Date : 19981112
Dossier : T-2199-97
OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 12 NOVEMBRE 1998
EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE TEITELBAUM
Entre :
GARY SAUVE,
DEMANDEUR,
- ET -
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,
DÉFENDERESSE.
JUGEMENT
Pour les raisons données dans les motifs de mon jugement, la requête en radiation présentée par la défenderesse est refusée avec dépens.
La Cour accorde à la défenderesse une prolongation de 30 jours à compter de la date du présent jugement, pour lui permettre de signifier et déposer une défense.
" Max M. Teitelbaum "
Juge
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, LL.L.
Date : 19981112
Dossier : T-2199-97
Entre :
GARY SAUVE,
DEMANDEUR,
- ET -
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,
DÉFENDERESSE.
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE TEITELBAUM
[1] Le ou vers le 10 octobre 1997, le demandeur Gary Sauve a intenté une action contre Sa Majesté la Reine (la Couronne) dans laquelle il réclamait [TRADUCTION] " une déclaration attestant que la GRC a enfreint ses propres politiques et procédures internes dans la manière dont elle a fait preuve de discrimination contre les ex-gendarmes spéciaux dans des questions ayant trait à l'avancement professionnel ", de même que [TRADUCTION] " des dommages-intérêts généraux et punitifs " (voir le paragraphe 1 de la déclaration du demandeur).
[2] Le 17 août 1998, la défenderesse a déposé un avis de requête en vue d'obtenir aux termes de la Règle 221 des Règles de la Cour fédérale une ordonnance :
(1) radiant la déclaration ; |
ou |
(2) subsidiairement, accordant à la défenderesse une prolongation de 30 jours pour produire une défense, à compter de la date de l'ordonnance de la Cour rejetant cette requête. |
[3] Les motifs de cette requête sont énoncés dans l'avis comme suit :
[TRADUCTION] |
1. Les allégations contenues dans la déclaration ont essentiellement pour objet de contester une série de décisions de dotation de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). |
2. La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC) énonce une procédure ayant pour objet de résoudre un large éventail de griefs internes et qui se termine au dernier niveau par une décision du commissaire. |
3. Le demandeur a déposé un grief interne à la GRC concernant ces allégations. |
4. Le demandeur devrait être tenu d'épuiser les recours internes faisant partie du système de règlement des griefs de la GRC. |
5. Si le demandeur n'est pas satisfait des résultats de la procédure de grief, le paragraphe 32(1) de la Loi sur la GRC prévoit expressément que bien que la décision du commissaire soit " définitive et exécutoire ", elle peut faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. |
6. La défenderesse s'est engagée à ne pas s'opposer à ce que le demandeur réclame une prolongation de délai afin de poursuivre ses recours internes, notamment en s'adressant au niveau supérieur de la procédure de règlement des griefs de la GRC. |
7. La déclaration : |
a) ne révèle aucune cause d'action valable ; |
b) est scandaleuse, frivole et vexatoire ; et |
c) constitue autrement un abus de procédure. |
8. Articles 31 à 36 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. |
9. Règles de la Cour fédérale (1998), Règles 221(1)a), 221(1)c), 221(1)f), et 8. |
[4] J'ai entendu cette affaire le 13 octobre 1998. À l'audience, le demandeur a déposé une déclaration modifiée sur consentement des parties.
[5] L'avocat de la défenderesse a informé la Cour que son avis de requête en vue d'obtenir une ordonnance de radiation n'avait pas besoin d'être modifié étant donné qu'il n'était pas touché par la déclaration modifiée et que tous les motifs allégués demeuraient les mêmes.
[6] Les Règles 221(1) et (2) des Règles de la Cour fédérale disposent comme suit :
|
|
[7] Comme ces règles l'indiquent clairement, aucune preuve ne peut être entendue dans le cadre d'une requête en vue d'obtenir une ordonnance aux termes de l'alinéa 1a). Par consentement, les parties ont déposé en preuve la formule de présentation d'un grief et la décision de R.L.J. Mercier, Commissaire adjoint, Commandant de la Division A, ayant trait au grief présenté.
[8] J'ai autorisé le dépôt de ces deux documents à cause du consentement et parce que la déclaration modifiée en fait mention.
[9] Dans la déclaration modifiée, le demandeur ne recherche plus une déclaration, mais maintenant, au paragraphe 1, il demande ce qui suit :
[TRADUCTION] |
1. Le demandeur réclame : |
a) Des dommages-intérêts généraux et punitifs d'un montant non précisé pour rupture de contrat ; notamment, la violation des politiques et procédures internes concernant le harcèlement et la discrimination, qui font partie intégrante du contrat de travail du demandeur avec la GRC ; |
b) Les intérêts avant et après jugement ; |
c) Les dépens sur la base des frais entre procureur et client ; et |
d) Tout autre redressement que la Cour estime juste. |
LES FAITS
[10] Dans une demande en radiation, les allégations contenues dans la déclaration sont considérées comme étant prouvées.
[11] Le demandeur s'est enrôlé dans la Gendarmerie royale du Canada (GRC) comme gendarme spécial, membre régulier en 1986. En 1990 ou vers 1990, il a été promu au poste de gendarme régulier, membre régulier. Le demandeur a sollicité une mutation à la Police criminelle en 1991 ou vers 1991, [TRADUCTION] " date à laquelle il a été informé par le service de dotation en personnel de la GRC que les ex-gendarmes spéciaux seraient mutés dans deux ans ". En 1992 ou vers 1992, le demandeur a été informé que la période de deux ans avait été portée à trois ans.
[12] Le demandeur a continué de demander une mutation à la Police criminelle en 1993 et le service de dotation l'a de nouveau informé qu'au moins 20 gendarmes qui avaient déjà été gendarmes spéciaux seraient mutés à la Police criminelle. Aucune mutation de ce genre n'a été effectuée.
[13] Le demandeur a poursuivi ses efforts pour être muté en 1995 et 1996. Au cours de cette période, il a reçu plusieurs réponses positives, [TRADUCTION] " réponses qui devenaient unanimement négatives dès qu'on apprenait que le demandeur avait déjà été gendarme spécial ".
[14] Par suite de ce qui précède et pour des raisons qui ont par la suite été portées à la connaissance du demandeur, c'est-à-dire qu'il existe une politique informelle à la GRC en vertu de laquelle la candidature des membres de la SPPCAD n'est pas retenue pour certaines mutations ou promotions, le demandeur a déposé un grief en suivant la procédure interne de règlement des griefs le 29 septembre 1995.
[15] Après ce qui me semble un délai considérable, le ou vers le 19 janvier 1998, quelque trois ans et trois mois plus tard, le Commissaire adjoint a refusé le grief du demandeur et [TRADUCTION] " refusé de traiter des allégations de discrimination et de harcèlement portées par le demandeur au motif que la procédure interne de règlement des griefs n'était pas le recours approprié pour régler ces plaintes " (voir le paragraphe 15 de la déclaration modifiée).
[16] Par suite de ce qui précède, le ou vers le 10 octobre 1997, le demandeur a intenté la présente action parce que, comme il le déclare au paragraphe 16 de sa déclaration modifiée, [TRADUCTION] " le demandeur déclare donc que la présente action représente son seul moyen de faire examiner ces plaintes à cette étape tardive ".
[17] La défenderesse soutient que l'action du demandeur ne révèle aucune cause d'action valable, qu'elle est scandaleuse, frivole et vexatoire et constitue un abus de procédure, tout cela parce que le demandeur n'a pas épuisé les recours internes aux termes du paragraphe 31(1) de la Loi sur la GRC, qui est rédigé dans les termes suivants :
|
|
[18] Le paragraphe 32(1) de la Loi sur la GRC dispose comme suit :
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[19] Donc, il semble qu'après que le demandeur eut déposé son grief au premier niveau et qu'il eut perdu, il aurait dû appeler de cette première décision pour obtenir une décision définitive du Commissaire aux termes du paragraphe 32(1). Si le Commissaire avait rejeté son grief, le demandeur aurait eu le droit de contester cette décision définitive devant la Cour fédérale du Canada en déposant une demande de contrôle judiciaire.
[20] Lorsqu'une procédure de règlement des griefs, prescrite dans une loi, constitue un recours subsidiaire adéquat, ce recours doit être complètement épuisé avant que les parties puissent s'adresser aux tribunaux (voir Couture c. Canada (1997) A.C.F. nE 1324).
[21] Il ne fait aucun doute que, parce que le demandeur n'a pas épuisé ses recours prévus dans la procédure de règlement des griefs énoncée dans la Loi sur la GRC, la présente requête en radiation devrait normalement être accueillie.
[22] Toutefois, le demandeur et, je le répète, le paragraphe 15 de sa déclaration affirment ce qui suit [TRADUCTION] " En rejetant le grief, le Commissaire adjoint a refusé de traiter des allégations de discrimination et de harcèlement portées par le demandeur au motif que la procédure interne de règlement des griefs n'était pas le recours approprié pour régler ces plaintes ".
[23] Dans les motifs de sa décision, relativement à la question de la discrimination, le Commissaire adjoint Mercier déclare ce qui suit aux pages 8 et 10 de sa décision :
[TRADUCTION] |
Je partage les conclusions du comité de grief concernant les allégations de discrimination et de harcèlement du plaignant. La politique énoncée dans le Manuel d'administration est précise et elle a été adoptée pour régler ce genre de plaintes. Je n'ai pas l'intention d'approfondir ces questions ici étant donné que ce n'est pas le recours approprié. J'invite le plaignant à se familiariser avec les chapitres pertinents du Manuel d'administration et, s'il le juge nécessaire, de déposer ses plaintes en suivant la politique. |
Je partage la conclusion du comité de grief selon laquelle le plaignant a été traité comme tous les autres ex-gendarmes spéciaux. Cela ne signifie pas que je conclus qu'on les a traités de façon tout à fait acceptable. Toutefois, je suis convaincu que la politique de roulement mise en oeuvre à l'intérieur de la Division A corrigera le préjudice apparent. |
Concernant les allégations de harcèlement et de discrimination du plaignant, je partage également l'avis du comité de grief qui affirme que la procédure de règlement des griefs n'est pas le recours approprié pour ce genre de plainte. |
[24] Il est évident que si la procédure de règlement des griefs était efficace et qu'elle pouvait servir à résoudre toutes les questions soulevées, alors la procédure complète de règlement des griefs, c'est-à-dire toutes les étapes de cette procédure devraient être épuisées avant d'avoir recours aux tribunaux.
[25] Je ne suis pas convaincu que, parce qu'on semble avoir adopté dans un manuel d'administration une méthode pour traiter ce type de plainte (la discrimination), le demandeur est empêché de s'adresser à la Cour si la procédure énoncée dans le manuel n'a pas été suivie.
[26] Étant donné que le Commissaire adjoint a conclu que la procédure de règlement des griefs n'était pas le recours approprié pour traiter des allégations de discrimination et de harcèlement, je suis convaincu que le demandeur n'avait plus de raison de poursuivre cette voie en appelant de cette décision au palier supérieur de la procédure de règlement des griefs. L'allégation énoncée par le demandeur au paragraphe 15 est acceptée comme étant prouvée.
[27] Par conséquent, la requête de la défenderesse en radiation est refusée avec dépens.
[28] La Cour accorde à la défenderesse une prolongation de 30 jours à compter de la date du présent jugement pour signifier et déposer une défense.
" Max M. Teitelbaum "
Juge
Ottawa (Ontario)
le 12 novembre 1998
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NE DU GREFFE : T-2199-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : Gary Sauve c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 13 octobre 1998
MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE TEITELBAUM
DATE : le 12 novembre 1998
ONT COMPARU :
D. Bruce Sevigny POUR LE DEMANDEUR
Anne Turley POUR LA DÉFENDERESSE
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Burke-Robertson POUR LE DEMANDEUR
Ottawa (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LA DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada