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Date: 20060524

Dossier: IMM-6407-05

Référence: 2006 CF 621

Ottawa (Ontario), le 24 mai 2006

En présence de Monsieur le juge Simon Noël

ENTRE :

KRISTINA LUSHI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, ch. 27 ( « LIPR » ) d'une décision de la Section de la protection des réfugiés ( « SPR » ) datée du 29 septembre 2005. Par cette décision, la SPR refusait la demande d'asile de Kristina Lushi ( « demandeur » ). Selon la SPR, la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention, ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

I. Question en litige

[2]                La seule question en litige est la suivante:

-           La SPR a-t-elle erré en décidant que la demanderesse n'est ni une réfugiée, ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR?

II. Faits

[3]                La demanderesse est d'origine albanaise. Elle allègue que le 5 septembre 1999, ses parents ont arrangé son mariage et l'ont envoyé chez l'homme qu'elle devait épouser, M. Kleanth Lapa ( « époux de la demanderesse ou M. Lapa » ). Il n'y eût aucune cérémonie mais la demanderesse écrit dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) que « [...] [ses] parents ont considéré cela comme un mariage » .

[4]                Dès les premiers mois de cohabitation, l'époux de la demanderesse l'a traitée brutalement, a exercé de la violence psychologique à son endroit, l'a battue jusqu'au sang et l'a agressée sexuellement à plusieurs reprises.

[5]                La demanderesse est tombée enceinte et ses médecins lui ont conseillé de prendre du repos. Comme son mari continuait de la maltraiter, elle tenta d'obtenir l'aide de la police mais son mari l'en a empêché.

[6]                Le 2 janvier 2002, la demanderesse donna naissance à un enfant. Un jour, M. Lapa s'en est pris au bébé. La demanderesse a tenté de le protéger mais son époux la frappa sur le dos avec un objet dur.

[7]                Le 15 mai 2002, la demanderesse tenta de nouveau de s'enfuir en autobus mais son mari l'en empêcha de nouveau. M. Lapa séquestra la demanderesse, continuant de la maltraiter et de la menacer.

[8]                Le 30 janvier 2003, le fils de la demanderesse mourut. Aux funérailles, la demanderesse demanda à ses parents de retourner vivre avec eux. Ceux-ci refusèrent en lui indiquant qu'elle ne pourrait revenir à la maison que lorsqu'elle serait morte.

[9]                Le 10 novembre 2003, la demanderesse subit une nouvelle crise de son mari, devenu violent parce qu'il ne trouvait pas d'alcool à la maison. Un voisin est intervenu pour calmer M. Lapa. Ce voisin et sa femme devinrent les complices de la demanderesse et l'aidèrent à s'enfuir. Le 25 juin 2004, la demanderesse s'enfuit de chez son mari et trouva refuge chez un membre de la famille des voisins. La demanderesse parvînt à amasser les sommes nécessaires à obtenir de faux papiers et quitta l'Albanie le 29 août 2004. Elle arriva au Canada le 11 septembre 2004.

III. Analyse

[10]            La décision de la SPR est fondée sur les considérations suivantes :

-          La demanderesse n'a demandé l'asile au Canada qu'après avoir été détenue et interrogée. Elle a d'abord tenté d'entrer au Canada en tant que touriste d'origine grecque (dossier de la SPR, p. 227 et suiv.);

-          Lorsque la demanderesse a finalement avoué n'avoir pas dit la vérité à son arrivée, elle s'est justifiée en prétextant que le passeur qui l'a aidée à entrer au pays lui a dit que si elle demandait l'asile, elle serait déportée dans son pays (dossier de la SPR, p. 264);

-          La SPR a estimé que si un passeur avait vraiment conseillé la demanderesse, il aurait su à quelles conditions les demandeurs d'asile sont admis au Canada et aurait su qu'une femme battue ne peut être retournée dans son pays sans qu'une audience soit accordée;

-          Selon la SPR, la demanderesse aurait demandé l'asile en arrivant si elle avait eu des motifs réels de demander la protection du Canada;

-          Selon la SPR, il y a des incohérences entre le récit contenu dans le FRP de la demanderesse (dossier de la SPR, pp. 18 et 19) et le récit écrit au point d'entrée (dossier de la SPR, pp. 240 à 243).

-          La SPR note que la demanderesse n'a pas mentionné sa tentative d'obtenir de l'aide et qu'elle a omis de mentionner dans son FRP et dans son récit au point d'entrée (dossier de la SPR, p. 18, 19 et 240 à 243) le plus grave épisode de violence conjugale qu'elle allègue avoir vécu, qui l'a conduite à l'hôpital pendant trois jours (dossier de la SPR, p. 106, 278, 283 et 284);

-          La SPR remarque en outre que la demanderesse n'a pas mentionné dans son FRP et dans son récit au point d'entrée (dossier de la SPR, p. 18, 19 et 240 à 243) qu'elle a tenté, en envoyant une lettre au Ministère de l'Ordre public albanais, d'obtenir la protection des autorités de son pays;

-          Selon la SPR, il n'est pas crédible que la demanderesse n'ait fait mention de ces éléments (le grave épisode de violence et l'envoi de la lettre) que dans son amendement à son FRP (dossier de la SPR, p. 106);

-          La SPR est d'avis que compte tenu du fait que la crédibilité de la demanderesse est entachée, la lettre de réponse à sa demande d'aide au Ministère de l'Ordre public albanais et le certificat médical apparaissant au dossier (dossier de la SPR, p. 116 à 119) sont tous deux falsifiés;

-          La demanderesse a prétendu qu'elle était fatiguée et stressée lors de la rédaction de son narratif au point d'entrée (dossier de la SPR, p. 265). La demanderesse a également expliqué que l'interprète lui a indiqué qu'elle ne devait inscrire dans son récit que les éléments de son histoire pouvant être démontrés par des documents corroborants (dossier de la SPR, p. 271). La SPR croit que cela mine la crédibilité de la demanderesse puisque celle-ci était assistée d'un avocat, et que l'interprète n'aurait certainement pas donné un conseil erroné de cette nature;

-          Finalement, la SPR estime que la demanderesse n'a pas tenté de se prévaloir de la protection de l'État albanais en avouant au médecin qu'elle avait été battue par son mari lorsque le médecin le lui a demandé.

[11]            À mon avis, chacune des conclusions de la SPR, tant en ce qui a trait à la crédibilité de la demanderesse qu'à la possibilité pour elle de se prévaloir de la protection des autorités de son pays d'origine, sont suffisantes, correctes et bien fondées. Le dossier révèle que le comportement de la demanderesse est incompatible avec son récit, qu'elle a fait défaut de demander la protection des autorités dans son pays et de demander l'asile dès qu'elle en a eu l'occasion. J'estime qu'il n'y a pas lieu d'intervenir.

[12]            Les parties ont été invitées à poser des questions pour fins de certifications mais aucune question n'a été présentée à la Cour.

[13]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE QUE:

            - La demande de contrôle judiciaire soit rejetée et aucune question ne sera certifiée.

« Simon Noël »

Juge


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                           

DOSSIER :                                        IMM-6407-05

INTITULÉ :                                      

KRISTINA LUSHI

Demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L=IMMIGRATION

Défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 18 mai 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :           L=honorable Juge Simon Noël

DATE DES MOTIFS :                     Le 24 mai 2006                         

COMPARUTIONS:

Me Lenya Kalepdjian

POUR LE DEMANDEUR

Me Michèle Joubert

POUR LE DÉFENDEUR                   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Lenya Kalepdjian

Montréal

POUR LE DEMANDEUR                 

Procureur général du Canada

Ministère de la justice - Montréal

POUR LE DÉFENDEUR

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