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Date : 20240213


Dossiers : IMM-1407-22

IMM-8585-22

Référence : 2024 CF 243

[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 13 février 2024

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE :

Dossier : IMM-1407-22

KHALIL MAMUT

AMINIGULI AIZEZI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ET ENTRE :

Dossier : IMM-8585-22

Salahidin ABDULAHAD

Zulipiye YAHEFU

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. APERÇU

[1] Khalil Mamut et Salahidin Abdulahad sont des citoyens chinois d’origine ethnique ouïgoure. Tous deux ont été capturés au Pakistan en 2001 après que les forces de la coalition eurent envahi l’Afghanistan en réponse aux attaques terroristes perpétrées aux États-Unis le 11 septembre 2001. Les autorités des États-Unis les ont finalement transférés au centre de détention de Guantanamo Bay au début de l’année 2002. Les deux hommes y ont été détenus jusqu’en 2009, date à laquelle leur libération à destination des Bermudes a été autorisée.

[2] M. Mamut et M. Abdulahad ont tous deux présenté des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire visant à obtenir des ordonnances de mandamus et d’autres mesures de réparation en lien avec ce qu’ils allèguent être un retard déraisonnable dans le traitement de leur demande de résidence permanente au Canada. Leurs épouses respectives (les codemanderesses) sont également des Ouïgoures nées en Chine. Les deux codemanderesses ont été reconnues par le Canada comme des réfugiées au sens de la Convention. Compte tenu du fait que les deux demandes de contrôle judiciaire ont un certain nombre de questions en commun, elles ont été jointes et sont tranchées ensemble.

[3] La présente ordonnance et les présents motifs concernent les demandes présentées par les demandeurs visant à obtenir des ordonnances pour rendre leur identité anonyme dans le cadre de leurs demandes de contrôle judiciaire et dans le cadre d’instances connexes et pour protéger les renseignements personnels se rapportant à leurs enfants mineurs.

[4] Lorsque les demandeurs dans le dossier IMM‑8585‑22 ont déposé leur demande d’autorisation en août 2022, ils ont inclus une demande d’ordonnance d’anonymat en vertu de l’article 8.1 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 (les RCFCIPR). Si cette demande est acceptée, tous les documents préparés par la Cour qui pourraient être mis à la disposition du public doivent être modifiés et caviardés dans la mesure nécessaire pour assurer l’anonymat des demandeurs : voir le paragraphe 8.1(1) des RCFCIPR. Les demandeurs ont également demandé à ce que l’ordonnance d’anonymat s’applique à l’identité de leurs quatre enfants mineurs. Même si le défendeur s’oppose à la demande, les parties ont convenu de désigner les demandeurs par leurs initiales dans le dossier IMM‑8585‑22 en attendant que la Cour statue sur la demande.

[5] Le paragraphe 8.1(4) des RCFCIPR prévoit que la Cour statue sur la demande d’ordonnance d’anonymat en même temps que sur la demande d’autorisation et à la lumière des mêmes documents. Dans une ordonnance distincte rendue à la même date que la présente ordonnance et les présents motifs, la Cour autorise l’instruction de la demande de contrôle judiciaire dans le dossier IMM-8585-22. Par conséquent, il est maintenant temps de statuer sur la demande d’ordonnance d’anonymat dans cette affaire.

[6] En revanche, lorsque les demandeurs dans le dossier IMM-1407-22 ont déposé leur demande d’autorisation en février 2022, ils n’ont pas inclus de demande d’ordonnance d’anonymat. La question de l’anonymat n’a été soulevée qu’en octobre 2023, lorsque les demandeurs ont déposé une requête fondée sur l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les RCF) en vue d’obtenir 1) une ordonnance de confidentialité au titre de l’article 151 des RCF par laquelle les documents de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire seraient caviardés pour assurer leur anonymat et celle de leurs quatre enfants mineurs et 2) une ordonnance visant à modifier l’intitulé de cause pour qu’ils n’y soient désignés que par leurs initiales.

[7] Le défendeur s’oppose aux demandes d’anonymat et aux mesures de réparation connexes principalement au motif qu’à ce stade, des ordonnances d’anonymat ne seraient d’aucune utilité, car de nombreux renseignements concernant tous les demandeurs sont déjà dans le domaine public, une situation pour laquelle ils sont eux-mêmes en grande partie responsables.

[8] Pour les motifs qui suivent, la demande d’ordonnance d’anonymat dans le dossier IMM‑8585‑22 sera rejetée. Je ne suis pas convaincu que la publication des noms complets des demandeurs dans des documents préparés par la Cour et mis à la disposition du public poserait un risque sérieux pour l’intérêt public, compte tenu de la grande quantité de renseignements les concernant qui sont déjà dans le domaine public. De plus, même si je ne vois aucun intérêt valable à ce que l’identité des enfants mineurs des demandeurs soit rendue publique, une ordonnance rendue au titre de l’article 8.1 des RCFCIPR se limite à l’identité d’une partie; or, les enfants mineurs des demandeurs ne sont pas parties au présent litige. Bien entendu, les demandeurs ont toujours la possibilité de déposer une requête en vue d’obtenir une ordonnance de confidentialité au titre de l’article 151 des RCF pour protéger l’identité et divers renseignements personnels de leurs enfants.

[9] Également pour les motifs qui suivent, la requête présentée dans le dossier IMM‑1407‑22 sera accueillie en partie. Tous les renseignements personnels concernant les enfants mineurs des demandeurs seront caviardés de toute partie du dossier de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire qui pourrait être accessible au public. Il incombe aux demandeurs de préparer et de déposer des versions publiques du dossier de la demande et du dossier certifié du tribunal qui sont caviardées conformément à la présente ordonnance. Les versions non caviardées du dossier de la demande et du dossier certifié du tribunal actuellement déposés auprès de la Cour ne doivent pas être rendues publiques. En revanche, je ne suis pas convaincu que la publication des noms complets des demandeurs dans des documents préparés par la Cour et mis à la disposition du public poserait un risque sérieux pour l’intérêt public, étant donné les nombreux renseignements les concernant qui sont déjà dans le domaine public.

II. LE CRITÈRE RELATIF À LA DÉLIVRANCE D’UNE ORDONNANCE D’ANONYMAT

[10] Le pouvoir général de la Cour de rendre une ordonnance de confidentialité est énoncé à l’article 151 des RCF. Le paragraphe 151(2) des RCF prévoit qu’avant de rendre une ordonnance de confidentialité, la Cour « doit être convaincue de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels comme confidentiels, étant donné l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires ». Toute partie du dossier de la Cour visée par une ordonnance de confidentialité est assujettie à des restrictions strictes quant à l’accès : voir l’article 152 des RCF.

[11] Une ordonnance d’anonymat est une forme plus limitée d’ordonnance de confidentialité. Dans les instances fondées sur la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27) ou la Loi sur la citoyenneté (LRC 1985, c C-29), le paragraphe 8.1(5) des RCFCIPR prévoit que la Cour peut rendre une ordonnance d’anonymat « si, compte tenu de l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires, [la Cour] est convaincue de la nécessité d’assurer l’anonymat de la partie en cause ». Une ordonnance d’anonymat est généralement considérée comme une restriction mineure au principe de la publicité des débats judiciaires, mais elle doit tout de même être justifiée par les circonstances de l’affaire dans laquelle elle est demandée (Adeleye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 681 au para 17).

[12] L’article 8.1 est une disposition relativement récente, celle-ci ayant été intégrée dans les RCFCIPR en juin 2021. Auparavant, en novembre 2018, la Cour avait adopté un projet pilote visant à établir une procédure simplifiée et informelle permettant aux parties de demander que le dossier de la Cour fasse l’objet d’une certaine confidentialité (anonymat) sans qu’il soit mis sous scellé. Comme l’a expliqué la juge Rochester (qui siégeait alors à la Cour) dans GU c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1055, cette procédure simplifiée, comme solution de rechange à une requête déposée au titre de l’article 369 des RCF, était telle que « les demandeurs pouvaient régler leurs problèmes de protection de la vie privée et de sécurité, tout en réduisant leurs coûts puisqu’ils n’avaient pas à préparer et à déposer un dossier de requête distinct » (au para 22). Il en va de même de la procédure désormais officiellement adoptée à l’article 8.1 des RCFCIPR.

[13] Il n’est pas surprenant que l’article 151 des RCF et l’article 8.1 des RCFCIPR énoncent en fait le même critère applicable à la restriction de l’accès du public à l’information concernant une instance judiciaire : la Cour doit être convaincue que l’ordonnance demandée est justifiée, malgré l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires.

[14] Qu’il s’agisse d’une requête présentée au titre de l’article 151 des RCF (comme dans le dossier IMM-1407-22) ou d’une demande fondée sur l’article 8.1 des RCFCIPR (comme dans le dossier IMM-8585-22), les demandeurs sollicitent de la Cour des ordonnances discrétionnaires qui limiteraient le principe de la publicité des débats judiciaires.

[15] Les débats judiciaires sont présumés accessibles au public. En règle générale, la justice doit être rendue publiquement et non en secret. Cette façon de procéder aide à assurer l’intégrité des débats judiciaires, rehausse la légitimité des décisions, favorise la confiance du public à l’égard du système judiciaire et permet au public de mieux comprendre l’administration de la justice. Le principe de la publicité des débats judiciaires constitue un élément fondamental de la primauté du droit. Il est également essentiel au bon fonctionnement des formes de gouvernement démocratique. De plus, étant donné que les médias d’information sont souvent les yeux et les oreilles du public, le principe de la publicité des débats judiciaires a une importante dimension constitutionnelle et met en jeu les droits garantis par l’alinéa 2b) de la Charte. Ces considérations importantes ont donné lieu à une forte présomption selon laquelle les débats et les documents judiciaires devraient être accessibles au public et pouvoir faire l’objet d’une couverture médiatique sans délai : voir Sherman (Succession) c Donovan, 2021 CSC 25 (Sherman (Succession)) aux para 30 et 37 à 39 ainsi que les décisions qui y sont invoquées.

[16] Dans Sherman (Succession), la Cour suprême du Canada a reformulé le critère auquel une partie doit satisfaire lorsqu’elle demande à un tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’une manière qui limite le principe de la publicité des débats judiciaires. Le juge Kasirer, s’exprimant au nom de la Cour, a souligné que le nouveau critère préserve l’essence de celui précédemment établi dans l’arrêt Sierra Club du Canada c Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, tout en clarifiant le fardeau dont doit s’acquitter une partie qui demande une exception au principe de la publicité des débats judiciaires.

[17] Ce critère se décline ainsi :

Pour obtenir gain de cause, la personne qui demande au tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à limiter la présomption de publicité des débats doit établir que :

1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important;

(2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque;

(3) sur le plan de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.

(Sherman (Succession), au para 38)

[18] Ce critère s’applique à toutes les limites discrétionnaires à la publicité des débats judiciaires, sous réserve uniquement d’une loi valide (Sherman (Succession), au para 38).

III. LE CRITÈRE APPLIQUÉ

[19] Dans le dossier IMM-8585-22, les demandeurs sollicitent une ordonnance d’anonymat [traduction] « pour protéger leurs enfants mineurs ainsi qu’eux-mêmes du risque d’intimidation et de harcèlement de la part du gouvernement chinois et de ses agents à l’étranger, et pour protéger les membres de leur famille et leurs proches en Chine contre la violence, la détention arbitraire et l’intensification de la persécution par les autorités chinoises ».

[20] Dans le dossier IMM-1407-22, les demandeurs sollicitent une ordonnance de confidentialité pour protéger leurs enfants mineurs ainsi qu’eux-mêmes [traduction] « du risque de violence, de représailles et de persécution par le gouvernement chinois et ses agents à l’étranger ». Les demandeurs sollicitent également une telle ordonnance [traduction] « pour protéger les membres de leur famille restés en Chine contre la violence, la détention arbitraire et l’intensification de la persécution que les autorités chinoises pourraient leur faire subir en raison de leurs liens avec eux ». Ils soutiennent qu’en l’absence d’une ordonnance de confidentialité, [traduction] « le gouvernement chinois pourrait être en mesure de recueillir d’autres renseignements sur les demandeurs en recherchant et en examinant des documents de la Cour accessibles au public ».

[21] Les demandeurs ont présenté de nombreux éléments de preuve faisant état de la persécution des Ouïgours par la République populaire de Chine. Aucun de ces éléments de preuve n’est contesté dans le présent contexte. De plus, il est incontestable qu’il existe un intérêt public important à protéger les demandeurs et leur famille contre la persécution et d’autres traitements préjudiciables. Cependant, je conviens avec le défendeur que les demandes d’ordonnance d’anonymat qui ont été présentées par les demandeurs comportent un vice fondamental. En effet, comme le démontrent les articles de presse et les autres documents recueillis par le défendeur en réponse aux présentes demandes, il existe déjà une preuve abondante dans le domaine public concernant tous les demandeurs, y compris les noms et le statut de réfugié des codemanderesses. Je conviens également avec le défendeur que, dans une très large mesure, ce sont les demandeurs eux-mêmes et leurs avocats qui sont responsables de cette situation.

[22] Je ne veux nullement laisser entendre que le fait que les demandeurs aient attiré l’attention du public sur leur situation difficile et sur leurs batailles juridiques était inapproprié. Cependant, ce faisant, ils ont miné leurs propres arguments en faveur d’une ordonnance d’anonymat.

[23] De plus, dans le cas de M. Mamut et de Mme Aizezi, leurs arguments en faveur d’une ordonnance d’anonymat sont d’autant plus faibles qu’ils ont tardé à demander une telle ordonnance. Comme il a été mentionné précédemment, ils ont déposé leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en février 2022, mais ils n’ont pas demandé une ordonnance d’anonymat à ce moment-là. Ils n’ont présenté cette demande qu’en octobre 2023. Au cours des 20 mois qui se sont écoulés entre ces deux dates, la Cour a rendu deux ordonnances dans lesquelles leurs noms complets figuraient dans l’intitulé : voir 2023 CF 406 et 2023 CF 1108. Ces ordonnances étaient accessibles au public, mais ont cessé de l’être peu après que les demandeurs eurent présenté leur requête en vue d’obtenir une ordonnance au titre de l’article 151 des RCF.

[24] Cela étant dit, je ne suis pas convaincu par l’observation du défendeur selon lequel les demandeurs dans le dossier IMM-1407-22 n’ont nullement le droit d’invoquer l’article 151 parce que, selon son libellé, une ordonnance au titre de cette disposition ne peut être demandée que pour des documents « à déposer »; en d’autres mots, une telle ordonnance ne pourrait s’appliquer à des documents déjà déposés auprès de la Cour, comme les demandeurs le souhaitent en l’espèce. Cela me semble être une interprétation indûment restrictive de la disposition, interprétation qui est incompatible avec le principe général selon lequel les règles doivent être interprétées et appliquées « de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible » (RCF, alinéa 3a)). De plus, je conviens avec les demandeurs que les décisions invoquées par le défendeur à l’appui de cet argument (Levi Strauss & Co c Era Clothing Inc, 1999 CanLII 8401 (CF) et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Fazalbhoy, 1999 CanLII 7446 (CF)) ne s’appliquent pas à la présente affaire. À mon avis, le retard que les demandeurs ont mis à présenter la présente requête ne les empêche pas d’obtenir une ordonnance au titre de l’article 151 des RCF; il n’est qu’un facteur à prendre en considération pour juger s’ils ont démontré que la restriction au principe de la publicité des débats judiciaires qu’ils demandent à la Cour de leur accorder est justifiée.

[25] Comme le soulignent les demandeurs, la procédure de dépôt dans les affaires relevant de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés est singulière par rapport à celle qui prévaut pour d’autres demandes de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, et cette particularité fait souvent obstacle à l’obtention d’une ordonnance de confidentialité avant le dépôt de la demande. Par exemple, c’est le défendeur, et non les demandeurs, qui dicte le moment du dépôt du dossier certifié du tribunal au titre de l’article 17 des RCFCIPR. Par conséquent, s’il était nécessaire de le faire, j’appliquerais le principe des lacunes énoncé à l’article 4 des RCF pour permettre l’examen de la requête des demandeurs sur le fond : voir Charkaoui (Re), 2009 CF 342 aux para 23-33, et Bah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 693 au para 13.

[26] Je reconnais qu’une ordonnance d’anonymat est généralement considérée comme une restriction mineure au principe de la publicité des débats judiciaires (Adeleye, au para 17; GU, au para 25). Néanmoins, il s’agit effectivement d’une restriction et, pour être justifiée, elle doit avoir une utilité. Selon le premier volet du critère de l’arrêt Sherman (Succession), il incombe aux demandeurs « de démontrer que l’intérêt public important est sérieusement menacé » (Sherman (Succession), au para 76). Compte tenu de la quantité de renseignements sur les demandeurs qui sont déjà dans le domaine public, je ne suis pas convaincu que le fait d’être désignées comme parties dans la présente instance augmenterait le risque auquel les demandeurs et leur famille élargie sont exposés de quelque façon que ce soit. En bref, les demandeurs n’ont pas établi que la publicité des débats judiciaires, suivant laquelle leurs noms complets devaient figurer dans l’intitulé des présentes demandes de contrôle judiciaire, présente un risque sérieux pour un intérêt public important.

[27] Étant donné que les demandeurs n’ont pas satisfait au premier volet du critère de l’arrêt Sherman (Succession) en ce qui concerne la demande d’anonymisation de leur identité, il n’est pas nécessaire d’examiner les deux autres volets.

[28] Par contre, dans le dossier IMM-1407-22, je suis convaincu qu’il existe un intérêt public important à protéger les renseignements personnels des enfants mineurs des demandeurs. Le défendeur soutient qu’il est maintenant trop tard pour protéger les renseignements personnels des enfants mineurs qui ont été versés au dossier, parce que les demandeurs n’ont pas présenté en temps opportun une demande d’ordonnance de confidentialité. Je ne suis pas d’accord. Bien que les demandeurs aient certainement tenté le sort en attendant si longtemps avant de présenter la présente requête, il n’en demeure pas moins qu’il y a beaucoup plus de renseignements personnels concernant leurs enfants mineurs dans le dossier de la Cour qu’il n’y en a dans le domaine public. De plus, bien que le dossier de la Cour ait été accessible au public pendant tout ce temps, rien n’indique qu’un membre du public y ait eu accès avant que les demandeurs ne sollicitent une ordonnance de confidentialité. Il importe également de souligner que les enfants mineurs ne sont pas eux-mêmes des plaideurs; ce sont, dans un sens important, des tiers innocents. Par conséquent, je suis convaincu que le premier volet du test de l’arrêt Sherman (Succession) est rempli à cet égard.

[29] En outre, il est nécessaire de caviarder les renseignements personnels versés au dossier concernant les enfants mineurs des demandeurs afin de protéger leur vie privée, car aucune autre mesure n’est à même de remplir cet objectif.

[30] Enfin, sur le plan de la proportionnalité, je suis convaincu que les avantages d’une ordonnance à cet effet l’emportent sur ses effets négatifs minimes.

[31] Comme je l’ai déjà mentionné, une ordonnance de protection des renseignements personnels concernant les enfants mineurs peut être accordée aux demandeurs dans le dossier IMM-1407-22 au titre de l’article 151 des RCF; toutefois, une telle ordonnance ne peut être accordée aux demandeurs dans le dossier IMM-8585-22 au titre de l’article 8.1 des RCFCIPR. Les demandeurs dans le dossier IMM-8585-22 ont toujours la possibilité de demander une dispense fondée sur l’article 151 des RCF, s’ils sont conseillés en ce sens.

IV. CONCLUSION

[32] Pour les motifs qui précèdent, la requête en ordonnance de confidentialité présentée dans le dossier IMM-1407-22 sera accueillie en partie. Les dispositions de l’ordonnance figurent ci-dessous. La demande d’ordonnance d’anonymat présentée dans le dossier IMM-8585-22 sera rejetée.


ORDONNANCE dans les dossiers IMM-1407-22 et IMM-8585-22

LA COUR REND L’ORDONNANCE suivante :

  1. La requête en ordonnance de confidentialité présentée dans le dossier IMM-1407-22 est accueillie en partie.

  2. Tous les renseignements personnels concernant les enfants mineurs des demandeurs seront caviardés de toute partie du dossier de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire qui pourrait être accessible au public.

  3. Il incombe aux demandeurs de préparer et de déposer des versions publiques du dossier de la demande et du dossier certifié du tribunal qui sont caviardées conformément à la présente ordonnance.

  4. Les versions non caviardées du dossier de la demande et du dossier certifié du tribunal actuellement déposés auprès de la Cour dans le dossier IMM-1407-22 ne doivent pas être rendues publiques.

  5. La demande d’ordonnance d’anonymat présentée dans le dossier IMM-8585-22 est rejetée.

« John Norris »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1407-22

 

INTITULÉ :

KHALIL MAMUT ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

DOSSIER :

IMM-8585-22

INTITULÉ :

Salahidin ABDULAHAD ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE NORRIS

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 13 FÉVRIER 2024

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Prasanna Balasundaram

Asiya Hirji

POUR LES DEMANDEURS

 

Gregory George

Bradley Bechard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Downtown Legal Services

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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