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Date: 20241108


Dossier: IMM-8552-23

Référence: 2024 CF 1791

Ottawa, Ontario, le 8 novembre, 2024

En présence de madame la juge Azmudeh

ENTRE:

SINGH SIMRANJI

Demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur est citoyen de l’Inde. Il conteste la décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] qui a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] laquelle avait conclu que le demandeur n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [LIPR]. Le contrôle judiciaire est rejeté pour les raisons suivantes.

[2] Le demandeur craint d'être persécuté par la famille de son ex-partenaire, qui est liée à un homme politique indien, contre lequel le demandeur a activement encouragé d'autres personnes à voter lors d'une élection en 2012. Le demandeur craint également la police, car lorsque la famille de son ex-partenaire a découvert l’existence de leur relation, elle l'a fait arrêter et détenir de manière extrajudiciaire sur la base de diverses fausses allégations. La police a également allégué que le demandeur a participé à la campagne de 2020 des « Sikhs for Justice » en faveur du Khalistan.

[3] La SPR et la SAR ont rejeté la demande en raison de la disponibilité de la possibilité d’un refuge intérieur (PRI) à Mumbai.

II. Norme de contrôle

[4] Les parties soutiennent, et je suis d'accord avec elles, que la norme de contrôle en l'espèce est celle du caractère raisonnable (Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]).

III. Décision

[5] Je rejette le contrôle judiciaire pour les raisons suivantes.

IV. Analyse

A. Cadre légal

[6] Le critère à deux volets d'une PRI est bien établi. Une PRI est un endroit dans le pays de nationalité d'un demandeur où la partie qui demande la protection (c.-à-d. le demandeur d'asile) ne serait pas en danger et où il ne serait pas déraisonnable pour lui de se réinstaller. Cela est considéré dans le sens pertinent et selon la norme applicable, selon que la demande est faite en vertu des articles 96 ou 97 de la LIPR. Lorsqu'il existe une PRI viable, un demandeur n'a pas le droit à la protection d'un autre pays. Pour déterminer s'il existe une PRI viable, la SAR doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que :

  1. Le demandeur ne sera pas persécuté (selon le critère de la « possibilité sérieuse ») ou ne sera pas exposé à un danger ou à un risque au sens de l'article 97 de la LIPR (selon le critère de la « prépondérance des probabilités ») dans le PRI proposé ; et

  2. dans toutes les circonstances, y compris les circonstances propres au demandeur, les conditions dans la PRI sont telles qu'il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de chercher refuge dans le PRI proposé.

[7] Une fois que le PRI est soulevé, il incombe au demandeur de prouver qu'il n'a pas de PRI viable. Par contre, cela signifie que si la PRI proposée est viable, il incombe au demandeur de démontrer soit qu'il serait en danger dans la PRI proposée, soit, même s'il n'est pas en danger dans la PRI proposée, qu'il serait déraisonnable à la lumière des circonstances qu'il s'y réinstalle. Le fardeau de ce deuxième volet (caractère raisonnable de la PRI) est très lourd, car la Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.A.), 2000 CanLII 16789 (CAF), [2001] 2 CF 164 [Ranganathan], a statué qu'il ne faut rien de moins que l'existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d'un demandeur en voyageant ou en se réinstallant temporairement dans une zone sûre. En outre, il faut des preuves réelles et concrètes de ces conditions. Pour le critère de la PRI en général, voir Rasaratnam c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), 1991 CanLII 13517 (CAF), [1992] 1 CF 706 ; Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), 1993 CanLII 3011 (CAF), [1994] 1 CF 589 (CA) ; Ranganathan; et Rivero Marin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1504 au para 8.

B. La décision de la SAR est-elle raisonnable ?

[8] Le demandeur allègue que la SAR a commis une erreur en ne traitant pas la protection de l'État dans ses motifs. Je rejette cet argument parce que la PRI était la question déterminante dans cette affaire. En effet, l'existence de la PRI est déterminante pour les demandes présentées en vertu des articles 96 et 97(1) de la LIPR. Non seulement la SAR n’était pas en mesure de traiter de multiples questions déterminantes, mais cela aurait été inefficace et inutile. Lors de l'examen du contrôle judiciaire, le demandeur a retiré cet argument et je considère qu'il n'est donc pas nécessaire d'examiner en profondeur les arguments initiaux du demandeur sur ce point.

[9] J’estime que la SAR a appliqué raisonnablement le critère à deux volets de la PRI à la preuve. Elle était donc convaincue que le demandeur n'était pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution à la PRI, Mumbai, et que les conditions énoncées dans la PRI étaient telles qu'il ne serait pas objectivement déraisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, que le demandeur se réinstalle.

[10] J'estime que la SAR a procédé à une évaluation raisonnable de la crédibilité en ce qui concerne les faits pertinents pour la PRI, à savoir l'intérêt de la police pour le demandeur. Plus particulièrement, la SAR a raisonnablement conclu que le fait que le demandeur n'ait pas mentionné son association avec « Sikhs for Justice » et le mouvement Khalistan était important, qu'il n'y avait pas d'explication raisonnable, et que cela minait son allégation d'intérêt continu de l'État et de la police à son égard.

[11] La SAR a également mis l'accent sur les omissions et incohérences matérielles concernant les allégations d'enquêtes en cours et d'abus de la famille et a conclu que ces allégations n'étaient pas crédibles. La SAR s'est penchée sur les éléments de preuve pertinents et a fourni des raisons claires qui ont un lien rationnel avec les éléments de preuve.

[12] Après avoir raisonnablement estimé que les éléments de preuve fournis par le demandeur au PRI sur les faits pertinents manquaient de crédibilité, la SAR a raisonnablement souligné l'absence de corroboration pour conclure qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve indépendants pour dissiper ces craintes (paragraphe 23). Cela était raisonnable et clairement expliqué.

[13] La SAR a également pleinement pris en compte le risque lié à l'allégation selon laquelle la police interrogeait toujours sa famille à son propos. Là encore, la SAR a tenu compte des lacunes de la preuve présentée par le demandeur pour conclure raisonnablement que l'allégation selon laquelle le demandeur était activement poursuivi par la police ou des hommes de main manquait de crédibilité.

[14] La SAR a clairement expliqué pourquoi les éléments de preuve ne permettaient pas d'établir que la police prétendait que le demandeur était impliqué dans un assassinat ciblé ou qu'il faisait partie des « Sikhs for Justice » et du mouvement du Khalistan. La SAR a clairement expliqué les raisons pour lesquelles elle a accepté les motifs de la SPR sur ce point, et je ne considère pas que la référence aux mauvais paragraphes des motifs de la SPR, qui semble être une faute de frappe (paragraphes 4 à 9 au lieu de 14 à 19), réduise sa cohérence ou son caractère raisonnable.

[15] J'estime également que la SAR a pleinement considéré les arguments du demandeur concernant le préjudice potentiel de la SPR. La SAR a fait référence à l'échange lors de l'audience de la SPR pour expliquer pourquoi elle n'était pas d'accord avec la caractérisation du demandeur et qu'elle a expliquée qu'elle avait conclu que la SPR n'avait pas été préjudiciable. La chaîne de raisonnement est claire et repose sur des éléments de preuve pertinents.

[16] En ce qui concerne le deuxième volet du test de la PRI, la SAR a fait preuve d'une chaîne de raisonnement claire. La SAR a examiné les preuves fournies par le demandeur sur les raisons pour lesquelles il pensait ne pas pouvoir s'installer à Mumbai, notamment sur les difficultés qu'il rencontrait en matière de logement et d'emploi, et a souligné sa résilience et le fait qu'il avait déjà trouvé du travail dans différents domaines, y compris aux États-Unis. La SAR s'est penchée sur les preuves documentaires concernant les conditions de vie des sikhs en dehors du Pendjab et a expliqué pourquoi les conditions de vie à Mumbai seraient raisonnables pour une personne ayant le profil du demandeur. La chaîne de raisonnement est claire et rationnellement liée aux éléments de preuve pertinents.

[17] Pour les raisons susmentionnées, j'estime que les motifs de la SAR sont raisonnables. Je rejette donc le contrôle judiciaire.

[18] Il n'y a pas des questions certifiées dans cette affaire.

V. Conclusion

[19] Le demandeur n’a pas établi que la Décision de la SAR est déraisonnable quant à l’existence d’une PRI. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[20] Il n'y a pas des questions certifiées dans cette affaire.


JUGEMENT dans le dossier IMM-8552-23

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n'y a pas de question à certifier.

« Negar Azmudeh »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm-8552-23

INTITULÉ :

SINGH SIMRANJIT c MCI

LIEU DE L’AUDIENCE :

vidéoconférence

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 octobre 2024

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE AZMUDEH

DATE DES MOTIFS :

Le 8 novembre 2024

COMPARUTIONS:

Me Aboubakar Ouedraogo

Pour le demandeur

Me Jeanne Robert

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Aboubakar Ouedraogo

Montréal (Québec)

Pour leS demandeurS

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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