Date : 19971106
Dossier : IMM-3918-96
OTTAWA (ONTARIO), le 6 novembre 1997
En présence de monsieur le juge Lutfy
ENTRE :
OMOLARA ABIMBOLA OLOJO,
requérante,
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimée.
ORDONNANCE
VU la demande de contrôle judiciaire entendue le 29 octobre 1997 à Toronto (Ontario);
LA COUR ORDONNE :
1. Que la demande soit accueillie. |
2. Que la décision de la Section du statut de réfugié en date du 16 octobre 1996 soit annulée et l'affaire entendue à nouveau par une formation différente. |
"Allan Lutfy"
Juge
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
Date : 19971106
Dossier : IMM-3918-96
ENTRE :
OMOLARA ABIMBOLA OLOJO,
requérante,
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimée.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE LUTFY
[1] La Section du statut de réfugié a conclu par la négative au sujet de la crédibilité de la requérante. Le tribunal n'a pas cru que cette citoyenne du Nigéria était mariée à Godwin Olojo, un homme d'affaires en vue qui milite pour les droits de la personne dans ce pays. M. Olojo, membre de la tribu Ogoni, appuyait le Mouvement pour la survie du peuple Ogoni (Movement for the Survival of the Ogoni People, MOSOP).
[2] La requérante déclare qu'en février 1995, et après une longue liaison, elle et son compagnon se sont mariés. Lui travaillait à Port Harcourt et elle, à Abuja. Ils se retrouvaient les fins de semaine. L'exécution de M. Ken Saro-Wiwa et de huit autres activistes aux mains du gouvernement nigérian, le 10 novembre 1995, a donné lieu à Port Harcourt à des manifestations organisées avec l'aide du mari de la requérante. Le 15 novembre 1995, des agents de la sécurité se sont rendus au domicile du couple à Port Harcourt et ont arrêté le mari. La requérante ne l'a pas revu depuis. Elle dit être tombée enceinte en septembre 1995, mais qu'elle a fait une fausse-couche après avoir été battue par les agents de sécurité lors de l'arrestation de son mari.
[3] La conclusion négative du tribunal au sujet de la crédibilité de la requérante eu égard à son mariage est énoncée en ces termes :
[TRADUCTION] |
La demanderesse n'avait en sa possession aucun document portant le nom de son mari ou la rattachant à lui. Elle avait une photographie, supposément celle de leur mariage. Toutefois, rien n'indiquait que l'autre personne apparaissant dans ce document était le mari de la requérante, Godwin Olojo. |
Après l'audition, la demanderesse a été requise de présenter un certificat de mariage. Son avocat a ultérieurement présenté des observations à la formation, mais le certificat de mariage n'y était pas annexé. |
...
La demanderesse avait amplement l'occasion de fournir une preuve à l'appui de la question essentielle objet de sa demande. Nous sommes d'accord qu'elle est issue d'une culture où les documents personnels ne jouent qu'un rôle négligeable, toutefois, elle était assistée par un avocat canadien qui lui aurait signalé l'importance que revêtent des pièces justificatives. |
Même après que la formation l'eût informé qu'une preuve de mariage serait utile, la demanderesse ne s'est vraiment pas efforcée d'obtenir un pareil document, soit de sa famille qui demeure toujours au Nigéria, soit du MOSOP. L'une et l'autre auraient pu, présumément, lui fournir des renseignements supplémentaires touchant sa demande. La soeur de la requérante et d'autres membres de sa famille vivent aujourd'hui à Lagos et ils auraient pu lui fournir une aide à ce propos. |
...
Il incombe à la demanderesse d'établir sa preuve. Nous constatons qu'elle n'a pas demandé un délai pour prouver l'existence de son mari qui est prétendument un membre du MOSOP et un militant pour les droits de la personne, parce que ce personnage n'existe pas. En raison du manque d'effort pour produire une pièce justificative quelconque, la formation estime que la demanderesse a fabriqué cette histoire pour donner lieu à la présente revendication du statut de réfugié. [Sans italiques dans le texte.] |
[4] Les passages ci-dessus, surtout ceux mis en italiques, de la décision du tribunal révèlent des erreurs susceptibles de contrôle. Le témoignage de la requérante concernant son mariage avec M. Olojo n'a pas été contredit. Si le tribunal a relevé des contradictions dans son témoignage, il n'en a pas du tout fait état dans ses motifs et aucune d'elles ne se dégage de la lecture du texte transcrit. En réponse à la question d'un membre du tribunal, la requérante a spontanément produit une photo de mariage la montrant avec son mari. Le tribunal n'a pas dit pourquoi il a refusé d'accepter cette photographie en tant que preuve corroborante.
[5] Le tribunal a eu tort, à mon avis, de conjecturer que l'avocat de la requérante [TRADUCTION] "l'aurait avertie de l'importance que revêtent les pièces justificatives", surtout après avoir noté que l'intéressée était issue d'une culture où les documents personnels ne jouaient qu'un rôle négligeable. Aucune preuve n'a été fournie durant l'audience à l'appui de la conclusion touchant aussi bien le conseil que la requérante aurait reçu de son avocat, que les déclarations du tribunal relatives au manque d'effort véritable de sa part pour obtenir de nouvelles preuves documentaires.
[6] Le tribunal dit que l'intéressée a été requise de produire le certificat de mariage, ce qui ne ressort pas du compte rendu. Son avocat a offert, à l'audience, de lui demander si elle pouvait obtenir une copie de ce certificat. Quelque trois semaines plus tard, il a informé le tribunal que la requérante [TRADUCTION] "... n'était pas en mesure d'obtenir son certificat de mariage". Le tribunal, un mois après, faisait connaître ses motifs. Environ quatre semaines après réception de la décision, la requérante a déposé à la Cour un affidavit faisant état d'un malentendu survenu entre elle et son ancien avocat au sujet de la nécessité de produire de nouvelles preuves d'identité. Sur requête de l'intéressée, une ordonnance a été rendue autorisant que soit produit à la Cour le certificat de mariage de l'intéressée.1
[7] La requérante signale d'autres contradictions possibles dans la décision qui fait l'objet du contrôle. La conclusion du tribunal voulant que la requérante [TRADUCTION] "ait fourni aux agents de la sécurité un faux nom et une fausse adresse" signifie qu'elle a agi de la sorte au regard de sa propre identité, alors qu'il s'agit, dans le texte transcrit, de la non-divulgation de l'identité d'un autre membre du MOSOP. Sa constatation qu'elle a [TRADUCTION] "ouvertement résidé" au domicile de son mari à Port Harcourt après le 15 novembre 1995, est également sujette à un certain doute.
[8] Au moins quatre énoncés figurant dans les motifs du tribunal soit ne concordent pas avec la preuve, soit ne sont pas étayés, ce qui justifie l'intervention de la Cour. La nouvelle formation qui entendra de nouveau la présente cause tirera sa propre conclusion quant à la crédibilité touchant le mariage de la requérante et, par suite, sa crainte d'être persécutée; elle se fondera sur le témoignage de l'intéressée, son certificat de mariage et sur tout autre élément de preuve qu'elle possèderait à l'appui de sa revendication.
[9] Aucune des parties n'a demandé à certifier une question.
"Allan Lutfy"
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 6 novembre 1997
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-3918-96
INTITULÉ DE LA CAUSE : OMOLARA ABIMBOLA OLOJO c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO
DATE DE L'AUDIENCE : 29 OCTOBRE 1997
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE LUTFY
EN DATE DU 6 NOVEMBRE 1997
ONT COMPARU :
M. Bola Adetunji POUR LA REQUÉRANTE |
Mme Bridget O'Leary POUR L'INTIMÉE |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Bola Adetunji POUR LA REQUÉRANTE |
Toronto (Ontario)
George Thomson POUR L'INTIMÉE |
Sous-procureur général
du Canada
__________________1 La règle 4 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration, 1993 incorpore, par voie de référence, la règle 1102 des Règles de la Cour fédérale. L'intimée n'a pas soumis des observations en réponse à la requête présentée par la requérante, en application de la règle 324, visant la production du certificat de mariage. La règle 1102 aurait apparemment servi de fondement à l'ordonnance autorisant cette production.