Date : 20061012
Référence : 2006 CF 1215
ENTRE :
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
TAXATION DES DÉPENS – MOTIFS
Officier taxateur
[1] La demande de contrôle judiciaire d’une décision du commissaire du Service correctionnel du Canada confirmant une décision antérieure de transférer le demandeur d’un pénitencier à sécurité moyenne à un pénitencier à sécurité maximale a été rejetée avec dépens. J’ai fixé un échéancier aux fins du règlement sur dossier du mémoire de dépens du défendeur.
I. Position du défendeur
[2] Le défendeur a allègue que le montant total de 3 263,29 $ réclamé pour les dépens est raisonnable et juste eu égard aux circonstances de la présente affaire, c.‑à‑d. la conclusion de la Cour suivant laquelle la décision de transférer le demandeur n’était pas manifestement déraisonnable. Même s’il est autorisé à le faire, le défendeur ne réclame pas d’honoraires d'avocat (taxation des dépens) au titre de l’article 26. En ce qui a trait au temps considérable consacré à la préparation et à la présentation des arguments de la présente affaire, compte tenu de la conduite du défendeur, aucune réduction des montants maximaux réclamés en honoraires d’avocat n’est justifiée en vertu de l’article 409 et des facteurs du paragraphe 400(3) des Règles. Le manque de ressources allégué par le demandeur n’est pas pertinent : voir Chaperon c. Canada, [1992] 3 C.F. D-9 (O.T.).
II. Position du demandeur
[3] Le demandeur a fait valoir, en application de l’article 409 et de l’alinéa 400(3)c) (importance et complexité), que les faits sous‑jacents, à savoir qu’il a purgé environ 20 ans de sa peine d’emprisonnement à perpétuité et qu’il n’a pas de date de libération, renforcent l’importance de la présente instance pour lui, soit pour confirmer la légalité de la décision de transfèrement en raison de son incidence négative possible sur les considérations de sa mise en liberté sous condition. Ainsi, le paragraphe [32] de la décision de la Cour, répertoriée à [2005] A.C.F. no 2136 (C.F.), confirmait que le transfèrement à la suite de certaines allégations de mauvaise conduite constituait une punition. L’avocat du défendeur est un avocat chevronné qui jouit d’une expérience considérable en matière de droit pénitentiaire et qui a donc traité la présente affaire avec facilité.
[4] Le demandeur a allégué, en application de l’alinéa 400(3)e) (offre écrite de règlement), que les circonstances en l’espèce écartaient la possibilité d’un terrain d’entente. Ainsi, au paragraphe [19] de la décision, la Cour fait mention du fait qu’il est passé d’un niveau de sécurité moyen à un niveau de sécurité maximum, de plusieurs rapports dignes de foi faisant état du fait qu’il était mêlé au trafic de drogue et de menaces proférées à la pointe d’une arme, du fait qu’il avait avoué que sa toxicomanie n’était plus maîtrisable et de ses antécédents. Le fait que le demandeur ait fait l’objet d’une procédure de grief et le fait que le défendeur n’ait pas tenu compte d’une recommandation interne visant à le réintégrer au niveau de sécurité moyen et ait plutôt décidé de procéder avec un grief modifié indiquent la volonté de ce dernier à trouver un terrain d’entente. En outre, la preuve révèle que le manque de moyens du demandeur ne l’a pas empêché d’offrir un remboursement de 2 $ toutes les deux semaines pour les dépens. En ce qui a trait à l’alinéa 400(3)h) (intérêt public), même si la Cour a conclu qu’il n’avait pas été traité de manière arbitraire, le fait qu’il ait été traité de façon inconsistante par les autorités fédérales était défendable et constituait une question d’intérêt public. Pour ces divers motifs, les montants maximaux réclamés au titre des honoraires d’avocat devraient être réduits aux montants minimaux autorisés par le tarif B.
III. Taxation
[5] Le demandeur ne s’est pas opposé au montant total de 1 073,29 $ réclamé pour les débours que j’estime raisonnable dans les circonstances et que j’autorise tel quel. Il en va de même pour les honoraires d’avocat au titre de l’article 25 (services rendus après le jugement). Dans Bow Valley Naturalists Society et al. c. Ministre du patrimoine canadien et al., [2002] A.C.F. no 1795 (O.T.), j’ai examiné la pertinence de l’intérêt public dans la taxation des dépens et j’ai conclu que l’application de l’article 409 et des facteurs du paragraphe 400(3) à l’intérêt de parties ayant obtenu gain de cause exigeait un exercice mûrement réfléchi du pouvoir discrétionnaire. Le fait qu’une condamnation aux dépens ne tienne pas compte de la considération particulière d’une partie déboutée relativement à la taxation des dépens en fonction de l’intérêt public ne m’empêche pas d’appliquer l’article 409 et l’alinéa 400(3)h) (intérêt public) en vue de réduire au minimum les dépens taxés. L’argument du demandeur est incontestable. Toutefois, rien ne laisse supposer que l’analyse et les conclusions de la Cour concernant le traitement qu’on lui a réservé en établissement pourraient toucher l’intérêt public, c.‑à‑d. en créant un précédent si convaincant que le traitement des prisonniers en sera grandement modifié dans l’avenir. Autrement dit, l’intérêt du demandeur dans la décision en l’espèce, à savoir un meilleur positionnement en vue d’une libération hâtive, était réellement important pour lui seul.
[6] La Cour ayant exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 400(1) des Règles pour adjuger les dépens, je ne crois pas que les difficultés financières entrent dans le champ de définition des mots « toute autre question » à l’alinéa 400(3)o), en tant que facteur pertinent et applicable par un officier taxateur, en vertu de l’article 409, en vue de réduire au minimum les dépens taxés dans un litige. De plus, je ne considère pas les offres de règlement comme un facteur, d’une façon ou d’une autre. Le demandeur avait purgé environ 20 ans d’une peine d’emprisonnement à perpétuité, incluant deux ans en isolement, et il était convaincu que la décision de le transférer nuirait considérablement à ses chances de mise en liberté sous condition. Comme il ne contestait pas une décision lui ayant refusé la libération conditionnelle, mais bien une décision susceptible d’être versée au dossier soumis aux responsables chargés d’analyser les propositions futures d’une mise en liberté sous condition ou d’être considérée comme un facteur dont ceux‑ci tiendront compte, je doute qu’il y ait bien des possibilités, si tant est qu’il y en ait, en l’espèce que les parties arrivent à un terrain d’entente. Même si je ne tiens pas compte, en l’espèce, de l’expérience de l’avocat du défendeur comme facteur pour réduire au minimum les dépens taxés, j’estime cependant que le facteur de la complexité devrait donner lieu à des honoraires d’avocat inférieurs aux montants maximaux autorisés par le tarif.
[7] J'ai conclu au paragraphe [7] dans Starlight c. Canada, [2001] A.C.F. no 11376 (O.T.) qu’il n'est pas nécessaire d’utiliser le même nombre d’unités pour chaque service prévu par le tarif, puisque chaque article correspondant aux services rendus par l’avocat est distinct et doit être évalué en fonction des circonstances qui lui sont propres. De plus, il se peut qu’il faille établir d’importantes distinctions entre le minimum et le maximum du barème offert. Les questions cernées au paragraphe [19] de la décision de la Cour, à savoir si la décision relative au transfèrement était manifestement déraisonnable et s’il avait été porté atteinte au droit à l’équité procédurale du demandeur, peuvent être difficiles à trancher. En l’espèce, la Cour a semblé avoir eu très peu de difficulté à parvenir à sa décision sur la foi du dossier dont elle disposait. Le nombre d’unités allouées pour les articles 2 (dossiers des intimés), 13a) (préparation de l’audience) et 14a) (présence à l’audience) (dont les échelles varient de 4 à 7 unités, de 2 à 5 unités et de 2 à 3 unités respectivement, suivant une valeur unitaire de 120 $) est établi à 5, 2 et 2 unités respectivement. Le mémoire de dépens du défendeur présenté à 3 263,29 $ est taxé et autorisé à 2 453,29 $.
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-138-05
INTITULÉ : KURT HIEBERT
c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER SANS COMPARUTION EN PERSONNE DES PARTIES
MOTIFS DE LA TAXATION
DES DÉPENS : CHARLES E. STINSON
DATE DES MOTIFS : LE 12 OCTOBRE 2006
OBSERVATIONS ÉCRITES :
John Dillon |
POUR LE DEMANDEUR
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Jeff Anderson |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
John Dillon Avocat Kingston (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous‑procureur général du Canada |