Date : 20231221
Dossier : IMM-10206-22
Référence : 2023 CF 1744
Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2023
En présence de l’honorable juge Fuhrer
ENTRE :
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Fatemeh KHOSRAVIMASHIZI
et
Mohammad SAFARI
et
Parmis SAFARI
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I. Survol
[1] Les demandeurs, Fatemeh Khosravimashizi [demanderesse principale], son conjoint et leur enfant mineur sont originaires d’Iran. Ils ont présenté respectivement une demande pour un permis d’études, un permis de travail temporaire et un visa de résident temporaire. L’agent des visas [agent] a rejeté les trois demandes [décisions], car il n’était pas convaincu qu’à la fin de leur séjour, la demanderesse principale et sa famille quitteraient le Canada. Il a estimé que les demandeurs n’ont pas de liens familiaux significatifs à l’extérieur du Canada et que le but de leur visite ne correspondait pas à un séjour temporaire.
[2] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire des décisions. La principale question soulevée en l’espèce est celle du caractère raisonnable des décisions. Autrement dit, la Cour doit déterminer si les décisions sont intelligibles, transparentes et justifiées, et ce, conformément à la norme de contrôle qui est présumée s’appliquer : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 10, 25, 99. Cette présomption peut être réfutée dans certaines situations, mais, à mon avis, aucune n’est présente en l’espèce : Vavilov, au para 17.
[3] Je conclus que les demandeurs ont satisfait à leur fardeau de prouver que les décisions sont déraisonnables : Vavilov, au para 100. L’agent a traité d’une manière déraisonnable les éléments de preuve relatifs aux liens des demandeurs avec leur pays d’origine, et il s’agit là d’un élément déterminant. Pour les motifs qui suivent, les décisions sont annulées, et les affaires sont renvoyées à un autre agent pour qu’il les réexamine.
II. Analyse
[4] La décision refusant la demande de permis d’études de la demanderesse principale est au cœur de la présente analyse, puisque c’est sur elle que s’appuient les décisions qui concernent le conjoint et l’enfant.
[5] L’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte des liens de la demanderesse principale avec son pays d’origine, et ce, simplement parce que sa famille immédiate voyagerait avec elle : Jafari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 183 au para 18 ; Vahdati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1083 [Vahdati] au para 10.
[6] Le défendeur soutient que l’affaire Vahdati peut être distinguée de la présente instance sur le fond étant donné qu’en l’espèce, l’analyse de l’agent par rapport aux liens familiaux ne s’est pas arrêtée au même point. Cet argument ne me convainc pas. La comparaison des notes du SMGC dans Vahdati (au para 4) avec celles de la présente affaire montre que les conclusions par rapport aux liens familiaux sont pratiquement identiques dans les deux cas :
[TRADUCTION]
La demanderesse principale sera accompagnée de son époux [et de son enfant à charge]. Comme il est prévu que la famille immédiate de la demanderesse l’accompagne au Canada, les liens avec le pays d’origine sont affaiblis puisque la motivation de la demanderesse à retourner dans son pays d’origine diminuera en raison de la présence de sa famille immédiate au Canada.
[7] En l’espèce, la seule différence constitue l’ajout des mots « et de son enfant à charge »
. Les notes dans la langue originale comportent même des erreurs typographiques identiques, c.‑à‑d. « weaken »
(affaiblir) plutôt que « weakened »
(affaiblis). En outre, dans la présente affaire, les éléments de preuve de l’établissement des demandeurs en Iran sont similaires à ceux décrits au paragraphe 10 des motifs de la décision Vahdati.
[8] Je conclus que l’agent a omis de mentionner, d’expliquer ou d’apprécier les liens familiaux de la demanderesse principale en Iran. À mon avis, la conclusion de l’agent selon laquelle la demanderesse n’a pas démontré son établissement en Iran n’est pas justifiée. En effet, j’estime que l’agent n’a pas tenu compte d’éléments de preuve contredisant cette conclusion, et qu’il a omis d’expliquer comment il a soupesé ces éléments de preuve dans son évaluation des liens familiaux des demandeurs et de leur établissement.
[9] Je suis aussi sensible à l’argument des demandeurs suivant lequel le raisonnement de l’agent est tautologique (ou, à mon avis, non transparent), contrairement à ce qu’exige l’arrêt Vavilov (au para 104). Plus spécifiquement, les motifs de l’agent traitent comme un facteur négatif le fait que le conjoint et l’enfant accompagnent la demanderesse principale. Or, la directive applicable indique que l’admissibilité d’un conjoint à un permis de travail est fonction du statut d’étudiant véritable du demandeur.
[10] En outre, les motifs de l’agent supposent que le fait que le conjoint et l’enfant accompagnent la demanderesse principale crée un facteur d’attraction vers le Canada. Or, l’attraction ne vient pas du Canada en tant que tel, mais du fait que le conjoint et l’enfant s’y trouvent. En d’autres mots, les motifs reposent sur l’hypothèse non fondée suivant laquelle le conjoint restera au Canada et qu’il ne retournera pas en Iran, ce qui va créer, pour la demanderesse principale, un facteur d’attraction vers le Canada. J’estime que cette hypothèse, faute d’élément de preuve pour l’étayer, est déraisonnable en l’espèce.
III. Conclusion
[11] Pour les motifs qui précèdent, les décisions ne sont pas justifiées, intelligibles ou transparentes, et, par conséquent, elles sont déraisonnables
[12] Les parties n’ont pas proposé de question à certifier et, à mon avis, l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans IMM-10206-22
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
La demande de contrôle judiciaire des demandeurs est accueillie.
Les décisions du 2 septembre 2022 de l’agent des visas – refusant les demandes des demandeurs pour, respectivement, un permis d’études, un permis de travail temporaire et un permis de résident – sont annulées.
Les affaires sont renvoyées à un autre agent pour réexamen.
Il n’y a pas de question à certifier.
« Janet M. Fuhrer »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-10206-22
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INTITULÉ :
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FATEMEH KHOSRAVIMASHIZI ET MOHAMMAD SAFARI Et PARMIS SAFARI C Le ministre de la citoyenneté et de l’immigration
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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audience tenue par vidéoconférence
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DATE DE L’AUDIENCE :
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le 15 août 2023
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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La juge FUHRER
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DATE :
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le 21 décembre 2023
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COMPARUTIONS
Samin Mortazavi
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pour les demandeurs
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Zahida Shawkat
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pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Samin Mortazavi
Pax Law Corporation
Vancouver (Colombie-Britannique)
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pour les demandeurs
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Procureur général du Canada
Vancouver (Colombie-Britannique)
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pour le défendeur
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