Date : 20060622
Dossiers : T-885-05
Référence : 2006 CF 796
Ottawa, Ontario, le 22 juin 2006
En présence de monsieur le juge Blanchard
ENTRE :
SERGE DUBÉ ET JUDITH GERMAIN
Demandeurs
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
Défendeur
MOTIFS DE L=ORDONNANCE ET ORDONNANCE
1. Introduction
[1] La présente porte sur une demande de contrôle judiciaire déposée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), c. F-7. Les demandeurs, Serge Dubé et Judith Germain, sollicitent une ordonnance annulant la décision de Linda Gobeil, la Sous-ministreadjointe, Service des Ressources humaines, financiers et administratifs au Ministère des Ressources humaines et Développement des compétences du Canada, rendue le 8 avril 2005. Par cette décision, Mme Gobeil a rejeté les griefs présentés par les demandeurs dans lesquels ces derniers alléguaient que leur employeur avait manqué à son engagement de leur accorder une priorité de rappel au cours des saisons mortes.
2. Faits
[2] À toute époque pertinente, les demandeurs étaient à l'emploi du Ministère des Ressources humaines et Développements des compétences du Canada (Ministère) et détenaient chacun un poste d'agent d'aide à la clientèle. Depuis mai 2000, Mme Germain a obtenu plusieurs contrats à durée déterminée dans les postes saisonniers de groupe et de niveau PM-01. M. Dubé occupait un poste d'agent d'aide à la clientèle de façon intérimaire depuis février 2001.
[3] En mars 2002, le Ministère a offert aux demandeurs des postes saisonniers à durée indéterminée de groupe et de niveau PM-01 au bureau régional du Ministère à Donnaconna. Les parties n'ont pas fourni à la Cour la lettre de l'offre d'emploi signée par les demandeurs relative à ces postes. Selon l'affidavit de Claire Harvey, la gestionnaire des demandeurs à l'époque, ces nominations ont pris effet le 25 mars 2002 et les périodes d'emploi convenues étaient de la mi-juin à la mi-septembre 2002, et du début du mois de novembre 2002 jusqu'à la fin de janvier 2003.
[4] Lors de leur embauche, le Ministère a donné aux demandeurs une lettre d'emploi ainsi qu'une copie du document intitulé « Orientations sur l'emploi saisonnier » (document « Orientations » ). Ce document indique que l'emploi saisonnier est une mesure flexible utilisée pour répondre aux exigences opérationnelles lorsque la variation de la charge de travail se traduit par des cycles répétitifs. De plus, le document « Orientations » indique que des employés saisonniers sont nommés pour des durées totalisant moins de 12 mois au cours d'une année, et que les employés saisonniers détiennent un statut d'emploi indéterminé, assujetti à la convention collective et aux termes et conditions d'emploi de la même manière que tous les autres employés dont le statut est indéterminé.
[5] En ce qui concerne l'emploi pendant les périodes mortes, le point 6 du document « Orientations » se lit comme suit :
Durant la saison morte, un employé saisonnier indéterminé pourra être embauché dans un poste différent ayant un statut différent. Cet employé est alors assujetti, pour cette période d'emploi, aux termes et conditions d'emploi ainsi qu'à la convention collective pertinente pour le poste pendant ladite période. La politique de l'employeur concernant le second emploi s'applique. (Renvoi omis.)
Lorsqu'un employé saisonnier est sans emploi, il pourra être embauché pour un poste différent ayant un statut différent. Pour occuper un emploi autre que le poste pour lequel il est nommé indéterminé saisonnier, l'employé devra posséder toutes les compétences requises et être en mesure d'effectuer le travail dans l'immédiat.
La gestion locale s'engage à accorder une priorité aux employés indéterminés saisonniers avant de procéder à la dotation temporaire à la condition qu'ils rencontrent les exigences requises du poste telles que décrites au point précédent.
[6] Les demandeurs maintiennent tous deux que le document « Orientations » faisait partie de leurs conditions et termes de travail. De plus, les demandeurs soutiennent que ce document ainsi que les affirmations de Mme Harvey démontrent que le Ministère s'engageait à accorder une priorité d'emploi aux demandeurs pendant les périodes mortes. Les demandeurs prétendent que malgré son engagement, le Ministère embauchait d'autres personnes avant eux, alors qu'ils auraient dû jouir d'un droit de rappel. Par la suite, les demandeurs ont présenté plusieurs griefs alléguant un bris de l'engagement du Ministère de leur accorder une priorité de rappel.
3. Les Griefs
[7] Les demandeurs prétendent qu'en automne 2002, le Ministère a comblé ses besoins opérationnels avec des embauches intérimaires, des détachements et des affectations de niveau supérieur. M. Dubé a déposé son premier grief le 1er novembre 2002 et deux autres griefs le 5 novembre 2002. Mme Germain a présenté son premier grief le 21 novembre 2002. Pour le but de ces motifs, ces griefs porteront la référence les griefs 2002. Dans leurs griefs, les demandeurs soumettent que le Ministère n'avait pas respecté son engagement de les considérer pour le rappel pendant les périodes mortes. En outre, les demandeurs s'opposaient à l'exigence selon laquelle ils devaient participer aux concours de sélection afin de se qualifier pour les postes de groupe et de niveau PM-01, malgré qu'ils s'étaient déjà qualifiés pour ces postes. Les demandeurs font valoir que le Ministère était lié par l'engagement verbal de Mme Harvey, par le document « Orientations » et par les règles de valeurs et d'éthique de la Commission de la fonction publique (règles de valeurs et d'éthique). En conséquence, le Ministère devait offrir le travail qui était disponible aux demandeurs.
[8] Dans les griefs 2002, les demandeurs exigent entre autres les mesures correctives suivantes :
1) que le Ministère considère les demandeurs en priorité pour tout rappel au travail durant leurs périodes sans contrat pour le Ministère concernant des postes de niveau PM-01 ainsi que tout autre poste dans l'organisation;
2) que le Ministère considère les demandeurs en priorité pour toute nomination de poste indéterminé comme PM-01; et
3) que le Ministère confirme aux demandeurs qu'il n'est pas nécessaire de participer aux concours de sélection de niveau PM-01 pour faire partie d'une liste d'admissibilité. Les demandeurs ont également déposé des griefs additionnels le 20 novembre 2003.
[9] Ayant appris en 2003 que le Ministère avait embauché du personnel occasionnel de niveau PM-01 durant les périodes mortes de leurs contrats d'emploi saisonnier, les demandeurs déposent deux autres griefs (les griefs 2003). Dans ces derniers griefs ils demandent, à titre de mesure corrective, que le Ministère leur verse le salaire perdu et ajuste leur fonds de retraite, échelon salarial, vacances et congés de maladie en conséquence.
[10] Enfin, M. Dubé a déposé un grief en 2004, après que le Ministère ait embauché des étudiants pour combler ses besoins opérationnels dans plusieurs bureaux, en dépit du fait que M. Dubé était en arrêt de travail. Aucune copie de ce dernier grief, ni les détails du grief ou des mesures correctives demandées n'ont été fournis à la Cour.
4. Cadre Législatif
[11] Les demandeurs ont déposé leurs griefs conformément au paragraphe 91(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C (1985), c. P-35 (LRTFP). Cette disposition est ainsi libellée :
91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé : a) par l'interprétation ou l'application à son égard : (i) soit d'une disposition législative, d'un règlement - administratif ou autre -, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi, (ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale; b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.
[...] |
91. (1) Where any employee feels aggrieved (a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of (i) a provision of a statute, or of a regulation, by-law, direction or other instrument made or issued by the employer, dealing with terms and conditions of employment, or (ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award, or (b) as a result of any occurrence or matter affecting the terms and conditions of employment of the employee, other than a provision described in subparagraph (a)(i) or (ii), in respect of which no administrative procedure for redress is provided in or under an Act of Parliament, the employee is entitled, subject to subsection (2), to present the grievance at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Act.
... |
[12] Sous l'article 100 de la LRFTP, la Commission des relations de travail dans la fonction publique peut prendre des règlements relatifs à la procédure applicable aux griefs. En vertu de ces règlements, un employeur peut établir une procédure interne applicable aux griefs, mais cette procédure doit comprendre un premier palier et un dernier palier et ne peut compter plus de quatre paliers. De plus, le paragraphe 100(4) de la LRFTP prévoit que l'employeur peut désigner les personnes dont la décision concernant les griefs constitue un palier de la procédure applicable, y compris le dernier.
[13] La procédure interne établie par le Ministère pour régler les griefs de ses employés comprend trois paliers, à savoir le premier niveau de direction, suivi d'un palier intermédiaire, et enfin le dernier palier mettant en cause la Sous-ministre adjointe.
4. Décision Contestée
[14] Les griefs des demandeurs ont été entendus aux trois paliers de la procédure interne du Ministère, et à chaque palier, le décideur compétent a rejeté leurs griefs. La décision contestée par la présente demande de contrôle judiciaire est la décision de la sous-ministre adjointe, Mme Gobeil, laquelle a été prise au dernier palier de la procédure interne du Ministère. Mme Gobeil a rendu une décision traitant de l'ensemble des griefs de M. Dubé et une deuxième décision traitant de l'ensemble des griefs de Mme Germain.
[15] D'abord, Mme Gobeil a décidé qu'elle n'a pas la compétence sous le paragraphe 91(1) de la LRTFP d'entendre les griefs des demandeurs car leurs griefs « ne traitent pas d'interprétation d'article de la convention collective ou des conditions de travail » . Toutefois, elle a néanmoins traité des griefs sur le fond. Mme Gobeil a décidé que le document « Orientations » indique que la gestion locale s'engage seulement d'accorder une priorité aux employés qui se sont qualifiés sur la liste d'admissibilité et que cette pratique est conforme aux règles de valeurs et d'éthique de la Commission de la fonction publique. Comme les demandeurs n'ont pas participé aux concours de sélection, la gestion ne pouvait assumer que leur candidature satisfaisait les exigences du poste.
[16] Bien que dans sa décision Mme Gobeil n'ait pas expressément adopté les décisions des paliers inférieurs de la procédure interne de règlement des griefs, les décisions de tous les paliers sont inter-reliées et ne peuvent être traitées séparément. D'ailleurs, dans cette demande de contrôle judiciaire, les demandeurs contestent la conclusion selon laquelle il fut déterminé que le Ministère n'avait aucun engagement d'accorder aux demandeurs une priorité de rappel. Cette conclusion a été prise par les décideurs aux paliers inférieurs et non par Mme Gobeil. Dans de telles circonstances, il est donc nécessaire de tenir compte des décisions à tous les paliers. Pour le but de l'analyse qui suit, la demande de contrôle judiciaire portera sur la décision du ministre, laquelle comprendra les déterminations effectuées à tous les paliers.
[17] En réponse aux griefs 2002 au premier palier, Mme Harvey, Directrice de la prestation de services du Ministère à Québec, a déterminé que la gestion locale n'avait pas pris d'engagement pour donner une priorité de nomination aux demandeurs pendant les saisons mortes. Dans sa décision datée du 6 février 2003, Mme Harvey a aussi ajouté que le document « Orientations » ne constituait pas des conditions ou des termes d'emploi mais visait uniquement à fournir de l'information sur les différences entre un emploi saisonnier et un emploi à temps plein par rapport aux avantages sociaux et à l'application de la convention collective. Le seul engagement que le Ministère avait envers les demandeurs, selon Mme Harvey, se trouve dans la lettre d'offre d'emploi. De plus, Mme Harvey a dit que « [...] de donner une priorité de nomination aux employés ayant un statut saisonnier irait à l'encontre des textes législatifs et réglementaires applicables dans la Fonction publique fédérale » .
[18] Le 12 janvier 2004, Lucie Tremblay, Directrice de la prestation de services du Ministère à Québec, a rendu la décision au premier palier en réponse aux griefs 2003. Elle était d'accord avec Mme Harvey que la gestion locale n'avait jamais pris d'engagement envers les demandeurs pour leur donner une priorité d'embauche pendant leur saison morte et que le seul engagement que le Ministère avait envers les demandeurs était leurs postes saisonniers au bureau régional du Ministère à Donnaconna de six mois par année. Mme Tremblay a aussi dit que le document « Orientation » était une politique locale de priorité uniquement dans le bureau régional du Ministère à Saguenay-Lac St. Jean.
[19] Au deuxième palier du processus interne de règlement des griefs, Danielle Vincent, la Sous-ministre adjointe, a considéré de façon globale tous les griefs de chaque demandeur. Elle a confirmé que le document « Orientations » ne s'agissait pas d'un engagement pour accorder une priorité aux demandeurs et que le seul engagement se retrouve dans les termes spécifiés dans la lettre d'offre. De plus, Mme Vincent a conclu que la gestion locale était justifiée d'utiliser des méthodes de sélection avec concours et qu'un employé saisonnier ne détenait aucun statut de priorité d'embauche pour tout autre poste.
5. Les Questions en litige
[20] Bien que plusieurs questions soient soulevées par les demandeurs, je formulerais les questions en litige comme suit :
1) Les griefs étaient-ils admissibles selon l'article 91 de la Loisur les relations de travail dans la fonction publique?
2) Est-ce que le Ministère était tenu d'accorder une priorité de rappel aux demandeurs?
6. La Norme de Contrôle
[21] Comme l'a établi la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, c'est l'analyse pragmatique et fonctionnelle qui s'applique au contrôle des décisions des organismes administratifs : voir par exemple, Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia), [2003] 1 R.C.S. 226; et Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247. L'approche pragmatique et fonctionnelle nécessite une analyse des quatre facteurs contextuels suivants :
1. la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel;
2. l'expertise de l'organisme administratif par rapport à celle de la cour de révision quant à la question en litige;
3. l'objet de la loi et de la disposition particulière; et
4. la nature de la question - de droit, de fait ou mixte de fait et de droit.
[22] L'interaction entre ces quatre facteurs détermine le degré de déférence requis à l'égard de la décision administrative elle-même. La déférence doit en outre être mise en corrélation avec trois normes de contrôle : la décision correcte, la décision raisonnable simpliciter et la décision manifestement déraisonnable : Ryan, précité au paragraphe 24. Je procède maintenant à l'analyse de ces quatre facteurs.
[23] Dans la présente affaire, la décision contestée concerne deux déterminations : a) la compétence du Ministre à entendre les griefs des demandeurs, et b) à savoir si le Ministère s'engage à accorder une priorité aux demandeurs. La norme de contrôle appropriée doit être déterminée pour chacune de ces questions.
1. La nature du mécanisme d'appel ou de contrôle
[24] D'abord, en vertu du paragraphe 96(3) de la LRTFP, la décision au dernier palier d'un grief est assujettie à une clause privative :
96. (3) Sauf dans le cas d'un grief qui peut être renvoyé à l'arbitrage au titre de l'article 92, la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable en la matière est finale et obligatoire, et aucune autre mesure ne peut être prise sous le régime de la présente loi à l'égard du grief ainsi tranché. |
96. (3) Where a grievance has been presented up to and including the final level in the grievance process and it is not one that under section 92 may be referred to adjudication, the decision on the grievance taken at the final level in the grievance process is final and binding for all purposes of this Act and no further action under this Act may be taken thereon. |
Le paragraphe 96(3) de la LRTFP prévoit que la décision rendue au dernier palier de la procédure, à l'exception des griefs pouvant être renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92, est finale et obligatoire et que les mesures prévues dans la loi ne peuvent être d'aucun secours aux parties. En vertu du paragraphe 92(1), un grief peut être renvoyé à l'arbitre seulement lorsque le grief vise l'interprétation ou l'application d'une convention collective ou une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou la sanction pécuniaire d'un employé. Il est clair que les griefs qui nous concernent en l'espèce n'appartiennent pas aux catégories visées au paragraphe 92(1) de la LRTFP, et par conséquent un arbitre n'aurait pas compétence pour considérer ces griefs.
[25] En raison de la présence d'une clause privative, figurant au paragraphe 96(3) de la LRTFP, le Ministre doit bénéficier d'un degré élevé de retenue judiciaire.
2. L'expertise relative du tribunal par rapport à celle de la Cour
[26] Comme la juge en chef Beverley McLachlin de la Cour suprême du Canada se prononce au paragraphe 28 dans l'arrêt Dr Q, précité, les législatures confient parfois une question à un organisme décisionnel possédant une expertise spécialisée ou apte à trancher des questions particulières. Comparer l'expertise relative du décideur administratif à celle de la Cour nécessite l'examen de trois éléments. La Cour doit :
a) qualifier l'expertise du décideur administratif;
b) comparer l'expertise du décideur administratif à sa propre expertise; et
c) déterminer la nature de la question précise dont était saisi le décideur administratif par rapport à cette expertise.
Lorsque le décideur administratif possède, de quelque façon, une plus grande expertise que la Cour et que la question visée relève de cette expertise, un plus haut degré de déférence est donc dû.
[27] La première question dans la présente affaire vise la compétence du Ministre d'entendre les griefs des demandeurs. Une telle détermination, ce qui est essentiellement une question d'interprétation législative, ne tombe pas dans l'expertise du Ministre. En conséquence, un moindre degré de retenue judiciaire serait indiqué.
[28] En ce qui concerne la deuxième question, à mon avis une telle détermination relève des pouvoirs du Ministre. Le Ministre possède une connaissance approfondie des politiques, procédures et règles du Ministère en question de combler des postes pendant la saison morte. Les questions de savoir quels termes et conditions font partie de l'emploi des demandeurs relèvent donc clairement de l'expertise du Ministre. Par conséquent, le degré d'expertise du Ministre par rapport à la Cour fédérale invite cette Cour à faire preuve d'une certaine retenue.
3. L'objet de la loi
[29] Au troisième volet de l'analyse pragmatique et fonctionnelle, il faut examiner l'objet de l'ensemble du régime établi par la loi ainsi que des dispositions particulières visées par le contrôle. Dans l'arrêt Dr. Q, précité aux paragraphes 31 et 32, la juge en chef McLachlin a fait des remarques sur la différence entre un objet « polycentrique » et un objet « juridictionnel » relatif à la retenue judiciaire.
31 Une loi dont l'objet exige qu'un tribunal choisisse parmi diverses réparations ou mesures administratives, qui concerne la protection du public, qui fait intervenir des questions de politiques ou qui comporte la pondération d'intérêts ou de considérations multiples, exige une plus grande déférence de la part de la cour de révision. [...]
32 À l'opposé, une disposition ou une loi qui vise essentiellement à résoudre des différends ou à statuer sur les droits de deux parties appelle moins de déférence. Plus la loi se rapproche d'un paradigme judiciaire conventionnel mettant en cause un pur lis inter partes dont l'issue est largement tranchée par les faits présentés devant le tribunal, moins la cour de révision est tenue à la déférence.
[30] L'objet de la LRTFP est d'établir un régime complet de règlement des différends relatifs aux relations de travail, y compris les conditions d'emploi des employés de la fonction publique : Scheuneman c. Canada (Procureur général) (1re inst.), [2000] 2 C.F. 365. L'objet du paragraphe 91(1) de la LRTFP est de régler les griefs par le biais d'un processus interne à l'employeur et, si applicable, d'un arbitre externe. Essentiellement, cet article de la loi se rapproche d'un paradigme judiciaire conventionnel. Considéré dans son ensemble, l'objet de la LRTFP et du paragraphe 91(1) invite à un moindre degré de déférence envers les décisions du Ministre relatives au règlement des griefs.
4. La nature de la question
[31] Finalement, dans la présente affaire, il y a deux questions en litige de nature différente. Dans un premier temps, le Ministre a déterminé que les griefs des demandeurs n'étaient pas admissibles selon la LRTFP. Cette décision est une question juridique et, par conséquent, aucune retenue judiciaire ne doit être accordée.
[32] La matière de la deuxième question vise une question mixte de fait et de droit, à savoir si la doctrine de préclusion promissoire est applicable dans les circonstances de l'espèce. Cependant, le composant « fait » est plus important que le composant « droit » puisque la décision du Ministre reposait sur une évaluation de la preuve dans le dossier. Ceci requiert une grande déférence de la part de la Cour.
[33] Une fois ces facteurs considérés, j'en viens à la conclusion que la norme applicable à la première question en litige est celle de la décision correcte. En ce qui concerne la question de savoir si le Ministère ne respectait l'engagement d'accorder une priorité de rappel aux demandeurs, j'estime que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable simpliciter.
7. Analyse
A. Les griefs étaient-ils admissibles selon l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique?
[34] Dans sa décision, la Sous-ministre adjointe, Mme Gobeil, a statué que les griefs des demandeurs ne sont pas admissible selon le paragraphe 91(1) de la LRTFP puisqu'ils ne traitent pas « d'interprétation d'article de la convention collective ou des conditions de travail » . Le défendeur prétend que les griefs sont inadmissible parce qu'ils se rapportent à une question à l'égard de laquelle une procédure administrative de réparation est prévue par une autre loi du Parlement. Cet autre recours administratif, selon le défendeur, se retrouve à la Loi sur l'Emploi dans la Fonctionpublique, L.R.C. (1985), c. P-33 (LEFP).
[35] Il y a lieu de faire référence à l'arrêt Canada (Procureur général) c. Boutilier, [2000] 3 C.F. 27, qui émane de la Cour d'appel fédérale. Dans cet arrêt, le juge Allen Linden a réitéré que, à la lumière du libellé du paragraphe 91(1), l'intention du législateur était d'exclure de la procédure normale de règlement des griefs prévue sous le régime de la LRTFP certains sujets spécialisés qu'il estimait devoir être régis par le processus administratif instauré par la législation visant ces mêmes sujets. Au paragraphe 3, le juge Linden a écrit :
Dès 1974, le juge Pratte avait déclaré dans l'affaire In re Cooper [[1974] 2. C.F. 407 (C.A.) à la page 412.] :
Aux termes de l'article 90 [maintenant, le paragraphe 91(1)], on ne peut pas présenter un grief s'il se rapporte à une question à l'égard de laquelle « une procédure administrative de réparation est prévue en vertu d'une loi du Parlement » . Lorsqu'il existe une telle procédure, l'employé qui s'estime lésé ne peut recourir à la procédure applicable aux griefs établie par les articles 90 et 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, mais doit soumettre sa plainte à l'organisme administratif qui détient, en vertu de la loi applicable, le pouvoir de l'examiner. Un employé qui s'estime insatisfait de la décision de cet organisme ne peut présenter un grief à cet égard en vertu des articles 90 et 91.
En conséquence, dans la présente affaire, s'il existe un remède alternatif adéquat sous un autre régime législatif pour régler le différend entre les demandeurs et le Ministère, le Ministre n'a pas la compétence de l'entendre sous le paragraphe 91(1) de la LRTFP.
[36] Afin de déterminer si les demandeurs peuvent déposer leurs griefs sous le paragraphe 91(1) de la LRTFP, il faut évaluer la nature des griefs. Le défendeur prétend que les demandeurs cherchaient, essentiellement, une priorité de rappel si un poste devenait disponible. Comme il s'agit de la dotation, le défendeur soutient que le recours approprié pour des griefs pareils se trouve sous l'article 21 de la LEFP. Le défendeur prétend que la LEFP constitue un régime complet de recours administratifs de réparation en matière de nominations dans la fonction publique. Alors, d'après le défendeur, c'est la Commission de la fonction publique (la Commission) qui a compétence pour entendre les griefs des demandeurs en vertu de l'article 21 de la LEFP et non le Ministre sous la LRTFP.
[37] L'article 21 se lit comme suit :
21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de ses faire entendre. (1.1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.
[...] |
21. (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard. (1.1) Where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than by competition, any person who, at the time of the selection meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.
... |
[38] À l'audience, les demandeurs ont plaidé qu'il était manifestement injuste pour le Ministre de dire, presque trois ans plus tard, que leurs griefs ne sont pas admissibles sous la LRTFP. De toute façon, les demandeurs soutiennent que leurs griefs tombent sous l'autorité du Ministre en vertu de la LRTFP. Contrairement aux prétentions du défendeur, les demandeurs caractérisent leurs griefs comme des questions qui visent les conditions et les termes de leur emploi et non la nomination.
[39] Il aurait été préférable que la question d'admissibilité soit soulevée avant d'en arriver au dernier palier de la procédure interne de règlement des griefs. Nonobstant ce constat, un employé ne peut recourir à la procédure applicable aux griefs établie conformément au paragraphe 91(1) lorsqu'il existe une autre procédure administrative de réparation. Néanmoins, dans les circonstances de l'affaire, je suis d'avis que le Ministre a la compétence d'entendre les griefs des demandeurs en vertu du paragraphe 91(1) de la LRTFP. Mes motifs sont les suivants.
[40] À mon avis, la nature des griefs des demandeurs ne vise pas la nomination. Leurs griefs assaillent plutôt les mesures utilisées par le Ministère pour combler des postes lorsque les demandeurs étaient sans travail. Les demandeurs demandent que le Ministère respecte les termes et conditions de leur lettre d'offre d'emploi que les demandeurs allèguent comprenait un engagement de leur offrir d'abord des postes pendant les saisons mortes. La question au coeur des griefs des demandeurs à savoir si le Ministère a fait un tel engagement.
[41] Dans les circonstances de l'espèce, j'estime que la procédure d'appel en vertu de l'article 21 de la LEFP ne constitue pas un recours administratif qui empêcherait les demandeurs de déposer leurs griefs en vertu du paragraphe 91(1) de la LRTFP. À mon avis, l'article 21 ne prévoit aucunement la détermination d'une question traitant des termes et conditions de travail. Le paragraphe 21(1) traite du processus d'appel à une nomination par un candidat non reçu suite à un concours. Le paragraphe 21(2) traite du processus d'appel à une nomination par toute personne qui satisfait aux critères particuliers suite à une sélection interne effectuée autrement que par concours. Il s'ensuit que, puisque les griefs des demandeurs attaquent le non respect d'un engagement prévu dans le document « Orientations » et les affirmations de Mme Harvey, ces griefs ne peuvent être tranchés par la Commission. En résultat, il n'existe aucun recours administratif de réparation sous la LEFP.
[42] En conséquence, je suis d'avis que le Ministre doit considérer les griefs des demandeurs en vertu du paragraphe 91(1) de la LRTFP. Je vais donc effectué un contrôle de la décision du Ministre au fond.
B. Est-ce que le Ministère était tenu d'accorder une priorité de rappel aux demandeurs?
[43] Les demandeurs soumettent que le Ministre a commis une erreur susceptible de révision en concluant que le Ministère ne s'engageait pas d'accorder une priorité de rappel aux demandeurs. Par voie de cet engagement, les demandeurs prétendent que le principe de préclusion promissoire s'applique et qu'il était interdit au Ministère d'embaucher d'autres personnes avant d'offrir d'abord ces postes aux demandeurs.
[44] Le défendeur prétend que les demandeurs n'ont pas présenté la preuve pour satisfaire leur fardeau en ce qui concerne la doctrine de préclusion promissoire. Le défendeur maintient qu'il n'y avait pas de promesse et que le document « Orientations » n'a jamais modifié les termes ou conditions d'emploi des demandeurs. D'ailleurs, le défendeur dit que le Ministère ne pouvait pas faire une promesse quant à l'embauche car cela contreviendrait au principe du mérite.
[45] La doctrine de préclusion promissoire a été énoncée dans l'arrêt Maracle c. Travellers Indemnity Co. of Canada, [1991] 2 R.C.S. 50. À la page 57, le juge John Sopinka s'est prononcé de la façon suivante :
Les principes de l'irrecevabilité fondée sur une promesse [la doctrine de préclusion promissoire] sont bien établis. Il incombe à la partie qui invoque cette exception d'établir que l'autre partie a, par ses paroles ou sa conduite, fait une promesse ou donné une assurance destinées à modifier leurs rapports juridiques et à inciter à l'accomplissement de certains actes. De plus, le destinataire des déclarations doit prouver que, sur la foi de celles-ci, il a pris une mesure quelconque ou a de quelque manière changé sa position. Dans l'arrêt John Burrows Ltd. v. Subsurface Surveys Ltd., [1968] R.C.S. 607, le juge Ritchie dit, à la p. 615 :
[TRADUCTION] Il me semble évident que ce genre de défense d'equity ne peut être invoquée en l'absence d'une preuve qu'une des parties a mené des négociations qui ont eu pour effet d'amener l'autre à croire que les obligations strictes prévues au contrat ne seraient pas exécutées, et je crois que cela suppose qu'il doit y avoir une preuve qui permet de conclure que la première partie a voulu que les rapports juridiques établis par le contrat soient modifiés en conséquence des négociations.
Ce passage a été cité et approuvé par le juge McIntyre dans l'arrêt Engineered Homes Ltd. c. Mason, [1983] 1 R.C.S. 641, à la p. 647. Le juge McIntyre y affirme que la promesse doit être non équivoque, mais qu'elle peut s'inférer des circonstances.
[46] En somme, la jurisprudence établit qu'il ne peut exister une telle préclusion promissoire en l'absence d'une promesse, expresse ou implicite, dont les effets sont clairs et précis. Il est également établi que la doctrine de préclusion promissoire exige que la promesse ait mené celui qui a reçu cette promesse à agir autrement qu'il ou qu'elle l'aurait fait en d'autres circonstances : voir La Reine c. Association canadienne du contrôle du trafic aérien, [1984] 1 C.F. 1081 (C.A.F.) à la page 1085.
[47] Afin d'établir les exigences de la doctrine de préclusion promissoire, les demandeurs doivent faire preuve des éléments suivants :
1) que le Ministère, par ses paroles ou sa conduite, a fait une promesse d'accorder une priorité aux demandeurs visant à modifier leurs rapports juridiques et à inciter à l'accomplissement de certains actes; et
2) en raison de cet engagement, que les demandeurs ont pris une mesure quelconque ou ont de quelque manière changé leur position.
[48] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les éléments nécessaires pour qu'il y ait une préclusion promissoire n'ont pas été établis dans les circonstances de la présente affaire.
[49] Les demandeurs prétendent que leur employeur était lié par les affirmations effectuées par Mme Harvey, le document « Orientations » et les règles de valeurs de la Commission et donc devait offrir le travail qui était disponible aux demandeurs. À titre de preuve de cet engagement, chaque demandeur a déposé un affidavit.
[50] En ce qui concerne les représentations de leur employeur, Mme Germain affirme que Mme Harvey a donné l'assurance que le Ministère s'engageait de lui accorder une priorité d'emploi pendant les périodes mortes. Pour sa part, M. Dubé soutient que « lors de mon embauche, on m'a clairement indiqué et rassuré que l'employeur m'accordait une priorité durant les périodes mortes » . Les demandeurs affirment aussi qu'on leur a indiqué lorsqu'ils ont accepté le poste saisonnier qu'ils bénéficieraient d'une priorité si un poste devenait disponible.
[51] Quant au document « Orientations » , les demandeurs soutiennent simplement qu'ils ont reçu une copie de ce document et qu'on leur a confirmé que le document faisait partie de leurs termes et conditions de travail. Finalement, les demandeurs font référence dans leur affidavit respectif à une lettre écrite en février 2004 par Jocelyne Tanguay, la Directrice au bureau régional du Ministère au Saguenay-Lac St. Jean. Les demandeurs déposent que dans sa lettre, qui est annexée à leurs affidavits, Mme Tanguay a confirmé que le Ministère avait convenu de privilégier les employés saisonniers pour effectuer les remplacements durant leur période morte.
[52] À la lecture de la preuve des demandeurs, je suis d'avis que la preuve ne peut pas servir à soutenir l'existence d'une promesse non équivoque, dont les effets sont clairs et précis. D'abord, je note que, dans leur affidavit respectif, les demandeurs sont vagues quant aux détails de l'engagement allégué. Par exemple, M. Dubé ne nomme pas le gestionnaire qui lui a donné l'assurance d'une priorité. Les demandeurs ne spécifient non plus pas le représentant du Ministère qui leur a confirmé l'objet ou l'effet du document « Orientations » . En outre, les demandeurs ne mentionnent pas les dates auxquelles le Ministère aurait fait ces affirmations et ces confirmations.
[53] De plus, dans son affidavit, Mme Harvey nie avoir fait une promesse verbale aux demandeurs qu'ils détiendraient une priorité d'emploi durant leurs saisons mortes. Mme Harvey soutient que le seul document qui a été remis officiellement à M. Dubé et à Mme Germain était leur lettre d'offre d'emploi et que des telles lettres d'offre précisent le seul engagement envers les demandeurs, soit les périodes d'emploi au cours desquelles leurs services seraient requis d'année en année.
[54] Tel que mentionné ci-dessus, les demandeurs n'ont pas fourni à la Cour une copie de leur « contrat » d'emploi. Fondé sur la preuve devant la Cour, je ne peux conclure que le document « Orientations » ou la lettre de Mme Tanguay modifiaient les conditions et termes d'emploi des demandeurs, qui se trouve dans la lettre d'offre. À mon avis, le libellé du document « Orientations » et de la lettre de Mme Tanguay suggèrent une ligne de conduite adoptée par la gestion locale pour combler ses besoins opérationnels; ils ne représentent pas un engagement non équivoque d'accorder une priorité de rappel aux employés saisonniers, en général, ou aux demandeurs, en particulier. D'ailleurs, je note que ni le document « Orientations » ni la lettre de Mme Tanguay ne sont adressés aux demandeurs.
[55] La preuve de l'engagement est primordiale pour démontrer le bien-fondé d'une allégation basée sur le principe de préclusion promissoire. En somme, je considère que les conclusions insinuées par les demandeurs à partir de certains passages dans le document « Orientation » et de la lettre de Mme Tanguay à l'effet que cet engagement existe ne constituent pas une preuve suffisante pour soutenir l'application de la doctrine de préclusion promissoire.
[56] En dépit de ma conclusion ci-dessus, qui est déterminante, même si les demandeurs avaient réussi à convaincre la Cour de l'existence d'une promesse, je suis d'avis que les demandeurs ont manqué à leur obligation de démontrer qu'ils ont pris une mesure quelconque ou ont de quelque manière changé leurs positions à cause de cette promesse. Ainsi, le deuxième élément de la doctrine de préclusion promissoire n'est pas établi en l'espèce.
[57] Dans leur mémoire de faits et de droit, les demandeurs prétendent qu'ils ont agi sur la foi de l'engagement du Ministère en signant leur contrat d'emploi respectif et en omettant de postuler aux postes par l'entremise de concours. Cependant, rien dans leurs propres affidavits n'indique que la raison que les demandeurs ont accepté les postes saisonniers se fonde sur la promesse alléguée, ni que les demandeurs comptaient sur cette promesse en choisissant de ne pas participer aux concours de dotation.
[58] En raison des lacunes dans la preuve au dossier, les demandeurs n'ont pas démontré l'existence de l'engagement allégué. On ne peut donc réclamer l'application de la doctrine de préclusion promissoire. J'estime que la décision contestée du Ministre ne contient pas d'erreur pouvant permettre de conclure à une décision déraisonnable. Il s'agit d'une décision bien fondée sur les faits du dossier et il n'y a pas lieu de la réviser.
[59] Deux autres points soulevés par les demandeurs méritent d'être adressés. Premièrement, les demandeurs allèguent que le Ministère a changé ses politiques de dotation et n'a pas communiqué aux demandeurs les conséquences de ne pas postuler aux concours. Les demandeurs prétendent que ceci était une violation des règles de valeurs et d'éthique et qu'ils ont en conséquence subi un préjudice. Les règles d'équité et de valeurs exigent que les candidats soient informés de leurs droits avant de procéder à la dotation. Je n'accepte pas la prétention des demandeurs que le Ministère a violé les règles d'équité et de valeurs. En fait, la preuve dans le dossier démontre que Mme Harvey a informé les demandeurs en 2002, avant la fin de leur période d'emploi stipulée dans leur lettre d'emploi, qu'il faudrait postuler pour les concours d'agent d'aide à la clientèle s'ils désiraient être engagés lorsque surviendraient les saisons mortes. Mme Germain n'a pas posé sa candidature et M. Dubé a échoué en cours de processus et, par conséquent, ne figurait sur aucune liste d'admissibilité. De plus, les demandeurs admettent eux-mêmes qu'ils avaient été informé de la nécessité de postuler aux concours. D'ailleurs, dans leurs griefs de 2002, les demandeurs s'opposaient à l'exigence qu'ils devaient participer aux processus de sélection de niveau PM-01.
[60] Deuxièmement, quant à la conclusion de Mme Gobeil que le Ministère ne pourrait présumer que les demandeurs satisfaisaient aux exigences du poste, les demandeurs soutiennent qu'il n'y a aucun fondement pour arriver à la conclusion que les demandeurs ne sont pas qualifiés. À mon avis, Mme Gobeil n'a pas déterminé que les demandeurs n'avaient pas les qualifications requises; elle a plutôt conclu que les demandeurs ne s'étaient pas qualifiés sur une liste d'admissibilité puisqu'ils n'ont pas participé aux concours de sélection.
8. Conclusion
[61] Pour les motifs ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens. Basé sur la preuve au dossier, je ne peux déterminer que le Ministre a commis d'erreur susceptible de révision judiciaire.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNEque :
1. La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
2. Le tout avec dépens.
« Edmond P. Blanchard »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
INTITULÉ : Serge Dubé et Judith Germain c. Procureur général du Canada
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 8 février 2006
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Blanchard J.
COMPARUTIONS :
Me Sean T. Magee POUR LES DEMANDEURS
Me Neil McGraw POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Nelligan O'Brien Payne POUR LES DEMANDEURS
Ottawa, Ontario
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada