Dossiers : IMM-6763-22
IMM-7545-22
Référence : 2023 CF 1586
[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]
Montréal (Québec), le 28 novembre 2023
En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond
Dossier : IMM-6763-22
|
ENTRE :
|
VAHAN KHOSROFYAN
|
demandeur
|
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
|
défendeur
|
Dossier : IMM-7545-22
|
ET ENTRE :
|
VAHAN KHOSROFYAN
|
demandeur
|
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
|
défendeur
|
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] M. Khosrofyan, un citoyen arménien, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle sa demande de résidence permanente à titre de travailleur qualifié (Québec) a été rejetée. L’agent des visas a jugé que M. Khosrofyan n’avait pas démontré qu’il cherchait à s’établir au Québec, comme l’exige l’alinéa 86(2)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement].
[2] J’accueille la demande de M. Khosrofyan. Je souligne que mon rôle, lors d’un contrôle judiciaire, ne consiste pas à trancher la demande de résidence permanente moi-même ni à substituer mes conclusions à celles de l’agent des visas. Il consiste plutôt à m’assurer que la décision de l’agent des visas est raisonnable ou, autrement dit, que ses conclusions peuvent être raisonnablement étayées par la preuve au dossier. À mon avis, l’agent des visas n’a pas tenu compte de plusieurs aspects essentiels de la preuve, ce qui rend sa décision déraisonnable.
[3] En premier lieu, M. Khosrofyan conteste le fait que l’agent des visas s’est appuyé sur la demande d’Entrée express qu’il a présentée en 2015 et dans laquelle il a indiqué qu’il avait l’intention de s’établir en Alberta. Il fait valoir que l’agent s’est trompé quant à la date de cette demande et qu’il a mal compris la nature de celle-ci, puisqu’il s’agit d’un type de demande différent d’une demande de résidence permanente. Toutefois, à mon avis, ces erreurs sont sans importance. Ce qui est pertinent, c’est le fait qu’il n’y a pas si longtemps, M. Khosrofyan a exprimé l’intention de s’établir dans une province autre que le Québec. Bien que cet élément ne soit pas déterminant, il revêt une certaine importance dans l’évaluation de l’intention. Cependant, l’agent des visas semble avoir considéré cet élément comme un obstacle insurmontable et ne pas avoir tenu compte du fait que les plans d’une personne peuvent changer.
[4] En deuxième lieu, M. Khosrofyan conteste les déclarations de l’agent des visas selon lesquelles il était difficile d’évaluer sa maîtrise du français et qu’il avait entrepris des cours de français seulement lorsqu’il lui avait été demandé de fournir des preuves de son intention de s’établir au Québec. Il fait valoir qu’en exprimant ces commentaires, l’agent des visas a imposé une exigence relative à la maîtrise du français qui ne figure pas dans le Règlement. Je ne suis pas de cet avis. Comme je l’ai expliqué dans la décision Qiao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 247, l’intention d’une personne de s’établir au Québec doit être évaluée en fonction de l’ensemble de la preuve pertinente disponible, y compris le niveau de connaissance du français de la personne concernée ou les démarches entreprises pour apprendre cette langue. Il était raisonnable de tenir compte de ce facteur.
[5] Néanmoins, l’agent des visas n’a pas tenu compte de plusieurs aspects essentiels de la preuve. M. Khosrofyan a affirmé qu’il apprenait le français par lui-même depuis deux ans et demi, au moyen d’applications mobiles et de cours en ligne. De plus, sa fille aînée apprenait le français comme langue étrangère à l’école depuis deux ans. Cette preuve doit être appréciée en gardant à l’esprit que le demandeur n’a qu’à prouver son intention de s’établir au Québec, et non un niveau particulier de maîtrise du français.
[6] Passons au troisième argument de M. Khosrofyan. Ce dernier fait valoir que l’agent des visas a écarté de manière déraisonnable le fait que la tante de son épouse réside à Laval et avait offert d’aider la famille à son arrivée. L’agent des visas a écarté cet élément pour le seul motif que M. Khosrofyan n’avait jamais voyagé au Québec pour visiter cette tante. À mon avis, l’agent des visas n’a pas tenu compte de la lettre détaillée de la tante, dans laquelle cette dernière donne une explication concernant l’absence de visites en personne.
[7] En raison de ces lacunes, la décision de l’agent des visas est déraisonnable. Lorsque la décision est jugée déraisonnable, la réparation habituelle consiste à renvoyer l’affaire pour nouvel examen : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au paragraphe 141, [2019] 4 RCS 653. En l’espèce, rien ne justifie de déroger à la pratique habituelle.
[8] À la suite du rejet de sa demande de résidence permanente, M. Khosrofyan a également demandé le réexamen administratif de l’affaire. Il sollicite maintenant le contrôle judiciaire du rejet de cette demande de réexamen. Comme j’accueille la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle sa demande de résidence permanente a été rejetée, cette deuxième demande de contrôle judiciaire devient théorique et sera donc rejetée.
JUGEMENT dans les dossiers IMM-6763-22 et IMM-7545-22
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
1. La demande de contrôle judiciaire dans le dossier IMM-6763-22 est accueillie et la demande de résidence permanente du demandeur est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.
2. La demande de contrôle judiciaire dans le dossier IMM-7475-22 est rejetée.
3. Aucune question n’est certifiée.
« Sébastien Grammond »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DoSSIERS :
|
IMM-6763-22 ET IMM-7545-22
|
DOSSIER :
|
IMM-6763-22
|
INTITULÉ :
|
VAHAN KHOSROFYAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
ET DOSSIER :
|
IMM-7545-22
|
INTITULÉ :
|
VAHAN KHOSROFYAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 27 NOVEMBRE 2023
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE GRAMMOND
|
DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :
|
LE 28 NOVEMBRE 2023
|
COMPARUTIONS :
Stephen James Fogarty
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Sonia Bédard
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Fogarty Étude Légale
Dorval (Québec)
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
|
POUR LE DÉFENDEUR
|