IMM-2667-96
ENTRE
RAUL HORACIO ACEVEDO VASQUEZ
Partie requérante
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Partie intimée
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 10 juillet 1996 par la Section du statut de réfugié statuant que le requérant n'est pas un réfugié au sens de la Convention tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration. Le tribunal a préféré la preuve documentaire indiquant que des "changements fondamentaux et durables se sont produits au Chili depuis 1989" au témoignage du requérant. Le tribunal a fondé sa décision sur la preuve documentaire indiquant que la situation sociale et politique s'est normalisée au Chili au point où le Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne reconnaissent plus les réfugiés chiliens. Le tribunal a trouvé que "ces changements rendent invraisemblable" l'histoire du requérant.
Le requérant reproche essentiellement au tribunal d'avoir fait une analyse superficielle et sélective de la preuve documentaire pour écarter son témoignage non autrement contredit. Dans l'arrêt Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315, Monsieur le juge Décary, pour la Cour d'appel fédérale, a décrit le critère de retenue applicable en regard d'une conclusion de crédibilité par semblable tribunal, à la page 316:
Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié à pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron , la cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut-être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau. |
Dans M.E.I. c. Zhou (18 juillet 1994), A-492-91, Monsieur le juge Linden, pour la Cour d'appel fédérale, a confirmé qu'il est loisible au tribunal d'accorder plus de poids à la preuve documentaire soumise qu'au témoignage du requérant:
We are not persuaded that the Refugee Division made any error that would warrant our interference. The material relied on by the Board was properly adduced as evidence. The Board is entitled to rely on documentary evidence in preference to that of the claimant. There is no general obligation on the Board to point out specifically any and all items of documentary evidence on which it might rely. The other matters raised are also without merit. The appeal will be dismissed. |
Au même effet, Monsieur le juge Noël, de cette Cour, a rendu deux décisions, dans Victorov c. M.C.I. (14 juin 1995), IMM-5170-94, et Andrade et al. c. M.C.I. (5 mai 1997), IMM-2361-96, cette dernière décision étant toute récente. Dans Victorov, la Cour a noté ce qui suit:
Je rejette aussi la prétention des requérants qui reprochent au tribunal de ne pas les avoir confrontés avec la preuve documentaire qui a servi à atténuer leur crédibilité. Les documents retenus par le tribunal étaient inclus parmi ceux qui furent soumis par l'agent d'audition au début de l'audition et étaient énumérés dans l'index du cartable sur l'État d'Israël reçu par les requérants avant l'audition. Les requérants ont présenté leur propre preuve documentaire. Le tribunal était en droit de puiser à même cette preuve celle qui, à son point de vue, se conjuguait le mieux avec la réalité. C'est ce qu'il a fait. |
Dans Andrade, où les requérants sont tous deux citoyens du Chili, Monsieur le juge Noël a écrit:
Les Requérants ne mettent pas en question les faits tels qu'ils furent relatés par le tribunal. Il lui reproche cependant d'avoir mis de côté leur revendication à la seule lumière de la preuve documentaire. Selon les Requérants, le tribunal se devait d'accepter le témoignage non-contredit du Requérant principal. |
Je ne suis pas de cet avis. La décision du tribunal n'est pas fonction exclusive de la preuve documentaire. Ce sont les événements relatés par le Requérant principal qui, lorsque considérés à la lumière de cette preuve documentaire, ont poussé le tribunal à conclure à l'invraisemblance de son histoire. Après avoir considéré le témoignage du Requérant principal, j'en conclus que le tribunal était en droit de tirer cette conclusion. |
Les Requérants reprochent aussi au tribunal d'avoir ignoré la preuve documentaire susceptible de confirmer les événements qu'ils disent avoir vécus. Je suis plutôt d'avis que le tribunal a répondu à l'invitation qui lui fut faite par l'agent chargé de la vérification d'évaluer la logique du récit du revendicateur principal à la lumière des conditions que laissent entrevoir la prépondérance de la preuve documentaire. Rien ne laisse croire que ce faisant, le tribunal n'a pas porté une oreille attentive à toute la preuve qui était devant lui. |
En l'espèce, je suis d'avis que le requérant ne s'est pas déchargé de son fardeau de démontrer que les inférences tirées par le tribunal spécialisé qu'est la Section du statut ne pouvaient pas raisonnablement l'être. Il appert de toute la preuve, incluant la transcription relative à l'audition devant le tribunal, que ce dernier a fondé sa décision sur d'importants éléments de preuve au dossier et qu'il pouvait donc raisonnablement conclure comme il l'a fait. Bien que l'ensemble de la preuve documentaire sur le Chili ne révèle pas toujours une situation aussi "rose" que celle ressortant de la décision du tribunal, il n'en demeure pas moins que cette preuve comportait suffisamment d'éléments sérieux pouvant supporter cette décision. On sait qu'en matière de crédibilité et d'appréciation des faits, il n'appartient pas à cette Cour de se substituer à un tribunal lorsque, comme dans le présent cas, le requérant fait défaut d'établir que ce tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de faits erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition.
En conséquence, le requérant ne m'ayant pas convaincu que le tribunal a, par ailleurs, commis une erreur pouvant justifier l'intervention de cette Cour, la demande
de contrôle judiciaire doit être rejetée. À l'instar des procureurs des parties, je considère qu'il n'y a pas ici matière à certification.
OTTAWA (Ontario)
Le 4 juin 1997
JUGE
COUR FEDERALE DU CANADA SECTION DE PREMIERE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
N º DE LA COUR : IMM-2667-96
INTITULE : RAUL HORACIO ACEVEDO VASQUEZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETE ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTREAL
DATE DE L'AUDIENCE : 22 MAI 1997 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PINARD EN DATE DU 4 JUIN 1997
COMPARUTIONS
ALAIN JOFFE POUR LA PARTIE REQUERANTE
SEBASTIEN DASYLVA POUR LA PARTIE INTIMEE
AVOCATS INSCRITS_ AU DOSSIER
NADLER, JOFFE POUR LA PARTIE REQUERANTE MONTREAL
M. GEORGE THOMSON POUR LA PARTIE INTIMEE SOUS-PROCUREUR GENERAL DU CANADA