Ottawa (Ontario), le 5 janvier 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL
ENTRE :
demanderesse
et
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La demanderesse Maison Cousin (1980) Inc. a introduit devant cette Cour une demande d'appel fondée sur l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 ( « LMC » ) à l'encontre d'une décision de M. Jean Carrière, membre de la commission des Oppositions du Registraire des Marques de commerce ( « Registraire » ). Par cette décision du 4 janvier 2005, le Registraire accueillait en partie l'opposition du 20 octobre 1998 ( « déclaration d'opposition » ) de la demanderesse Maison Cousin (1980) Inc. à la demande d'enregistrement de la défenderesse Cousins Submarines ( « défenderesse » ) datée du 29 mai 1996 (no. 813812). La demande d'enregistrement de la défenderesse visait la marque COUSINS en relation avec des sandwiches (sous-marins), différents breuvages (lait, café et thé glacé) et des services de restauration. La décision du Registraire concluait que seuls les sandwiches (sous-marins) ne pouvaient être enregistrés sous la marque COUSINS.
[2] La demanderesse est détentrice des marques suivantes, qui sont à la base de l'opposition et de la demande contrôle judiciaire (par souci de cohérence et de clarté, je désignerai chacune des marques en indiquant entre parenthèse leur numéro d'enregistrement et entre crochets leur date d'enregistrement): MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963], MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000], MAISON COUSIN & CIE & DESSIN (LMC 576, 779) [3 mars 2003], MAISON COUSIN & CO & DESSIN (LMC 576, 780) [3 mars 2003] et MAISON COUSIN (LMC 580,508) [2 mai 2003].
[3] La demanderesse demande à la Cour :
1. d'accueillir la demande contrôle judiciaire;
2. d'amender la déclaration d'opposition de façon à y inclure les marques MAISON COUSIN (LMC 580,508) [2 mai 2003], MAISON COUSIN & CIE & DESSIN (LMC 576, 779) [3 mars 2003] et MAISON COUSIN & CO & DESSIN (LMC 576, 780) [3 mars 2003], qui ont été enregistrées après le dépôt de cette déclaration;
3. d'infirmer la décision du registraire eu égard à ses conclusions rejetant une partie de la déclaration d'opposition;
4. d'accueillir l'opposition de la demanderesse;
5. d'ordonner le rejet de la demande d'enregistrement no. 813812 de la défenderesse et de faire les inscriptions nécessaires au Registre des marques de commerce.
[4] La défenderesse n'a pas comparu dans le délai de 10 jours prévu aux Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106. La procureure du Registraire a fait déposer au dossier de la Cour une lettre informant la demanderesse qu'elle ne produirait pas de dossier, qu'elle ne serait pas présente à l'audition et qu'elle n'y participerait pas. L'audition s'est donc déroulée en l'absence des défendeurs.
QUESTIONS EN LITIGE
[5] Les questions en litige sont les suivantes :
1. Quelle est la norme de contrôle applicable à l'appel interjeté en l'espèce en vertu de l'article 56 de la LMC, compte tenu de la preuve nouvelle?
2. Le registraire a-t-il erré en faits et en droit dans l'interprétation et l'application du sous-paragraphe 12(1)(d) LMC ?
3. Le registraire a-t-il erré en faits et en droit dans l'interprétation et l'application du paragraphe 16(3) LMC ?
4. Le registraire a-t-il erré en faits et en droit dans l'interprétation de la définition du caractère distinctif d'une marque de commerce au sens de l'article 2 LMC ?
CONCLUSIONS
[6] Pour les motifs qui suivent, la réponse aux questions 2, 3 et 4 est négative.
CONTEXTE FACTUEL
[7] La demanderesse est titulaire des marques de commerce suivantes (j'indique les marchandises qui sont vendues sous chacune de ces marques, tel qu'il appert des certificats d'enregistrements) :
- Pour la marque MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963]: « Pain français, le Pain Canadien, le pain crouté (sic), le pain de bléentier (sic), le pain de diète, le petit pain, le pain aux raisins, et toutes les sortes de pain, de tous genres et de toutes formes dans tous les cas » ;
- Pour la marque MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000] : « Pain français le pain canadien, le pain croûté, le pain de blé entier, le pain de diète, le petit pain, le pain aux raisins, et toutes les sortes de pain, de tous genres et de toutes formes dans tous les cas; pâtisseries françaises et les gâteaux de tous genres, pour toutes occasions les pistolets, les croissants, les pains à salade, les petits fours secs, les pains de diète, les tartes de toutes sortes, les brioches de toutes sortes, les feuilletés, gâteaux de noce; le pain précuit surgelé, le pain au fromage, les biscuits de toutes sortes » ;
- Pour la marque MAISON COUSIN & CIE & DESSIN (LMC 576, 779) [3 mars 2003]: « (1) Pain, pain précuit surgelé, pâtes à pain crues surgelées, viennoiseries, croissants, petits fours secs, tartes, brioches, feuilletés, biscuits, galettes, muffins. (2) Pâtisseries françaises, gâteaux de noce et gâteaux de tous genres » ;
- Pour la marque MAISON COUSIN & CO & DESSIN (LMC 576, 780) [3 mars 2003] : « (1) Pâtisseries françaises, gâteaux de noce et gâteaux de tous genres (2) Pain, pain précuit surgelé, pâtes à pain crues surgelées, viennoiseries, croissants, petits fours secs, tartes, brioches, feuilletés, biscuits, galettes, muffins » ;
- Pour la marque MAISON COUSIN (LMC 580,508) [2 mai 2003]: « Pains de toutes sortes, pâtisseries françaises et gâteaux de tous genres, pistolets, croissants, petits fours secs, tartes de toutes sortes, brioches de toutes sortes, feuilletés, pièces montées, biscuits de toutes sortes; viandes cuites et pâtés de viande de toutes sortes, saucisson à l'ail, galantines, rillettes, salamis, viandes en tranches, pièces montées pour buffet, salades, sandwiches et tout ce qui comprend la charcuterie y compris les plats congelés; bonbons et chocolats de tous genres » .
En résumé, le demandeur vend essentiellement, sous la marque dont il est détenteur depuis les années 1960, différentes variétés de pain, de pâtisseries, de charcuterie, de desserts et de sandwiches. Sous les marques enregistrées plus récemment, le demandeur vend également des produits du même genre.
[8] Le 29 mai 1996, le défendeur a déposé une demande d'enregistrement pour la marque COUSINS (Demande No. 813,812). Telle que déposée, la demande décrivait comme suit les marchandises qui y sont liées :
« Sandwiches, nommément sous-marins sandwiches; breuvages, nommément boissons gazeuses, café, lait et thé glacé »
L'enregistrement de la marque de commerce COUSINS décrit comme suit les marchandises qui y sont liées :
« [TRADUCTION] Sandwiches, dont des sous-marins sandwiches; breuvages. »
[9] Le 20 octobre 1998, la demanderesse déposait une déclaration d'opposition à l'encontre de l'enregistrement de la marque de commerce COUSINS auprès du Registraire. Cette déclaration reposait sur les motifs suivants (la traduction suivante est tirée de la décision du Registraire) :
- [TRADUCTION] La marque n'est pas enregistrable, eu égard à l'alinéa 12(1)d) [LMC], parce qu'elle prête à confusion avec la marque de commerce enregistrée de l'opposante (la demanderesse en l'espèce) [MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963]] [...] en liaison avec [les produits qui y sont rattachés] (motif d'opposition #1);
- La requérante (la défenderesse en l'espèce) n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque en cause, eu égard à l'alinéa 16(3)a) de la [LMC], parce que cette marque prête à confusion avec la marque de commerce précédemment employée de l'opposante, soit [MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963]], [...]en liaison avec les produits de l'opposante et avec la marque de commerce [MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000]], [...]utilisée depuis au moins mai 1987 en liaison avec [les produits qui y sont rattachés] (motif d'opposition #2);
- La marque en cause de la requérante ne permet pas de distinguer les marchandises et services de celle-ci et n'est pas adaptée à distinguer les marchandises et services de celle-ci des marchandises de l'opposante. L'opposante a employé ses marques [MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963]] et [MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000]] à titre de marques de commerce au Canada pendant plusieurs années en liaison avec ses produits [...] (motif d'opposition #3).
DÉCISION FAISANT L'OBJET DE L'APPEL
[10] Le 4 janvier 2005, la décision du Registraire refusait l'enregistrement de la marque COUSINS seulement à l'égard des « sandwiches, nommément sous-marins sandwiches » et rejetait l'opposition à l'égard des autres marchandises. Le registraire indique d'entrée de jeu qu'il n'a pris en considération dans sa décision que la marque MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963], le demandeur n'ayant pas fait référence à la marque MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000] dans ses motifs d'opposition, et n'ayant pas jugé bon de demander la permission pour déposer un amendement à sa déclaration d'opposition.
[11] Le Registraire note d'abord, en référant à plusieurs des pièces figurant au dossier, que la preuve d'utilisation de ces deux marques est limitée et peu probante, et conclut qu'il n'a pas d'indications quant à la durée d'utilisation des marques et quant à la mesure dans laquelle elles sont devenues connues. Le Registraire passe ensuite en revue chacun des critères prévus au paragraphe 6(5) LMC en vue de déterminer s'il y a confusion entre les marques MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963] et MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000] et la marque pour laquelle l'enregistrement est demandé.
[12] Le Registraire précise le fardeau de preuve applicable, indiquant que le fardeau de preuve initial repose sur l'opposante (la demanderesse), mais qu'il appartient ensuite à la requérante (la défenderesse) de prouver que les motifs d'opposition ne devraient pas empêcher l'enregistrement de la marque.
[13] Le Registraire détermine ensuite que les dates pertinentes sont les suivantes :
- Pour l'examen de la question du droit à l'enregistrement [para. 16(3) LMC] (motif d'opposition #2) : date du dépôt de la demande (29 mai 1996);
- Pour l'évaluation du caractère distinctif [art. 2 et alinéa 38(2)d)] (motif d'opposition #3): date du dépôt de la déclaration d'opposition (20 octobre 1998)
- Pour la question de l' « enregistrabilité » (sic) (12(1)d) LMC) (motif d'opposition #1) : date de la décision du Registraire (4 janvier 2005)
Le Registraire ajoute que ces dates ne sont pas un facteur dans sa décision.
[14] Le Registraire passe ensuite en revue, à la lumière de la jurisprudence, chacun des critères prévus au paragraphe 6(5) LMC en vue de déterminer s'il y a confusion entre les marques MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963] et MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000] d'une part et la marque pour laquelle l'enregistrement est demandé (COUSINS (no. 813812)) d'autre part. Ce paragraphe de la LMC se lit comme suit :
6. 5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent. |
6. (5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including (a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known; (b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use; (c) the nature of the wares, services or business; (d) the nature of the trade; and (e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them. |
[15] Sur le facteur de l'alinéa a), le Registraire conclut qu'en ce qui concerne la marque MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000], l'opposante est favorisée. Il conclut cependant que la preuve relative à la marque MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963] est trop faible pour aller en ce sens.
[16] Analysant le facteur de l'alinéa b), le Registraire écrit ceci :
« [TRADUCTION] La preuve n'établit nullement que la requérante a utilisé la marque en cause au Canada, alors qu'il existe une preuve limitée de l'emploi de la marque [MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000]] en liaison avec le pain. Ce facteur favorise l'appelante. »
[17] Le Registraire traite ensuite des facteurs des alinéas c) et d). Il note l'existence d'un « chevauchement entre les sous-marins, d'une part, et les sandwiches, d'autre part, [...] [et qu'il] y a également chevauchement entre les sous-marins et le pain. Quant aux lieux de distribution, le Registraire note que les sous-marins de la défenderesse pourraient être vendus dans les mêmes lieux que ceux de la demanderesse. Il conclut également, sur la question du droit à l'enregistrement (para. 16(3)), que la preuve d'emploi de la marque MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963] est insuffisante et qu'il n'a donc pas à vérifier si les produits vendus sous cette marque seraient susceptible de causer de la confusion.
[18] Le Registraire aborde ensuite la jurisprudence applicable à l'alinéa e) et analyse chacune des marques de commerce du point de vue de leur ressemblance, de leur son et des idées qu'elles suggèrent. Il n'en tire aucune conclusion favorable ou défavorable à l'endroit de l'une ou l'autre des parties.
[19] Quant aux autres facteurs (la liste du paragraphe 6(5) LMC n'est pas exhaustive), le Registraire refuse de tenir compte du fait qu'aucun cas de confusion n'a été soulevé aux États-Unis, la preuve d'emploi des marques MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963] et MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000] dans ce pays étant insuffisante à son avis. Il refuse également de tenir compte de l'emploi des mots MAISON COUSIN, du fait que selon lui, cela équivaudrait à permettre à l'opposante de faire une preuve qu'elle n'est pas autorisée à faire, n'ayant pas amendé sa déclaration d'opposition comme elle en avait le droit.
[20] Après avoir passé en revue la preuve dont il disposait, le Registraire rejette les motifs d'opposition #2 et #3, soulignant que l'opposante (la demanderesse en l'espèce) ne s'est pas déchargée de son fardeau initial de preuve. Quant au motif d'opposition #1, le registraire conclut que le fardeau initial de preuve reposant sur l'opposante a été renversé, et que le fardeau de la requérante en vue de l'enregistrement de sa marque (COUSINS (no. 813812)) n'a pas été renversé par celle-ci dans le cas des sandwiches, nommément des sous-marins. Le Registraire rejette donc l'opposition en ce qui a trait aux autres marchandises et services.
ANALYSE
1. Norme de contrôle
[21] La Cour d'appel fédérale a énoncé la norme de contrôle applicable aux décisions de la décision du Registraire dans l'arrêt Les Brasseries Molson c. John Labatt Limitée, [2000] 3 C.F. 145; [2000] A.C.F. No. 159 (C.A.F.). La version française des motifs du juge Rothstein, au para. 51, a résumé les principes régissant la norme de contrôle:
« Je pense que l'approche suivie dans les affaires Benson & Hedges et McDonald's Corp. est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire. »
[22] Cet arrêt a été suivi par la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale (voir par ex. : Novopharm Ltd. c. Bayer, (2000) 264 N.R. 384; [2000] F.C.J. No. 1864 (C.A.F.), au para. 4; Metro-Goldwyn Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc., 2004 F.C. 1185, [2004] F.C.J. No. 1422 (C.F.), au para. 5). En règle générale, la norme de contrôle judiciaire de la décision de la Commission est celle de la décision déraisonnable simpliciter. Toutefois, lorsque des éléments de preuve complémentaires sont soumis, il faut en évaluer le caractère significatif et la valeur probante.
[23] L'approche retenue par le juge Mactavish dans l'affaire Telus Corp. c. Orange Personal Communications Services Ltd., 2005 F.C. 590; [2005] F.C.J. No. 722 (F.C.) est pertinente à cet égard. Dans cette affaire, le juge Mactavish s'inspire des remarques formulées par le juge Evans dans Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co., (1999) 176 F.T.R. 80; (1999) 23 Admin. L.R. (3d) 153; [1999] F.C.J. No. 1763 (C.F.), aux paras. 37 à 39.
« Les conséquences à l'égard de la norme de contrôle qu'entraîne le dépôt en appel d'une preuve additionnelle seront largement fonction de la mesure dans laquelle cette autre preuve a une force probante plus grande que celle des éléments fournis au registraire. Si l'élément apporté a peu de poids et ne consiste qu'en une simple répétition des éléments déjà mis en preuve sans accroître la force probante de ceux-ci, la présence de cet élément additionnel ne devrait avoir aucune incidence sur la norme de contrôle appliquée par la Cour en appel.
Par contre, lorsque la preuve additionnelle va au-delà de ce qui a déjà été établi devant le registraire, la Cour doit alors se demander si, à la lumière de cette preuve, le registraire a rendu la mauvaise décision à l'égard de la question sur laquelle porte ces éléments de preuve et, peut-être, si la décision au fond est elle-même justifiée. Plus les éléments de preuve additionnels ont un poids important, plus la cour d'appel sera portée à tirer elle-même une conclusion de fait. »
[24] Si la preuve est suffisamment significative et probante, alors il y a lieu d'appliquer la norme de la décision correcte. Sinon, la norme demeure celle de la décision déraisonnable simpliciter.
[25] La demanderesse soutient que l'affidavit de M. Laurent Samson, directeur du marketing de la demanderesse, constitue une preuve nouvelle importante et probante devant justifier d'appliquer la norme de la décision correcte, puisque cet affidavit « tend à démontrer que les marques de commerce [MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963], MAISON COUSIN (LMC 580,508) [2 mai 2003], MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000], MAISON COUSIN & CIE & DESSIN (LMC 576, 779) [3 mars 2003] et MAISON COUSIN & CO & DESSIN (LMC 576, 780) [3 mars 2003]] de la demanderesse sont connues et utilisées depuis plusieurs années en association avec des produits et services de boulangerie aux dates pertinentes.
[26] Ayant revu l'ensemble de la nouvelle preuve, je crois qu'il y a lieu d'appliquer la norme de la décision correcte. La nouvelle preuve introduit 3 nouvelles marques de commerce et l'affidavit de M. Samson présente des preuves d'usage des marques de la demanderesse beaucoup plus substantielles que celles qui était disponible au Registraire.
2. Alinéa 12(1)d) de la LMC
[27] La demanderesse soulève plusieurs arguments à l'encontre des conclusions du Registraire portant sur l'alinéa 12(1)d) LMC. Cet alinéa se lit comme suit :
12. (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants :
[...]
d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée; |
12. (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not
[...]
(d) confusing with a registered trade-mark;
|
[28] Je reprendrai d'abord chacun des motifs d'opposition fondé sur cet article, et je ferai ensuite l'analyse des facteurs énoncés dans la LMC.
i) Les marques pertinentes
[29] D'abord, il soutient que le Registraire a erré en ne tenant pas compte d'une partie de la preuve. Plus précisément, il est allégué que le Registraire s'est contredit en refusant d'abord de considérer la preuve relative à la marque MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000], puis en terminant sa décision en disant qu'il en avait tenu compte. Le passage dans lequel le Registraire dit tenir compte des 2 marques est le suivant, à la p. 11 :
« [TRADUCTION] Je me fonde sur ce point sur les constatations que j'ai faites ci-dessus au sujet de la nature des marchandises et du commerce ainsi que du degré de ressemblance dans le son entre la marque en cause et les mots des marques de commerce [MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963]] and [MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000] »
[30] La décision du Registraire est effectivement contradictoire sur ce point. Le Registraire était tenu de mettre à jour les motifs d'opposition dont le libellé excluait la marque MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000], dont l'enregistrement a été fait longtemps après la date de la déclaration d'opposition. Cependant, cette erreur m'apparaît être mineure puisqu'en plusieurs endroits dans la décision, le Registraire démontre bien qu'il a examiné la preuve relative aux deux marques, même s'il annonce d'entrée de jeu qu'il ne le ferait pas. La décision, prise dans son ensemble, me convainc que la preuve relative à la marque MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000] a été considérée. Le Registraire n'a donc commis qu'une erreur mineure en disant d'entrée de jeu qu'il n'en tiendrait pas compte, puisque sa décision montre qu'il l'a prise en considération.
ii) Le fardeau de preuve
[31] La demanderesse soutient également que le fardeau initial de preuve lui a été erronément été attribué. Pourtant, elle cite dans son mémoire le passage suivant de l'affaire Redsand Inc. c. Bytex Ltd., 74 C.P.R. (3d) 373 (C.F.) :
"In an opposition proceeding, prior to considering the specific grounds of opposition, the opponent to registration, in this case the appellant, is under an initial evidentiary burden to adduce evidence from which it may reasonably be concluded that the facts alleged to support the grounds of opposition exist."
[32] Selon cet extrait, l'opposante a un fardeau initial de preuve. Or, c'est précisément ce qu'écrit le Registraire dans sa décision, à la page 6 :
« [TRADUCTION] Il incombe à la requérante de prouver en dernier ressort que sa demande est conforme aux dispositions de l'article 30 de la Loi; cependant, l'opposante doit d'abord établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses motifs d'opposition. Une fois qu'elle a établi ces faits, il appartient à la requérante de prouver que les motifs d'opposition en question ne devraient pas empêcher l'enregistrement de la marque en cause. »
[33] Le Registraire et la demanderesse ont donc la même opinion quant au fardeau de preuve : un fardeau de preuve initial repose sur l'opposant (établir les faits invoqués), mais sont d'avis que le véritable fardeau de preuve repose sur la personne qui demande l'enregistrement de sa marque. À mon avis, il n'y a pas lieu d'établir deux fardeaux de preuve. Il n'y en a qu'un seul, et il repose sur la personne qui demande l'enregistrement de sa marque. C'est ce que la jurisprudence, non équivoque sur ce point, indique. Dans l'affaire Miss Universe Inc. c. Bonha, [1995] 1 C.F. 614, au para. 14 (C.A.F.), le juge Décary écrit :
« Il appartient toujours à celui qui demande d'enregistrer une marque de commerce d'établir que, selon la prépondérance des probabilités, il n'y a aucune probabilité de confusion avec une autre marque de commerce déjà employée et enregistrée. »
[34] Cela ne signifie pas que l'opposant peut se croiser les bras et attendre que la personne qui demande l'enregistrement de sa marque fasse sa preuve. Elle doit également présenter des éléments de preuve permettant au Registraire de se faire une idée sur chacun des facteurs prévus au para. 6(5) LMC : c'est là l'objectif ultime d'une procédure d'opposition fondée sur la confusion. En ce sens, le Registraire peut à bon droit tirer des conclusions de l'absence de preuve d'emploi d'une marque, ou de durée de cet emploi. En l'espèce, sur le motif d'opposition #1, le Registraire a conclu que l'opposante s'était déchargée de son fardeau initial de preuve et qu'elle avait réussi à renverser le fardeau, de sorte qu'il incombait à la requérante de prouver qu'il « n'y a aucun risque raisonnable de confusion » . En ce qui a trait aux sous-marins, le Registraire a conclu que la requérante n'avait pas fourni de preuve suffisante pour se décharger de son fardeau de preuve, ce qui montre que le fardeau de preuve a été correctement appliqué pour ce motif d'opposition. Il est vrai qu'il aurait dû éviter de parler d'un « fardeau » pour désigner l'obligation de l'opposante de présenter des preuves, et se contenter de peser la preuve respective des parties. Cela ne constitue cependant qu'une erreur mineure, considérant qu'il appert de la décision attaquée que le Registraire a comparé les marques en litige en se laissant guider par le para. 6(5) LMC et en se fiant à toute la preuve.
iii) La preuve pertinente
[35] La demanderesse allègue en outre que le Registraire a mal évalué la preuve devant lui, parce que plusieurs pièces qui lui ont été présentées faisant la preuve d'emploi des marques MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963] et MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000] n'auraient pas été prises en considération. La LMC définit ce qui constitue l'emploi ou l'usage d'une marque :
2.
[...]
« emploi » ou « usage » À l'égard d'une marque de commerce, tout emploi qui, selon l'article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services.
[...]
4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée. (2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.
(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises. |
2.
[...]
"use", in relation to a trade-mark, means any use that by section 4 is deemed to be a use in association with wares or services
[...]
4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.
(2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.
(3) A trade-mark that is marked in Canada on wares or on the packages in which they are contained is, when the wares are exported from Canada, deemed to be used in Canada in association with those wares.
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[36] La preuve de l'opposante, pour être considérée par le Registraire, devait donc satisfaire à ces critères pour la date pertinente. Cette date, en ce qui concerne le motif d'opposition #1, est la date de l'enregistrement ou celle du refus de l'enregistrement, soit le 4 janvier 2005 en l'espèce. C'est ce qu'écrit le juge Desjardins dans l'affaire Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd., [1991] A.C.F. No. 546 :
« Dans le cas d'une opposition au droit à l'enregistrement, le point de vue adopté par le juge Heald dans l'arrêt Oshawa m'apparaît le plus logique [Cette question est analysée dans l'ouvrage Canadian Trade-Marks Act, Annotated, Revised (Don Mills, De Boo, 1989) à la page 12-6, par. 6(5).]. Je ne vois rien d'anormal dans la possibilité pour les parties de mettre la situation à jour lorsqu'il s'agit de savoir s'il y a lieu d'accorder une reconnaissance législative à une marque. Il me semble qu'il importe que la décision du registraire ou du tribunal reflète avec exactitude l'état du registre. Le droit à l'enregistrement devrait être décidé à la date de l'enregistrement ou à la date du refus de l'enregistrement. »
[37] La demanderesse renvoie à plusieurs éléments de preuve disponibles devant le Registraire permettant de démontrer l'emploi de la marque avant la date pertinente. Elle prétend que le Registraire n'en aurait pas tenu compte. À mon avis, le Registraire en a tenu compte mais a délibérément choisi d'y accorder peu de valeur probante. À la page 4, il écrit :
« [TRADUCTION] Les seuls documents déposés en preuve qui portent la marque [MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963]] sont des copies de deux en-têtes de lettres différentes. Il y a cependant des différences mineures entre le dessin apparaissant sur chaque en-tête de lettre et la marque [MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963]]. En tout état de cause, les marques de commerce figurant sur l'en-tête de lettre ne constituent pas un emploi antérieur d'une marque de commerce enregistrée en liaison avec des marchandises. Aucun emballage ou étiquette portant la marque [MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963]] n'a été déposée dans le dossier. Par conséquent, je n'ai devant moi aucune preuve d'emploi de la marque [MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963]] en liaison avec l'un ou l'autre des produits de l'opposante.
La pièce MD-5 se compose d'échantillons d'emballage de différents types de pain. Deux d'entre eux, le « pain aux deux fromages » et le « pain aux raisons » , portent la marque MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000]. Les autres échantillons portent soit le dessin du cercle de la marque MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000], soit l'inscription stylisée des mots MAISON COUSIN apparaissant sur la marque de commerce MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000], et l'opposante n'a pas allégué avoir employé ces versions modifiées de ses marques de commerce à l'appui de ses motifs d'opposition. Nous n'avons aucun renseignement indiquant la période au cours de laquelle les échantillons pertinents ont été employés au Canada et la mesure dans laquelle ils l'ont été.
La pièce MD-4 se compose d'échantillons de matériel publicitaire. Ce matériel est peu utile pour l'opposante, parce qu'aucune date n'a été indiquée quant à l'empl,oi de ce matériel et que les marques qui y figurent sont, dans la plupart des cas, différentes des marques de commerce [MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963]] et MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000]. »
Cet extrait illustre que toute la preuve datant d'avant le 4 janvier 2005 a été considérée dans son ensemble. Le Registraire n'a donc pas commis d'erreur sur ce point.
iv) Analyse détaillé des facteurs du para. 6(5) LMC
[38] Sous le paragraphe 6(5) LMC, il suffit qu'il y ait une vraisemblance de confusion pour empêcher l'enregistrement d'une marque (Pink Panther Beauty Corp., [1998] 3 C.F. 534; [1998] F.C.J. No. 441 (C.A.F.)). L'existence d'une vraisemblance de confusion est une question de première impression. Les facteurs du paragraphe 6(5) permettent de guider le juge dans son analyse. Dans l'arrêt Miss Universe Inc. c. Bohna, [1995] 1 C.F. 614; [1994] F.C.J. No. 1642 (C.A.F.), le juge Décary a expliqué comment doit s'évaluer la vraisemblance de confusion entre des marques de commerce :
« Pour décider si l'emploi d'une marque de commerce ou d'un nom commercial cause de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial, la Cour doit se demander si, comme première impression dans l'esprit d'une personne ordinaire ayant un vague souvenir de l'autre marque ou de l'autre nom, l'emploi des deux marques ou des deux noms, dans la même région et de la même façon, est susceptible de donner l'impression que les services reliés à ces marques ou à ces noms sont fournis par la même personne, que ces services appartiennent ou non à la même catégorie générale.
En décidant s'il y a vraisemblance de confusion, la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances, y compris celles visées au paragraphe 6(5) précité. »
[39] Le caractère distinctif d'une marque peut être inhérent ou acquis. Le caractère distinctif inhérent d'une marque équivaut à son originalité. Ainsi, le caractère distinctif inhérent d'une marque constituée d'un nom unique ou inventé, ne pouvant désigner qu'une chose, est supérieur à celui d'une marque constituée d'un mot d'usage courant dans le commerce (ITV Technologies, Inc. c. WIC Television Ltd., 2003 F.C. 1056; [2003] A.C.F. no. 1335 (C.F.), au para. 119). La marque qui se limite à décrire les marchandises jouira d'une protection moindre (Pink Panther Beauty, précitée, au para. 23). En l'espèce, les marques de la demanderesse et de la défenderesse ont des caractères distinctifs inhérents importants. Il est vrai que toutes les marques ont le mot COUSIN en commun. Cependant, la marque dont l'enregistrement est demandé se distingue en ce qu'elle est plus courte et n'est pas précédée du mot MAISON. Quant au caractère distinctif acquis (la mesure dans laquelle une marque est devenue connue), il correspond à la notoriété de la marque. La preuve de puissance d'une marque peut permettre d'accroître la protection à accorder à une marque (Miss Universe Inc. c. Bonha, précitée, aux paras. 12 et 13). Or, cette preuve de notoriété des marques de la demanderesse n'est pas suffisante pour justifier une protection accrue.
[40] La période d'usage des marques respectives avantage clairement la demanderesse. Selon l'affidavit non contredit de M. Samson, les marques MAISON COUSIN & DESSIN (LMC 130,985) [10 mai 1963] et MAISON COUSIN 1921 & DESSIN (LMC 523,147) [15 février 2000] sont employés et apposées sur les produits de la demanderesse depuis leur date d'enregistrement. Quant à la marque de la défenderesse, elle n'est enregistrée aux États-Unis que depuis le 18 août 1981. Ce facteur est donc à l'avantage de la demanderesse.
[41] La demanderesse a remis en question les conclusions du Registraire quant aux facteurs énumérés aux alinéas 6(5)c) et d). Elle prétend que :
« la conclusion du Registraire ne protège pas les consommateurs contre la confusion qui pourrait exister au sujet de la source des autres marchandises [que les sous-marins], et que cette conclusion ne tient pas compte de la réalité commerciale, en ce sens que la Demanderesse et la défenderesse Cousins Submarines offrent une gamme de plusieurs produits alimentaires. »
Mon analyse est différente de celle de la demanderesse. Le genre de marchandises de la demanderesse et de la défenderesse, sauf pour les sous-marins, est différent. Le fait que les marchandises vendues par l'une et l'autre des compagnies soit pour l'essentiel très différents réduit le risque de confusion. Dans l'affaire Tradition Fine Foods Ltd. c. Oshawa Group Ltd. [2004] A.C.F. No. 1244, conf. par 2005 FCA 342, le juge O'Reilly de notre Cour avait devant lui des faits qui ressemblent à ceux de l'espèce. Dans cette affaire, il s'agissait d'une demande fondée sur plusieurs dispositions de la LMC, dont la question de la confusion sous l'article 20
LMC. Le demanderesse exploitait des boulangeries, alors que la défenderesse tenait des épiceries où étaient vendues, notamment, des produits de boulangerie. Se livrant à l'analyse des facteurs prévus à la LMC, le juge écrit, au para. 40 :
La demanderesse exploite une entreprise spécialisée. Ses marchandises se limitent à des produits de boulangerie : muffins, croissants, danoises, biscuits et gâteaux. L'entreprise des défenderesses est générale. Elles vendent bien des produits de boulangerie, dont des produits cuits dans leurs vingt-huit épiceries, mais leurs marchandises comprennent la totalité des produits alimentaires et des articles qu'on peut s'attendre à trouver dans une épicerie moderne, vendus sous une multitude de noms de marque. Selon moi, les différences existant entre les marchandises des parties réduisent le risque de confusion.
À mon avis, ces faits ressemblent à ceux du présent dossier, en ce sens que le juge O'Reilly s'est permis de faire une distinction très nette entre les genres de produits alimentaires vendus par les parties, même si les produits vendus par l'un sont compris dans les produits vendus par l'autre. Ce raisonnement peut être repris. Le fait que le type de produits alimentaires vendus par les parties est différent, dans l'ensemble, réduit le risque de confusion. Ayant revu, d'une part, la description des produits vendues sous les marques de commerce de la demanderesse et la preuve pertinente et, d'autre part, la description de l'emploi projeté de la marque COUSINS par la défenderesse, je conclus que le genre de marchandises vendues est, sauf pour les sous-marins, tout à fait distinct. Ce facteur est donc à l'avantage de la défenderesse.
[42] Il en est de même de la nature du commerce. Les produits ne sont pas vendus dans le même genre d'établissement. Dans le cas des produits de la demanderesse, ils sont vendus dans des dépanneurs et des épiceries, tel qu'il appert des photos des points de vente fournies au soutien de l'affidavit de M. Samson. Ce même affidavit mentionne que « Maison Cousin a ouvert, au fil des années, des magasins à Montréal et dans les environs sous la bannière Maison cousin, et plus particulièrement au centre-ville de Montréal, au Square Victoria, au Square Westmount et au centre commercial Rockland » . Les produits de la demanderesse sont donc vendus dans des dépanneurs, des épiceries et des « magasins » , alors que les produits de la défenderesse sont vendus dans des restaurants. Ce facteur est à l'avantage de la défenderesse, puisque le fait que la nature du commerce et les points de vente ne soient pas du même genre réduit le risque de confusion.
[43] Le degré de ressemblance entre les marques en litige m'apparaît également, quoique dans une moindre mesure, avantager la défenderesse. Au plan visuel, les marques de la demanderesse sont composées de plusieurs mots alors que celle de la demanderesse n'est composée que d'un mot. Le son est également différent, pour cette même raison.
[44] Finalement, la liste de facteurs du paragraphe 6(5) n'étant pas exhaustive, je peux considérer d'autres facteurs. Les logos respectifs des marques étant très différents, je crois que cela réduit encore le risque de confusion.
[45] Ayant considéré l'ensemble des facteurs et en tenant compte de la norme de contrôle et du fardeau de preuve applicables, j'en viens à la conclusion qu'il n'y a pas lieu de revoir la conclusion du Registraire. Même si certains facteurs sont à l'avantage de la demanderesse, le test de la première impression ainsi que les facteurs analysés dans leur ensemble, avantagent plutôt la défenderesse. La Cour d'appel fédérale a récemment rappelé, dans Tradition Fine Foods Ltd. c. Oshawa Group Ltd. [2004] A.C.F. No. 1244, au para. 10, que la question de la confusion, de façon générale, peut se poser en ces termes :
"The parties agreed at trial that to find confusion the court must answer the following question affirmatively; "If both trade-marks were used in the same area, would the average consumer likely infer that the wares of the two vendors actually have the same source?" This same question has been commonly used in trade-mark cases. (See British Drug Houses Ltd. v. Battle Pharmaceuticals, (1944), 4 CPR 48 (Ex. Ct.); Miss Universe, Inc. v. Bohna, (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (F.C.A.); and Polo Ralph Lauren Corp. v. United States Polo Association et al., (2000), 9 C.P.R. (4th ) 51 (F.C.A.).)"
Selon moi, le consommateur moyen n'est pas susceptible de croire que les produits reliés aux marques de la demanderesse proviennent de la même source que les produits de la défenderesse. C'est là la question de fond, et le Registraire y a bien répondu. Il est vrai que le fardeau de le démontrer reposait sur les épaules de la défenderesse, et que celle-ci n'a pas comparu. Néanmoins, la preuve qui a été faite devant le Registraire suffit à en arriver à cette conclusion, même en prenant en considération la nouvelle preuve.
2. Article 16(3) de la LMC
[46] La demanderesse soutient que le Registraire a erré dans son application du paragraphe 16(3) LMC (motif d'opposition #2). Ce paragraphe se lit comme suit :
16. (3) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article 30 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard des marchandises ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n'ait créé de la confusion : a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne; b) soit avec une marque de commerce à l'égard de laquelle une demande d'enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne; c) soit avec un nom commercial antérieurement employé au Canada par une autre personne. |
16. (3) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a proposed trade-mark that is registrable is entitled, subject to sections 38 and 40, to secure its registration in respect of the wares or services specified in the application, unless at the date of filing of the application it was confusing with (a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person; (b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or
(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.
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[47] Pour les raisons mentionnées ci-dessus, il n'y a pas de risque de confusion entre les marques de la demanderesse en considérant toute la preuve à la date de la décision du Registraire, sauf en ce qui concerne les sous-marins. Il n'y a pas d'erreur dans les motifs du Registraire sur ce point, puisqu'à la date de production de la demande, la preuve était essentiellement la même. Sur le fond, les marchandises sont différentes, leurs points de vente sont différents, le son des marques est différent et les logos employés ne se ressemblent pas. Le consommateur moyen ne serait donc pas induit en erreur, quelle que soit la date considérée.
[48] La demanderesse a soulevé le fait que le Registraire a commis des erreurs mineures dans la description et l'appréciation de la preuve. Toutefois, ces erreurs ne sont pas déterminantes au point de remettre en question, dans son ensemble, l'appréciation de la preuve qu'a fait le Registraire.
3. Article 2 et 38(2)d) LMC
[49] La demanderesse allègue que l'article 2 LMC a été mal interprété par le Registraire. La décision du Registraire sur le motif d'opposition #3 est donc attaquée. L'article 2 LMC se lit comme suit :
2.
[...]
« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.
[...] |
2.
[...]
"distinctive", in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;
[...]
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[50] Dans l'affaire Havana House Cigar & Tobacco Merchants Ltd. c. Skyway Cigar Store, (1998) 147 F.T.R. 54[1998] A.C.F. No. 678 (C.F.), inf. pour d'autres motifs par (1999) 251 N.R. 215; [1999] A.C.F. No. 1749 (C.A.F), le juge Teitelbaum écrit :
« Ainsi qu'il est précisé dans le jugement Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd., (1985), 7 C.P.R. (3d) 254 (C.F. 1re inst.), conf. par (1987), 17 C.P.R. (3d) 237 (C.A.F.), conf. par (1987), 17 C.P.R. (3d) 287 (C.A.F.), trois conditions doivent être réunies pour que le caractère distinctif soit démontré (à la page 270 (C.F. 1re inst.)):
la marque doit être reliée à un produit (ou marchandise); (2) le « propriétaire » doit utiliser ce lien entre la marque et son produit, en plus de fabriquer et de vendre ce produit; 3) ce lien permet au propriétaire de la marque de distinguer son produit de celui d'autres fabricants.
La question du caractère distinctif est une question de fait. La question à se poser est celle de savoir si l'on a clairement laissé entendre au public que les marchandises auxquelles la marque de commerce est associée et en liaison avec laquelle elle est employée sont les marchandises du propriétaire de la marque de commerce et non celles d'une autre personne. »
[51] En l'espèce, la marque COUSINS est reliée aux produits ou marchandises de la défenderesse. Aussi, le propriétaire utilise ce lien, fabrique et vend le produit, et ce lien permet au propriétaire de distinguer son produit de celui d'autres fabricants. Les observations faites ci-dessus sur la question de la confusion peuvent en partie être reprises, puisque la question de la confusion et celle du caractère distinctif se ressemblent parce que dans les deux cas, c'est la question de l'origine perçue ou apparente des produits qui est en cause.
[52] En l'espèce, la défenderesse laisse clairement entendre au public que les marchandises auxquelles sa marque de commerce est associée sont les siennes et non celles d'une autre personne. Le fait que le Registraire ait erronément fait reposer un « fardeau » sur les épaules de la demanderesse n'est qu'une erreur mineure, pour les motifs mentionnés plus haut.
CONCLUSIONS
[53] Ayant pris en considération l'ensemble de la nouvelle preuve et de la preuve disponible devant le Registraire, j'en viens à la conclusion que malgré quelques erreurs mineures dans sa décision, il n'y a pas lieu d'accueillir la présente demande d'appel. Dans l'ensemble, le Registraire a adopté une démarche correcte et la conclusion à laquelle il en arrive ne doit pas être modifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE QUE :
- La demande d'appel soit rejetée.
JUGE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
INTITULÉ :
MAISON COUSIN (1980) INC.
Demandeur
et
COUSINS SUBMARINES INC.
LE REGISTRAIRE DESMARQUES DE COMMERCE
Défenderesse
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal
DATE DE L'AUDIENCE : 14 décembre 2005
MOTIFS DU JUGEMENT : Monsieur le juge Simon Noël
DATE DES MOTIFS : Le 5 janvier 2006
COMPARUTIONS:
Me Benoît Huart |
POUR DEMANDEUR
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POUR DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Stikeman Elliot S.E.N.C.R.L. s.r.l.- Montréal Me Bruno Barrette Me Benoît Huart |
POUR DEMANDEUR |
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POUR DÉFENDERESSE
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