Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20240910

Dossier : T-2091-22

Référence : 2024 CF 1411

Ottawa (Ontario), le 10 septembre 2024

En présence de l'honorable madame la juge Tsimberis

ENTRE :

MARIAM NABIL TADROS

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Madame Mariam Nabil Tadros [demanderesse] demande le contrôle judiciaire de la décision émanant du deuxième examen de révision rendue par un agent de l'Agence du Revenu du Canada [ARC] le 23 septembre 2022. Dans sa décision, l'ARC a conclu que la demanderesse était admissible à la Prestation canadienne d'urgence [PCU] mais qu’elle n’était pas admissible à la Prestation canadienne de relance économique [PCRE] et à la Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement [PCTCC]. La demanderesse conteste uniquement la décision portant sur les demandes à la PCRE et la PCTCC [Décision].

[2] L'ARC a fourni les deux motifs suivants pour justifier sa Décision que la demanderesse ne fût pas admissible à la PCRE :

  • (1)la demanderesse n'avait pas gagné un revenu net d'au moins 5000 $ (avant impôts) d'un emploi ou un travail indépendant pour les années 2019, 2020 ou les 12 mois avant la date de sa première demande, et

  • (2)la demanderesse n'avait pas eu 50% de réduction de la moyenne du montant de son revenu hebdomadaire, en comparaison au revenu de l'année précédente, en raison de la COVID-19.

[3] L’ARC a fourni le motif suivant pour justifier sa Décision que la demanderesse ne fût pas admissible à la PCTCC :

  • (1)la demanderesse n'avait pas gagné un revenu net d'au moins 5000 $ (avant impôts) d'un emploi ou d'un travail indépendant pour les années 2020, 2021, ou les 12 mois avant la date de sa première demande.

[4] Le redressement recherché par la demanderesse est une ordonnance de la Cour qui annule la Décision sur son inadmissibilité à la PCRE et la PCTCC, afin qu'un autre agent de l'ARC puisse réexaminer son admissibilité, et ce, en tenant compte de la preuve soumise au dossier.

[5] À la lumière du rôle conféré par la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, et les principes établis par la jurisprudence sur l'examen en contrôle judiciaire, je détermine que l'ARC n'a pas rendu une décision déraisonnable. Je conclus qu'il n'était pas déraisonnable que l'ARC ait déterminé que la demanderesse n'était pas admissible à la PCRE ni à la PCTCC. Je trouve que la Décision de l'ARC tombe sous la gamme de la raisonnabilité vu que le manque de preuve au dossier était la base sur laquelle l'ARC a déterminé que la demanderesse n'a pas pu démontrer qu'elle remplissait les critères d'admissibilités. Les motifs rédigés par l'agent de l'ARC sont suffisamment cohérents, intelligibles et justifiés au regard des contraintes juridiques et factuelles, et la manière dont l'agent est arrivé à sa Décision, après le deuxième examen, n'a pas porté atteinte aux droits de la demanderesse à l'équité procédurale, pour les raisons décrites ci-dessous.

II. Faits

[6] La demanderesse est propriétaire d’un casse-croûte/cafétéria « La Noisette » située à l’intérieur du Cégep Marie Victorin à Montréal. La Noisette a ouvert ses portes en novembre 2019 et a fermé au mois de mars 2020.

[7] À l’arrivée de la pandémie COVID-19, le gouvernement a mis en œuvre des programmes de prestations pour fournir de l’aide aux canadiens qui rencontraient les exigences établies par la loi, notamment pour nos fins, les lois pertinentes sont la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, L.C. 2020, ch. 12, art. 2 [la LPCRE], et la Loi sur la prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement, L.C. 2021, ch. 26, art. 5 [la LPCTCC].

[8] La demanderesse a demandé des prestations sous trois régimes: (1) la PCRE pour les périodes entres le 27 septembre 2020 au 9 octobre 2021, (2) la PCTCC pour les périodes entre le 19 décembre 2021 au 29 janvier 2022, et (3) la PCU. Seules les demandes sous les régimes de la PCRE et la PCTCC font l’objet du contrôle judiciaire.

A. Décision du premier examen

[9] Le dossier de la demanderesse a été sélectionné par l'ARC pour une vérification afin de déterminer si la demanderesse satisfaisait les critères d'admissibilité établis par la loi lorsqu'elle avait obtenu des prestations sous les régimes de la PCRE, PCTCC et la PCU.

[10] Le premier examen a été rendu au mois d'avril 2022. Les notes au système de l'ARC [Notes] datées du 21 avril 2022 mentionnent qu'il manquait de preuve au dossier pour déterminer si la demanderesse satisfaisait les critères d'admissibilité à la PCRE, PCTCC et la PCU. Le 25 avril 2022, l'ARC envoie trois lettres qui expliquent que la demanderesse n'a pas pu démontrer son admissibilité à la PCRE, à la PCTCC et à la PCU. Le résultat du premier examen est que la demanderesse n'était pas admissible à la PCRE, à la PCTCC ni à la PCU.

[11] Au mois de mai 2022, la demanderesse envoie une lettre datée du 30 avril 2022 pour demander que l'ARC assigne un deuxième examen. Dans cette lettre, la demanderesse explique que l'agent du premier examen était « très stérile et ne laissait pas le temps de communiquer avec (s)on comptable qui était extrêmement occupé pendant les 2 dernières semaines d'avril. La communication ne montre aucune compréhension ou considération de la part de l'ARC ». L'accusé de réception de la lettre n'a été enregistré aux Notes que le 22 juin 2022.

B. Décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[12] L'ARC effectue un deuxième examen. Les Notes datées du 26 août 2022 indiquent que la demanderesse avait subi des pertes en "2019, 2019 (sic) and 2020. I do not thing (sic) she will be eligible for the benefits".

[13] Les Notes datées du 21 septembre 2022 indiquent que l'ARC a pris en compte les documents soumis par la demanderesse, ainsi que ceux qui ont été rajoutés le 7 septembre 2022:

  • -La lettre de la demanderesse datée du 2 septembre 2022;

  • -La déclaration d'impôts 2019T4A dans laquelle la case 105 mentionne que le gouvernement du Québec, sous le régime d'emploi, a versé une somme de 4617 $;

  • -Les copies du registraire des Entreprises du Québec pour la cafétéria La Noisette;

  • -Les copies des articles de ventes pour novembre et décembre 2019 et les trois premiers mois de 2020 (janvier, février et mars);

  • -Les copies des originaux, et ceux amendés, portant sur les retours d'impôts T1 des années 2019 et 2020;

  • -Les copies des originaux, et ceux amendés, portant sur les T2125 des années 2019-2020.

[14] Les Notes du 21 septembre 2022 décrivent les calculs que l'agent du deuxième examen a effectués. Premièrement, les Notes indiquent que la demanderesse était admissible à la PCU parce qu’elle a pu démontrer un revenu brut de 5249.16 $. Les Notes du 21 septembre 2022 décrivent les calculs que l'agent du deuxième examen a effectués pour déterminer l'admissibilité à la PCU. Pour arriver à la somme de 5249.16 $, l'agent a fait la somme (A) du revenu brut de 1478 $ gagné aux mois de novembre et décembre 2019 et (B) celle du revenu brut de 3771.16 $ gagné aux mois de janvier, février et mars 2020. L'agent a envoyé une lettre qui infirme la décision prise par l'agent du premier examen.

[15] Deuxièmement, les Notes indiquent que la demanderesse n'était pas admissible à la PCRE parce qu'elle ne satisfaisait pas le critère du montant de revenu net minimal de 5000 $ pour l'année 2019 (-2598 $), pour l'année 2020 (2101.41 $), ou pour les douze mois qui précèdent sa première demande (-497 $).

[16] Troisièmement, les Notes indiquent que la demanderesse n'était pas admissible à la PCTCC. L'ARC a essentiellement utilisé les mêmes chiffres pour calculer les revenus nets des années 2019 et 2020, ainsi que les douze mois qui précèdent sa première demande à la PCTCC. L'ARC a aussi calculé le revenu net pour 2021 en utilisant le montant qui se trouve dans la déclaration produite le 13 avril 2021 dont une perte de -4 292 $.

[17] La Décision de l'ARC a été communiquée par lettre datée du 23 septembre 2022 qui expliquait que la demanderesse était admissible à la PCU, mais qu'elle n'y était pas à la PCRE ni à la PCTCC.

III. Questions en litige

[18] La Cour est saisie de répondre à deux questions :

(1) Est-ce que l’ARC a porté atteinte à un principe d’équité procédurale en rendant sa Décision?

(2) Est-ce que la Décision rendue par l’ARC était déraisonnable?

IV. Droit applicable

[19] Pour y être admissible à la PCRE, un contribuable doit satisfaire les critères cumulatifs prévus à l’article 3 de la LPCRE, notamment:

  • (1)Le contribuable qui travaille à son propre compte doit démontrer que ses revenus provenant d’un emploi ou un travail indépendant s’élevaient à au moins 5000 $ pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date à laquelle il a présenté sa demande;

  • (2)Pour chaque période de deux semaines pour laquelle des prestations sont demandées, le contribuable doit avoir été empêché d’exercer un emploi ou d’exécuter un travail pour son compte pour des raisons liées à la COVID‑19, ou d’avoir subi une réduction d’au moins 50 % de ses revenus hebdomadaires moyens d’emploi ou de travail à son compte par rapport à l’année précédente ou au cours des 12 mois précédant la date à laquelle il a présenté sa demande, pour des raisons liées à la COVID‑19;

  • (3)Pour chaque période de deux semaines pour laquelle des prestations sont demandées, le contribuable doit également démontrer avoir fait des recherches pour trouver un emploi ou du travail à exécuter pour son compte, afin de combler le manque à gagner;

  • (4)Le contribuable doit démontrer avoir été présent au Canada et en mesure de travailler durant la période de deux semaines pour laquelle des prestations sont demandées.

[20] Pour y être admissible à la PCTCC, un contribuable doit satisfaire les critères cumulatifs prévus à l’article 4 de la LPCTCC, notamment:

  • (1)Le contribuable doit démontrer avoir un revenu total d’au moins 5000 $ provenant d’un emploi ou d’un travail indépendant pour l’année d’imposition 2020, 2021 ou dans la période de 12 mois précédant le jour où une demande est présentée;

  • (2)Le revenu visé de la personne qui exécute un travail pour son propre compte est son revenu moins les dépenses engagées pour le gagner.

[21] Le fardeau de la preuve quant à l’admissibilité à la PCRE et à la PCTCC appartient au contribuable. En vertu de l’article 6 de la LPCRE et de l’article 7 de la LPCTCC, le demandeur est tenu de fournir tout renseignement exigé par l’agent relativement à sa demande.

V. Norme applicable

[22] La norme applicable sur le fond d’une décision administrative a été établie par la Cour suprême du Canada qui confirme une présomption de l’application de la norme raisonnable comme le point de départ en contrôle judiciaire (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 23). Bien que la jurisprudence mentionne des circonstances justifiant un écart de la présomption de la norme raisonnable, le cas en l’espèce ne se présente pas dans l’une des circonstances justifiant que la présomption soit réfutée.

[23] La norme raisonnable n’exige pas que la Cour considère la panoplie, ou l’éventail, des possibilités de conclusions que le décideur administratif aurait pu tirer. La Cour ne se livre pas à une analyse de novo, et n’a pas la tâche à déterminer la solution « correcte » à l’enjeu qui se présente (Vavilov au para 83). L’application de la norme raisonnable ne permet pas que la Cour substitue sa propre décision à la place de celle du décideur administratif.

[24] La Cour commence une analyse en contrôle judiciaire par l’analyse des motifs que le décideur administratif a rédigée pour arriver à la décision qui fait l’objet du litige (Vavilov au para 84).

[25] La Cour s’abstient « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » (Vavilov au para 125). Le décideur administratif est le mieux placé pour apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise, et la Cour n’intervient qu’à moins de circonstances exceptionnelles. Ce n’est pas le rôle de la Cour en révision de tirer des conclusions sur les faits.

[26] Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et devrait être justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques auxquelles le décideur administratif est assujetti. La norme de la décision raisonnable exige que la Cour accorde une déférence en faisant preuve de retenue (Vavilov aux paras 85, 99). Le résultat et le processus que le décideur a utilisé formulent le cadre du contrôle judiciaire, et seront la base pour déterminer si la décision contestée était cohérente, rationnelle et justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques (Vavilov aux paras 15, 95, 136).

[27] La norme applicable sur la question d’équité procédurale est celle de la décision correcte. La Cour est tenue d’évaluer si le décideur administratif avait suivi un processus équitable et avait accordé aux parties le droit de se faire entendre et d’être informé d’une preuve afin d’y réfuter ou d’y répondre, tout en tenant compte du contexte et des circonstances particulières en l’espèce (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux paras 54, 56, cité dans Maltais c Canada (Procureur général), 2022 CF 817 au para 19; Fortier c Canada (Procureur général), 2022 CF 374 au para 15).

VI. Nouveaux éléments de preuve et d’arguments

[28] En contrôle judiciaire, le rôle de la Cour n’est pas de conclure en l’admissibilité ou non de la demanderesse à la PCRE et la PCTCC ni de considérer de nouveaux arguments et de nouvelles preuves portant sur cette admissibilité. Le rôle de la Cour est plutôt de déterminer, à la lumière de la preuve et des arguments qui ont été présentés à l’agent, si sa décision est raisonnable et si le processus administratif était conforme aux principes d’équité procédurale.

[29] La règle générale est que la Cour n'accepterait pas de considérer de la nouvelle preuve, dont une preuve qui n'était pas devant le décideur administratif au moment qu'il avait pris la décision faisant l'objet en litige, sauf dans le cas d'une situation exceptionnelle (Aryan c Canada (Procureur général), 2022 CF 139 au para 42, citant Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 19; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 11 aux paras 27-29).

[30] Les trois exceptions établies par la jurisprudence pour admettre une nouvelle preuve sont: i) lorsqu'un nouvel élément de preuve est nécessaire pour fournir des renseignements généraux dans des circonstances où ces renseignements pourraient aider à comprendre les questions que soulève le contrôle judiciaire, ii) pour signaler les manquements à l'équité procédurale, et iii) pour faire ressortir l'absence totale de preuve dont disposait le tribunal administratif lorsqu'il a tiré une certaine conclusion (Access Copyright et Tsleil-Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 aux paras 97 et 98).

[31] En l'espèce, les nouveaux éléments de preuve ne relèvent aucunement d'une de ces exceptions. La Cour doit suivre le principe qui est de considérer seulement les éléments de preuve dont disposait le décideur administratif, sauf en cas d'exception reconnue (Access Copyright). Aucune nouvelle preuve ne serait acceptée dans le cadre de ce dossier, et la Cour ne considère que la preuve qui était devant le décideur administratif.

VII. L’ARC n’a pas porté atteinte à un principe d’équité procédurale en rendant sa Décision

[32] La demanderesse reproche à l’ARC d’avoir rendu une décision « injuste sans tenir compte des appels téléphoniques et des documents fournis ».

[33] Le dossier révèle qu’il y a eu trois conversations téléphoniques entre l’agent de l’ARC et la demanderesse, son mari et son comptable. Le décideur fait référence aux informations discutées lors de ces conversations téléphoniques dans son rapport d’examen du 21 septembre 2022, ce qui confirme qu’elles ont été prises en compte. Tous les documents fournis par la demanderesse ont été énumérés par le décideur dans son rapport d’examen. Aussi, le décideur fait référence aux informations obtenues suite à la lecture des documents fournis par la demanderesse dans son rapport d’examen, ce qui confirme aussi qu’elles ont été prises en compte dans sa Décision.

[34] Le fait que l’ARC n’a pas tenu compte des documents soumis au mois d’octobre 2022 n’est pas une violation d’équité procédurale. Le décideur administratif n’est pas tenu à considérer de nouveaux éléments de preuves une fois que sa Décision est prise. Plus encore, en l’espèce, la demanderesse avait eu l’opportunité de soumettre des éléments de preuves, ce qu’elle a fait le 7 septembre 2022. Le fait que la demanderesse n’a pas pu compléter son dossier au moment qu’elle aurait dû le faire n’est pas une faute imputable à l’ARC.

[35] Les Notes du 6 octobre 2022 clarifient que l’agent de l’ARC avait expliqué la démarche à suivre pour contester la Décision émanant du deuxième examen qui avait conclu son inadmissibilité à la PCRE et la PCTCC. L’agent de l’ARC mentionne que les directives sont indiquées sur la lettre de refus datée du 23 septembre 2022 et que la demanderesse peut « demander une vérification judiciaire » (contrôle judiciaire).

[36] La Cour ne trouve pas de violation à l’équité procédurale dans le cas en l’espèce.

VIII. La Décision rendue par l’ARC était raisonnable

[37] L’ARC a rendu une Décision fondée sur une analyse cohérente et rationnelle et les motifs ont été justifiés eu égard aux contraintes factuelles, c’est-à-dire le manque de preuve documentaire de la demanderesse pour soutenir sa prétention quant à un revenu d’entreprise net supérieur à 5000 $, et aux contraintes juridiques (y compris le fardeau de la preuve de la demanderesse de prouver sa source de revenus en 2019, 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande de prestation) auxquelles le décideur était assujetti.

A. PCRE

[38] Le rapport de l’agent de l’ARC clarifie que l’ARC a consulté la preuve au dossier pour faire son calcul et a conclu que la demanderesse n’atteint pas le seuil de revenu net minimal pour satisfaire le critère de revenu net de 5000 $. Les Notes du 21 septembre 2022 indiquent la manière dont l’ARC a calculé les montants, dont -2598 $ pour l’année 2019, 2101.41 $ pour l’année 2020 et -497 $ pour les douze mois qui précèdent sa première demande à la PCRE qui était le 13 octobre 2020.

[39] Premièrement, afin de calculer le revenu pour l’année 2019, l’ARC a utilisé le montant de -2598 $. Les Notes qui ont été rédigées par l’agent expliquent clairement que le montant utilisé est celui qui se trouve dans la déclaration initiale que la demanderesse a produite le 8 avril 2020 (Affidavit de Marie-Line Deschênes, Pièce M).

[40] Deuxièmement, afin de calculer le revenu net pour l’année 2020, l’ARC a utilisé le montant de 2101.41 $. L’agent de l’ARC a pris en considération le montant dans le document amendé par la demanderesse (un revenu brut de 4971.16 $) moins le montant de toutes les dépenses déclarées dans la déclaration initiale produite le 8 avril 2020 (dépenses de 2869.75 $). Les Notes clarifient la raison pour laquelle l’agent a pris en considération le montant dans la déclaration initiale, au lieu de celui qui a été amendé le 27 février 2022. L’ARC n’a pas pris en considération le montant des dépenses d’entreprises qui se trouve dans la déclaration amendée produite le 27 février 2022, parce que l’agent de l’ARC avait trouvé les explications, pour justifier les amendements pour toutes les dépenses d’entreprises, fournies par le comptable peu crédible :

Tax payer submitted 2019-2020-12125 original and the amended ones. In the amended T1215 tax payer cancelled expenses of meals and entertainment, interests + bank charges, business taxes, licences and membership, Offices expenses, Office stationary and supplies, professional fees, Rent, Motor vehicule expenses and Utilities. Accountant told me over the phone, tax payer rent was free in 2019 and in January, February 2020, March 2020, However he never told me there were other mistakes with the other expenses.

If in 2020, I take her gross amended income $4,971.16 and I deduct all the expenses of her original T2125 2020= $2,869. 75=net income of $2101.41 Accountant told me tax payer walked from her home to her job. It’s for that reasons they cancelled this expense. Anyway, accountant told me the husband’s made mistake in all the expenses for tax payer when he filled out tax payer’s 2019 II return. I do not believe his story. The expenses were declared in the original T1 and accountant cancelled everything.

[41] Il était ouvert à l’agent de l’ARC de préférer les dépenses initiales aux dépenses amendées par le décideur qui servaient à annuler toutes les dépenses.

[42] Troisièmement, la date de sa première demande était le 13 octobre 2020. Afin de calculer les 12 mois qui précèdent sa première demande à la PCRE, l’ARC a calculé le montant de -497 $. L’agent a fait la somme du revenu net pour l’année 2019 (-2598 $) et du revenu net pour l’année 2020 (2101.41 $).

B. PCTCC

[43] Les Notes du 21 septembre 2022 clarifient que l’ARC a essentiellement utilisé les mêmes chiffres pour calculer les revenus des années 2019 et 2020, ainsi que les douze mois qui précèdent sa première demande à la PCTCC. La seule différence est que l’ARC a considéré le revenu pour l’année 2021. Pour 2021, l’ARC a utilisé le montant dans la déclaration produite le 13 avril 2021 qui était une perte de -4292 $.

[44] Le défendeur admet que l’agent de l’ARC a commis une erreur en ayant omis de déduire le coût des marchandises vendues initiales au revenu brut pour l’année 2020. Le défendeur soumet que l’erreur commise par le décideur est superficielle, n’affecte que le poste du coût des marchandises vendues et uniquement pour l’année 2020, et ne change rien quant au fond de la Décision. Or, la Cour trouve que l’erreur ne change pas le résultat final sur la question déterminante. Une cour de révision ne doit pas juger les motifs écrits par le décideur administratif au regard d’une norme de perfection (Vavilov au para 91).

[45] La Cour est d’accord avec le défendeur qui prétend que, même si les représentations transmises par la demanderesse et ses représentants sur l’annulation des dépenses relatives au loyer et aux véhicules à moteur étaient retenues par le décideur, ses revenus nets n’atteindraient toujours pas le seuil nécessaire du 5000 $ de revenu net.

[46] Les critères d’admissibilité pour les deux programmes de prestations, la PCRE et la PCTCC, exigent que la demanderesse démontre avoir obtenu un revenu net d’au moins 5000 $ pour les périodes pertinentes, ce que la demanderesse n’a pas pu faire dans ce dossier. Le fait que le décideur n’a pas adéquatement justifié la Décision à l’égard du critère du 50% n’empêche pas que la Décision soit raisonnable en se fondant sur la question déterminante à savoir que la demanderesse n’a pas rencontré le seuil minimal de 5000 $ de revenu. Or, tel que décidé par la Cour fédérale dans Ntuer c Canada (Procureur général), 2022 CF 1596, para 24 :

[24] Les décisions de l’Agent de refuser les demandes de PCRE et PCMRE de M. Ntuer sont raisonnables. Les critères d’admissibilité à l’article 3 de la Loi sont cumulatifs, c’est-à-dire qu’un demandeur doit satisfaire tous les critères pour être admissible à recevoir des prestations en vertu de la PCRE et/ou PCMRE.

IX. Les dépens

[47] La règle 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, prévoit que « (l)a Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer. »

[48] Le défendeur a demandé que des dépens de 2720$ lui soient adjugés, mais j’exerce mon pouvoir discrétionnaire, bien que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée, et conclus qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice d’accorder des dépens contre la demanderesse compte tenu des circonstances particulières de cette affaire.

X. Conclusion

[49] La Cour constate que la demanderesse soutient avoir été confuse et avoir fait preuve de bonne foi au moment de faire les demandes aux régimes de prestations. Cependant, malgré la sympathie que la Cour partage pour la situation de la demanderesse, la Cour n’est pas en mesure d’intervenir vu que la Décision faisant l’objet du contrôle judiciaire n’était pas déraisonnable, et qu’il n’y a pas eu de violation d’équité procédurale (Larocque c Canada (Procureur général), 2022 CF 613).

[50] La demanderesse n’a pas satisfait son fardeau pour démontrer qu’elle satisfasse aux critères d’admissibilités établis par les lois précitées. Vu que l’ARC a pris en considération la preuve qui était au dossier au moment de sa Décision et que la demanderesse a eu l’occasion de compléter son dossier avant la prise de Décision le 23 septembre 2022, il est trop tard pour que la demanderesse rajoute d’autres éléments de preuve après que l’ARC ait rendu sa Décision.

[51] L’exercice du deuxième examen était justifié, intelligible et transparent, et loin d’être dans l’abstrait.

[52] Les Notes de l’agent, les nombreuses communications entre l’ARC et la demanderesse, les opportunités que la demanderesse a eues dans le cadre des examens avant la Décision du 23 septembre 2022, l’ensemble de ces éléments font preuve d’une prise de Décision dans le respect des principes d’équité procédurale et d’une Décision claire et cohérente. La Cour doit éprouver une retenue envers les décisions prises par l’ARC, vu l’expertise de l’ARC.

[53] Pour les raisons mentionnées ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier T-2091-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont accordés.

« Ekaterina Tsimberis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2091-22

 

INTITULÉ :

MARIAM NABIL TADROS c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 mars 2024

 

JUGEMENT ET motifs :

LA JUGE TSIMBERIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 10 SEPTEMBRE 2024

 

COMPARUTIONS :

mariam nabil tadros

cote saint-luc, Montréal

pour LA DEMANDERESSE

(se représentant seule)

 

 

Helen Felemegos Albert Brunelle

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

mariam nabil tadros

cote saint-luc, Montréal

 

pour LA DEMANDERESSE

(se représentant seule)

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Montréal (Québec)

pour le défendeur

 

 

 

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