s’imposent, le syndic peut obtenir l’opinion d’un conseiller juridique, intenter les procédures judiciaires et prendre les mesures qu’il juge nécessaires dans l’intérêt de l’actif. [Je souligne] |
19. (1) The trustee may prior to the first meeting of creditors obtain such legal advice and take such court proceedings as he may consider necessary for the recovery or protection of the property of the bankrupt. (2) In the case of an emergency where the necessary authority cannot be obtained from the inspectors in time to take appropriate action, the trustee may obtain such legal advice and institute such legal proceedings and take such action as he may deem necessary in the interests of the estate of the bankrupt. [Emphasis added] |
31. (1) Avec la permission du tribunal, un séquestre intérimaire ou un syndic, avant la nomination d’inspecteurs, peut consentir des avances nécessaires ou opportunes, contracter des obligations, emprunter de l’argent et donner une garantie sur les biens du débiteur aux montants, selon les conditions et sur les biens que le tribunal autorise. Ces avances, obligations et emprunts sont remboursés sur les biens du débiteur et ont priorité sur les réclamations des créanciers. [Je souligne] |
31. (1) With the permission of the court, an interim receiver or a trustee, prior to the appointment of inspectors, may make necessary or advisable advances, incur obligations, borrow money and give security on the property of the debtor in such amounts, on such terms and on such property as may be authorized by the court and those advances, obligations and money borrowed shall be repaid out of the property of the debtor in priority to the claims of the creditors. [Emphasis added] |
38. (4) Lorsque, avant qu’une ordonnance soit rendue en vertu du paragraphe (1), le syndic, avec la permission des inspecteurs, déclare au tribunal qu’il est prêt à intenter les procédures au profit des créanciers, l’ordonnance doit prescrire le délai qui lui est imparti pour ce faire, et dans ce cas le profit résultant des procédures, si elles sont intentées dans le délai ainsi prescrit, appartient à l’actif. [Je souligne] |
38. (4) Where, before an order is made under subsection (1), the trustee, with the permission of the inspectors, signifies to the court his readiness to institute the proceeding for the benefit of the creditors, the order shall fix the time within which he shall do so, and in that case the benefit derived from the proceeding, if instituted within the time so fixed, belongs to the estate. [Emphasis added] |
117. (1) Le syndic peut convoquer une assemblée des inspecteurs lorsqu’il l’estime utile, et il doit le faire lorsque la majorité des inspecteurs l’en requiert par écrit. [Je souligne]
|
117. (1) The trustee may call a meeting of inspectors when he deems it advisable and he shall do so when requested in writing by a majority of the inspectors. [Emphasis added] |
[55] Il est reproché au syndic de ne pas avoir obtenu la permission des inspecteurs pour :
a) la vente des comptes à recevoir et l’acceptation comme contre-partie d’une somme d’argent payable ultérieurement en contravention des alinéas 30(1)a) et f) de la loi (manquement 2);
b) mandater un avocat à déposer une procédure en recouvrement d’actif en contravention de l’alinéa 30(1)e) de la loi (manquement 3);
c) transiger sur une réclamation de 15 000,00$ de l’actif allant ainsi à l’encontre de l’article 30(1)i) de la loi (manquement 4);
[56] Il est admis par le syndic qu’il n’a pas obtenu la permission des inspecteurs pour les deux premières allégations de manquements, la raison étant que selon lui, la permission n’était pas obligatoire étant donné l’état du droit sur cette question suivant les enseignements de la Cour suprême, de la Cour d’appel du Québec et de la Cour supérieure à l’effet qu’une telle autorisation n’est pas requise en vertu de la loi (Dossier conjoint, volume X, Témoignage du syndic aux pages 1239 à 1243).
[57] Quant à la troisième allégation de manquement, le syndic explique qu’il n’y a pas eu de véritable transaction avec Isomur, concernant le jugement de 15 000,00$, car il s’agissait plutôt d’envisager des saisies en mains-tierces par lesquelles le syndic envisageait la possibilité de saisir auprès de tiers les sommes que ces derniers devaient à certains défendeurs parties au jugement. Toutefois, la preuve révèle que le syndic est arrivé à une entente avec les défendeurs par laquelle ces derniers s’engageaient à payer 9 000,00$ plutôt que 15 000,00$ au syndic et à rétrocéder à ce dernie, un compte à recevoir de 6 031,00$, ledit compte faisant partie d’un contrat de vente de comptes à recevoir. Les inspecteurs n’ont pas donné leur autorisation à un pareil arrangement. Le délégué ne s’est pas prononcé sur cette question car il a décidé que la permission des inspecteurs n’était pas requise.
[58] À ce sujet, le délégué décidait de la nécessité ou non d’obtenir la permission des inspecteurs pour les trois (3) allégations de manquements de la façon suivante :
Le syndic a admis qu’il n’avait pas reçu la permission des inspecteurs pour autoriser la vente des comptes à recevoir en juillet 1994 …
….
De répliquer le procureur du syndic, la jurisprudence et les autorités conviennent que le syndic a le pouvoir absolu de vendre des actifs, de transiger dans le dossier de faillite et d’intenter des procédures judiciaires sans autorisation au préalable des inspecteurs mais que, dans l’éventualité où la décision prise par le syndic s’avérerait préjudiciable pour l’actif, le syndic s’expose à des recours personnels. Ainsi, le syndic n’avait aucune obligation légale d’obtenir une autorisation préalable des inspecteurs car l’absence de permission de ces derniers n’affectait aucunement la capacité du syndic d’agir.
Le procureur nous réfère aux autorités suivantes qui confirment sa prétention : …
La plainte est rejetée.
(Dossier conjoint, volume I, onglet 2, Décision du délégué datée du 3 décembre 2004)
[59] Une revue de ces autorités (voir annexe 1 de cette décision, il est à noter que l’annexe est constitué d’arrêts énumérés dans la décision du délégué en date du 3 décembre 2004 à la page 23) me permet de constater que le syndic est autorisé à agir sans la permission des inspecteurs et que l’acte (ou les actes) accompli par ce dernier ne peut pas être invalidé sur la base que la permission des inspecteurs n’avait pas été obtenue. Toutefois, on doit ajouter que certaines de ces autorités ont précisé que la permission était requise dans le but de protéger l’actif. À ce sujet, dans un arrêt de la Cour suprême, Brown c. Gentlemen [1971] R.C.S., à la page 511, le juge Spence écrivait : (Voir aussi Beliveau c. Mercure [1971] C.A. 309 à la page 313 où il est mentionné que l’objectif d’obtenir la permission des inspecteurs est de protéger la masse des créanciers):
L’article 19(1)d) de la loi (maintenant 30(1)d)) autorise le syndic à intenter une action avec la permission des inspecteurs mais le défaut d’obtenir telle permission ne peut être opposé comme moyen de défense à une action intentée par le syndic, cette disposition ne visant qu’à protéger l’actif quant à des questions de frais.
[Je souligne]
[60] Le syndic a la capacité d’agir, de signer des actes et d’ester en justice sans la permission des inspecteurs. Toutefois, la permission est utile pour protéger l’actif, la masse des créanciers, et sans avoir obtenu la permission, le syndic engage sa responsabilité personnelle.
[61] Dans le cas de la présente procédure, il ne s’agit pas tant de questionner la capacité du syndic ou encore la validité des actes posés (la vente de comptes recevables, l’utilisation d’un avocat pour déposer une procédure ou encore possiblement de transiger). La question est plutôt de se demander la chose suivante gardant à l’esprit que nous sommes en matière disciplinaire : est-ce que le syndic s’est conformé aux dispositions de la loi en n’obtenant pas la permission des inspecteurs pour poser les gestes et les actes mentionnés au présent paragraphe?
[62] Au paragraphe 14.01(1) de la loi, le législateur précise que l’objectif de l’enquête du délégué est de vérifier si le syndic:
14.01 (1) Après avoir tenu ou fait tenir une enquête sur la conduite du syndic, le surintendant peut prendre l’une ou plusieurs des mesures énumérées ci-après, soit lorsque le syndic ne remplit pas adéquatement ses fonctions ou a été reconnu coupable de mauvaise administration de l’actif, soit lorsqu’il n’a pas observé la présente loi, les Règles générales, les instructions du surintendant ou toute autre règle de droit relative à la bonne administration de l’actif… [Je souligne] |
14.01 (1) Where, after making or causing to be made an investigation into the conduct of a trustee, it appears to the Superintendent that (a) a trustee has not properly performed the duties of a trustee or has been guilty of any improper management of an estate, (b) a trustee has not fully complied with this Act, the General Rules, directives of the Superintendent or any law with regard to the proper administration of any estate, or … [Emphasis added] |
[63] L’article 30 de la loi énonce que le syndic peut agir en posant les actes énumérés « avec la permission des inspecteurs…». Dans notre cas, le syndic, pour les deux premières allégations de manquements, admet que la permission n’a pas été obtenue. Pour la troisième allégation, le syndic prétend qu’il n’y a pas eu de transaction donc, qu’il n’y avait pas lieu d’obtenir la permission des inspecteurs.
[64] Avant de conclure, je me permets de mentionner que la loi reconnaît l’importance des inspecteurs qui, d’une certaine façon, deviennent avec le syndic l’exécutif de l’assemblée des créanciers. Le législateur, tel que précisé aux paragraphes 53 et 54 de la présente décision, a voulu que ces inspecteurs soient impliqués de façon importante avec le syndic dans l’administration de l’actif. Faut-il le rappeler, le législateur ne parle pas pour rien dire. S’il exige explicitement que la permission des inspecteurs doit être obtenue en un nombre de circonstances données, il n’en est pas ainsi pour des raisons purement académiques.
[65] On se rappelle que la jurisprudence, tout en décidant que la permission des inspecteurs n’est pas requise, mentionnait tout de même que l’un des buts visés par le paragraphe 30(1) de la loi était de « protéger l’actif » et « la masse des créanciers ». À ce sujet, le surintendant a l’obligation statutaire de surveiller l’administration des actifs et des affaires régis par la loi (voir le paragraphe 5(2) de la loi). Pour assumer cette responsabilité, il doit s’assurer que les dispositions de la loi soient respectées par les syndics. Le juge Martineau, dans l’arrêt Sam Lévy & Associés Inc., précité, écrivait au paragraphe 10 que l’une des façons pour le surintendant d’assumer ses responsabilités était par l’octroi et la supervision des licences de syndic :
C’est donc par le biais du système de licences prévu par la Loi que l’inconduite, au sens large, d’un syndic est sanctionnée. À ce sujet, il faut entendre par inconduite toute violation ou tout manquement à la Loi, aux Règles générales (incluant le Code), aux instructions du surintendant ou à toute autre règle de droit relative à la bonne administration de l’actif (paragraphe 14.01(1) de la Loi).
Quant au rôle du surintendant, il le commente aux paragraphes 127 et 128 de la façon suivante :
[127] …Or, les décisions prises par le syndic en vertu de la Loi dans le cadre de l’administration des biens d’un débiteur insolvable ont en effet un impact direct sur les droits des créanciers. Aussi, il est clair que le Parlement a voulu assurer un haut niveau de protection des créanciers et de confiance du public dans le système de faillite et de cession de biens par un débiteur insolvable; d’où le rôle de surveillance exclusivement attribué par la Loi au surintendant…
[128] …Ceci étant dit, une fois que le surintendant a délivré une licence à un syndic, il doit veiller que ce dernier se conforme à la Loi, aux Règles générales, à ses instructions et à toute règle de droit applicable en l’espèce; …
[66] Je conclus en indiquant que selon le paragraphe 30(1) de la loi, la permission des inspecteurs est requise pour les actes énumérés au paragraphe 55 de cette décision. La décision du délégué, à l’effet que la décision n’était pas requise, est incorrecte si l’on prend en considération le rôle que doit jouer le surintendant et les obligations législatives qui incombent aux syndics. Pour les allégations de manquements 2 et 3 relativement au compte à recevoir et au service d’avocat pour dépôt de procédure, le dossier est retourné au délégué afin qu’il tienne compte des présents motifs.
[67] Pour la troisième allégation de manquement (manquement 4), le dossier est retourné au syndic afin qu’il se prononce quant à savoir s’il y avait transaction ou pas, tout en tenant compte de la position de l’analyste Laperrière et de celle du syndic et par la suite, s’il y a lieu, appliquer les dispositions découlant de l’alinéa 30(1)i) de la loi.
(5) Le délégué a-t-il erré en droit en concluant que les feuilles de temps d’un syndic ne constituent pas des « documents de l’actif » au sens de l’article 26 de la loi?
[68] L’article 26 de la loi prévoit ce qui suit :
26. (1) Le syndic tient des livres et registres convenables de l’administration de chaque actif auquel il est commis, dans lesquels sont inscrits tous les montants d’argent reçus ou payés par lui, une liste de tous les créanciers produisant des réclamations, en indiquant le montant de ces dernières et comment il en a été disposé, ainsi qu’une copie de tous les avis expédiés et le texte original et signé de tout procès-verbal, de toutes procédures entamées et résolutions adoptées à une assemblée de créanciers ou d’inspecteurs, de toutes les ordonnances du tribunal et toutes autres matières ou procédures qui peuvent être nécessaires pour fournir un aperçu complet de son administration de l’actif. (2) Les livres, registres et documents de l’actif concernant l’administration d’un actif sont considérés comme étant la propriété de l’actif et, advenant un changement de syndic, ils sont immédiatement remis au syndic substitué. |
26. (1) The trustee shall keep proper books and records of the administration of each estate to which he is appointed, in which shall be entered a record of all moneys received or disbursed by him, a list of all creditors filing claims, the amount and disposition of those claims, a copy of all notices sent out, the original signed copy of all minutes, proceedings had, and resolutions passed at any meeting of creditors or inspectors, court orders and all such other matters or proceedings as may be necessary to give a complete account of his administration of the estate. (2) The estate books, records and documents relating to the administration of an estate are deemed to be the property of the estate, and, in the event of any change of trustee, shall forthwith be delivered to the substituted trustee.
|
[69] La Règle 65 (maintenant la Règle 68) stipule ce qui suit :
65. À moins que le tribunal n’en ordonne autrement, un syndic doit conserver pendant au moins six (6) ans après la date de sa libération, les livres, registres et documents mentionnés au paragraphe 26(2) de la Loi. |
65. (1) Unless the court otherwise orders, the trustee who completes the administration of an estate shall keep, for not less than six years from the date of his discharge, the estate books, records and documents referred to in subsection 26(2) of the Act. |
[70] L’instruction 7 du surintendant aux paragraphes 5 et 6 précise les documents qui sont pertinents à préserver (Instruction 7 (pré-1992 mais toujours active), émise originalement le 19 juin 1986 et émise de nouveau le 10 janvier 1991) :
... 5. Les livres, registres et documents de l’actif concernant l’administration d’un actif mentionnés au paragraphe 26(2) de la Loi sont les documents produits pour ou par le syndic durant sa propre administration pour justifier ses décisions et démarches (le dossier d’administration du syndic).
6. Ceci consistera généralement en preuves de réclamations, avis divers aux créanciers, multiples rapports aux créanciers, au tribunal et au surintendant, la correspondance, les requêtes et les ordonnances, tous les procès-verbaux d’assemblées, les effets bancaires et les relevés comptables démontrant les entrées et dispositions de fonds ainsi que les pièces justificatives pour les divers déboursés. |
… 5. The books, records and documents pertaining to the administration of the estate referred to in subsection 26(2) of the Act are the documents generated for or by the trustee reflecting his decisions and actions in the administration (trustee’s own administration file).
6. This will generally involve the proofs of claims, the various notices to creditors, reports to creditors, the Court and the Superintendent, the correspondence, petitions and court orders, all minutes of meetings, the banking records and the accounting records showing the receipts and disbursements of the funds as well as the supporting documents for the various disbursements.
|
[71] Dans le présent cas, l’analyste Laperrière a reproché de ne pas avoir conservé pendant six (6) ans les feuilles de temps consacrées à l’administration de la faillite Sunliner.
[72] Le délégué conclua que les feuilles de temps ne faisaient pas partie des documents de l’actif :
Mais il n’y a rien dans la règle 65 ni aux articles 26(1) ou 26(2) de la loi qui permet d’affirmer que les feuilles de temps du syndic constituent un document de l’actif que le syndic est obligé de tenir. En d’autres mots, les feuilles d’un syndic de faillite ne sont nulle part visées au paragraphe 26(1). Ils (sic) constituent des documents personnels de travail au syndic par opposition aux relevés de recettes et déboursés qui affichent la rémunération demandée par le syndic et constituent des documents de l’actif.
[73] Le délégué ne traite pas de l’instruction 7. Toutefois, je note que l’allégation de manquement ne s’y réfère pas et que les procureurs ne m’ont pas informé si l’instruction avait été plaidée. De toute façon, elle ne change pas la détermination à venir.
[74] Les avocats du Procureur général ont plaidé que le relevé définitif des recettes et des débours, un document de l’actif, inclut au poste 17, la rémunération du syndic et qu’en conséquence, les feuilles de temps font aussi partie des documents de l’actif. Ils ajoutent que le relevé en soi ne donne pas plus d’information quant à la ventilation de ladite rémunération.
[75] Ici, il n’est pas question de savoir si des feuilles de temps doivent être utilisées par le syndic pendant son administration. En effet, le syndic a informé M. Nolet du B.S.F. lors de la vérification qu’il avait un rapport pour les travaux en cours dans le dossier de la faillite Sunliner, mais qu’après la taxation des honoraires, il s’en est départi (Dossier conjoint, volume IX, onglet 3, Dossier conjoint, volume IX, onglet 3, Rapport de vérification spéciale faillite de Distribution Sunliner (1985) Inc. daté du 21 octobre 1999 à la page 2010).
[76] Pour les fins de la présente, la question à répondre est la suivante : est-ce que les feuilles de temps font partie des documents de l’actif selon l’article 26 de la loi et en conséquence, doivent-elles être conservées pendant la période prévue à la Règle 65, notamment pour six (6) ans (maintenant quatre (4) ans)?
[77] La loi ne définit pas le terme « documents de l’actif ». Toutefois, une simple lecture de l’article 26 de la loi ne permet pas d’inclure dans le terme « documents de l’actif », les feuilles de temps du syndic. Elles ne sont pas ou ne s’apparentent pas à des livres ou des registres de l’administration de chaque actif, ni le sujet d’un avis expédié, un procès-verbal, une procédure, une résolution, une ordonnances du tribunal ou encore une matière pour fournir un aperçu complet de l’administration de l’actif. Il s’agit plutôt de documents personnels au syndic préparés dans le but de pouvoir chiffrer, s’il y a lieu, ses honoraires pour les fins de la taxation éventuelle ou encore d’une demande d’honoraire spéciale.
[78] Inclure les feuilles de temps dans « les documents de l’actif » comme le voudrait le Procureur général m’apparaît injuste puisque dans l’hypothèse où elles seraient manquantes cela équivaudrait de facto à un manquement disciplinaire. Si le surintendant est d’opinion que les feuilles de temps sont importantes à préserver, il peut avoir recours à son pouvoir d’instruction prévu aux alinéas 5 (4)c) et d) de la loi pour y insérer un pareil document.
[79] Tel que mentionné au paragraphe 73 des présents motifs, le délégué n’avait pas à se prononcer quant aux libellés des paragraphes 5 et 6 de l’instruction 7 du surintendant. En demande de contrôle judiciaire, je suis appelé à commenter les décisions prises par le délégué en tenant compte des éléments de preuve et des questions de droit qu’il avait devant lui. L’instruction 7 ne faisait pas partie de l’allégation du manquement 6 et pourtant sujet de la présente question en litige. À nouveau, pour fin de réflexion, l’instruction 7 pourrait certainement être plus explicite à savoir si le surintendant voulait inclure les feuilles de temps comme « documents de l’actif ».
[80] Tenant compte de l’article 26 de la loi et de la Règle 65, la décision du délégué de ne pas inclure les feuilles de temps comme « documents de l’actif » est correcte.
IV. Conclusion
[81] Pour les fins de la conclusion, je retourne le dossier au délégué pour qu’il rende une nouvelle décision en tenant compte des présents motifs à l’égard des allégations de manquements suivantes :
2) « Le syndic n’a pas obtenu la permission des inspecteurs pour vendre les comptes à recevoir à Isomur et accepter comme contre-partie une somme d’argent payable à une date future, contrevenant ainsi aux alinéas 30(1)(a) et (f) de la Loi. »
3) « Le syndic n’a pas obtenu la permission des inspecteurs pour employer un avocat pour déposer une requête en recouvrement de deniers contre Isomur et messieurs Rivard et Genest, contrevenant ainsi à l’alinéa 30(1)(e) de la Loi »
4) « Le syndic n’a pas obtenu la permission des inspecteurs pour transiger sur la réclamation de 15 000$, plus les intérêts et l’indemnité prévue, faite par l’actif contre Isomur suite au jugement du 4 janvier 1995, contrevenant ainsi à l’article 30(1)(i) de la Loi. »
8)« Le syndic a signé un relevé des recettes et déboursés en indiquant que tout l’actif avait été réalisé alors qu’il devait raisonnablement savoir que la perception du produit de la vente des comptes à recevoir n’était pas encore réalisée et il a ensuite signé une demande de libération appuyée par un affidavit inexact, contrevenant ainsi à l’article 13.5 aux paragraphes 41(1) et 152(1) de la Loi et aux Règles 45 et 64(2) (règle 61(2) depuis le 30 avril 1998). »
9) « Le syndic a signé un relevé des recettes et déboursés en indiquant que tout l’actif avait été réalisé alors qu’il devait raisonnablement savoir que la réalisation des sommes à recevoir de BCL n’était pas complétée et il a ensuite signé une demande de libération appuyée par un affidavit inexact, contrevenant ainsi à l’article 13.5 aux paragraphes 41(1) et 152(1) de la Loi et aux Règles 45 et 64(2) (règle 61(2) depuis le 30 avril 1998). »
En conséquence, la sanction à laquelle le délégué en est arrivée dans cette affaire doit être révisée en tenant compte de l’ensemble du dossier.
V. Les Frais
[82] La question des frais fut abordée, chaque partie en fait la demande. Toutefois, le procureur du syndic plaida que malgré la conviction profonde de son client qu’il existait des erreurs déterminantes au niveau des 4 manquements prononcés à son endroit, ainsi qu’à l’égard de la sanction imposée (sujet de la demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-360-05 initiée par le syndic), il avait proposé au Procureur général un désistement en autant que ce dernier fasse de même dans le présent dossier. Celui-ci refusa.
[83] Le procureur du syndic considère qu’il n’a pas à faire les frais « d’un débat de principe voulu et perpétué par l’autorité publique, qui dispose de ressources financières considérables et qui n’est exposé à aucun risque additionnel ». Dans l’hypothèse où la Cour conclut en faveur du Procureur général, il demande d’accorder aucun dépens car il est responsable de la poursuite des deux (2) instances. Toutefois, s’il a gain de cause, il demande les dépens.
[84] Tenant compte du résultat de la présente instance et selon le pouvoir discrétionnaire qui m’est accordé selon la règle 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, les dépens sont en faveur du Procureur général.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
- La demande de contrôle judiciaire est accordée et le dossier retourne au délégué pour qu’il rende une nouvelle décision au sujet des allégations de manquements suivantes :
2) « Le syndic n’a pas obtenu la permission des inspecteurs pour vendre les comptes à recevoir à Isomur et accepter comme contre-partie une somme d’argent payable à une date future, contrevenant ainsi aux alinéas 30(1)(a) et (f) de la Loi. »
3) « Le syndic n’a pas obtenu la permission des inspecteurs pour employer un avocat pour déposer une requête en recouvrement de deniers contre Isomur et messieurs Rivard et Genest, contrevenant ainsi à l’alinéa 30(1)(e) de la Loi »
4) « Le syndic n’a pas obtenu la permission des inspecteurs pour transiger sur la réclamation de 15 000$, plus les intérêts et l’indemnité prévue, faite par l’actif contre Isomur suite au jugement du 4 janvier 1995, contrevenant ainsi à l’article 30(1)(i) de la Loi. »
8)« Le syndic a signé un relevé des recettes et déboursés en indiquant que tout l’actif avait été réalisé alors qu’il devait raisonnablement savoir que la perception du produit de la vente des comptes à recevoir n’était pas encore réalisée et il a ensuite signé une demande de libération appuyée par un affidavit inexact, contrevenant ainsi à l’article 13.5 aux paragraphes 41(1) et 152(1) de la Loi et aux Règles 45 et 64(2) (règle 61(2) depuis le 30 avril 1998). »
9) « Le syndic a signé un relevé des recettes et déboursés en indiquant que tout l’actif avait été réalisé alors qu’il devait raisonnablement savoir que la réalisation des sommes à recevoir de BCL n’était pas complétée et il a ensuite signé une demande de libération appuyée par un affidavit inexact, contrevenant ainsi à l’article 13.5 aux paragraphes 41(1) et 152(1) de la Loi et aux Règles 45 et 64(2) (règle 61(2) depuis le 30 avril 1998). »
- Les dépens sont en faveur du Procureur général.
ANNEXE 1
- P.-E., Bilodeau, Précis de la faillite et de l’insolvabilité, Éditions Revue de droit de l’université de Sherbrooke, Sherbrooke, 2002, p. 39;
- J. Deslauriers, La Faillite et l’insolvabilité au Québec, Wilson & Lafleur Éd., Montréal, 2004, p. 386;
- In re Craig: Blais c. Shaw, [1968] B.R. 652;
- Brown c. Gentleman, [1971] R.C.S. 501, p. 511;
- Béliveau c. Mercure, [1971] C.A. 309;
- Masson c. Gingras, [1972] C.S. 634;
- In re International Bowling Construction Ltd.: Verroeulst c. Gaston, [1976] C.S. 344;
- Re Plourde: Marcoux c. Filion, (1979) 31 C.B.R. (n.s.) 308 (Qué. C.A.)
- Cie du Trust National Ltée c. Trottier, [1989] C.A. 1769.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-402-05
INTITULÉ : PGC c. JACQUES ROY
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTREAL
DATE DE L'AUDIENCE : 26 septembre 2006
MOTIFS DU JUGEMENT: L’Honorable Juge Simon Noël
DATE DES MOTIFS : le 17 novembre 2006
COMPARUTIONS :
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada
Téléphone: (613) 946-2776 Télécopie : (613) 952-6006 |
POUR LE DEMANDEUR |
Complex Guy-Favreau 200, René-Lévesque Blvd. Ouest Tour Est, 5e étage Montréal (Québec) H2Z 1X4
Téléphone: (514) 283-5115 Télécopie : (514) 283-3856 |
POUR LE DÉFENDEUR |