Dossier : IMM-9971-22
Référence : 2023 CF 1652
[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]
Montréal (Québec), 7 décembre 2023
En présence de Monsieur le juge Sébastien Grammond
ENTRE : |
PARDEEP SINGH |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
(rendus à l’audience le 7 décembre 2023 à Montréal (Québec))
[1] M. Singh, citoyen de l’Inde, demande le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [la SAR] par laquelle sa demande d’asile a été rejetée. Il fait valoir que la SAR a considéré de manière déraisonnable qu’il disposait d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Mumbai ou à New Delhi. Je rejette sa demande, car la conclusion de la SAR concernant la PRI était raisonnable.
[2] M. Singh affirme avoir été détenu et torturé par les corps policiers du Pendjab parce qu’il était soupçonné d’héberger un militant sikh. Il a été libéré lorsque son père a versé un pot-de-vin aux policiers. Quelques mois plus tard, il a été convoqué au poste de police et on lui a demandé d’aider à identifier certains militants sikhs. Il a été libéré lorsqu’il a affirmé ne pas les connaître. Après son départ de l’Inde, les policiers ont rendu visite à la famille du demandeur à plusieurs reprises, mais sont repartis chaque fois après que la famille leur ait versé un pot-de-vin.
[3] En se basant sur ces éléments, la SAR a conclu qu’il était peu probable que la police recherche M. Singh partout en Inde. Elle a estimé que si les policiers l’avaient réellement soupçonné d’aider des militants sikhs, ils ne l’auraient pas libéré. En outre, la SAR a noté qu’aucune procédure pénale n’avait été engagée contre M. Singh. Par conséquent, M. Singh ne serait pas en danger d’être persécuté ou de subir un préjudice grave dans les lieux proposés comme PRI.
[4] Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, mon rôle n’est pas de statuer à nouveau sur l’affaire ou de substituer ma propre appréciation de la preuve à celle de la SAR. Il consiste à vérifier si les conclusions de la SAR sont adéquatement fondées sur la preuve et si les motifs de la SAR sont logiques. J’estime que c’est le cas.
[5] La SAR a appliqué le critère bien connu à appliquer pour une PRI, qui exige qu’elle vérifie si M. Singh serait en sécurité dans les endroits proposés comme PRI et s’il serait raisonnable pour lui de s’y réinstaller. Contrairement à ce qu’affirme M. Singh, il n’existe aucune présomption selon laquelle une PRI ne peut pas être envisagée pour une victime de torture. Au contraire, une fois que la question d’une PRI est soulevée, il incombe aux demandeurs d’asile de démontrer qu’ils n’y seraient pas en sécurité.
[6] Le principal argument de M. Singh est qu’il est considéré comme une menace pour la sécurité nationale en Inde. La SAR a toutefois estimé qu’il n’avait pas le profil de quelqu’un qui constitue une telle menace. Pour démontrer que cette conclusion est déraisonnable, M. Singh ne peut se contenter de la qualifier de ridicule, de contraire à la vérité ou d’autres qualificatifs similaires. Il doit plutôt démontrer que la SAR s’est fondamentalement méprise sur la preuve. Il ne l’a pas fait.
[7] M. Singh s’appuie sur la décision de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Chahal c Royaume-Uni (1996), 23 EHRR 413. Il reconnaît toutefois que sa situation est fondamentalement différente de celle de M. Chahal. Celui-ci était un militant sikh bien connu qui menait des activités médiatisées tant en Inde qu’au Royaume-Uni. Il était de notoriété publique que le gouvernement britannique le considérait comme une menace pour la sécurité nationale. Même en supposant qu’elles soient toujours d’actualité, les conclusions de la Cour dans l’affaire citée ne peuvent tout simplement pas être transposées à la situation de M. Singh. Elles n’appuient pas la généralisation selon laquelle une PRI ne peut jamais être envisagée pour les victimes de torture policière, quel que soit leur profil.
[8] M. Singh cite également les lignes directrices publiées par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [HCR] en ce qui concerne la PRI. Toutefois, ces lignes directrices n’empêchent pas de conclure à l’existence d’une PRI lorsque l’agent de persécution est lié à l’État, si [traduction] « le risque de persécution découle d’une autorité de l’État dont le pouvoir est clairement limité à une zone géographique déterminée »
. C’est précisément ce que la SAR a conclu. Voir, à cet égard, Vartia v Canada (Citizenship and Immigration), 2023 CF 1426.
[9] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire de M. Singh sera rejetée.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
- La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
- Le demandeur dispose de cinq jours pour proposer une question certifiée en signifiant et déposant une lettre à cet effet.
- Le défendeur dispose de cinq jours pour répondre en signifiant et déposant une lettre à cet effet.
« Sébastien Grammond »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-9971-22 |
INTITULÉ :
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PARDEEP SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
LIEU DE L’AUDIENCE :
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Montréal (Québec)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 7 décembre 2023
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE GRAMMOND
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DATE :
|
Le 7 décembre 2023
|
COMPARUTIONS :
Stewart Istvanffy |
POUR LE DEMANDEUR |
Kim Nguyen |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Étude Légale Stewart Istvanffy Montréal (Québec) |
POUR LE DEMANDEUR |
Sous-procureure générale du Canada Montréal (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR |