Dossier : IMM-8432-22
Référence : 2023 CF 1735
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario) le 20 décembre 2023
En présence de monsieur le juge Ahmed
ENTRE :
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JUDE UPALI GNANAPRAGASAM
LE CONSEIL CANADIEN POUR LES RÉFUGIÉS
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Demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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Défendeurs
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ORDONNANCE ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] Trois parties (les « intervenants éventuels ») demandent une ordonnance conformément aux règles 109 et 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles ») afin d’obtenir l’autorisation d’intervenir dans l’affaire sous-jacente Gnanapragasam et al. c. Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et al.
[2] Les intervenants éventuels soutiennent qu’ils présenteront des observations différentes et utiles sur les questions juridiques soulevées par les parties et qu’ils ont un véritable intérêt dans l’affaire dont est saisie la Cour. Ils soutiennent qu’il est dans l’intérêt de la justice que leur intervention soit autorisée. Les demandeurs ne s’opposent pas à leur intervention.
[3] Pour les motifs qui suivent, je conclus que deux des trois intervenants éventuels remplissent les conditions d’octroi de l’autorisation d’intervenir. La présente requête est accueillie en partie.
II. Les faits
A. Contexte
[4] Les demandeurs soutiennent dans leur demande de contrôle judiciaire que la perte automatique du statut de résident permanent par suite d’une décision entraînant la perte de l’asile rendue en application de l’article 40.1 et de l’alinéa 46(1)c.1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 21 (la « LIPR ») et des dispositions connexes contrevient à l’alinéa 2d) et aux articles 7, 12 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (Royaume-Uni), 1982, c 11 (la « Charte »).
B. L’Association canadienne des libertés civiles
[5] L’Association canadienne des libertés civiles (l’« ACLC ») est une organisation de défense des droits non gouvernementale à but non lucratif. Elle a obtenu le statut d’intervenant dans de nombreuses affaires touchant à la Charte devant différents tribunaux canadiens. Elle soutient qu’elle participe depuis longtemps, en particulier, au développement de la jurisprudence relative à l’article 7 de la Charte, notamment dans les affaires traitant de l’application de l’article 7 dans le cadre du droit de l’immigration et des réfugiés.
C. La Coalition of Canadian Legal Clinics
[6] La Coalition of Canadian Clinics (la « Coalition ») est un groupe de cliniques juridiques réparties dans plusieurs provinces : l’Inter-Clinic Working Group et la Newcomer Legal Clinic en Ontario; l’Immigration and Refugee Legal Clinic en Colombie-Britannique; la Halifax Refugee Clinic en Nouvelle-Écosse; le Madhu Verma Migrant Rights Centre au Nouveau-Brunswick; et le Centre de réfugiés au Québec. Ces cliniques offrent toutes des services juridiques en matière d’immigration et de protection des réfugiés, ainsi que des services en matière de droit des pauvres, ce qui permet souvent d’aider les personnes ayant des ressources financières limitées.
D. Le David Asper Centre for Constitutional Rights
[7] Le David Asper Centre for Constitutional Rights (le « Asper Centre ») est rattaché à la Faculté de droit de l’Université de Toronto et se consacre à la défense des droits constitutionnels et des droits de la personne, ainsi qu’à la recherche et à la sensibilisation dans ce domaine, de même qu’à l’accès à la justice. Il a comparu devant les tribunaux canadiens en tant qu’intervenant dans des affaires de droit constitutionnel.
III. La question en litige et le cadre législatif
[8] La seule question en litige dans la présente requête est de savoir si les intervenants éventuels devraient être autorisés à intervenir dans l’instance sous-jacente conformément au paragraphe 109(1) des Règles.
[9] La règle 109 se lit comme suit :
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IV. Analyse
[10] Les intervenants éventuels soutiennent qu’ils remplissent les conditions permettant d’obtenir l’autorisation d’intervenir dans l’instance sous-jacente. Je conviens que deux d’entre eux remplissent ces conditions.
[11] Le critère relatif à l’intervention qui s’applique au titre de l’article 109 des Règles a été établi par le juge Stratas de la Cour d’appel fédérale et est le suivant :
I. La personne qui se propose d’intervenir fournira d’autres observations, précisions et perspectives utiles qui aideront la Cour à se prononcer sur les questions juridiques soulevées par les parties à l’instance, et non sur de nouvelles questions. Pour déterminer l’utilité, il faut poser quatre questions :
a) Quelles sont les questions que les parties ont soulevées?
b) Quelles observations l’intervenant éventuel a-t-il l’intention de présenter concernant ces questions?
c) Les observations de l’intervenant éventuel sont-elles vouées à l’échec?
d) Les observations défendables de l’intervenant éventuel aideront-elles la Cour à trancher les véritables questions en jeu dans l’instance?
II. La personne qui se propose d’intervenir doit avoir un véritable intérêt dans l’affaire dont la Cour est saisie de façon à ce que la Cour puisse être certaine que la personne qui se propose d’intervenir a les connaissances, les compétences et les ressources nécessaires et qu’elle les appliquera à la question devant la Cour.
III. Il est dans l’intérêt de la justice que l’intervention soit autorisée.
(Canada (Citoyenneté et Immigration) c Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 13 (« CAF CCR ») au para 6 (confirmé dans Chelsea (Municipalité) c Canada (Procureur général), 2023 CAF 179 au para 9)).
[12] En ce qui concerne l’intérêt de la justice, il doit notamment être tenu compte des éléments suivants :
L’intervention est-elle compatible avec les impératifs de la règle 3? Par exemple, le cours ordonné ou le calendrier de l’instance sera-t-il indûment perturbé?
L’affaire a-t-elle pris une dimension tellement publique, importante et complexe que la Cour doit être exposée à des perspectives autres que celles offertes par les parties qui se présentent devant elle?
L’intervenant éventuel a-t-il participé à des étapes antérieures de l’affaire? Par exemple, si la Cour fédérale décide à juste titre qu’une partie est autorisée à intervenir, cette décision sera convaincante pour notre Cour.
L’ajout de plusieurs intervenants entraînera-t-il une « inégalité des moyens » ou un déséquilibre en faveur d’un camp ou une telle apparence? (CAF CCR, au para 9).
[13] Le critère relatif à l’intervention doit être appliqué de manière « souple »
, le poids relatif à accorder à chacun des éléments et « la rigueur avec laquelle ils doivent être appliqués »
pouvant varier d’une affaire à l’autre (CAF CCR, au para 7). L’utilité des observations de l’intervenant proposé est toutefois un élément central du critère encadrant les autorisations d’intervenirs (Canada (Procureur général) c Kattenburg, 2020 CAF 164 (« Kattenburg ») au para 8).
A. L’ACLC
[14] L’ACLC maintient qu’elle satisfait au critère pour obtenir l’autorisation d’intervenir. Elle soutient qu’elle propose une autre perspective utile concernant la question de la violation présumée de l’article 7 de la Charte, notamment en faisant valoir comment la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada a fait évoluer l’application de l’article 7 dans les instances en matière d’immigration et de protection des réfugiés (en invoquant l’arrêt Conseil canadien pour les réfugiés c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 17). En outre, l’ACLC affirme qu’elle a un véritable intérêt dans la présente affaire et qu’il serait dans l’intérêt de la justice d’autoriser son intervention.
[15] Les défendeurs soutiennent que l’ACLC ne fournira pas d’observations utiles ou pertinentes, car ses observations peuvent être fournies par les demandeurs, vont à l’encontre d’une jurisprudence bien établie ou ont déjà été traitées. Les défendeurs font valoir que l’ACLC n’a pas démontré de véritable intérêt, puisque seulement 12 de ses 337 interventions portaient sur des questions de droit de l’immigration et qu’aucune d’entre elles ne traitait des dispositions relatives à la perte de l’asile.
[16] Je suis d’accord avec l’ACLC. Les demandeurs et les défendeurs, dans la présente affaire, ne s’entendent pas sur la question de savoir si l’article 7 de la Charte s’applique aux instances de perte de l’asile et si les dispositions relatives à la perte de l’asile enfreignent les principes de justice fondamentale. Il s’agit donc de [traduction] « questions en litige »
pour les besoins de la présente requête. L’ACLC présente des observations relatives à ces questions à l’aune d’un arrêt récent de la Cour suprême du Canada, en mettant l’accent sur le rôle des « soupapes de sécurité »
dans la correction de lois présentant des lacunes sur le plan constitutionnel au regard de l’article 7 de la Charte. Ces observations n’ont pas pour objet, pour reprendre les termes du juge Stratas, d’« ajouter des mets à la table »
(Tsleil-Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 174, au para 55). Je ne retiens pas les allégations des défendeurs selon lesquelles les observations de l’ACLC à cet égard vont à l’encontre d’une jurisprudence bien établie ou ont déjà fait l’objet d’une réponse. Il appartient au juge saisi de la demande de se prononcer.
[17] En outre, l’ACLC a établi qu’elle avait un véritable intérêt dans la présente affaire. Je reconnais qu’elle a de l’expérience en matière d’intervention et de débat dans les affaires touchant l’article 7 de la Charte devant les tribunaux canadiens. L’argument des défendeurs selon lequel la proportion d’affaires liées à l’immigration et d’affaires non liées à l’immigration auxquelles l’ACLC a participé démontre l’absence de véritable intérêt de cette dernière doit être rejeté. Selon cette logique, une partie qui a plaidé dans des centaines d’affaires relevant du droit de l’immigration ne pourrait pas avoir de véritable intérêt en tant qu’intervenante si elle a plaidé dans des milliers d’autres affaires ne relevant pas du droit de l’immigration. Je considère que ce raisonnement n’est pas logique.
[18] En outre, les observations de l’ACLC démontrent qu’elle n’entend pas consommer indûment le temps ou les ressources du tribunal et qu’elle ne fait pas valoir de point de vue sur l’issue de la demande. Je reconnais que l’intervention éventuelle de l’ACLC ne crée pas d’« inégalité des moyens »
, en particulier compte tenu du point de vue des défendeurs sur la question des soupapes de sécurité. Je ne partage pas l’avis des défendeurs selon lequel le Conseil canadien pour les réfugiés (le « CCR »), s’il obtient la qualité pour agir dans l’intérêt public, apportera un point de vue qui pourra supplanter l’ACLC (ou l’un des intervenants éventuels). Dans la présente requête, la Cour ne connaît pas les arguments que le CCR a l’intention de présenter. La Cour connaît en revanche les arguments que l’ACLC entend faire valoir. La Cour peut donc uniquement se prononcer sur le premier point de la présente requête. Je suis donc d’avis qu’il est dans l’intérêt de la justice d’autoriser l’ACLC à intervenir.
B. La Coalition
[19] La Coalition soutient qu’elle satisfait au critère applicable à l’autorisation d’intervenir. Elle affirme qu’elle a l’intention de présenter des observations concernant les graves conséquences que subissent les personnes ayant perdu l’asile lorsqu’elles perdent leur résidence permanente, à savoir leur inadmissibilité aux programmes gouvernementaux et les obstacles auxquels ces personnes font face pour se prévaloir des options juridiques qui leur permettraient de recouvrer leur statut. La Coalition soutient que ses observations ne sont pas vouées à l’échec, qu’elles aideront la Cour en fournissant un [traduction] « contexte concret »
en ce qui concerne les demandes fondées sur la Charte, qu’elle a un véritable intérêt dans la présente affaire et qu’il est dans l’intérêt de la justice de l’autoriser à intervenir.
[20] Les défendeurs affirment que les observations de la Coalition ne sont ni utiles ni pertinentes, étant donné que les conséquences de l’inadmissibilité aux programmes gouvernementaux ne sont ni pertinentes ni étayées par des éléments de preuve. Les défendeurs affirment que la Coalition n’a pas démontré de véritable intérêt dans la présente affaire, puisque rien n’indique qu’elle ait réellement travaillé sur des affaires dans lesquelles il était question de perte de l’asile ou de période postérieure à la perte de l’asile.
[21] Après examen des documents, je suis d’accord avec les défendeurs. Je veux cependant dire avant toute chose que la preuve établit que la Coalition a un véritable intérêt dans la présente affaire. Les cliniques qui forment la Coalition servent des personnes qui peuvent être ou qui ont été touchées par la perte de l’asile et ses conséquences. J’estime que leur expertise en matière d’assistance à une grande variété de clients dans les affaires concernant les réfugiés démontre que la Coalition possède les connaissances, les compétences et les ressources nécessaires pour aider la Cour dans la présente affaire. Je ne souscris donc pas à l’argument du défendeur selon lequel la Coalition n’a pas démontré qu’elle aide les personnes en situation de perte de l’asile. En outre, je considère qu’il n’y a pas de preuve donnant à penser que son intervention créera une inégalité des moyens, en particulier à la lumière de la proposition de la Coalition de fournir de brèves observations bien avant l’audition de la présente affaire. À mon avis, l’intervention de la Coalition sert l’intérêt de la justice, et j’autorise celle-ci à intervenir.
[22] Je conviens toutefois avec les défendeurs que la Coalition devra produire de nouveaux éléments de preuve pour étayer ses arguments. Je suis tenu de suivre les enseignements du juge Stratas selon lesquels la Cour doit se méfier des intervenants qui présentent des arguments sur des questions nécessitant de nouveaux éléments de preuve (Kattenburg, au para 9; Right to Life Association of Toronto and Area c Canada (Emploi, Développement de la main-d’œuvre et du Travail), 2022 CAF 67 (« Right to Life »), au para 13). Les défendeurs affirment à juste titre qu’aucun renseignement n’a été fourni en l’espèce quant à l’application concrète des cadres législatifs dont la Coalition cherche à débattre et à leur effet sur les clients de la Coalition et/ou d’autres personnes. La Coalition affirme qu’elle propose des renvois au droit en vigueur et qu’il s’agit de [traduction] « déclarations de fait »
. Il me semble curieux qu’elle affirme ensuite qu’elle [traduction] « ne présentera pas de nouveaux éléments de preuve »
. Je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que, n’eut été la présentation – de façon inadmissible – de nouveaux éléments de preuve au sujet de ces cadres et de leur application aux personnes (en particulier en ce qui concerne les soupapes de sécurité), les arguments de la Coalition sont « voués à l’échec »
à la lumière des arguments que les demandeurs et les défendeurs ont avancés sur cette question.
[23] J’estime que la Coalition ne fournit qu’un contexte factuel – ce qui est interdit – ou qu’elle ajoute des questions en litige à la présente demande, à savoir si la perte du statut de résident permanent prive une personne de certains programmes provinciaux. Cette dernière option va à l’encontre de l’exigence selon laquelle « les intervenants doivent se limiter aux questions qui ont déjà été soulevées par les parties »
(Right to Life, au para 14). En raison de l’exigence capitale de l’utilité des observations d’un intervenant proposé (Kattenburg, au para 8), je conclus que la nature des observations de la Coalition justifie de ne pas lui accorder l’autorisation d’intervenir dans la présente affaire.
C. L’Asper Centre
[24] L’Asper Centre soutient qu’il satisfait au critère relatif à l’autorisation d’intervenir. Il affirme qu’il présentera d’autres observations utiles au sujet de l’article 12 de la Charte, en attirant l’attention de la Cour sur la violation alléguée de l’article 12 sous l’angle de la dignité humaine et du caractère exagérément disproportionné, selon les termes de l’arrêt R. c Boudreault, 2018 CSC 58 (« Boudreault »). Il soutient qu’il a un intérêt dans ce résultat en raison de sa volonté de faire progresser l’accès à la justice constitutionnelle pour les groupes vulnérables, et que l’intérêt de la justice commande d’accorder l’autorisation d’intervenir.
[25] Les défendeurs soutiennent que les observations de l’Asper Centre ne sont ni utiles ni nécessaires, compte tenu des observations des demandeurs sur l’article 12. Les défendeurs soutiennent que les observations proposées dans lesquelles il est question de l’arrêt Boudreault ne seront vraisemblablement pas utiles. Les défendeurs soutiennent que l’Asper Centre n’a pas réussi à établir un véritable intérêt, n’ayant aucune expertise en matière de droit de l’immigration et des réfugiés et n’étant intervenu que très rarement devant la Cour suprême dans des affaires touchant le droit de l’immigration et des réfugiés.
[26] Je souscris aux arguments de l’Asper Centre. Je suis d’avis qu’il fournit d’autres observations utiles. Les demandeurs et les défendeurs présentent des observations sur l’analyse appropriée à suivre pour établir une violation de l’article 12 dans ces circonstances. Les observations de l’Asper Centre se concentrent sur la notion de caractère exagérément disproportionné par rapport à l’article 12 établie dans l’arrêt Boudreault. Elles pourraient aider la Cour à préciser l’application et la portée de l’article 12 dans le cadre de la présente instance. Je suis en désaccord avec les défendeurs lorsqu’ils affirment que les observations de l’Asper Centre pourraient simplement être présentées par les demandeurs et qu’elles sont vouées à l’échec. L’Asper Centre présente, à mon avis, un point de vue différent de celui des demandeurs. Contrairement au point de vue des défendeurs, rien ne prouve que les demandeurs puissent présenter tous les arguments possibles sur cette question ou soient tenus de le faire. Je suis d’accord avec l’Asper Centre pour dire que la capacité des demandeurs de présenter ces arguments n’est pas pertinente dans le cadre de la présente analyse. Le fait d’apporter un point de vue différent sur une question en litige est l’une des raisons pour lesquelles le statut d’intervenant existe. En outre, j’estime que le point de vue de l’Asper Centre sur les questions soulevées par les parties pourrait être utile à la Cour, qu’elle l’accepte ou non.
[27] En outre, j’estime que l’Asper Centre a démontré qu’il avait un véritable intérêt dans la présente affaire. La preuve établit qu’il a de l’expérience en matière de litiges constitutionnels, qu’il est disposé à intervenir dans des affaires constitutionnelles devant différents tribunaux et que ses ressources sont suffisantes pour le faire. Aux fins de la présente analyse, je considère qu’il est intéressant de souligner qu’il est intervenu dans des affaires liées à l’application de la Charte et ayant trait à des migrants. Pour les mêmes raisons que celles mentionnées ci-dessus, je n’accepte pas les arguments du défendeur selon lesquels le fait d’être intervenu seulement deux fois devant la Cour suprême du Canada sur des questions de droit de l’immigration et des réfugiés est insuffisant pour établir un véritable intérêt.
[28] En outre, je n’estime pas que son intervention perturberait la présente instance ni ne créerait une « inégalité des moyens »
. Accepter que la Cour examine le point de vue de l’Asper Centre et des deux autres intervenants éventuels, compte tenu du fait qu’ils se trouvent face à trois grands organismes gouvernementaux expérimentés, à savoir les défendeurs, ne crée pas de déséquilibre. Je partage l’avis de l’Asper Centre selon lequel le rôle de la Cour, qui consiste [traduction] « à cerner et à appliquer les principes juridiques pertinents aux faits dont elle est saisie, ne se résume pas à compter les points à attribuer d’un côté et de l’autre »
. Les intervenants éventuels autorisés à intervenir apporteront des points de vue différents sur des questions en litige. Les défendeurs répondront. La Cour statuera en retenant l’un des thèse présentées. Étant donné que je ne considère pas que les intervenants éventuels autorisés à intervenir en vertu de la présente requête formulent une opinion sur l’issue de la demande, ni qu’ils cherchent à ajouter de nouveaux éléments de preuve ou de nouvelles questions à l’affaire, je conclus qu’il est dans l’intérêt de la justice que l’Asper Centre se voit accorder le statut d’intervenant dans la présente instance.
V. Conclusion
[29] La présente requête est accueillie en partie sans dépens. L’ACLC et l’Asper Centre sont autorisés à intervenir dans la présente affaire.
ORDONNANCE dans le dossier IMM-8432-22
LA COUR REND L’ORDONNANCE suivante :
La requête est accueillie en partie sans dépens.
L’ACLC est autorisée à intervenir aux conditions suivantes :
a)l’ACLC peut signifier et déposer un exposé des faits et du droit, ne dépassant pas 20 pages, dans un délai de 20 jours suivant le prononcé de la présente ordonnance;
b)l’exposé des faits et du droit de l’ACLC ne doit pas soulever de nouvelles questions;
c)les défendeurs peuvent signifier et déposer un exposé des faits et du droit d’une longueur maximale de 20 pages en réponse à l’exposé des faits et du droit de l’ACLC dans un délai de 15 jours à compter de la signification;
d)l’ACLC ne doit rien ajouter au dossier de la preuve, ni procéder à un contre-interrogatoire;
e)l’ACLC a droit à la signification de tous les documents déposés à la Cour, y compris le dossier certifié du tribunal;
f)la durée des observations orales que l’ACLC présentera au cours de l’audience relative à la demande ne doit pas dépasser 30 minutes;
g)l’ACLC ne doit pas demander de dépens dans le cadre de la demande, et aucune adjudication de dépens ne sera faite en sa faveur.
L’AsperCentre est autorisé à intervenir aux conditions suivantes :
a)l’AsperCentre peut signifier et déposer un exposé des faits et du droit, ne dépassant pas 15 pages, dans un délai de 20 jours suivant le prononcé de la présente ordonnance;
b)l’exposé des faits et du droit de l’AsperCentre ne doit pas soulever de nouvelles questions;
c)les défendeurs peuvent signifier et déposer un exposé des faits et du droit d’une longueur maximale de 15 pages en réponse à l’exposé des faits et du droit de l’AsperCentre dans un délai de 15 jours à compter de la signification;
d)l’AsperCentre ne doit rien ajouter au dossier de la preuve, ni procéder à un contre-interrogatoire;
e)l’AsperCentre a droit à la signification de tous les documents déposés à la Cour, y compris le dossier certifié du tribunal;
f)la durée des observations orales que l’AsperCentre présentera au cours de l’audience relative à la demande ne doit pas dépasser 15 minutes;
g)l’AsperCentre ne doit pas demander de dépens dans le cadre de la demande et aucune adjudication de dépens ne sera faite en sa faveur.
« Shirzad A. »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-8432-22
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INTITULÉ :
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JUDE UPALI GNANAPRAGASAM ET LE CONSEIL CANADIEN POUR LES RÉFUGIÉS c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE, LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT CONFORMÉMENT AUX RÈGLES 109 ET 369
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ORDONNANCE ET MOTIFS :
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Le juge ahmed
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DATE DES MOTIFS :
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LE 20 DÉCEMBRE 2023
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COMPARUTIONS :
Barbara Jackman
Prasanna Balasundaram
Asiya Hirji
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POUR LES DEMANDEURS
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Martin Anderson
Simaroop Dhillon
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POUR LES DÉFENDEURS
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Jacqueline Swaisland
Warda Shazadi Meighen
Ada Roberts
Charlotte Hobson
Nadia Javaria Nadeem
Erin Simpson
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POUR LES INTERVENANTS ÉVENTUELS
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jackman & Associates
Avocats
Toronto (Ontario)
Downtown Legal Services
Avocats
Toronto (Ontario)
|
POUR LES DEMANDEURS
|
Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
|
POUR LES DÉFENDEURS
|
Landings LLP
Avocats
Toronto (Ontario)
The Coalition of Canadian Legal Clinics
a/s Neighbourhood Legal Services
Toronto (Ontario)
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POUR LES INTERVENANTS ÉVENTUELS
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