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Date : 20060928

Dossier : IMM-513-06

Référence : 2006 CF 1153

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2006

En présence de Madame le juge Tremblay-Lamer 

 

ENTRE :

GLORIA MONGOZA NAKATELITE

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande d’autorisation à l’encontre d’une décision de la section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal), selon laquelle la demanderesse, citoyenne de la République démocratique du Congo (la RDC), n’est pas crédible. Le tribunal a donc conclu que la demanderesse n’avait pas la qualité de « réfugiée » conformément à l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), ni celle de « personne à protéger » aux termes de l’article 97 de la Loi.

 

[2]               La demanderesse allègue être recherchée par des militaires dans le cadre des enquêtes sur l’assassinat du président congolais Laurent-Désiré Kabila. Plus précisément, la demanderesse allègue que son oncle, M. Razzak, est recherché par les autorités de la RDC depuis janvier 2001 puisqu’il est soupçonné d’avoir des liens de complicité avec l’assassinat du président Kabila.

 

[3]               La demanderesse prétend avoir ainsi quitté la RDC à la suite de l’arrestation, en juillet 2003, de son frère accusé également d’avoir hébergé des rebelles et d’avoir des liens de complicité avec l’assassinat du président Kabila en raison de son lien familial avec M. Razzak.

 

[4]               Après avoir évalué l’ensemble de la preuve soumise, le tribunal n’a pas cru à la crainte de persécution alléguée par la demanderesse pour trois raisons principales. Premièrement, le comportement de la demanderesse était incompatible avec la crainte alléguée en ce qu’elle est passée dans deux pays signataires de la Convention, à savoir la Côte d’Ivoire et le Maroc, sans demander l’asile. Deuxièmement, M. Razzak ne se retrouve pas sur la liste des personnes condamnées alors que tous les présumés assassins du président Kabila, incluant même ceux qui étaient absents, ont été condamnés en janvier 2003. De plus, le tribunal a trouvé invraisemblable que les autorités congolaises lui auraient livré un passeport alors qu’elle prétend être recherchée par ces dernières.

 

[5]               Il est très bien établi que la norme de contrôle pour des décisions touchant à la crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable. « La décision manifestement déraisonnable a été décrite comme étant « clairement irrationnelle » ou « de toute évidence non conforme à la raison »: Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 52. En l’espèce, la seule question en litige est de déterminer si la conclusion d’absence de crédibilité du tribunal est manifestement déraisonnable.

 

[6]               La demanderesse soutient d’abord que le tribunal a erré en tirant une inférence négative de son défaut d’avoir demandé l’asile dans les pays signataires de la Convention et subsidiairement, qu’elle aurait dû être interrogée sur les raisons pour lesquelles elle n’avait pas demandé l’asile dans ces pays. Or, il est bien reconnu par cette Cour que, bien que ce facteur ne soit pas déterminant, le tribunal est en droit de tenir compte, dans l’appréciation de la crédibilité du récit, du défaut d’un demandeur d’asile de revendiquer dans les pays signataires de la Convention : Ilie c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), F.T.R. 220 (C.F. 1er inst.); Ali c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 112 F.T.R. 9 (C.F. 1er inst.); Skretyuk c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998) 47 Imm. L.R. (2d) 86 (C.F. 1er. inst.); Foka c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1556, [2004] A.C.F. no 1887 (QL).

 

[7]               La demanderesse fait remarquer à la Cour dans son mémoire que c’est la deuxième fois qu’elle doit s’adresser à la Cour pour faire réviser judiciairement une décision négative concernant sa demande de protection.

 

[8]               Celle-ci prétend que le tribunal a répété la même erreur qu’il avait commise lors de la première décision en ce que le tribunal ne pouvait tirer d’inférence négative du fait que le nom de M. Razzak ne se retrouvait pas sur la liste des accusés.

 

[9]               Le défendeur soutient que la liste à laquelle le présent tribunal administratif réfère dans ses motifs n’est pas celle dont la juge Gauthier s’est référée dans son jugement. En effet, la juge Gauthier a conclu que le tribunal avait commis une erreur en tirant une inférence négative du fait que le nom de M. Razzak ne se retrouvait pas sur la liste des gens qui avaient été arrêtés puisque l’oncle de la demanderesse n’avait jamais été arrêté, étant toujours recherché. Dans le présent dossier, le tribunal a tenu compte non pas de la liste des gens arrêtés mais plutôt celle des condamnés en se basant sur la preuve documentaire qui faisait état du fait que tous les présumés assassins du président Kablia, même ceux qui étaient absents, avaient été condamnés « par contumace » le 21 janvier 2003.

 

[10]           Dans ces circonstances, le tribunal pouvait à juste titre tirer une inférence négative quant à la crédibilité du récit de la demanderesse du fait que le nom de son oncle, M. Razzak, ne se retrouvait pas sur la liste des condamnés (Adu v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1995] A.C.F. no 114 (C.A.)(QL)).

 

[11]           Quant à son passeport, la demanderesse allègue que la conclusion du tribunal ne repose que sur sa propre opinion et qu’aucune preuve ne l’appuie. Or, la preuve documentaire (pièce 2.7) rapportait ce qui suit :

Les deux interlocuteurs ont signalé que même dans le cas du passeport ordinaire, il est impensable, sans prendre de risques élevés, de se présenter auprès des autorités gouvernementales pour demander le passeport d’une autre personne qui est recherchée par les forces de sécurité.

 

[12]           Ainsi, la conclusion du tribunal qu’il était invraisemblable que les autorités auraient livré un passeport à la demanderesse alors qu’elle prétend être recherchée était appuyée par la preuve documentaire et ne peut donc être caractérisée comme étant manifestement déraisonnable.

 

[13]           La demanderesse allègue également que le tribunal a omis de considérer l’une des raisons qui lui faisait craindre un éventuel retour en RDC, à savoir l’évasion de son frère et de sa sœur qui sont eux aussi vraisemblablement recherchés. À cet égard, la demanderesse soutient que le tribunal a erré en ne faisant aucune référence au témoignage de sa sœur puisque ce témoignage était corroborant et que l’histoire relatée par la sœur avait fait l’objet d’une décision positive de la part de la CISR.

 

[14]           En réponse, le défendeur soutient que le tribunal n’ayant pas cru à l’allégation centrale de la demande d’asile de la demanderesse, à savoir que M. Razzak était recherché, il n’avait pas à élaborer davantage sur les autres allégations puisqu’elles découlaient de l’allégation principale. En effet, la demanderesse a allégué que sa sœur et son frère avaient été détenus en raison de leur lien familial avec M. Razzak.

 

[15]           Je suis d’accord avec le défendeur. Étant donné les conclusions du tribunal quant à l’oncle de la demanderesse, ce dernier n’était pas obligé de faire une analyse de l’évasion de son frère et de sa sœur puisque leur histoire repose sur leur lien familial avec M. Razzak.

 

[16]           Quant aux trois lettres déposées en preuve par la demanderesse pour démontrer qu’elle s’était cachée durant la période de deux ans qui a suivi l’arrestation de sa sœur, la conclusion du tribunal à l’effet que ces lettres ne pouvaient établir qu’en 2003 la demanderesse avait une crainte bien fondée, ne peut être qualifié de clairement « irrationnelle » ou de « non conforme à la raison » de sorte qu’elle n’est pas manifestement déraisonnable. Je rappelle, qu’il n’appartient pas à la Cour de réévaluer les éléments de preuve dont disposait le tribunal au motif qu'elle serait arrivée à une conclusion différente.

 

[17]           Par conséquent, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-513-06

 

INTITULÉ :                                       GLORIA MONGOZA NAKATELITE

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 septembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 septembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michel LeBrun

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Suzon Létourneau

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michel LeBrun, avocat

6981 Marie Guyart

Montréal (Québec)

H8N 3G9

 

 

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur general du Canada

Montréal (Québec)

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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