Ottawa (Ontario), le 3 octobre 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE
ENTRE :
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] « D'après les renseignements qui ont été fournis, la personne qui a été parrainée par l'appelante n'est pas un membre de la catégorie du regroupement familial. Par conséquent, en vertu de l'article 65 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la section d'appel n'a pas de compétence discrétionnaire pour tenir compte de raisons d'ordre humanitaire. » .[1]
NATURE DE LA PROCÉDUREJUDICIAIRE
[2] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loisur l'immigration et la protection des réfugiés[2] (Loi) de la décision de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SAI) qui, le 2 mars 2005, a rejeté l'appel de la demanderesse du refus de sa demande de parrainage de sa fille.
FAITS
[3] Le 4 décembre 2000, Citoyenneté et Immigration Canada a reçu de la demanderesse, Madame Patricia Raymond, une demande de parrainage dans la catégorie du regroupement familial en faveur de sa fille mineure, Naïka Tessier. Cette dernière est citoyenne d'Haïti. Le 21 mai 2004, une agente des visas a refusé la demande de parrainage au motif que Naïka n'était pas membre de la catégorie du regroupement familial au sens de l'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés[3] (Règlement). En effet, dans sa demande de résidence permanente signée le 20 novembre 1995, Madame Raymond n'a pas déclaré sa fille née le 16 novembre 1995. Madame Raymond a obtenu sa résidence permanente en 1997 et n'a pas déclaré sa fille lors de son entrée au Canada la même année. Le défaut de Madame Raymond de déclarer sa fille et de lui faire subir un contrôle d'immigration en 1995 a donc eu pour conséquence d'exclure sa fille de la catégorie du regroupement familial. Madame Raymond a porté la décision de l'agent des visas en appel devant la SAI. Les notes d'une entrevue effectuée par une agente de l'immigration le 24 mai 2002 révèlent que Madame Raymond n'a pas déclaré sa fille dans sa demande de résidence permanente en 1995 parce que « si j'avais dit à Immigration (ambassade) que j'avais un enfant, je croyais que ça me causerait des problèmes » .
DÉCISION CONTESTÉE
[4] Le 2 mars 2005, la SAI a rendu la décision suivante :
L'appel est rejeté parce que l'appelant (sic) n'a démontré que le refus de l'agent des visas était non fondé en droit. D'après les renseignements fournis, la personne parrainée par l'appelant (sic) n'appartient pas à la catégorie du regroupement familial. Par conséquent, aux termes de l'article 65 de la Loisur l'immigration et la protection des réfugiés, la SAI n'a pas la compétence discrétionnaire requise pour examiner les motifs d'ordre humanitaire.
QUESTIONS EN LITIGE
[5] 1. La SAI a-t-elle porté atteinte à un principe d'équité procédurale en ne tenant pas d'audience orale avant de rendre sa décision?
2. La SAI a-t-elle omis d'exercer sa compétence en ne statuant pas sur la question du délai prétendument déraisonnable entre la présentation de la demande de parrainage et la prise de la décision par l'agente des visas?
ANALYSE
[6] La Cour désire apporter une observation préliminaire. En vertu du paragraphe 63(1) de la Loi, « [q]uiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent » (la Coursouligne). La SAI avait donc compétence pour entendre l'appel et n'a d'ailleurs pas affirmé le contraire. Dans sa brève décision, la SAI a, à juste titre, indiqué qu'elle ne pouvait tenir compte de motifs d'ordre humanitaire dans le cadre de la demande de Madame Raymond puisque l'article 65 de la Loi prévoit que ces motifs ne peuvent être considérés que s'il a été statué que l'étranger fait bien partie de la catégorie du regroupement familial. Or, Madame Raymond ayant omis de déclarer sa fille dans sa demande de résidence permanente en 1995, cette dernière a été exclue de la catégorie du regroupement familial conformément à l'alinéa 117(9)d) du Règlement, qui prévoit ce qui suit :
1. La SAIa-t-elle porté atteinte à un principe d'équité procédurale en ne tenant pas d'audience orale avant de rendre sa décision?
[7] Madame Raymond affirme qu'avant de rejeter sa demande, la SAI avait l'obligation de lui accorder une audience, avec témoins.
[8] La Cour ne peut souscrire à cet argument. En effet, l'alinéa 175(1)a) de la Loi prévoit le seul cas où la SAI doit tenir une audience, soit lorsqu'il s'agit de la question de l'obligation de résidence au regard du paragraphe 63(4) de la Loi.Cette question n'est pas en cause en l'espèce. Le paragraphe 175(1) prévoit ce qui suit :
[9] Par ailleurs, la Cour est convaincue que Madame Raymond a eu la possibilité d'être entendue et de présenter ses arguments. En effet, dans une lettre datée du 22 décembre 2004, la SAI a informé Madame Raymond de la nécessité de démontrer par écrit que sa fille était membre de la catégorie du regroupement familial, à défaut de quoi l'appel serait rejeté en raison de l'article 65 de la Loi. Madame Raymond a fait parvenir ses arguments écrits à la SAI le 18 janvier 2005. C'est donc muni des arguments de Madame Raymond que la SAI a rendu sa décision.
2. La SAIa-t-elle omis d'exercer sa compétence en ne statuant pas sur la question du délai prétendument déraisonnable entre la présentation de la demande de parrainage et la prise de la décision par l'agente des visas?
[10] Madame Raymond soutient que la SAI a omis d'exercer sa compétence en ne se prononçant pas sur la question du délai dans le traitement du dossier, question contenue dans les arguments écrits de Madame Raymond présentés à la SAI. Madame Raymond affirme que le décideur n'a pas analysé si, de par sa longueur, le délai entre la présentation de la demande de parrainage et la prise de décision par l'agente des visas constituait un « manquement à un principe de justice naturelle » selon l'alinéa 67(1)b) de la Loi.
[11] Madame Raymond évoque l'alinéa 67(1)b) de la Loi pour alléguer que la SAI avait juridiction en l'espèce. Cet alinéa réfère à un « manquement à un principe de justice naturelle » .
[12] Avec égards, l'article 67 énonce les situations où la SAI peut accueillir un appel, lorsqu'elle a juridiction pour l'entendre. Bien sûr, cet article n'a pas pour effet de donner juridiction à la SAI lorsqu'une personne n'est pas membre de la catégorie du regroupement familial :
[13] Ainsi, le défendeur fait valoir que l'alinéa 67(1)b) de la Loi ne soulève aucune question sérieuse dans le cadre du présent dossier.
[14] Finalement, Madame Raymond allègue que l'agent de visas a pris trop de temps avant de trancher sa demande de parrainage et qu'il aurait dû prendre des mesures afin de rendre une décision beaucoup plus rapidement.
[15] Le défendeur réitère que la SAI n'avait pas compétence pour accueillir l'appel pour ce motif à cause de raisons cités, et que, compte tenu, il n'est pas opportun de débattre de cette question dans le cadre de la demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire devant cette Cour de cette façon. Ceci pourrait uniquement être considéré séparément dans un autre contexte; autrement, cela donnerait la possibilité de faire valoir indirectement ce qui n'a pas pu être considéré directement.
[16] La question du « délai déraisonnable » pour répondre à la demande de parrainage de plus de quatre ans dans le traitement du dossier par l'agent des visas est une question subsidiaire liée au fait de manque de compétence du tribunal sur la question principale. Et donc, la question subsidiaire du délai demeure non répondue de la façon qu'elle a été soulevée.
CONCLUSION
[17] Suite à ces réponses aux questions en litige, la décision de la SAI est maintenue et la demande d'autorisation est rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que
1. La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
2. Aucune question soit certifiée.
JUGE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
INTITULÉ : PATRICIA RAYMOND
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 28 SEPTEMBRE 2005
ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE SHORE
DATE DESMOTIFS DE
L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE 3 OCTOBRE 2005
COMPARUTIONS:
Me Ubald Lalanne POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Me Edith Savard POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
UBALD LALANNE POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
JOHN H. SIMS C.R. POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada
[1] Collier c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1445 (QL). Dans un cas pareil, selon la Loi sur l'Immigration et la protection des réfugiés, c'est uniquement l'article 25(1) pour la capacité qu'elle octroie qui pourrait rentrer en jeu dépendant des circonstances et du contexte décrit.
[2] L.C. 2001, c. 27.
[3] DORS/2002-227.