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Date : 20060320

Dossier : IMM-3929-05

Référence : 2006 CF 360

Ottawa (Ontario), le 20 mars 2006

En présence de monsieur le juge Beaudry

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

SOPHIE NDAMAMA

OLIVIER KABURUNDI

ALIDA KABURUNDI

MARIE-ANGE KABURUNDI

KING FLEURY KABURUNDI

défendeurs

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c.27, (la Loi) à l'encontre d'une décision de la section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rendue le 9 juin 2005 par Mme Ruth Delisle, et selon laquelle les défendeurs seraient des « réfugiés au sens de la Convention » .

QUESTION EN LITIGE

[2]                Les motifs accueillant les demandes d'asile des demandeurs fournis par le tribunal sont-ils insuffisants et inadéquats?

[3]                Pour les motifs suivants, la réponse à cette question est négative et la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

CONTEXTE FACTUEL

[4]                La défenderesse principale, Mme Sophie Ndamama, est citoyenne du Burundi, d'ethnie hutue. Elle est l'épouse de M. Salvator Kaburundi, à l'égard duquel le tribunal a conclu qu'il était exclu des définitions de « réfugié au sens de la Convention » et de « personne à protéger » en vertu de l'alinéa 1F(a) de la Convention parce qu'il y avait des raisons sérieuses de croire qu'il était complice de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre. Cette conclusion fait l'objet d'une demande distincte de contrôle judiciaire, numéro de dossier IMM-4281-05 et dont la décision a été rendue le même jour.

[5]                La défenderesse principale et M. Kaburundi ont quatre enfants : Olivier, Alida, Marie-Ange et King Fleury, d'ethnie mixte hutue-tutsie.

[6]                Entre 1979 et 1992, l'époux de la défenderesse principale travailla au comité central du parti au pouvoir au Burundi, le parti de l'Unité pour le progrès national (UPRONA). Il était également membre de ce parti.

[7]                De 1988 à 1993, il effectua des études en gestion des entreprises.

[8]                Entre 1993 et 1994, l'époux de la défenderesse principale travailla dans le secteur privé, mais intégra la fonction publique en 1996 après avoir essayé en vain de se trouver du travail dans le secteur privé.

[9]                À partir de 1996, il occupa diverses fonctions liées à la gestion des finances et à l'aide au développement au sein du ministère des affaires étrangères.

[10]            En 1998, l'époux de la défenderesse principale devint chef des services financiers. Ses fonctions l'appelèrent à voyager énormément et il effectua des contrôles comptables dans les locaux d'une dizaine d'ambassades du Burundi à l'étranger. Lors de ces contrôles, l'époux de la défenderesse principale constata un grand nombre d'irrégularités financières, et plusieurs fonctionnaires furent réprimandés et tenus de rembourser des sommes dépensées indûment. L'un de ces fonctionnaires fut M. Ferdinand Nyabenda, chargé d'affaires à Rome.

[11]            En 2000, après un court poste auprès de l'ambassade du Burundi au Kenya, il fut nommé premier secrétaire de l'ambassade du Burundi en Belgique. Il s'occupait principalement de la gestion des finances de l'ambassade et de dossiers ayant trait à l'aide au développement versée au Burundi par l'Union Européenne. Il fut également chargé d'affaires entre le départ de l'ancien ambassadeur et l'arrivée en 2002 du nouvel ambassadeur, M. Ferdinand Nyabenda.

[12]            Les relations entre l'époux de la défenderesse principale et le nouvel ambassadeur se détériorèrent rapidement.

[13]            Lors d'une visite au Burundi en 2003, l'époux de la défenderesse principale apprit que l'ambassadeur l'avait dénoncé en tant que sympathisant au parti d'opposition, le Parti de la renaissance nationale (PARENA). Le 11 juin 2003, il fut convoqué par les autorités policières pour répondre d'une accusation d'atteinte à la sécurité nationale.

[14]            Craignant pour sa sécurité, il quitta le Burundi le jour même pour Bruxelles.

[15]            De retour à Bruxelles, l'époux de la défenderesse principale fut informé par un collègue que l'ambassadeur montait une véritable campagne de dénigrement à son égard, mettant en doute sa loyauté au gouvernement, l'authenticité de son appartenance à l'ethnie Tutsie, et insinuant que l'époux de la défenderesse principale et les membres de sa famille pourraient être des espions. Des rumeurs concernant le rappel et la révocation imminents du demandeur lui parvinrent par le biais de son entourage.

[16]            Craignant le pire s'il retournait au Burundi, l'époux de la défenderesse principale, la défenderesse principale et leurs deux enfants mineurs quittèrent la Belgique en direction des États-Unis le 30 août 2003. Ils présentèrent une demande d'asile au poste frontière de Lacolle le 1er septembre 2003. Leurs deux enfants majeurs suivirent le même trajet et présentèrent une demande d'asile le 2 septembre 2003.

[17]            L'époux de la défenderesse principale soutient que son domicile au Burundi et celui de ses parents furent saccagés et pillés, et que ses parents on pu échapper à la mort en quittant la maison juste à temps et en se réfugiant dans la brousse.

[18]            Les défendeurs allèguent avoir été contactés à plusieurs reprises à leur domicile à Montréal par des fonctionnaires de l'ambassade du Burundi, qui exigeaient le retour des cartes diplomatiques des demandeurs.

DÉCISION CONTESTÉE

[19]            Les motifs du tribunal ayant trait aux demandes d'asile des défendeurs se lisent comme suit :

L'épouse du demandeur principal, d'origine hutue, a témoigné qu'elle craignait de retourner au Burundi parce que les autorités de son pays étaient informées que sa famille s'était réfugiée au Canada. En effet, l'ambassadeur du Burundi à Ottawa aurait téléphoné chez eux, à leur domicile de Montréal, pour réclamer leurs cartes diplomatiques. L'épouse du demandeur principal a indiqué que les autorités burundaises pouvaient s'en prendre à elle et à ses enfants, parce qu'elles l'accuseraient d'avoir dévoilé ce qui se passait au Burundi. Elle craint également les rebelles et les extrémistes hutus et tutsis, qui la considéraient comme un agent secret. Enfin, elle craint les membres de la famille de son époux, qui l'avaient exclue, elle et ses enfants, des réunions familiales.

Le fils aîné du demandeur principal, monsieur King Fleury Kaburundi, a ajouté que le seul fait que son père était réfugié au Canada faisait de lui une personne recherchée, puisque la situation actuelle au Burundi engendrait des règlements de compte entre les deux ethnies.

Le tribunal estime également, à la lumière de la situation qui prévaut au Burundi, que le seul fait que le demandeur principal ait fait défection et ait contrevenu à l'ordre qui lui était donné de rentrer au Burundi met en danger tous les membres de cette famille advenant leur retour dans leur pays de citoyenneté. Il en découle que le tribunal est d'avis qu'il existe pour les membres de la famille du demandeur principal une possibilité raisonnable qu'ils soient persécutés et/ou menacés advenant leur retour en République du Burundi.

ANALYSE

[20]            L'article 96 de la Loi se lit comme suit :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention - le réfugié - la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

[21]            Le demandeur soutient que les motifs du tribunal sont insuffisants et inadéquats pour les motifs suivants :

      1.          Le tribunal ne ferait qu'entériner les allégations des défendeurs sans toutefois donner                  de justification quant aux motifs l'ayant poussé à les croire.

      2.          Le tribunal n'expliquerait pas sa conclusion à l'effet que le seul fait que l'époux de                                  la défenderesse principale ait fait défection et ait contrevenu à l'ordre qui lui était                                 donné de rentrer au Burundi met en danger tous les membres de la famille, alors que                               la lecture de cet ordre écrit ne révèlerait rien de menaçant.

      3.          En ce qui a trait à l'allégation de la défenderesse principale selon laquelle elle craint                                les extrémistes hutus et tutsis ainsi que la famille de son mari, le tribunal ne se                             prononce pas sur sa crédibilité, et ne procède pas à son analyse.

[22]            Je ne peux donner droit aux prétentions du demandeur. Les trois paragraphes des motifs du tribunal portant sur les défendeurs ne peuvent et ne doivent pas être lus isolément du reste des motifs fort détaillés visant l'exclusion de l'époux de la demanderesse principale.

[23]            Bien que le principe d'équité procédurale exige une analyse et des motifs détaillés lorsque le tribunal n'accorde aucune crédibilité aux allégations d'un revendicateur, il n'en va pas nécessairement de même lorsqu'il accepte la crédibilité de ces allégations, puisqu'elles bénéficient d'une présomption de crédibilité (Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no72 (1re inst.) (QL)).

[24]            De plus, il convient de rappeler les propos du juge Evans dans Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (1re inst.) (QL) :

[...] les motifs donnés par les organismes administratifs ne doivent pas être examinés à la loupe par le tribunal (Medina c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1990) 12 Imm. L.R. (2d) 33 (C.A.F.)), et il ne faut pas non plus les obliger à faire référence à chaque élément de preuve dont ils sont saisis et qui sont contraires à leurs conclusions de fait, et à expliquer comment ils ont traité ces éléments de preuve (voir, par exemple, Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)). Imposer une telle obligation aux décideurs administratifs, qui sont peut-être déjà aux prises avec une charge de travail imposante et des ressources inadéquates, constituerait un fardeau beaucoup trop lourd. Une simple déclaration par l'organisme dans ses motifs que, pour en venir à ses conclusions, il a examiné l'ensemble de la preuve dont il était saisi suffit souvent pour assurer aux parties, et au tribunal chargé du contrôle, que l'organisme a analysé l'ensemble de la preuve avant de tirer ses conclusions de fait.

[25]            Dans la première partie de ses motifs, le tribunal s'est livré à une analyse poussée de la situation au Burundi, en se basant sur des témoignages et sur une preuve documentaire abondante. Vu ses conclusions portant sur la gravité des crimes commis par le gouvernement burundais à l'égard de populations civiles, le tribunal pouvait tout à fait trouver crédible les allégations des défendeurs sans avoir à se livrer à une analyse poussée des motifs qui l'ont mené à en accepter la véracité. Il n'y a pas d'énoncés dans cette décision qui mettent en doute la crédibilité des défendeurs.

[26]            J'en conclus que les motifs du tribunal à l'égard des demandes d'asile des défendeurs n'étaient pas insuffisants ou inadéquats.

[27]            Les parties n'ont pas proposé de questions à certifier et ce dossier n'en soulève aucune.


ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

« Michel Beaudry »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-3929-05

INTITULÉ :                                        LE MINISTRE DE LA

                                                            CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. SOPHIE NDAMAMA, OLIVIER KABURUNDI,

                                                            ALIDA KABURUNDI, MARIE-ANGE KABURUNDI, KING FLEURY KABURUNDI

                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 15 mars 2006

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                       le 20 mars 2006

COMPARUTIONS:

Mario Blanchard                                                            POUR LE DEMANDEUR

Lia Crisitnariu                                                                POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Lia Crisitnariu                                                                POUR LES DÉFENDEURS

Montréal (Québec)

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