Dossier : IMM-7819-22
Référence : 2023 CF 1608
Montréal (Québec), le 30 novembre 2023
En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond
ENTRE :
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MARIE MICHELE CHARLES |
LUCINEIDE CASIMIR CHARLES |
demandeurs |
et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 30 novembre 2023).
[1] Madame Charles, une citoyenne haïtienne, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR]. La SAR a conclu que Mme Charles était exclue en raison de l’article 1E de la Convention relative au statut de réfugié, parce qu’elle détenait un statut de résident permanent au Brésil.
[2] La Section de la protection des réfugiés [SPR] de la CISR avait initialement accueilli la demande de Mme Charles, au motif que celle-ci aurait une crainte bien fondée de persécution au Brésil, notamment en raison d’une attaque au couteau dont elle aurait été victime dans ce pays. La SAR a accueilli l’appel du ministre.
[3] Dans ses motifs, la SAR a tout d’abord examiné le critère applicable à l’exclusion selon l’article 1E, tel que défini dans l’arrêt Zeng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CAF 118 au paragraphe 28, [2011] 4 RCF 3. Elle s’est déclarée en accord avec la prétention de Mme Charles selon laquelle, pour éviter l’application de l’article 1E, il suffit de démontrer « une bonne raison de partir du Brésil »
, même si cette bonne raison n’équivaut pas à une crainte bien fondée de persécution.
[4] C’est sur la suite des motifs de la SAR que Mme Charles fonde sa demande de contrôle judiciaire. En effet, la SAR évoque à tour de rôle la « bonne raison de partir »
et la crainte bien fondée de persécution comme critère applicable. Mme Charles soutient que la SAR s’est contredite en mentionnant un critère différent de celui qu’elle jugeait applicable.
[5] Je conviens que les motifs de la SAR peuvent, à la première lecture, prêter à confusion. Cependant, au paragraphe 37, la SAR affirme que Mme Charles « n’a pas établi avoir une bonne raison de partir du Brésil et qu’il n’existe pas pour elle une possibilité sérieuse de persécution au Brésil »
. D’ailleurs, au paragraphe 25, la SAR examine l’incident de l’attaque au couteau et conclut que celui-ci, à lui seul, ne justifiait pas le départ de Mme Charles, ce que l’on peut relier au critère de la « bonne raison de partir »
.
[6] Il faut donc conclure que la SAR a exprimé des conclusions relativement aux deux critères dont il était possible d’envisager l’application. La SAR aurait peut-être dû expliquer plus clairement qu’il s’agissait là de conclusions alternatives. Cependant, le manque de clarté à cet égard ne rend pas la décision déraisonnable.
[7] Par ailleurs, Mme Charles affirme également qu’eu égard à la preuve, la SAR aurait dû conclure qu’elle avait une bonne raison de quitter le Brésil. Mme Charles n’a fait valoir aucun motif permettant de conclure que la décision est déraisonnable à cet égard. Elle demande en substance à la Cour de substituer sa propre évaluation des faits à celle de la SAR, ce qui n’est pas le rôle de la Cour.
[8] Je tiens à préciser que je n’approuve pas nécessairement l’idée qu’il suffit de démontrer une « bonne raison de partir »
afin d’éviter l’application de l’exclusion de l’article 1E. Cette question pourra être tranchée dans une autre affaire lorsqu’elle sera déterminante.
[9] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire de Mme Charles est rejetée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Aucune question n’est certifiée.
« Sébastien Grammond »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Dossier :
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IMM-7819-22 |
INTITULÉ :
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MARIE MICHELE CHARLES, LUCINEIDE CASIMIR CHARLES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Montréal (Québec) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 30 novembre 2023 |
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JUGEMENT ET MOTIFS: |
LE JUGE GRAMMOND |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 30 novembre 2023
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COMPARUTIONS :
Sara Reed |
Pour les demandeurs |
Aboubacar Touré |
Pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Barraza Avocats Montréal (Québec) |
Pour les demandeurs |
Sous-procureure générale du Canada Montréal (Québec) |
Pour le défendeur |