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Date: 20241108

Dossier : IMM‑12503‑23

Référence : 2024 CF 1792

 

Ottawa, Ontario, le 8 novembre 2024

En présence de l’Honorable Madame la Juge Azmudeh

ENTRE:

HABIBOU SADE ELH MAHAMAN

demandeur

et

LE MINISTÈRE DE CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur est citoyen du Niger et conteste la décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, laquelle confirme la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] voulant que le demandeur ne soit pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2] Le demandeur craint d’être persécuté par le gouvernement du parti au pouvoir, en raison de l’implication politique de son père et de son frère ainsi que de son adhésion au parti d’opposition à titre de membre junior il y a quelques années alors qu’il se trouvait au Niger.

[3] La SAR a conclu que le demandeur n’était pas crédible en raison de plusieurs incohérences dans sa preuve, un délai à revendiquer l’asile de plus de dix (10) ans après son arrivée au Canada, et l’absence de preuve corroborante.

II. Critères d’examen

[4] Les parties soutiennent, et je suis d'accord, que le critère d'examen en l'espèce est celui du caractère raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]).

[5] L'argumentation du demandeur se fonde sur les éléments suivant :

  1. La SAR a évalué de manière déraisonnable les critères énoncés à l'article 110(4) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] pour rejeter les nouveaux éléments de preuve.

  2. L'évaluation de la crédibilité par la SAR était déraisonnable.

III. Décision

[6] Le contrôle judiciaire est rejeté pour les raisons suivantes.

IV. Analyse

A. Le caractère raisonnable des nouveaux éléments de preuve

[7] La SPR a pris sa décision en décembre 2022. Environ cinq mois plus tard, le demandeur tente de déposer une déclaration sous serment datée du 26 mai 2023, dans laquelle il affirme qu’il a contacté son frère suite à son audience devant la SPR et que ce dernier aurait refusé de lui fournir une déclaration par peur pour sa sécurité. Pendant l’audience, la SPR lui avait donné deux semaines pour fournir, s'il le souhaitait, d'autres éléments corroborant les dires de son frère.

[8] Le critère légal pour admettre de nouveaux éléments de preuve à la SAR est stipulé par l'article 110(4) de la LIPR :

Éléments de preuve admissibles

110 (4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

[Nos soulignements]

Evidence that may be presented

110 (4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

[Emphasis added]

[9] La SAR doit également déterminer si les éléments de preuve sont pertinents et crédibles avant de les accepter (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 ; Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 385). Si les nouveaux éléments de preuve ne modifient pas l'issue de l'appel, l'analyse de la SAR sur l'admission n'entraînerait pas nécessairement une erreur susceptible de contrôle.

[10] La SAR a examiné les critères énoncés au paragraphe 110(4) de la LIPR et a reconnu que la déclaration avait été faite après que la SPR eut rendu sa décision. Cependant, la SAR a également analysé son contenu, ce qu'elle était censée faire, et a conclu que les renseignements allégués auraient pu et auraient dû être divulgués à la SPR. En effet, le demandeur avait allégué qu'immédiatement après son audience et avant que la SPR ne rende sa décision, il avait contacté son frère pour obtenir des renseignements à l'appui de sa demande. Le frère a eu besoin de temps pour réfléchir, mais quelques jours plus tard, il a confirmé qu'il ne voulait pas participer à ce processus. La SAR s'est raisonnablement demandé pourquoi ces informations, qui auraient pu être soumises à la SPR avant sa décision, devaient être présentées pour la première fois devant la SAR cinq mois plus tard.

[11] Le demandeur soutient qu'il n'aurait pas pu raisonnablement fournir sa déclaration à la SPR parce qu'il avait compris que la directive de la SPR se limitait à la preuve fournie par le frère, et non par lui-même. J'estime qu'il était raisonnable pour la SAR de ne pas considérer que le malentendu du demandeur était pertinent pour l'évaluation du test.

[12] Compte tenu de la nature restreinte du paragraphe 110(4) de la LIPR et de l'analyse par la SAR de ses critères dans le contexte des éléments de preuve dont elle disposait, la décision de la SAR était raisonnable et la chaîne de raisonnement est claire. Il n'appartient pas à la Cour, dans le cadre du contrôle judiciaire, d'apprécier différemment les éléments de preuve.

B. L'évaluation de la crédibilité de la SAR était-elle raisonnable ?

[13] Dans cette affaire, la SAR a explicitement indiqué avoir effectué un examen indépendant de la preuve au dossier d’appel, a pris soin de reprendre les arguments soulevés en appel et a procédé à une analyse distincte et approfondie de la preuve. La SAR a clairement exposé le raisonnement qu’elle a effectué et qui l’a menée à sa décision finale de refuser l’appel du demandeur.

[14] La SAR a confirmé la décision de la SPR selon laquelle le demandeur n'était pas crédible pour établir le risque qu'il courait aux mains des autorités nigériennes en raison de ses opinions politiques et/ou de ses liens familiaux avec son père et son frère, politiquement actifs avec l'opposition. L'évaluation de la crédibilité de la SAR s'est concentrée sur les faits pertinents et matériels liés à ses opinions politiques réelles et supposées et à ses liens familiaux.

[15] Le demandeur n'a pas fait état de persécutions à l'encontre de sa famille au Niger et s'est limité à des menaces téléphoniques aléatoires et à la crainte d'une escalade. Il a fourni des détails superficiels sur les activités politiques de son père et de son frère au Niger. C'est dans ce contexte que la SAR s'attendait à voir corroborer le rôle et les activités du père et du frère dans l'opposition. Après avoir examiné les éléments de preuve pertinents, ou leur insuffisance, la SAR a conclu que le demandeur n’a pas établi le profil de sa famille en tant que véritables opposants politiques. Les conclusions de la SAR avaient un lien rationnel avec les éléments de preuve pertinents.

[16] Le demandeur, qui vivait au Canada depuis plusieurs années sans statut, aurait attendu sa demande de renvoi avant de faire sa demande d’asile. La SAR a expliqué pourquoi elle jugeait déraisonnable que le demandeur ne connût pas ses droits et souffrait de troubles mentaux. Selon elle, ses arguments n’ont pas permis de conclure à la justification du délai de dix (10) ans pour déposer sa demande d’asile.

[17] En l’absence d’une explication raisonnable pour justifiant le retard à présenter une demande d’asile, il était loisible à la SAR de juger que le demandeur d’asile ne craignait pas réellement la persécution, et que c’est la raison pour laquelle il n’a pas demandé l’asile plus tôt.

[18] La SAR a jugé le délai incompatible avec sa crainte présumée en évaluant ses explications qui comprenaient le fait que le demandeur n'avait plus de statut depuis 2011, date à laquelle son permis d'étudiant n'était plus valide, et qu'il était un homme bien éduqué. Il s'agit d'une analyse raisonnable du délai. Les motifs de la SAR, selon lesquels le délai de 10 ans avant de demander l’asile est injustifié, sont intelligibles et rationnellement liés à la preuve.

[19] Finalement, la SAR s'est penchée sur les preuves documentaires concernant le Niger pour conclure qu’il ne suffit pas de présenter de la preuve documentaire générale sur la situation politique au Niger pour voir la demande sur place d’asile réussir. Il fallait démontrer le lien entre la situation personnelle du demandeur et cette preuve documentaire, ce qui n’a pas été fait en l’espèce. Là encore, il existe une chaîne de raisonnement claire sur ce point.

[20] La décision de la SAR était bien fondée. La décision repose sur la preuve et appartient aux conclusions possibles acceptables en fait et en droit. L’intervention de la Cour n’est par conséquent pas justifiée. Ainsi, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[21] Les parties n'ont pas proposé de question certifiée et je conviens qu'aucune ne se pose en l'espèce.


 

JUGEMENT AU DOSSIER IMM-12503-23

CONCLUSION:

  1. La demande de contrôle judiciaire est refusée.

  2. Il n'y a pas de question certifiée.

 

« Negar Azmudeh »

 

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM-12503-23

INTITULÉ :

HABIBOU SADE ELH MAHAMAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 OCTOBRE 2024

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE AZMUDEH

DATE DES MOTIFS :

LE 8 NOVEMBRE 2024

COMPARUTIONS :

Me Adèle Delarue

POUR LE DEMANDEUR

Me Michèle Plamondon

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hasa Avocats

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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