Ottawa (Ontario), le 7 septembre 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile de la demanderesse, qui était fondée sur l’allégation selon laquelle elle était une femme victime de violence. Les motifs invoqués pour ce rejet étaient qu’elle n’avait pas raison de craindre d’être persécutée et qu’elle n’avait pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État à Trinité‑et‑Tobago, son pays de citoyenneté. Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision de la Commission.
II. Les faits
[2] Le fondement de la demande de la demanderesse est le fait qu’elle craignait sa belle‑famille qui lui reprochait le décès de son ex‑mari. Ella a également prétendu s’être plainte à la police, sans que rien ne soit fait. La demanderesse n’a présenté aucune preuve matérielle à l’appui de son affirmation selon laquelle elle avait porté plainte.
[3] La Commission a tiré trois conclusions déterminantes :
· que la demanderesse n’était pas un « un témoin généralement crédible et digne de foi », du fait du comportement qu’elle avait affiché durant son témoignage (elle n’était pas « ouverte et convaincante ») et de son omission de produire des documents ou d’expliquer de façon raisonnable pourquoi elle ne l’avait pas fait;
· que la demanderesse n’avait pas véritablement de crainte d’être persécutée en raison du temps qui s’est écoulé avant son départ de Trinité, de son omission de présenter une demande lors de son séjour antérieur au Canada qui a duré deux ans et de son retour subséquent à Trinité;
· que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État et n’avait pas pris les mesures raisonnables pour se prévaloir de cette protection.
[4] Dans le cadre du présent contrôle judiciaire, la demanderesse a soulevé les questions suivantes :
a) La conduite de la Commission au cours de l’audience soulève‑t‑elle une crainte raisonnable de partialité?
b) La Commission a‑t‑elle commis une erreur susceptible de révision dans son appréciation de la crainte subjective alléguée par la demanderesse?
c) La Commission a‑t‑elle commis une erreur susceptible de révision en tirant sa conclusion quant à la disponibilité de la protection de l’État?
III. Analyse
[5] Les allégations de partialité étaient fondées sur le sentiment qu’elle avait éprouvé au cours de son témoignage d’être bousculée et sur le fait que, à quelques reprises, le commissaire l’avait interrompue pendant qu’elle répondait aux questions.
[6] L’allégation de partialité (ou de crainte raisonnable de partialité) est une question sérieuse qui doit être clairement établie. Cette prétention n’est aucunement fondée. La transcription ne révèle rien de plus qu’un interrogatoire normal; la conduite du commissaire n’était aucunement agressive ou injustifiable.
[7] La décision de la Commission concernant la crainte subjective est fondée sur son appréciation de la crédibilité de la demanderesse. Une conclusion quant à la crédibilité commande un niveau élevé de retenue (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)).
[8] Ce que la demanderesse conteste dans la décision de la Commission, ce sont ses conclusions quant à la crédibilité. Les conclusions de la Commission selon laquelle la demanderesse n’avait pas donné d’explication raisonnable relativement à son omission de fournir une preuve documentaire ou à celle de se prévaloir de la protection lors de son premier séjour au Canada sont fondées sur la conclusion tirée par la Commission quant à la crédibilité.
[9] La Cour n’a pu trouver aucun fondement lui permettant de conclure que la décision que la Commission avait rendue au sujet de la crédibilité était manifestement déraisonnable.
[10] En ce qui concerne la question de la protection de l’État, la Commission n’a manifestement pas cru la demanderesse lorsque celle‑ci a affirmé dans son témoignage qu’elle avait porté plainte à la police. La Commission a également tenu compte des structures mises en place à Trinité‑et‑Tobago afin d’offrir la protection de l’État aux femmes victimes de violence.
[11] La Commission a aussi examiné la question de savoir s’il y avait une « vraisemblance » concernant ces structures, de sorte qu’il serait raisonnable de conclure à la présomption de l’existence de la protection de l’État.
[12] La demanderesse a soulevé la question de la norme de contrôle appropriée en ce qui a trait à la question de la protection de l’État. À mon avis, la norme dépend de la question accessoire particulière à examiner.
[13] Lorsqu’elle a conclu que la demanderesse ne s’était pas prévalue de la protection de l’État, la Commission a tranché la question en se fondant sur la crédibilité du récit de la demanderesse selon quoi elle s’était plainte à la police et qu’elle ne pouvait pas se payer les services d’un avocat pour l’aider dans ses démarches auprès d’autres organisations pouvant offrir la protection de l’État. Puisqu’il s’agit d’une question de fait et de crédibilité, la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable.
[14] L’appréciation du caractère adéquat de la protection de l’État est généralement une question mixte de droit et de fait pour laquelle la norme est celle de la décision raisonnable simpliciter.
[15] La demanderesse a invoqué les décisions de la Cour dans les affaires Mitchell c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 133; [2006] A.C.F. no 185 (QL), et Simpson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 970; [2006] A.C.F. no 1224 (QL). On peut facilement faire une distinction d’avec ces affaires, parce que dans les deux cas, il y avait un élément de preuve selon lequel un représentant du gouvernement jamaïcain, responsable des questions préoccupant les femmes, affirmait qu’en Jamaïque, on ne pouvait pas protéger les femmes face à la violence familiale. Dans les deux cas, on n’avait tenu aucun compte de cet élément de preuve.
[16] En l’espèce, il n’y a aucune admission de la sorte à l’égard de Trinité‑et‑Tobago. En outre, il n’y a aucune preuve ni aucun fondement donnant à penser que la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’il y existait des éléments de preuve en faveur et d’autres à l’encontre de la protection de l’État.
[17] Dans ces circonstances, il n’y a aucune raison d’infirmer les conclusions de la Commission concernant la protection de l’État.
[18] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question n’a été soumise en vue de la certification.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE QUE la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7223-05
INTITULÉ : JUNE RAMKISSOON
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 5 SEPTEMBRE 2006
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : LE 7 SEPTEMBRE 2006
COMPARUTIONS :
Wennie Lee POUR LA DEMANDERESSE
Negar Hashemi POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lee & Company POUR LA DEMANDERESSE
Avocats
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous‑procureur général du Canada
Toronto (Ontario)