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Date : 20241108


Dossiers : T-266-21

T-1961-21

Référence : 2024 CF 1785

Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2024

En présence de madame la juge Gagné

Dossier : T-266-21

ENTRE :

CHRISTOPHER LILL

demandeur

et

SA MAJESTÉ LE ROI

défendeur

 

Dossier : T-1961-21

ET ENTRE :

CHRISTOPHER LILL

demandeur

et

SA MAJESTÉ LE ROI

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Avec les droits viennent les responsabilités. Il s’agit en quelque sorte des deux revers d’une seule et même médaille. Lorsque les individus comprennent bien cette dualité, la collectivité s’en porte mieux.

[2] Monsieur Christopher Lill est un détenu qui allègue être autochtone d’origine Mohawk et qui purge une peine d’emprisonnement à vie depuis novembre 2007. Il n’a pas grandi imprégné de sa culture, mais y adhère avec assiduité et conviction depuis son incarcération.

[3] Il allègue bien connaître la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20 (la Loi), le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 (le Règlement), pris en application de la Loi, ainsi que les diverses Directives du Commissaire (DC) du Service Correctionnel Canadien (SCC), adoptées en vertu des articles 97 et 98 de la Loi, et qui encadrent toute mesure d’application de la Loi. Il n’hésite d’ailleurs pas à intenter une poursuite contre les autorités carcérales et la couronne fédérale dès qu’il juge qu’un de ses droit est enfreint ou qu’une Directive du Commissaire n’est pas respectée à la lettre.

[4] Il a même déjà affirmé que cela l’amusait!

[5] Depuis 2018, M. Lill a fait l’objet de plusieurs reclassements de sécurité et transfèrements involontaires d’urgence dont les motifs ne sont pas en cause devant moi.

[6] Ce qui est en cause, c’est la façon avec laquelle les effets personnels de M. Lill, incluant sa médecine traditionnelle autochtone, ont été transférés à deux reprises, d’un établissement carcéral à l’autre.

[7] Dans le dossier T-266-21, M. Lill réclame 100 000 $ en dommages-intérêts moraux et 50 000 $ en dommages-intérêts punitifs, plus intérêts et frais, en lien avec des évènements survenus lors de son transfèrement entre l’Établissement Archambault (« Archambault ») et le Centre fédéral de formation (« CFF-600 »), au courant des mois de juin et juillet 2020. Il allègue que lors du transfert de ses effets personnels, le SCC aurait : i) perdu ses cendres de cérémonie en lien avec le décès de sa grand-mère, ii) volé et consulté sa documentation légale en lien avec un précédent dossier litigieux, et incidemment iii) manqué d’attention, d’écoute et de soutien en marge du décès de sa grand-mère.

[8] Dans le dossier T-1961-21, M. Lill réclame 125 000 $ à titre de dommages-intérêts moraux, 100 000 $ de dommages-intérêts punitifs ainsi qu’une lettre d’excuse du défendeur en lien avec des évènements survenus à l’occasion de son transfèrement d’urgence du 12 janvier 2021 entre le CFF-600 et l’Établissement de Cowansville. Il allègue cette fois que le SCC aurait : i) saccagé, vandalisé et brisé son bouclier spirituel et certaines plumes lui appartenant, ii) manipulé ses objets spirituels de façon malveillante; iii) volé et saisi trois enveloppes contenant des documents légaux, et iv) perdu plusieurs autres objets personnels.

I. Questions en litige

[9] Dans le cadre de la gestion spéciale de ces deux dossiers joints pour enquête et audition, les parties ont convenu des questions de fait et de droit devant être tranchées par la Cour. Je les ai reformulées en fonction de la preuve présentée de part et d’autre et de la structure des arguments soulevés par les parties.

  1. Les agents du SCC ont-ils manqué d’attention ou d’écoute lors des moments difficiles vécus par le demandeur suivant le décès de sa grand-mère?

  2. Les agents du SCC ont-ils commis une faute extracontractuelle ou violé un droit garanti par la Charte canadienne en manipulant la médecine autochtone traditionnelle de M. Lill, incluant ses cendres de cérémonies?

  3. Les agents du SCC ont-ils fouillé, manipulé, saisi ou volé la documentation légale ou des disquettes d’ordinateur appartenant à M. Lill?

  4. Les agents du SCC ont-ils volé ou causé la perte de certains effets personnels de M. Lill, tel que des articles de bureau et un appareil Tens?

  5. S’il y a eu faute ou violation d’un droit garanti, M. Lill a-t-il droit à des dommages-intérêts moraux et punitifs et si oui, à combien?

II. Analyse

[10] Avant d’aborder l’analyse de la preuve au regard des questions à trancher, la Cour doit se pencher sur deux volets complets de la preuve qui ont été pris sous réserve d’objections formulées par la Couronne. Dans les deux cas, cette preuve concerne des représailles que M. Lill allègue avoir subies de la part de deux groupes d’employés du SCC.

[11] Premièrement, lors de son passage à Archambault-minimum, M. Lill affirme avoir fait l’objet de représailles qui ont comme trame de fond les faits traités dans la décision rendue par le juge Peter Pamel, alors de notre Cour, dans les dossiers Lill c Canada, 2022 CF 580 (décision sur la responsabilité) et Lill c Canada, 2022 CF 781 (décision sur les dépens) (collectivement les Jugements Pamel), soit une hausse de sa cote de sécurité de médium à maximum et un transfèrement involontaire de La Macaza à Port-Cartier, survenus en 2011. Le juge Pamel a accordé 6 804 $ en dommages sur les 456 000 $ réclamés par M. Lill et a condamné ce dernier aux dépens évalués à 15 000 $. Les Jugements Pamel font présentement l’objet d’un appel logé par M. Lill dans le dossier A-109-22.

[12] À l’arrivée de M. Lill à Archambault-minimum en 2018, Stéphane Lalande, qu’il tient responsable de son transfèrement illégal à Port Cartier en 2011, est le directeur de l’établissement. M. Lill affirme que Stéphane Lalande et le gestionnaire correctionnel Hugo Bazinet lui font subir beaucoup de pression en représailles pour la poursuite qu’il a intentée contre le SCC en lien avec les évènements de 2011.

[13] M. Lill plaide que cette preuve est pertinente puisqu’elle explique l’état d’âme dans lequel il se trouvait immédiatement avant et lors de son transfèrement vers l’Établissement CFF‑600. Lors du procès, la Cour a tranché et a refusé toute preuve qui va au-delà d’une simple mise en contexte permettant de situer les allégations de M. Lill à l’effet qu’il n’aurait pas reçu de support psychologique lors du décès de sa grand-mère. La Cour a justifié cette décision par le fait que la cause du transfèrement vers le CFF-600 n’est pas un enjeu dans la présente affaire.

[14] Deuxièmement, une semaine avant le début du procès, les avocats du défendeur ont présenté une requête visant à faire radier quatre noms de la liste des témoins de M. Lill, soit Mmes Geneviève Thibault, Marie-Ève Charest, Diane Allard et Martine Boisvert. La Couronne plaidait que ces témoignages n’étaient pas pertinents au présent débat et que les allégations de harcèlement et de représailles de la part de ces employées du SCC avaient été traitées et rejetées par le juge Sébastien Grammond dans le dossier Lill c Canada (Procureur Général), 2024 CF 664 (Jugement Grammond).

[15] La Cour a accordé la requête de la Couronne et radié le nom de ces quatre témoins de la liste. M. Lill a déposé un avis d’appel et demandé le report du procès dans le dossier T-1961-21.

[16] Dans le but d’éviter le « déraillement » de ces dossiers, la Cour a convoqué les parties en Conférence de gestion et leur a proposé quelques options, dont celle de compromettre de part et d’autre et de faire entendre une seule de ces témoins, choisie par M. Lill. Il a finalement été convenu que Mmes Diane Allard et Geneviève Thibault témoigneraient, sous réserve d’une objection de la part de la Couronne quant à la pertinence.

[17] Puisque ces deux témoins ont éclairé la Cour à l’égard de plusieurs éléments pertinents à son analyse, l’objection est rejetée et la preuve permise. Nous reviendrons sur ces éléments dans le cadre de l’analyse de la question de la manipulation de la documentation légale de M. Lill.

A. Les agents du SCC ont-ils manqué d’attention ou d’écoute lors des moments difficiles vécus par le demandeur suivant le décès de sa grand-mère?

[18] Le 5 mai 2020, M. Lill reçoit un appel de sa mère qu’il l’avise que sa grand-mère est mourante.

[19] Il faut comprendre que pour M. Lill, sa grand-mère est une personne très importante dans sa vie. Il a eu une enfance très difficile, a subi la violence de son père, fréquenté les foyers d’accueil et connu plusieurs volets des services offerts par la direction de la protection de la jeunesse. Il a grandi en étant très éloigné de toute émotion autre que la colère et l’agressivité.

[20] Il était donc très proche de sa grand-mère avec qui il passait ses étés et qu’il considérait comme une mère, une amie, une confidente…

[21] M. Lill informe donc son agent de libération conditionnelle Karl Mooney de cette nouvelle et lui demande de faire en sorte qu’on le laisse tranquille; il entend par cela que les gestionnaires avec lesquels il a maille à partir se tiennent loin de lui. Il reconnait qu’il peut être agressif et que l’état de santé de sa grand-mère exacerbe son agressivité et le rend vulnérable.

[22] Du 5 au 10 mai, M. Lill fait des cérémonies traditionnelles pour l’aider dans son épreuve et il conserve les cendres de cérémonie. L’objectif étant de pouvoir faire ce qu’on appelle dans sa tradition un « pass-over », c’est-à-dire de se départir des biens ayant appartenu au défunt un an après le décès afin de compléter le processus de deuil. Comme il n’avait aucun autre bien ayant appartenu à sa grand-mère, les cendres de cérémonie auraient servi à cette fin.

[23] Le 10 mai, M. Lill est informé du décès de sa grand-mère. Ce fut un choc et il dit avoir pleuré pour la première fois en 20 ans.

[24] Puisque son agent de libération conditionnelle Karl Mooney n’est pas sur les lieux, M. Lill informe l’agent correctionnel François Desparois du décès de sa grand-mère. Selon M. Lill, M. Desparois reçoit l’information de façon nonchalante et ne lui offre pas de rencontrer un Ainé ou un psychologue.

[25] Quant à M. Desparois, son témoignage est à l’effet qu’il lui a offert de demander une sortie pour des fins humanitaires et croit qu’il aurait été possible de faire exception en dépit de la COVID. M. Lill lui aurait répondu qu’il ferait ses prières. M. Desparois ne lui offre pas de parler à un Ainé puisque selon lui, M. Lill ne participe pas aux activités autochtones à cette époque, il n’est pas engagé dans le Sentier et il ne réside pas dans le logement autochtone. Il consigne le décès de la grand-mère de M. Lill dans le rapport qu’il fait aux 45 jours à l’égard des détenus dont il a la charge.

[26] Il est primordial ici de se remémorer le contexte dans lequel le monde est plongé en mai 2020. La pandémie de COVID-19 a deux mois, le monde est confiné et personne ne sait trop pour combien de temps.

[27] Toutes les sorties et visites sont suspendues, seuls les employés essentiels travaillent en établissement et les autres font du télétravail; les services aux détenus en sont nécessairement réduits.

[28] Véronique Landry, Agente de liaison autochtone à Archambault-minimum de 2018 à fin 2020 explique qu’avant la pandémie, les détenus autochtones bénéficiaient d’activités adaptées 5 jours semaine avec la présence d’une Ainée 4 jours semaine. Pendant la pandémie, les repas se prenaient individuellement, l’Ainée n’était disponible que par téléphone (certains pouvaient y être en présentiel 2 jours semaine mais celle d’Archambault-minimum ne se présentait pas en établissement en raison de sa santé fragile). Sur demande elle organisait une rencontre téléphonique entre le détenu et l’Ainée.

[29] Mme Landry dit avoir remis à M. Lill de la médecine autochtone pour ses cérémonies et lui avoir rappelé qu’elle était disponible s’il désirait parler et que s’il faisait une requête à cet effet, elle pouvait lui organiser des rencontres plus structurées. Contre-interrogée par M. Lill, elle confirme qu’on lui a offert de l’aide qu’il n’a pas accepté.

[30] Mme Landry explique également que M. Lill lui a fait une requête pour travailler avec elle plutôt qu’à la cuisine — il craignait le virus de la COVID — et qu’elle a acheminé cette requête au gestionnaire qui assigne les emplois aux détenus. Il lui a également dit être intéressé par un transfert vers le Centre de guérison autochtone Waseskun, de sorte que Mme Landry l’a mis en contact avec un de ses intervenants. Sa candidature pour un transfert vers Waseskun a été rejetée après son arrivée au CFF-600.

[31] Cela dit, M. Mooney revient en établissement le 15 mai. Selon le témoignage de M. Lill, il demande à M. Mooney d’organiser une rencontre téléphonique avec un Ainé autochtone. Selon le témoignage de M. Mooney, il lui propose de rencontrer un psychologue, mais M. Lill nie avoir besoin de consulter. M. Mooney ajoute qu’avant la pandémie, il avait offert à M. Lill une sortie avec escorte pour des motifs humanitaires, afin que celui-ci puisse rendre visite à sa grand-mère mourante. M. Lill a décliné cette offre sur les conseils de sa famille; sa grand-mère souffrante d’Alzheimer avancé, il était préférable de conserver un meilleur souvenir d’elle.

[32] M. Mooney est agent de libération conditionnelle depuis 2009. Il explique les services offerts à l’ensemble des détenus lors d’un deuil; les permissions de sortie avec escorte, services d’aumônerie, services d’Ainés autochtones, services de psychologues, etc. Tous les employés qui travaillent de près et de loin avec les détenus sont habilités à faire des demandes de renvoi pour qu’un détenu bénéficie des services d’un psychologue.

[33] Nancy Chouinard, psychologue pour le SCC depuis 1998 explique qu’il y a deux façons pour qu’un détenu ait accès aux services de psychologie; le détenu peut en faire la requête — des formulaires à cet effet sont disponibles en établissement — ou un renvoi peut être acheminé par un intervenant. À moins d’une urgence, un rendez-vous est fixé dans les 15 jours.

[34] Contrairement aux services offerts par les Ainés autochtones qui ont été substantiellement réduits durant la pandémie, les services en psychologie ont été maintenus.

[35] Ce n’est que le 28 juin 2020, après qu’il ait été transféré d’urgence d’Archambault-minimum à Archambault-médium le 25 juin 2020, que M. Lill transmet une requête pour une rencontre avec un psychologue. Le 30 juin 2020, M. Mooney fait une demande de renvoi dans le même sens au Chef santé mentale de l’établissement. Le même jour, la demande est remise au psychologue Alexandre Chatigny (pièce P-18).

[36] M. Lill est rencontré le 8 juillet 2020, soit à l’intérieur du délai de 15 jours normal pour obtenir un tel rendez-vous. Dans un courriel du même jour à M. Mooney, M. Chatigny confirme la rencontre et ajoute que M. Lill « semble davantage irritable en raison du placement temporaire en isolement médical, notamment car cela réactive des événements traumatiques. » M. Chatigny confirme que M. Lill souhaite bénéficier d’un accompagnement pour aborder le deuil de sa grand-mère et qu’il en fera la demande suite à son transfèrement.

[37] M. Lill confirme d’ailleurs que son transfèrement involontaire d’urgence d’Archambault-minimum à Archambault-médium n’était pas sans lui rappeler le transfèrement illégal subi en 2011 à l’initiative du même directeur, Stéphane Lalande, et qui a fait l’objet des Jugements Pamel. Ce nouveau transfèrement l’a donc mis dans un état psychologique précaire.

[38] Le 10 juillet 2020, M. Chatigny écrit au service du département de santé mentale du CFF‑600 pour les informer du transfèrement de M. Lill vers leur établissement. Il les informe de ce qui suit :

Je souhaite signaler le transfèrement du détenu Christopher Lill, ce jour, vers votre établissement (site 600). Il a été rencontré une fois par un psychologue lors de son bref séjour à Archambault-médium, suivant la réception d’une requête. Son ALC avait également fait un renvoi pour qu’il bénéficie d’un accompagnement pour favoriser le deuil de sa grand-mère. Il vous fera assurément une demande en ce sens à son arrivée. Il souhaite approcher le décès de cette personne significative d’une différente façon, alors qu’il avait auparavant l’habitude de ne pas consacrer d’importance aux événements traumatiques et décès survenus autour de lui.

[39] Le même jour, M. Lill est transféré au CFF-600. Tel que requis par M. Chatigny, un rendez-vous est fixé entre M. Lill et la psychologue Nancy Chouinard pour le 21 juillet — à nouveau, le délai de 15 jours est respecté.

[40] Une bonne partie de l’entretien porte sur le mécontentement de M. Lill suite à son transfèrement involontaire et sur des décisions prises par le SCC en lien avec la COVID, qu’il juge irresponsables. Il ne parle que brièvement du décès de sa grand-mère qui était une personne significative pour lui et dont il était très proche. La note clinique rédigée par Mme Chouinard indique que M. Lill « se dit non envahi par le deuil de sa grand-mère. Il explique être plutôt concentré sur ses objectifs actuels. En même temps, monsieur nous parle de sa demande de révision judiciaire pour l’an prochain et de son désir de faire un autre bout de chemin. » Dans son évaluation de l’état mental de M. Lill, Mme Chouinard note notamment qu’il nie « lui-même toute détresse psychologique actuelle » (pièce D-11).

[41] Puisqu’elle quittait pour quelques semaines, Mme Chouinard propose de revoir M. Lill au cours du mois d’août. Elle le revoit finalement le 2 septembre 2020. Au cours de cet entretien, M. Lill parle de son adaptation au CFF-600, d’un recours qu’il a contre le SCC et du fait qu’il trouve le temps long en lien avec la pandémie. Concernant le décès de sa grand-mère, il confirme qu’il a trouvé difficile de vivre ce deuil en temps de pandémie puisque les permissions de sortie avec escorte pour motifs humanitaires étaient suspendues. Dans ses notes cliniques, Mme Chouinard indique que M. Lill « parle peu d’elle sauf lorsque nous le sollicitons ». Comme il passe rapidement à autre chose, elle lui suggère d’écrire une lettre à sa grand-mère comme exercice lié au deuil. Elle remet finalement à M. Lill la responsabilité de la suite des prochaines rencontres, au besoin. M. Lill ne fait aucun suivi.

[42] Je conclus donc de la preuve présentée qu’il n’y a aucun fondement à l’allégation de M. Lill à l’effet que le personnel du SCC aurait manqué d’attention ou d’écoute à son égard. Dès qu’il en a exprimé le besoin, il a eu accès à deux psychologues, et à autant de reprises qu’il le souhaitait. Si l’on se replace en période de pandémie, il est même permis de penser que M. Lill a eu un meilleur accès à un soutien psychologique que la population en général.

[43] La Cour compatit avec M. Lill comme avec quiconque a connu la fin de vie et le décès d’un être cher pendant la pandémie de COVID-19. Les visites en milieu hospitalier étaient réduites à leur minimum, et les funérailles quasi inexistantes.

[44] Bien que M. Lill n’indique pas réellement le remède recherché en lien avec ces allégations, la Cour les rejette comme non fondées.

(1) Le Droit

[45] M. Lill plaide qu’en manipulant sa médecine autochtone sans sa permission lors de ses deux transfèrements involontaires, le SCC a commis une faute extracontractuelle à son égard, a enfreint l’article 75 de la Loi, et a porté atteinte à ses droits garantis par les articles 2(a), 2(b), 7, 8, 12, 15(1), 24 (1) et 25 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte canadienne) et par les articles 1, 3, 4, 5, 6, 9, 9.1 et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12 (Charte québécoise).

[46] Pour obtenir des dommages-intérêts en droit civil québécois, un demandeur doit démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et le préjudice (article 1457 du Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991 [CcQ].

[47] L’article 75 de la Loi prévoit, pour sa part, ce qui suit :

Religion

Religion

75 Dans les limites raisonnables fixées par règlement pour assurer la sécurité de quiconque ou du pénitencier, tout détenu doit avoir la possibilité de pratiquer librement sa religion et d’exprimer sa spiritualité.

75 An inmate is entitled to reasonable opportunities to freely and openly participate in, and express, religion or spirituality, subject to such reasonable limits as are prescribed for protecting the security of the penitentiary or the safety of persons.

[48] La vie spirituelle des détenus est effectivement encadrée par le Règlement :

Religion et vie spirituelle

Religion and Spirituality

100 (1) Tout détenu a droit de pratiquer sa religion ou sa vie spirituelle conformément à l’article 75 de la Loi, dans la mesure où cette pratique ou cette vie spirituelle :

100 (1) Every inmate shall be entitled to express the inmate’s religion or spirituality in accordance with section 75 of the Act to the extent that the expression of the inmate’s religion or spirituality does not

a) ne compromet pas la sécurité du pénitencier ou de quiconque;

(a) jeopardize the security of the penitentiary or the safety of any person; or

b) ne comporte pas d’objets interdits.

(b) involve contraband.

(2) Les articles 98 et 99 s’appliquent à toute réunion de détenus ayant pour objet la pratique de la religion ou de vie spirituelle.

(2) Sections 98 and 99 apply in respect of any assembly of inmates held for the purpose of expressing a religion or spirituality.

101 Dans la mesure du possible, le Service doit veiller à ce que soit mis à la disposition du détenu, exception faite des objets interdits, ce qui est raisonnablement nécessaire pour sa religion ou sa vie spirituelle, y compris :

101 The Service shall ensure that, where practicable, the necessities that are not contraband and that are reasonably required by an inmate for the inmate’s religion or spirituality are made available to the inmate, including

a) un service d’aumônerie interconfessionnel;

(a) interfaith chaplaincy services;

b) des locaux pour la pratique religieuse ou la vie spirituelle;

(b) facilities for the expression of the religion or spirituality;

c) le régime alimentaire particulier imposé par la religion ou la vie spirituelle du détenu;

(c) a special diet as required by the inmate’s religious or spiritual tenets; and

d) ce qui est nécessaire pour les rites religieux ou spirituels particuliers du détenu.

(d) the necessities related to special religious or spiritual rites of the inmate.

[49] C’est pour se conformer à cette dernière disposition que le SCC met à la disposition des détenus autochtones le matériel nécessaire aux cérémonies traditionnelles : coquille d’ormeau, plume, sauge, foin d’odeur, cèdre, etc.

[50] Dans l’affaire Ewert c Canada, 2023 CF 1054, cette Cour a reconnu que dans certaines circonstances, la fouille de la médecine autochtone d’un détenu pouvait contrevenir aux articles 2(a) et 8 de la Charte canadienne, sans qu’une pareille contravention puisse se justifier dans une société libre et démocratique en vertu de l’article 1 de la Charte canadienne.

[51] La DC-702 intitulée Délinquants autochtones prévoit une panoplie de services adaptés offerts à la population carcérale autochtone et le rôle que tiendront l’Ainé/conseiller spirituel et l’Agent de liaison autochtone :

8. L’Ainé/conseiller spirituel :

a. fournira des services de counseling, des enseignements et des cérémonies

b. donnera, au besoin, des conseils au directeur de l’établissement concernant les cérémonies, les objets de cérémonie, les médecines traditionnelles ou les lieux sacrés dans l’établissement

c. participera, au besoin, aux conférences de cas à titre de membre de l’équipe de gestion de cas

d. fournira des renseignements dans le cadre des évaluations préparées par un Ainé/conseiller spirituel pour les délinquants qui suivent un cheminement de guérison

9. L’agent de liaison autochtone :

a. consignera le rapport d’évaluation de l’Ainé/conseiller spirituel (à la demande de l’Ainé/conseiller spirituel) et le communiquera au délinquant

b. jouera un rôle de soutien dans le domaine de la sensibilisation culturelle et un rôle de liaison dans la prestation de services généraux aux délinquants et aux employés

c. à titre de membre de l’équipe de gestion de cas, fournira à l’équipe des renseignements concernant la participation du délinquant à son cheminement de guérison

d. assurera, au besoin, la liaison avec le corps dirigeant ou l’organisme autochtone compétent pour aider à maintenir l’approvisionnement en médecines traditionnelles dont a besoin l’Ainé/conseiller spirituel

[52] La DC-566-12 intitulée Effets personnels des délinquants prévoit ce qui suit quant à l’enlèvement et le transfert des effets personnels du détenu :

65. Lorsque le détenu ne peut emballer lui-même ses effets personnels ou doit s’absenter temporairement, sa cellule sera immédiatement verrouillée. La date et l’heure auxquelles la cellule a été verrouillée puis rouverte seront dûment notées dans le registre de l’unité. Si la cellule ne peut être verrouillée parce que le détenu n’est pas le seul à l’occuper, on placera ses effets personnels dans un lieu sûr afin de les protéger.

66. Si le détenu n’emballe pas lui-même ses effets, deux membres du personnel les emballeront et en dresseront immédiatement la liste sur le formulaire Effets personnels du (de la) délinquant(e) - retraits de la cellule (CSC/SCC 2053) qui figure dans le module EPD du RSGD. Cette liste sera comparée au Relevé des effets personnels du détenu et à son permis d’artisanat, et toute divergence sera notée. Les deux employés signeront la liste, puis en transmettront une copie au détenu dès que possible.

67. Lorsque les effets personnels du détenu sont expédiés par transporteur commercial, l’établissement ou le bureau de libération conditionnelle de départ conservera des copies des factures et des bordereaux d’expédition. Les frais d’expédition par transporteur commercial seront à la charge de l’établissement de départ. L’établissement d’accueil s’assurera que les effets livrés correspondent aux relevés et avisera l’établissement de départ de toute perte ou tout dommage subi relativement aux effets personnels du détenu. L’établissement de départ présentera une réclamation au transporteur commercial pour la perte ou les dommages subis.

[53] À son article 29, la DC-566-12 prévoit que la valeur totale des effets personnels autorisés (gardés en cellule ou entreposés) figurant sur les Listes nationales des effets personnels accordés aux détenus ne peut dépasser 1 500 $.

[54] Si, au demeurant, un effet personnel est perdu ou endommagé, la DC-234 donne la marche à suivre pour présenter une réclamation et met en place un programme de réclamation. Son but étant notamment « de régler équitablement et rapidement… les réclamations concernant des effets personnels perdus ou endommagés de détenus… » (mon emphase).

[55] À son arrivé dans un établissement, le délinquant signe un formulaire intitulé Effets personnels du détenu (conditions et responsabilités) par lequel le détenu accepte la responsabilité des effets personnels qu’on l’autorise à conserver en établissement et le SCC se dégage de toute responsabilité relative à la perte, à l’endommagement ou au vol des effets personnels du détenu, à moins que le détenu ne puisse prouver la faute ou la négligence d’un employé du SCC. La clause g) du même formulaire se lit comme suit :

J’accepte par la présente :

[…]

g) que les effets personnels trouvés en ma possession, dans ma cellule, mon vestiaire, mon lieu de travail ou mon atelier, et susceptibles d’être déclarés objets interdits ou objets non autorisés par un tribunal disciplinaire, sont passible de confiscation et que moi-même suis passible de sanction.

(mon emphase)

[56] Quant à la fouille des objets autochtone et autres objets sacrés, la DC-566-9, intitulée Fouille de cellule, de véhicules et d’autres secteurs prévoit ceci :

15. L’inspection de sécurité des ballots de médecine autochtone ou de tout autre objet religieux, spirituel ou sacré sera effectué par un agent qui soumettra l’objet à un examen visuel pendant que son propriétaire le manipule. Si le propriétaire est absent, un Ainé ou le représentant d’un Ainé (qui n’est pas un détenu) ou encore un aumônier ou le représentant d’un groupe religieux inspectera l’objet ou le manipulera pour en permettre l’inspection.

[57] Cela dit, la Couronne admet qu’il y a eu un certain nombre de manquements aux DCs pertinentes, principalement dus au contexte de la pandémie, mais nie que ces manquements constituent une faute extracontractuelle ou une violation d’un droit garanti.

[58] Il y a effectivement une distinction importante à faire entre le non-respect d’une DC et une faute susceptible d’engager la responsabilité du SCC. Voici comment la Cour d’appel du Québec s’exprime au sujet des DCs :

[34] Il est à noter que les Directives du commissaire n’ont pas force obligatoire. Celles-ci, bien qu’elles soient adoptées et autorisées par la LSCMLC, sont de nature administrative. Elles ne créent pas de droit en faveur des détenus et ne pourraient de toute manière limiter l’exercice des attributions du service correctionnel dans l’application de la LSCMLC et du Règlement en milieu pénitentiaire. Il s’agit de lignes directrices visant à assister les employés du service correctionnel dans l’exercice de leurs fonctions.

(Jackson c Dulac, 2021 QCCA 1536)

[59] La preuve présentée de part et d’autre permet de dresser la chronologie des événements relatifs aux deux transfèrements involontaires d’urgence de M. Lill, et à ce qui est advenu de sa médecine autochtone au cours de ces transfèrements.

[60] Par ailleurs, M. Lill fait moult reproches à l’égard du SCC, plusieurs fondées sur une interprétation erronée de la lettre et de l’esprit des DCs ou des dispositions législatives applicables. La Cour ne traitera que des fautes pour lesquelles M. Lill réclame des dommages.

(2) La preuve - Transfèrement d’Archambault à CFF-600

[61] Selon le témoignage de M. Lill, un employé du SCC l’aurait informé à l’avance qu’on préparait son transfèrement involontaire d’urgence vers un établissement à sécurité médium; cela lui aurait permis de retourner à sa cellule et de mettre ses effets personnels en ordre en prévision de leur transfert. Il dit avoir mis ses deux boîtes de documents légaux sur son lit. Les boîtes étaient fermées et M. Lill y avait apposé la mention : « Confidentiel CORRESPONDANTS PRIVILÉGIÉS DC-085 Annexe A paragraphe 19 – Documents Légaux AVOCAT CLIENT Confidentiel ».

[62] En ce qui concerne sa médecine autochtone et autres objets culturels, le demandeur affirme que le tout se trouvait sur son bureau. La preuve n’est pas des plus limpide à ce sujet, mais la Cour croit comprendre qu’en ce qui concerne le matériel nécessaire aux cérémonies de purification (coquilles d’ormeau, sauge, foin d’odeur, cèdre et plumes) se trouvait dans deux coffrets : un premier coffret de bois d’environ 18 pouces de long, 4 pouces de large et 3 pouces de profond, ainsi qu’un second coffret en velours rouge de même largeur et profondeur, mais d’environ 10 pouces de long. Le coffret de bois a un couvert, mais pas d’attache pour le tenir en place, alors que le coffret de velours ne semble pas avoir de couvert.

[63] Il va sans dire que le capteur de rêve et le bouclier que possède M. Lill ne pouvaient pas être rangés dans les coffrets; la Cour en conclut qu’ils étaient simplement déposés sur le bureau de sa cellule.

[64] Le témoignage du demandeur est partiellement contredit par un courriel de son avocate au SCC, en date du 6 juillet 2020 (pièce P-4), où elle écrit :

Madame,

En vue du transfèrement de M. Lill de l’Établissement Archambault-medium vers le CFF-600, celui-ci m’informe que ses papiers légaux concernant la poursuite en cours sont réparties (sic) un peu partout dans sa cellule. Il est évident que son placement n’était pas prévu et que nous travaillons dans le dossier à distance depuis des semaines. Ainsi, craignant que votre personnel ne manipule, endommage ou fasse disparaître des informations importantes, celui-ci demande de pouvoir s’y rendre lui-même pour emballer le tout, sous la supervision de membres du personnel. Comme il s’agit d’un transfèrement latéral, le niveau sécuritaire n’est pas en cause et il ne s’agit pas d’une contre-indication.

[65] L’avocate ne fait aucune mention de la médecine autochtone ou autres objets culturels.

[66] Le même jour, une gestionnaire répond à l’avocate que la cellule de M. Lill sera vidée conformément aux DCs et aux procédures établies, mais que les déplacements entre établissements sont limités afin d’éviter la contagion de COVID-19. Selon le témoignage de Patricia Tranchemontagne, les détenus devaient compléter un isolement médical préventif à chaque fois qu’ils passaient d’un établissement à l’autre, ce qu’on tentait d’éviter le plus possible.

[67] Suite au transfèrement d’urgence d’Archambault-minimum à Archambault-médium (où M. Lill n’est demeuré que 15 jours), ses effets personnels sont retirés de sa cellule le 7 juillet en vue de leur transfert vers le CFF-600.

[68] David Brodeur, agent correctionnel de niveau deux, procède à mettre tous les effets personnels de M. Lill dans un bac de déménagement. La Couronne concède que puisqu’il n’était pas accompagné d’un autre membre du personnel, la DC-566-12 n’a pas été respectée. M. Brodeur remplit le formulaire Effets personnels du (de la) délinquant(e) (retrait de cellule) où il coche les items placés dans le bac, à partir d’une liste qui lui est fournie.

[69] Selon le témoignage de M. Brodeur, il n’y avait ni Ainé ni agent de liaison autochtone sur place le 7 juillet 2020. Il a donc fait appel à un détenu autochtone pour qu’il manipule la médecine autochtone et autres objets culturels. La Couronne reconnait que cette façon de procéder ne respecte pas la DC-566-12.

[70] M. Brodeur apporte le tout au département des effets personnels et l’agent François Desparois les fouille afin de s’assurer qu’ils ne contiennent pas de contrebande ou d’objets interdits et pour s’assurer que tous les effets se retrouvent sur la liste d’effets personnels de M. Lill. Pour la fouille de la médecine autochtone, M. Desparois fait appel à l’agente de liaison autochtone Véronique Landry (le témoignage de Mme Landry est à l’effet que l’Ainée travaillait à distance à cette époque). Celle-ci manipule les coffrets, permet à M. Desparois un examen visuel et met le tout dans une boîte de déménagement. Puisqu’il y avait 3 coquilles d’ormeau dans les effets personnels de M. Lill, que ces items sont fournis par le SCC, elle en a retiré une afin de la remettre à un autre détenu autochtone qui n’en avait pas. Elle a finalement dressé la liste des effets spirituels de M. Lill (pièce P-21).

[71] M. Lill affirme que ses cendres de cérémonie étaient contenues dans du papier brun (du genre que l’on retrouve dans les salles de toilette publiques), déposées dans une coquille d’ormeau, elle-même recouverte d’un tissu rouge et déposée dans un de ses coffrets de médecine autochtone. Elles n’y étaient plus au moment de recevoir ses effets personnels.

[72] Aucun des témoins ne se souvient d’avoir vu un papier brun contenant des cendres, mais ils affirment tous n’avoir rien jeté.

[73] Par ailleurs, 4 disquettes d’ordinateur non-identifiées sont retirées des effets personnels de M. Lill puisqu’elles ne se trouvent pas sur sa liste d’effets personnels. Puisque c’est le département socio-culturel qui voit à fournir cet équipement, les 4 disquettes y sont envoyées pour vérifier que M. Lill est bien autorisé à avoir les disquettes.

[74] Une fois la fouille terminée, les boîtes sont scellées.

[75] M. Lill est transféré au CFF-600 le 10 juillet. Fait inhabituel, Madame Tranchemontagne demande à M. Desparois d’apporter lui-même les effets personnels de M. Lill d’Archambault au CFF-600 afin d’éviter les délais habituels; M. Lill avait demandé d’avoir accès à sa documentation légale le plus tôt possible et comme il est connu comme un détenu revendicateur, on veut éviter tout problème futur. M. Desparois affirme que ça ne lui est arrivé qu’une seule fois au cours de sa carrière au SCC de faire lui-même la livraison des effets personnels d’un détenu.

[76] Manon Dignard et Patrick Landry sont alors affectés au département des effets personnels et ouvrent les boîtes pour en vérifier le contenu.

[77] Le 17 juillet, M. Lill est appelé au département des effets personnels du CFF-600 pour récupérer certains de ses effets personnels – M. Lill avait demandé d’être présent et de pouvoir prendre des photos lors de l’ouverture de ses boîtes ce qui, selon Mme Dignard, est inhabituel. On lui remet ses documents légaux et quelques effets personnels, mais comme Mme Dignard quitte pour ses vacances, le reste lui sera remis à son retour.

[78] Selon M. Lill, ses boîtes de documents légaux ont été fouillées et les enveloppes dans lesquelles ses documents légaux se trouvent se retrouvent avec d’autres documents qui ne sont pas des documents légaux.

[79] Le 27 juillet, M. Lill — qui a demandé d’être présent lors de l’ouverture des boîtes — se rend à nouveau au département des effets personnels. Il demande également de prendre des photos du contenu des boîtes.

[80] Manon Dignard et Patrick Landry sont affectés à ce département et procèdent à l’ouverture des boîtes. Ils sont conscients que M. Lill est un détenu revendicateur, qu’il multiplie les requêtes et les recours, de sorte qu’ils se plient à ses demandes. Ils prennent des photos du contenu des boîtes selon les instructions de M. Lill et permettent à M. Lill de prendre lui-même quelques photos.

[81] M. Lill remarque d’abord que ses coffrets de médecine autochtone, capteur de rêve et bouclier se trouvent dans une boîte où on a également mis d’autres effets personnels (par exemple des cassettes, un cartable, etc.) C’est lui-même qui ouvre son coffret de bois qui contient sa médecine autochtone qui, selon ses dires, est « saccagée », ses cendres de cérémonies ont disparu et ses plumes sont endommagées.

[82] Mme Dignard et M. Landry affirment de leur côté n’avoir constaté aucune anomalie à l’intérieur des boîtes et qu’ils n’ont rien vu qui était « saccagé ».

[83] M. Landry fait un suivi auprès de Mme Tranchemontagne qui lui confirme que personne n’a vu les cendres de cérémonies de M. Lill.

(3) La preuve - Transfèrement de CFF-600 à Cowansville

[84] Le 12 janvier 2021, M. Lill est à nouveau transféré involontairement d’urgence du CFF-600 (minimum) à l’Établissement de Cowansville (médium). Sa cellule est sécurisée le même jour et vidée le 14 janvier 2021, à la demande de la gestionnaire Christiane Dubord. Pierre Roy et Stéphanie Colfort, deux agents correctionnels, procèdent au retrait. Ils confirment n’avoir vidé que la cellule de M. Lill, et non les aires communes du condo que M. Lill partage avec d’autres détenus.

[85] Puisqu’il n’y avait ni Ainé ni agent de liaison autochtone sur place, ils ont eux-mêmes déposé les deux coffrets et autres objets culturels dans les boîtes. Ils n’ont rien fouillé.

[86] À nouveau, le formulaire de retrait est complété et les biens de M. Lill apportés au département des effets personnels.

[87] Manon Dignard reçoit les boîtes et les fouille avec son collègue Patrick Landry. Elle n’a pas fouillé les coffrets de médecine autochtone identifiés par un tissu rouge et ne se souvient pas si un Ainé était présent pour le faire. Elle a manipulé le contenant et non le contenu. Ils ont mis le tout dans des boîtes et les ont scellées.

[88] Jean-Philippe Gauthier et Marc Chapdeleine sont affectés au département des effets personnels de Cowansville lors de la réception des boîtes. Ils ont également reçu une requête de M. Lill qui demande à être présent lors de l’ouverture de ses boîtes. À nouveau, des photos sont prises.

[89] À nouveau, M. Lill affirme que ses enveloppes de documents légaux se retrouvent avec d’autres effets personnels, que sa médecine autochtone est mal placée dans ses coffrets et que ses objets culturels se trouvent dans des boîtes avec des objets non spirituels.

[90] Le matériel de bureau de M. Lill est manquant (brocheuse, règle, gomme à effacer, etc.) et M. Gauthier fait le suivi auprès du CFF-600 pour localiser ceux-ci.

[91] Le matériel de bureau est retrouvé plus tard dans un tiroir de sa commode à Archambault-minimum par un ex-codétenu de M. Lill. Il les rapporte aux effets personnels et ils sont remis à M. Lill à Cowansville, à l’exception de ce qui est interdit dans un établissement à sécurité médium (ciseaux et compas). Il semble évident qu’au moment de vider la cellule de M. Lill à Archambault-minimum, on ait oublié un tiroir.

B. Les agents du SCC ont-ils commis une faute extracontractuelle ou violé un droit garanti par la Charte canadienne en manipulant la médecine autochtone traditionnelle de M. Lill, incluant ses cendres de cérémonies?

[92] La preuve ne permet pas de déterminer ce qui est advenu des cendres de cérémonie de M. Lill; chose certaine, si elles se trouvaient dans sa cellule à Archambault-minimum lors de son départ, elles ont disparu.

[93] M. Lill en tient le SCC responsable. Il est catégorique, il n’avait pas à informer quiconque qu’il avait ces cendres en sa possession et il n’avait pas à demander qu’on en prenne un soin particulier. Il revendique ses droits et n’assume aucune responsabilité.

[94] Or, la Cour croit que M. Lill doit assumer au moins une part de responsabilité pour la perte de ses cendres de cérémonie. Il aurait pu mettre ses cendres — volatiles de nature — dans un contenant hermétique ou dans un sac fermé, plutôt que dans un papier brun. Il aurait très bien pu informer les autorités de l’établissement de l’importance que ces cendres avaient pour lui et demander qu’on en prenne un soin particulier. S’il est vrai qu’il a eu l’occasion de mettre ses effets personnels en ordre avant de quitter Archambault-minimum — contrairement à ce que son avocate fait valoir dans son courriel du 6 juillet 2020 (pièce P-21), il avait la chance de protéger ses cendres de cérémonies. Il avait à sa disposition des sacs, du cuir et des pots qui servent à l’artisanat. Il n’a rien fait de cela.

[95] Il y a certes un manquement à la DC-566-12, tel qu’admis par la Couronne, puisque la cellule de M. Lill n’a pas été vidée par deux employés du SCC, mais bien par M. Brodeur et un détenu autochtone. Ils ont simplement fait l’inventaire des biens et déposé le tout dans un bac de transport.

[96] Toutefois, la Cour n’y voit pas là une faute susceptible d’engager la responsabilité extracontractuelle du SCC. C’est le début de la pandémie, aucun vaccin n’est encore disponible et les établissements carcéraux fonctionnent à personnel réduit; ils sont soumis à d’importantes restrictions afin d’éviter l’éclosion du virus à l’intérieur de leurs murs.

[97] Par ailleurs, la présente affaire se distingue de façon importante de l’affaire Ewert.

[98] D’abord, les faits à l’origine de l’affaire Ewert se déroulent en 2019, avant la pandémie.

[99] Par ailleurs, dans Ewert, le SCC a procédé à la saisie et à la fouille du ballot de médecine de M. Ewert en son absence, alors qu’il était présent dans l’établissement. La médecine autochtone de M. Ewert était confinée à l’intérieur de son ballot de médecine rouge, permettant d’identifier ce qui est considéré par son propriétaire comme de la médecine autochtone.

[100] Dans le présent cas, seuls des autochtones ont manipulé l’intérieur des deux coffrets de M. Lill, bien que des employés du SCC aient manipulé les coffrets pour les déposer dans les boîtes de déménagement. À nouveau, la DC-566-9 n’est pas respectée. Toutefois, aucun Ainé n’est présent en établissement et il faut transférer les effets personnels de M. Lill.

[101] Lors des deux transfèrements, M. Lill a pris des photos lors de l’ouverture de ses boîtes. Bien qu’il allègue que sa médecine autochtone a été « saccagée », aucune des photos ne démontrent un tel saccage. Certaines photos montrent l’intérieur de ses deux coffrets et ils semblent dans l’état dans lequel il décrit les conserver : tissu rouge, coquille d’ormeau, foin d’odeur et plume d’aigle. Il allègue que ses plumes ont été brisées; on ne voit aucune plume endommagée sur les photos. Il allègue que son bouclier est endommagé; la photo sur laquelle on voit son bouclier —tenu par un agent alors qu’il prend la photo — est trompeuse (pièce CL-26, page 5). Le bouclier ressemble à un capteur de rêve sauf que le centre est fait d’un morceau de cuir rond attaché avec des ficelles de cuir. Sur la photo, le bouclier est tenu de côté plutôt que dans le sens où il doit être suspendu. La seule anomalie visible est le fait que la portion de cuir est décentrée. Il est impossible de savoir s’il y a réellement un bris ou si le bouclier regagnera son centre une fois dans la bonne position.

[102] Mme Kathleen Angus, administratrice régionale des initiatives autochtone au SCC, de la Nation Mohawks de Kanesatake, a d’abord expliqué à quel point la COVID a été catastrophique pour les services autochtones en établissement. Les Ainés — qui sont par définition des personnes un peu plus âgées — ne venaient plus en établissement alors que les agents de liaison autochtone n’avaient que très peu de contact avec les détenus. Contrairement à ce que M. Lill a tenté de lui faire admettre, elle confirme que l’agent de liaison autochtone peut représenter l’Ainé en son absence. Mme Angus décrit les capteurs de rêves et les boucliers comme de l’artisanat plutôt que comme de la médecine autochtone. Elle admet en contre-interrogatoire que si un tel objet est donné par un Ainé, la personne qui le reçoit peut lui donner la signification qu’elle veut. Toutefois, M. Lill est demeuré silencieux sur l’origine de ses objets culturels.

[103] M. Lill reproche au SCC d’avoir emballé sa médecine autochtone et autres objets culturels dans des boîtes contenant des objets non culturels. Ni Kathleen Angus, ni l’agente de liaison Véronique Landry n’y voit là une contre-indication.

[104] M. Lill reproche également à Mme Landry d’avoir retiré de ses coffrets de médecine autochtone une des trois coquilles d’ormeau qui s’y trouvaient. Mme Landry explique que c’est le SCC qui fournit leur médecine aux détenus autochtones et que généralement on ne leur remet qu’une seule coquille d’ormeau. Elle en a donc pris une pour la rendre disponible pour un autre détenu. M. Lill tente de lui faire dire en contre-interrogatoire que si un Ainé la lui avait remise, elle pourrait avoir un caractère sacré; il est pourtant silencieux sur l’origine des trois coquilles d’ormeau qui se trouvaient dans ses coffrets.

[105] La Cour est d’avis que les gestes reprochés au SCC n’ont pas enfreint la « liberté de conscience et de religion » de M. Lill et qu’ils n’ont pas nuit d’une manière plus que négligeable ou insignifiante à la capacité de M. Lill de se conformer à ses croyances religieuses (Alberta c Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37 au para 32, citant Syndicat Northcrest c Amselem, 2004 CSC 47 et Multani c Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6).

[106] La Cour est également d’avis que le SCC n’a pas contrevenu à l’article 75 de la Loi empêchant M. Lill de pratiquer librement sa religion et d’exprimer sa spiritualité.

C. Les agents du SCC ont-ils fouillé, manipulé, saisi ou volé la documentation légale ou des disquettes d’ordinateur appartenant à M. Lill?

[107] M. Lill est d’avis que puisqu’il inscrit sur une boîte que son contenu est privilégié et visé par la DC-085, elle ne peut faire l’objet d’une fouille. Il reproche au SCC d’avoir retiré les enveloppes de ses deux boîtes ainsi identifiées pour les placer dans des boîtes de déménagement.

[108] Il affirme également qu’on lui a volé 3 enveloppes de documents légaux et des disquettes en représailles pour une plainte qu’il a logée contre le SCC et les gestionnaires du CFF‑600, Diane Allard et Geneviève Thibault, qui lui ont coupé ses permissions de sortie avec escorte pour responsabilité familiale.

[109] D’abord, tous les employés du SCC qui ont manipulé la documentation légale de M. Lill sont unanimes. Ils doivent ouvrir les boîtes de documents pour s’assurer qu’ils ne contiennent pas d’objets interdits ou d’objets non-autorisés. Lorsqu’ils fouillent une enveloppe, ils ne la vident pas de son contenu, mais la retournent à l’envers et la secouent pour s’assurer qu’il n’y a rien d’autre que des documents à l’intérieur. Ils n’ont ni lu, ni jeté quelque documentation légale que ce soit appartenant à M. Lill.

[110] D’ailleurs, M. Lill demeure plutôt vague sur le contenu des enveloppes qui auraient disparu.

[111] Quant aux prétendues représailles, Mmes Allard et Thibault ont livré un témoignage des plus convaincants sur la question des permissions de sortie avec escorte de M. Lill. Elles n’ont pas été coupées par Mme Thibault, alors directrice du CFF-600, mais plutôt non-renouvelées. Mmes Allard et Thibault n’ont pas demandé l’annulation d’une audience devant la Commission des Libérations conditionnelles du Canada (CLCC) à laquelle M. Lill avait droit, mais ont plutôt décidé de ne pas approuver le renouvellement des permissions de sortie avec escorte de M. Lill. Puisque M. Lill n’est toujours pas admissible à une libération conditionnelle ou à une semi-liberté, une telle décision relève de la directrice de l’établissement et non de la CLCC.

[112] Mmes Allard et Thibault sont catégoriques, elles n’ont ni manipulé, ni consulté, ni volé la documentation légale de M. Lill. Elles n’ont pas demandé à quiconque de le faire non plus.

[113] Quant aux 4 disquettes manquantes, M. Lill indique qu’elles n’étaient pas identifiées et que pour savoir qu’elles lui appartenaient, il était nécessaire de consulter leur contenu. Selon lui, il n’avait pas à les identifier ni à les inscrire sur sa liste d’effets personnels. Or, M. Desparois explique qu’il a retiré 4 disquettes des effets personnels de M. Lill puisqu’elles n’étaient pas identifiées et que le nombre de disquettes en la possession de M. Lill excédait le nombre permis. Il les a envoyées au département socio-culturel puisque ce sont eux qui fournissent ce type d’équipement aux détenus. Après vérification, quatre disquettes ont été remises à M. Lill. M. Lill affirme que seulement deux des quatre disquettes qui lui ont été remises lui appartiennent, alors que les deux autres appartiennent à un autre détenu. S’il est vrai qu’il faille consulter le contenu pour identifier son propriétaire, il est également vrai que M. Lill aurait pu les identifier et les inscrire sur sa liste d’effets personnels. Cette identification aurait également favorisé la remise des bonnes disquettes à M. Lill. À nouveau, il refuse d’assumer sa propre responsabilité à l’égard de ses effets personnels.

[114] La Cour conclu donc que M. Lill n’a pas démontré qu’en signe de représailles contre lui, les employées du SCC auraient volé ou consulté sa documentation légale.

D. Les agents du SCC ont-ils volé ou causé la perte de certains effets personnels de M. Lill, tel que des articles de bureau et un appareil Tens?

[115] Tel qu’indiqué plus haut, M. Lill a récupéré tout son matériel de bureau, à l’exception de ce qui n’est pas autorisé dans un établissement à sécurité médium.

[116] Ce qui manque à l’issue du transfèrement du CFF-600 à Cowansville est une machine Tens, qu’il évalue à 250$, deux dictionnaires druides d’une valeur de 89,17 $, ainsi que des billes pour l’artisanat d’une valeur de 74,92 $.

[117] Or, il semble que lorsque Pierre Roy a vidé la cellule de M. Lill au CFF-600, la machine Tens ne s’y trouvait pas (voir la pièce CL-22). D’ailleurs, la valeur que M. Lill lui a donnée sur sa liste d’effets personnels est de 1 $ (il faut se rappeler que la valeur de tous les effets personnels auxquels les détenus ont droit en établissement est limitée à 1 500 $). Il ne reste que les druides, pour lesquels les employés du SCC ont fait des démarches pour les retrouver, ainsi que le matériel pour l’artisanat qui est fourni gratuitement par le SCC lorsqu’une demande est formulée à l’agent de liaison autochtone. M. Lill n’a pas présenté une réclamation en suivant la marche à suivre dans la DC-234 dans le but « de régler équitablement et rapidement… les réclamations concernant des effets personnels perdus ou endommagés de détenus… », mais il a plutôt choisi d’intenter les présentes actions, de réclamer la somme de 375 000 $ et de faire un procès de 6 jours devant la Cour.

[118] Comme le mentionne la Cour suprême dans Mustapha c Culligan du Canada Ltés, 2008 CSC 27, au paragraphe 9, « les troubles psychologiques constituant un préjudice personnel doivent être distingués d’une simple contrariété. En droit, un préjudice personnel suppose l’existence d’un traumatisme sérieux ou d’une maladie grave ».

E. S’il y a eu faute ou violation d’un droit garanti, M. Lill a-t-il droit à des dommages-intérêts moraux et punitifs et si oui, à combien?

[119] Compte tenu de sa conclusion sur l’absence de faute du SCC et l’absence de violation d’un droit garanti par la Charte canadienne et la Charte québécoise, la Cour n’a pas à se prononcer sur les dommages. Toutefois quelques commentaires s’imposent.

[120] Au regard de la trame factuelle de ces deux dossiers, la somme totale réclamée par M. Lill est grossièrement exagérée.

[121] M. Lill réclame des dommages moraux et punitifs qui s’élèvent à 375 000 $. Lorsqu’interrogé au préalable sur la ventilation de ses dommages, il s’objecte et refuse de répondre. En preuve devant la Cour, il demeure relativement vague à cet égard.

[122] Il se contente de répéter qu’il a subi des dommages incommensurables. Il n’en fait pas la preuve.

[123] Lorsqu’il rencontre la psychologue Nancy Chouinard le 2 septembre 2020, il n’est aucunement question du sort réservé à ses effets personnels lors de son transfèrement de Archambault-médium au CFF-600. M. Lill avait la possibilité de poursuivre ses rencontres avec Mme Chouinard, mais il choisit plutôt de ne pas le faire.

[124] À nouveau, il revendique des droits, mais refuse d’assumer sa part de responsabilité.

III. Conclusion

[125] Au cours de l’audience, la Cour a recommandé à M. Lill d’apprendre à choisir ses batailles. Ce conseil lui est réitéré. C’est une chose de connaître la loi, c’en est une autre d’en bien saisir autant l’esprit que la lettre.

[126] La Cour est d’avis que M. Lill n’a pas été en mesure de démontrer une quelconque faute susceptible d’engager la responsabilité du SCC et de ses préposés lors des deux transfèrements involontaires qui lui ont été imposés. Il n’a pas non plus démontré quelque dommage que ce soit qui excéderait un simple désagrément ou un irritant passager. Ses actions sont donc rejetées.

[127] Si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les frais, elles peuvent présenter des observations écrites, ne dépassant pas cinq (5) pages, dans un délai de quatorze (14) jours à compter de la date de la présente décision. Des observations en réponse, ne dépassant pas deux (2) pages, peuvent être présentées dans les sept (7) jours suivants.

 


JUGEMENT dans T-266-21 et T-1961-21

LA COUR STATUE que :

  1. Les actions du demandeur dans les dossiers T-266-21 et T-1961-21 sont rejetées;

  2. Si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les frais, elles peuvent présenter des observations écrites, ne dépassant pas cinq (5) pages, dans un délai de quatorze (14) jours à compter de la date de la présente décision. Des observations en réponse, ne dépassant pas deux (2) pages, peuvent être présentées dans les sept (7) jours suivants.

« Jocelyne Gagné »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-266-21

 

INTITULÉ :

CHRISTOPHER LILL c SA MAJESTÉ LE ROI

 

ET DOSSIER :

T-1961-21

INTITULÉ :

CHRISTOPHER LILL c SA MAJESTÉ LE ROI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec) ET TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATES DE L’AUDIENCE :

LES 23, 24, 25, 26, 27 septembre ET

LE 4 OCTOBRE 2024

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

MADAME LA JUGE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 NOVEMBRE 2024

 

COMPARUTIONS :

Christopher Lill

 

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Francis Legault-Mayrand

Éloïse Benoit

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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