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Date : 20231204

Dossiers : T-557-21

T-561-21

T-573-21

T-577-21

Référence : 2023 CF 1520

Ottawa (Ontario), le 4 décembre 2023

En présence de madame la juge McVeigh

Dossier : T-557-21

ENTRE :

CORPORATION ABBVIE et ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

demanderesses

et

JAMP PHARMA CORPORATION

défenderesse

Dossier : T-561-21

ET ENTRE :

CORPORATION ABBVIE et ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

demanderesses

et

JAMP PHARMA CORPORATION

défenderesse

Dossier : T-573-21

ET ENTRE :

JAMP PHARMA CORPORATION

demanderesse reconventionnelle

et

CORPORATION ABBVIE et ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

défenderesses reconventionnelles

Dossier : T-577-21

ET ENTRE :

JAMP PHARMA CORPORATION

demanderesse reconventionnelle

et

CORPORATION ABBVIE et ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

défenderesses reconventionnelles

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS

(Version confidentielle publiée le 16 novembre 2023)

I. Aperçu

[1] La présente affaire concerne un litige entre JAMP Pharma Corporation (JAMP) et Corporation AbbVie et AbbVie Biotechnology Ltd. (collectivement, AbbVie), relativement au produit SIMLANDI de JAMP, un médicament biosimilaire du produit HUMIRA d’AbbVie.

[2] HUMIRA est un médicament bien connu et efficace, qui aurait changé la vie de millions de patients. HUMIRA est le nom de marque de l’adalimumab, un anticorps monoclonal vendu par AbbVie. Il est utilisé pour traiter un éventail de maladies auto-immunes, notamment la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn et l’hidrosadénite suppurée, pour ne nommer que celles-ci.

[3] Trois brevets, qui se rapportent tous au produit HUMIRA d’AbbVie, sont en litige dans la présente affaire : le brevet canadien no 2 504 868 (le brevet 868), le brevet canadien no 2 801 917 (le brevet 917) et le brevet canadien no 2 904 458 (le brevet 458). L’adalimumab est l’agent biologique anti-inflammatoire mentionné dans chacune des inventions qui sont revendiquées dans les brevets visés dans la présente affaire.

[4] La présente instance vise deux actions en contrefaçon de brevet et deux actions en invalidation intentées en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 [le Règlement], et des paragraphes 55(1), 60(1) et 60(2) de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4 [la Loi sur les brevets] [annexe A].

[5] En fin de compte, la présente affaire se résume essentiellement à des divergences conceptuelles sur le plan juridique, et non à d’importantes mésententes concernant la preuve. Je félicite les parties d’avoir su restreindre les questions en litige en faisant les concessions appropriées.

[6] Pour les motifs qui suivent, je conclus que JAMP a établi, selon la prépondérance des probabilités, que les revendications en cause des brevets 868 et 917 sont invalides. Compte tenu de l’art antérieur, je conclus que les schémas posologiques visés dans les brevets 868 et 917 résultaient d’essais allant de soi.

[7] Cependant, je conclus que JAMP n’a pas démontré que les revendications en cause du brevet 458 sont invalides. Ces revendications ne sont pas antériorisées par la demande de brevet no WO 2006/138181 (la demande no 181) et ne résultent pas d’essais allant de soi compte tenu de l’art antérieur. En outre, à mon avis, les revendications en cause ne sont pas invalides pour cause de portée excessive ou de double brevet.

[8] JAMP a concédé qu’elle avait contrefait le brevet 458. Toutefois, je n’accorderai pas à AbbVie l’injonction demandée, qui aurait interdit à JAMP de fabriquer, d’exploiter, de promouvoir ou de vendre SIMLANDI au Canada jusqu’à l’expiration du brevet 458 le 28 novembre 2028. De plus, je ne ferai pas droit à la demande d’AbbVie concernant la remise ou la destruction des produits contrefaisants.

II. Contexte

[9] Le dossier de la Cour no T-557-21 concerne l’une des deux actions en contrefaçon intentées en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement [annexe A]. Dans cette action, AbbVie allègue que JAMP a contrefait directement ou indirectement le brevet 868 et le brevet 917. JAMP, qui nie avoir contrefait les brevets, a fait une demande reconventionnelle par laquelle elle cherche à faire déclarer invalides les brevets et les revendications qu’ils contiennent suivant l’article 60 de la Loi sur les brevets et l’article 8.1 du Règlement [annexe A].

[10] Le dossier de la Cour no T-573-21 concerne une action en invalidation de brevet, par laquelle JAMP cherche à obtenir un jugement déclarant invalide chacun des brevets et chacune des revendications en cause, conformément au paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets [annexe A]. Pour chacun des brevets, JAMP cherche à obtenir, en vertu du paragraphe 60(2) de la Loi sur les brevets, un jugement déclarant que la fabrication, l’exploitation ou la vente des produits de JAMP par cette dernière au Canada ne contrefera aucune des revendications en cause valides des trois brevets. AbbVie a présenté une demande reconventionnelle sur le fondement de la Loi sur les brevets, par laquelle elle sollicite un jugement déclarant valides les revendications du brevet 868 et du brevet 917.

[11] Le dossier de la Cour no T-561-21 concerne le brevet 458 et constitue la deuxième action en contrefaçon intentée en vertu du Règlement. Dans cette action, AbbVie sollicite, en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement [annexe A], un jugement déclarant que la fabrication, la construction, l’exploitation ou la vente par JAMP de son produit SIMLANDI ne contrefera pas directement ou indirectement les revendications en cause du brevet 458. JAMP a présenté une demande reconventionnelle par laquelle elle sollicite un jugement déclarant que les revendications en cause du brevet 458 sont invalides suivant l’article 60 de la Loi sur les brevets et l’article 8.1 du Règlement [annexe A].

[12] Le dossier de la Cour no T-577-21 concerne le brevet 458 et constitue la deuxième action fondée sur l’article 60 de la Loi sur les brevets [annexe A]. Dans cette action, JAMP cherche à faire déclarer le brevet invalide en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets [annexe A]. Elle sollicite également, en vertu du paragraphe 60(2) de la Loi sur les brevets, un jugement déclarant que la fabrication, l’exploitation ou la vente des produits de JAMP par cette dernière au Canada ne contrefera aucune des revendications valides du brevet 458 qui sont en cause. AbbVie a présenté une demande reconventionnelle visant à obtenir un jugement déclarant que le brevet 458 et ses revendications sont valides et seront contrefaits par le produit SIMLANDI de JAMP, sur le fondement de la Loi sur les brevets.

A. Parties

[13] Corporation AbbVie est une société constituée en vertu des lois de la province de Québec dont le siège social ou son principal lieu d’affaires est sis au 8401, route Transcanadienne, à Montréal. AbbVie Biotechnology Ltd. est une personne morale établie en vertu des lois des Bermudes dont le siège social est à Hamilton, aux Bermudes.

[14] En 2013, Abbott Laboratories (Abbott) a créé AbbVie, une société pharmaceutique indépendante axée sur la recherche.

[15] JAMP est une société pharmaceutique ayant son siège social au Québec, dont le principal lieu d’affaires est situé au 1310, rue Nobel, à Boucherville. JAMP exploite une entreprise de fabrication et de distribution de produits pharmaceutiques.

B. Historique des procédures

[16] En décembre 2020 ou janvier 2021, JAMP a soumis pour approbation réglementaire au Canada SIMLANDI sous la forme d’une seringue préremplie de 40 mg/0,4 ml, d’un stylo auto-injecteur de 40 mg/0,4 ml et d’une seringue préremplie de 80 mg/0,8 ml (voir le tableau ci-dessous). Le 19 février 2021, JAMP a signifié un avis d’allégation à AbbVie conformément au paragraphe 5(3) du Règlement.

Présentation de JAMP

Médicament biologique de référence

SIMLANDI, adalimumab, 40 mg dans 0,4 mL de solution stérile (100 mg/mL) pour injection sous-cutanée, seringue préremplie

HUMIRA, adalimumab, DIN 02458349, 40 mg dans 0,4 mL de solution stérile (100 mg/mL) pour injection sous-cutanée, seringue préremplie

SIMLANDI, adalimumab, 40 mg dans 0,4 mL de solution stérile (100 mg/mL) pour injection sous-cutanée, auto-injecteur

HUMIRA, adalimumab, DIN 02458357, 40 mg dans 0,4 mL de solution stérile (100 mg/mL) pour injection sous-cutanée, stylo prérempli

SIMLANDI, adalimumab, 80 mg dans 0,8 mL de solution stérile (100 mg/mL) pour injection sous-cutanée, seringue préremplie

HUMIRA, adalimumab, DIN 02466872, 80 mg dans 0,8 mL de solution stérile (100 mg/mL) pour injection sous-cutanée, seringue préremplie

[17] Le 5 janvier 2022, le ministre de la Santé a délivré un avis de conformité à JAMP à pour ses trois présentations.

[18] Suivant la délivrance de l’avis de conformité, JAMP a mis ses produits sur le marché le 13 avril 2022, sous la marque nominative SIMLANDI.

[19] AbbVie a sollicité le contrôle judiciaire de la décision du ministre de la Santé de délivrer l’avis de conformité à JAMP, alléguant que le ministre avait commis une erreur lorsqu’il avait conclu que JAMP n’était pas une « seconde personne » visée au paragraphe 5(1) du Règlement [annexe A]. Dans la décision AbbVie Corporation c Canada (Santé), 2022 CF 1209 [AbbVie 2022], la Cour a jugé que la décision du ministre était raisonnable et a rejeté la demande de contrôle judiciaire. L’appel de cette décision est en cours. Au moment de la rédaction des présents motifs, la Cour d’appel fédérale n’avait pas encore instruit l’appel. Cette question n’a pas été soulevée au cours lors de l’instruction de la présente affaire.

[20] Par conséquent, à la suite de l’instruction de la présente affaire, j’ai demandé dans une directive donnée aux parties si elles voulaient que la Cour attende l’issue de l’appel devant la Cour d’appel fédérale avant de se prononcer ou si elles souhaitaient que la Cour rende son jugement sans avoir à tenir compte de l’arrêt à venir.

[21] Les parties ont expliqué conjointement que les actions en invalidation n’étaient [traduction] « absolument pas touchées » par le jugement de la Cour d’appel fédérale et que la Cour pouvait rendre sa décision en l’espèce sans tenir compte de l’issue de l’appel interjeté à l’encontre de la décision AbbVie 2022. Par conséquent, au moment où la présente décision a été rendue, les dossiers no T-557-21 et T-561-21 n’étaient pas visés en l’espèce.

[22] Le tableau ci‑après présente un résumé succinct des actions; les deux premières lignes (les cases encadrées par des traits gras) concernent les actions que la Cour n’était pas appelée à trancher en l’espèce.

No du dossier de la Cour

Brevets en litige

Type d’action

T-557-21

Brevets 868 et 917

Action intentée en vertu du Règlement sur les MB(AC)

T-561-21

Brevet 458

Action intentée en vertu du Règlement sur les MB(AC)

T-573-21

Brevets 868 et 917

Action en invalidation

T-577-21

Brevet 458

Action en invalidation

[23] Le 1er mars 2022, la juge responsable de la gestion de l’instance a rendu une ordonnance de disjonction, afin que les questions liées à la responsabilité, d’une part, et à la quantification des dommages-intérêts ainsi qu’à l’évaluation des dommages-intérêts particuliers, d’autre part, fassent l’objet de décisions distinctes.

[24] Au début de l’instruction, les parties ont informé la Cour qu’elles avaient convenu de retirer toutes les allégations contenues dans leurs déclarations et demandes reconventionnelles concernant les revendications du brevet 917 et du brevet 458 qui n’étaient pas en cause. Les parties ont retiré toutes les allégations concernant le brevet 2 847 142 (le brevet 142), le brevet 2 385 745 (le brevet 745) et le brevet 2 898 009 (le brevet 009). Par conséquent, quatre dossiers de la Cour concernant le brevet 745 et le brevet 009 ne font plus l’objet d’un litige.

[25] Enfin, une ordonnance de confidentialité en vigueur protège les renseignements confidentiels techniques, scientifiques, réglementaires, commerciaux, de mise en marché, financiers, de stratégie d’affaires et les autres renseignements commerciaux de nature délicate (ou renseignements exclusifs) des deux parties, qui ne sont pas d’une autre façon connus du public ou accessibles au public.

C. Renseignements techniques

1) HUMIRA et adalimumab

[26] Le D2E7 (adalimumab) est le premier anticorps monoclonal entièrement humain mis au point dans le monde (déclaration de la Dre Hoffman, au para 28). Nul ne conteste le fait que l’adalimumab et HUMIRA constituent une percée dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. HUMIRA [traduction] « anticorps monoclonal humain pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde ».

[27] HUMIRA a d’abord été approuvé pour le traitement des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. En 2002, la Food and Drug Administration (FDA) a approuvé la formulation d’origine de HUMIRA, à savoir la préparation tamponnée d’adalimumab. Au Canada, HUMIRA a été approuvé pour la première fois en 2004, à une concentration de 50 mg/mL d’adalimumab. Parmi de nombreuses autres indications, HUMIRA est largement utilisé dans le monde entier pour traiter la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn chez l’adulte et l’enfant et le psoriasis : AbbVie 2022, au para 15. AbbVie distribue et vend exclusivement HUMIRA au Canada.

[28] À l’heure actuelle, Corporation AbbVie est autorisée à mettre en marché et à vendre le médicament HUMIRA au Canada dans les concentrations suivantes :

Concentration de HUMIRA

Approbation

40 mg/0,8 mL de solution stérile (50 mg/mL)

Avis de conformité délivré le 24 septembre 2004

10 mg/0,1 mL de solution stérile (100 mg/mL)

Avis de conformité délivré le 26 mars 2018

20 mg/0,2 mL de solution stérile (100 mg/mL)

Avis de conformité délivré le 26 mars 2018

40 mg/0,4 mL de solution stérile (100 mg/mL)

Avis de conformité délivré le 13 octobre 2016

80 mg/0,8 mL de solution stérile (100 mg/mL)

Avis de conformité délivré le 28 juillet 2017 et le 26 mars 2018

[29] L’inflammation est la réponse immunitaire de l’organisme, qui le protège généralement des maladies et combat l’infection. En règle générale, le corps humain réagit aux menaces en déclenchant une réponse immunitaire pour les éliminer. Cependant, dans le cas de certaines maladies, le système immunitaire cible les propres cellules et tissus de l’organisme (rapport d’octobre du Dr Marshall, au para 29). Les cytokines sont des protéines qui communiquent entre les cellules et contribuent à déclencher une réponse immunitaire. Le facteur de nécrose tumorale alpha (TNFα) cerne les menaces et déclenche la réponse immunitaire pour éliminer les menaces de l’organisme (rapport d’octobre du Dr Marshall, au para 30).

[30] Les anticorps sont un autre type de protéines qui intervient également dans la réponse immunitaire de l’organisme contre les menaces. Les anticorps répondent à un antigène spécifique et s’y fixent pour le neutraliser. Ils se composent de deux parties : 1) la région de liaison à l’antigène et 2) la région constante (rapport d’octobre du Dr Marshall, au para 33).

[31] Les thérapies par anticorps fonctionnent en ciblant des protéines spécifiques dans le corps et en neutralisant les effets secondaires indésirables des protéines (rapport d’octobre du Dr Marshall, au para 54). L’adalimumab, aussi appelé D2E7, se lie au TNFα soluble et neutralise la fonction biologique du facteur de nécrose tumorale (TNF) en bloquant son interaction avec les récepteurs du TNF situés à la surface des cellules. HUMIRA est un agent biologique, c’est‑à‑dire un médicament à base de protéines dérivé de cellules ou d’organismes vivants (rapport d’octobre du Dr Marshall, au para 54).

[32] Tout au long de l’essai, il y a eu des discussions au sujet des anticorps humains antihumains, qui sont maintenant mieux connus sous le nom d’anticorps dirigés contre le médicament (ADA). Les anticorps humains antihumains et les ADA sont produits par l’organisme en réponse aux anticorps monoclonaux humanisés (AcM) et constituent une forme d’immunogénicité. La production d’ADA peut avoir une incidence sur l’efficacité de l’adalimumab chez les patients. Lors de la détermination de l’utilisation d’un nouvel AcM, il est fréquent que l’on se préoccupe d’atténuer la formation d’ADA. Vers 2004, des ADA avaient déjà été signalés pour les inhibiteurs du TNFα. À titre d’exemple, la notice du médicament REMICADE (infliximab) comportait une mise en garde sur les ADA et le risque connexe de réactions liées à la perfusion (rapport en réponse de Mme Mould, au para 91).

a) Stabilité des protéines

[33] La stabilité de la préparation de protéines est un élément clé de la formulation des AcM. Il faut tenir compte de nombreux facteurs, notamment le potentiel hydrogène (pH), la conductivité, les tampons, les excipients et la structure de la protéine même.

[34] Les anticorps de type immunoglobuline G (IgG) possèdent une structure générale en forme de Y constituée de deux chaînes légères et de deux chaînes lourdes. La séquence d’acides aminés des anticorps IgG est similaire (rapport de M. Falconer, aux para 93-96 et présentation PowerPoint de M. Falconer, à la diapositive 6).

[35] Les protéines peuvent varier de façon spectaculaire et imprévisible, même lorsqu’elles ont des structures similaires (présentation PowerPoint de M. Trout, à la diapositive 12). On distingue deux catégories d’instabilité pouvant nuire à l’efficacité, à l’innocuité ou à l’apparence de la préparation de protéines : l’instabilité chimique et l’instabilité physique. L’instabilité chimique entraîne une modification de la protéine par la formation de liaisons ou le clivage de celles-ci, c’est-à-dire la rupture des liaisons peptidiques entre les acides aminés. L’instabilité physique entraîne la modification de la [traduction] « structure d’ordre supérieur des protéines » (brevet 458, à la p 1).

[36] Les scientifiques spécialisés dans la formulation pharmaceutique tentent d’éliminer ces instabilités par le procédé de formulation. La formulation de la protéine est importante, car plus sa concentration augmente, plus son agrégation, son insolubilité et sa dégradation augmentent (brevet 458, à la p 3, et rapport de juillet de M. Trout, au para 52).

[37] L’agrégation survient lorsque les molécules des AcM s’associent, ce qui peut également conduire à des précipités d’AcM.

[38] Le pH est un facteur important, car la solubilité et la stabilité physique et chimique des AcM en dépendent (présentation PowerPoint de M. Falconer, à la diapositive 11). Toute préparation donnée d’un AcM possède une valeur de pH. Le point isoélectrique (ou la valeur pHi), est le pH auquel une préparation aura une charge neutre (présentation PowerPoint de M. Falconer, à la diapositive 11). Plus la valeur du pH s’éloigne de la valeur du pHi de l’AcM, plus les molécules sont chargées. Cela signifie que les molécules se repoussent les unes les autres, ce qui augmente la solubilité et diminue la viscosité (présentation PowerPoint de M. Falconer, à la diapositive 11).

[39] Les excipients servent à maintenir le pH donné d’une préparation. Les systèmes tampons sont un exemple d’excipient pouvant être ajouté à une préparation de protéines.

[40] Les systèmes tampons peuvent être utilisés pour stabiliser les préparations aqueuses de protéines, car les tampons aident à maintenir le pH de la préparation. Il existe toute une variété de tampons, tels que l’acétate, le succinate, le citrate, les acides aminés et le phosphate (présentation PowerPoint de M. Falconer, à la diapositive 13). Ces composés ont leur propre pouvoir tampon, qui augmente proportionnellement avec la concentration du tampon, et une certaine plage d’efficacité du tampon (présentation PowerPoint de M. Falconer, à la diapositive 13).

[41] Des surfactants sont utilisés dans la formulation de protéines, car ils réduisent la tension de surface et diminuent les forces motrices de l’adsorption des protéines ainsi que l’agrégation sur les surfaces hydrophobes (présentation PowerPoint de M. Falconer, à la diapositive 18).

[42] Toutes ces considérations sont importantes lors de la création et de la fabrication des AcM, car l’agrégation, l’insolubilité et la dégradation entraînent des répercussions sur l’innocuité et l’efficacité du médicament.

b) Modélisation pharmacocinétique et pharmacodynamique

[43] La pharmacocinétique est une branche de la pharmacologie qui tente de comprendre les effets de l’organisme sur un médicament administré (déclaration de M. Noertersheuser, au para 1). Les modèles pharmacocinétiques déterminent le devenir des substances administrées à un organisme vivant. Essentiellement, la modélisation pharmacocinétique permet de comprendre ce que le corps fait au médicament (présentation PowerPoint de Mme Mould, à la diapositive 4, et rapport de Mme Mould, au para 41). Il existe plusieurs types de modélisation pharmacocinétique, notamment la modélisation pharmacocinétique individuelle, la modélisation pharmacocinétique de population et la métamodélisation. La pharmacocinétique se décline en quatre étapes : absorption, distribution, métabolisme et excrétion.

[44] La pharmacodynamie est une autre branche de la pharmacologie qui analyse les effets d’un médicament sur l’organisme. Les modèles pharmacodynamiques simulent la réponse biologique du médicament au fil du temps, après son administration, ce qui permet au modélisateur de comprendre la réponse de l’organisme au médicament.

[45] La modélisation pharmacocinétique/pharmacodynamique (PK/PD) réunit ces deux disciplines en un seul modèle complexe. Le modèle PK/PD traduit les données biologiques en un cadre mathématique. Ce modèle consiste en une série d’équations et de fonctions mathématiques qui peuvent servir à prédire ce que l’organisme peut faire à un médicament lors de son administration et quels peuvent être les effets sur l’organisme (déclaration de M. Noertersheuser, au para 2). Le modèle peut servir à l’élaboration de protocoles d’essais cliniques.

2) Maladie de Crohn et colite ulcéreuse

[46] La maladie de Crohn et la colite ulcéreuse sont des types de maladies inflammatoires de l’intestin (MII). Ces deux maladies graves s’attaquent au tractus gastro-intestinal.

[47] La colite ulcéreuse est confinée au côlon; elle se caractérise par une inflammation du côlon qui provoque des diarrhées et des saignements. Dans la colite ulcéreuse, des ulcères discrets peuvent être présents dans le côlon, et l’inflammation observée est contiguë (rapport d’août du Dr Howden, au para 109).

[48] Contrairement à la colite ulcéreuse, la maladie de Crohn peut se manifester n’importe où dans le tractus gastro-intestinal. La maladie de Crohn s’accompagne également d’une inflammation, mais celle-ci est généralement plus diffuse que dans le cas de la colite ulcéreuse. Les personnes atteintes de la maladie de Crohn peuvent présenter des [traduction] « lésions segmentaires », ce qui signifie que si certaines zones du tractus gastro-intestinal peuvent être activement touchées, il peut y avoir une alternance entre les zones enflammées et les zones d’apparence normale.

[49] Voici une comparaison de quelques caractéristiques (le siège, l’inflammation et des symptômes) entre la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse (présentation PowerPoint du Dr Howden, aux diapositives 9 et 10) :

 

Maladie de Crohn

Colite ulcéreuse

Siège

Peut survenir n’importe où dans le tractus gastro-intestinal

Confinée au côlon (gros intestin)

Inflammation

L’inflammation [...] est plus diffuse que dans la colite ulcéreuse

« Lésions segmentaires »

L’inflammation [...] est contiguë

Symptômes

Diarrhée et saignement rectal

Saignement rectal pas toujours présent

Occlusion ou formation d’abcès

Infections avec formation d’abcès intestinaux, fistules, épisodes d’occlusion intestinale et [...] cancer colorectal

Maladie potentiellement mortelle pouvant nécessiter une intervention chirurgicale

Diarrhée et saignement rectal

Présence ou non d’ulcères discrets dans le côlon

Anémie

Dilatation toxique du côlon [...] une urgence médico-chirurgicale

En cas d’échec du [traitement médical] [...], l’ablation chirurgicale de l’ensemble du côlon est nécessaire.

Risque à long terme de cancer colorectal

3) Hidrosadénite suppurée

[50] L’hidrosadénite suppurée est une affection cutanée des glandes apocrines et des follicules pileux qui se manifeste par des lésions ou des masses gonflées, douloureuses et chroniquement enflammées se développant dans l’aine et parfois sous les seins et les aisselles. Elle est caractérisée par une odeur nauséabonde provenant d’un [traduction] « liquide purulent et malodorant » (Dr Okun, nov. 2017, à la p 660, ligne 21). De nombreux témoins ont déclaré qu’il s’agissait d’un symptôme très désagréable. Ce symptôme, ainsi que d’autres, entraîne une réduction de la qualité de vie des patients (Dr Okun, nov. 2017, à la p 660, ligne 27). Les symptômes de l’hidrosadénite suppurée vont et viennent au fil du temps.

[51] La maladie survient fréquemment chez les patients qui présentent d’autres problèmes de santé, comme l’acné, le diabète, une MII, et chez les patients en surpoids (rapport du Dr Sauder sur l’invalidité, au para 65).

[52] La gravité de l’hidrosadénite suppurée varie d’un patient à l’autre, les symptômes pouvant être bénins à graves. Les manifestations de l’hidrosadénite suppurée varient, allant de l’apparence de bosses gonflées sur la peau ayant l’aspect de boutons, à des lésions ou des masses infectées par des bactéries (telles que des abcès ou des fistules avec écoulement) qui peuvent entraîner des cicatrices (présentation PowerPoint du Dr Sauder, à la diapositive 18, et rapport du Dr Sauder sur l’invalidité, au para 63).

[53] Le traitement dépend de la gravité de l’affection. Les formes bénignes peuvent être traitées à l’aide de compresses chaudes, d’agents antibactériens topiques ou de lavages, d’antibiotiques oraux, ainsi que d’agents anti-inflammatoires (rapport du DSauder sur l’invalidité, au para 67). Les formes modérées peuvent être traitées de la même manière, avec des corticostéroïdes pour réduire l’enflure et des rétinoïdes. De même, bien que les parties aient soulevé une question au sujet des inhibiteurs du TNFα en contre-interrogatoire, la manière actuelle de concevoir le traitement me porte à reconnaître qu’il s’agit d’une autre option de traitement (rapport du Dr Sauder sur l’invalidité, au para 67). Enfin, les formes graves d’hidrosadénite suppurée peuvent nécessiter une intervention chirurgicale (rapport du Dr Sauder sur l’invalidité, au para 67).

D. Brevets en litige

1) Brevet 868

[54] Le brevet 868 divulgue une méthode à doses multiples et variables pour traiter les troubles liés au TNFα, notamment la maladie de Crohn et le psoriasis. Il est inscrit au registre canadien des brevets pour le médicament HUMIRA.

[55] Le brevet 868 s’intitule « Régimes posologiques multiples et variables pour traiter les troubles liés au TNF.alpha ». Il a été délivré le 29 novembre 2016 et la plus ancienne date de priorité revendiquée est le 9 avril 2004. Sa date de dépôt est le 11 avril 2005 et sa date de publication est le 29 septembre 2005.

[56] Les inventeurs désignés du brevet 868 sont Rebecca S. Hoffman (É.‑U.), Elliot Keith Chartash (É.‑U.), Lori K. Taylor (É.‑U.), George Richard Granneman (É.‑U.) et Philip Yan (É.‑U.).

[57] Le brevet 868 comporte cinq revendications. Les voici :


 

[TRADUCTION]

Brevet 868

Revendications

1.

L’utilisation du D2E7 en doses multiples pour traiter la maladie inflammatoire de l’intestin chez un sujet humain, ces doses multiples comprenant :

une première dose de 160 mg de D2E7 pour administration par voie sous-cutanée;

une deuxième dose de 80 mg de D2E7 pour administration par voie sous-cutanée, deux semaines après l’administration de la première dose;

une troisième dose de 40 mg de D2E7 pour administration par voie sous-cutanée, deux semaines après l’administration de la deuxième dose.

2.

L’utilisation visée dans la revendication 1, qui comprend également des doses supplémentaires de 40 mg de D2E7 pour administration par voie sous‑cutanée à deux semaines d’intervalle, deux semaines après l’administration de la troisième dose.

3.

L’utilisation visée dans la revendication 1 ou 2, dont les première et deuxième doses sont fournies sous quatre et deux formes posologiques unitaires de 40 mg de D2E7 chacune, respectivement.

4.

L’utilisation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 3, la maladie inflammatoire de l’intestin étant la maladie de Crohn.

5.

L’utilisation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 3, la maladie inflammatoire de l’intestin étant la colite ulcéreuse.

2) Le brevet 917

[58] Le brevet 917 concerne le traitement de l’hidrosadénite suppurée. Il est également inscrit au registre canadien des brevets pour le médicament HUMIRA.

[59] Le brevet 917 s’intitule « Utilisations et compositions pour le traitement de l’hidrosadénite (HS) ». La date de priorité la plus ancienne du brevet 917 est le 3 juin 2010, et sa date de dépôt est le 3 juin 2011. Le brevet 917 a été publié le 8 décembre 2011 et délivré le 25 avril 2017.

[60] Les deux inventeurs désignés du brevet 917 sont Martin M. Okun (É.-U.) et Thomas C. Harris (É.-U.).

[61] Le brevet 917 renferme sept revendications. Les voici :

[TRADUCTION] :

Brevet 917

Revendications

1.

L’utilisation de l’adalimumab en doses multiples pour traiter l’hidrosadénite suppurée modérée à grave chez un adulte, ces doses multiples comprenant :

une première dose d’attaque de 160 mg d’adalimumab pour administration par voie sous-cutanée au sujet à la semaine 0;

une deuxième dose d’attaque de 80 mg d’adalimumab pour administration par voie sous-cutanée au sujet à la semaine 2;

une dose d’entretien hebdomadaire de 40 mg d’adalimumab pour administration par voie sous-cutanée à l’adulte à partir de la semaine 4, ces doses multiples n’étant pas soumises à un ajustement discrétionnaire de la part d’un médecin ou d’un praticien.

2.

L’utilisation visée dans la revendication 1, qui comprend également l’utilisation d’une dose d’entretien bimensuelle de 40 mg d’adalimumab pour administration par voie sous-cutanée à l’adulte à partir de la semaine 16, l’administration hebdomadaire de la dose d’entretien cessant après la semaine 15.

3.

L’utilisation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 2, le traitement diminuant le nombre de lésions inflammatoires chez l’adulte.

4.

L’utilisation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 3, le traitement prévenant l’aggravation des abcès chez l’adulte.

5.

L’utilisation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 4, le traitement prévenant l’aggravation des fistules avec écoulement chez l’adulte.

6.

L’utilisation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 5, qui comprend également l’utilisation d’antibiotiques chez l’adulte.

7.

L’utilisation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 6, l’adulte n’ayant pas répondu de façon satisfaisante aux antibiotiques oraux avant le traitement.

 

3) Brevet 458

[62] Le brevet 458 s’intitule « Formulations de protéine et leurs procédés de fabrication ». Il vise la formulation, la stabilité et la durée de conservation des protéines. Plus précisément, il porte sur la découverte selon laquelle les protéines qui sont formulées dans l’eau conservent leur solubilité ainsi que leur stabilité, même à des concentrations élevées, pendant l’entreposage à long terme de liquides ou à d’autres étapes du procédé (brevet 458, à la p 4). Le brevet 458 indique que [traduction] « les formulations de l’invention ne reposent pas sur un système tampon ni sur des excipients, – par exemple, les surfactants – pour maintenir les protéines solubles dans la formulation et empêcher leur agrégation » (brevet 458, à la p 42).

[63] Le brevet 458 comprend 280 revendications, qui ne sont pas toutes en litige. Voici les revendications en litige en l’espèce [annexe B] :

  • la revendication 28, dans sa version qui dépend de la revendication 10 laquelle dépend de la revendication 1;

  • l’une ou l’autre des revendications 37, 38, 40 à 43, 45 à 49 et 215, dans sa version qui dépend directement ou indirectement de la revendication 28;

  • la revendication 83, dans sa version qui dépend de la revendication 72 laquelle dépend de la revendication 69;

  • l’une ou l’autre des revendications 75, 76, 78 à 80, 124, 125 et 215, dans sa version qui dépend directement ou indirectement de la revendication 83, 72 ou 69;

  • la revendication 217, dans sa version qui dépend de la revendication 193 laquelle dépend de la revendication 192, qui à son tour dépend de la revendication 191;

  • l’une ou l’autre des revendications 194 à 198, 204 et 205, dans sa version qui dépend directement ou indirectement de la revendication 217, 193, 192 ou 191.

E. SIMLANDI

[64] JAMP commercialise au Canada son produit SIMLANDI, qui est une « version biosimilaire » de HUMIRA d’AbbVie. JAMP a commencé à vendre SIMLANDI au Canada le 13 avril 2022.

[65] SIMLANDI est disponible sous forme de seringue préremplie de 40 mg/0,4 mL, d’auto‑injecteur prérempli de 40 mg/0,4 mL et de seringue préremplie de 80 mg/0,8 mL. Il s’agit d’une formulation à haute concentration, à faible volume et sans citrate.

F. Observations générales sur les témoins

[66] Avant de dresser une liste complète des témoins des parties, je souhaite formuler certaines observations sur la qualité et le calibre des témoins experts dans la présente affaire, et ce, pour tous les brevets en litige. Tous les témoins ont été excellents et leur témoignage fut utile à la Cour, mais il y a lieu de formuler aussi certaines observations. J’en donnerai le détail lorsque je traiterai de leur témoignage.

[67] En général, les témoins des faits ont livré un témoignage sincère et utile. Certains faits de l’historique de l’invention se sont produits il y a longtemps; il est donc possible qu’ils aient été relatés en fonction de souvenirs actuels. Dans mon analyse, je traiterai au besoin de toute préoccupation soit en accordant moins de poids au témoignage concerné soit en privilégiant le témoignage d’un autre témoin sur un point particulier.

[68] Les avocats d’AbbVie ont fait grand cas des témoignages des experts de la partie adverse et consacré une grande partie de leurs arguments finaux à attaquer la crédibilité de ces témoins. Cependant, un des avocats de JAMP a fait les remarques suivantes : [traduction] « [P]ersonne n’est parfait. Tout le monde a des défauts. Je crois que nous devrions nous en tenir aux éléments de fond » (transcription de l’audience du 14 décembre, à la p 2510). Voilà exactement ce que j’ai l’intention de faire dans les présents motifs relativement aux témoins des deux parties.

G. Témoins d’AbbVie

1) Témoins des faits

a) Dre Rebecca S. Hoffman

[69] La Dre Hoffman a travaillé pendant 18 ans à Abbott (appelé ainsi à l’époque). Elle est l’une des inventeurs du brevet 868. En mai 2001, elle était directrice médicale adjointe à Abbott. Au cours de son emploi à AbbVie, elle a occupé le poste de directrice des affaires médicales mondiales. En 2008, la Dre Hoffman était responsable de tous les programmes mondiaux de développement clinique concernant HUMIRA.

[70] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| La Dre Hoffman a participé aux études cliniques qui ont finalement abouti à la création du brevet 868 et du brevet 458.

[71] La Dre Hoffman a déclaré qu’Abbott envisageait d’utiliser l’adalimumab pour traiter la maladie de Crohn dès janvier 2002 |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[72] La Dre Hoffman a témoigné au sujet du processus d’invention |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

b) Peter Noertersheuser, Ph. D.

[73] M. Noertersheuser a travaillé à AbbVie et aux entreprises qui l’ont précédée pendant près de trente ans. À la fin des années 1990, il a commencé à créer une modélisation PK/PD de l’adalimumab, qui a permis l’élaboration de protocoles d’essais cliniques. Il a traité de la modélisation PK/PD qu’Abbott avait menée et mise au point. Il a expliqué que le domaine de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamie des médicaments biologiques était relativement nouveau et que la modélisation était importante pour la conception des protocoles d’essais cliniques. Ses travaux ont servi à la conception de nombreux protocoles et essais, notamment sur la maladie de Crohn et l’hidrosadénite suppurée.

c) Dr Martin Okun

[74] Le Dr Okun est médecin et ancien employé d’Abbott. Il est l’un des inventeurs désignés dans le brevet 917. Il a participé à l’élaboration de l’étude clinique portant sur l’utilisation de l’adalimumab pour le traitement de l’hidrosadénite suppurée. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||| Il a traité des répercussions de l’utilisation de HUMIRA sur la vie des patients atteints de hidrosadénite suppurée qui ont bien répondu au traitement.

d) Wolfgang Fraunhofer, Ph. D.

[75] M. Fraunhofer, qui a comparu comme témoin des faits, a traité de l’historique de l’invention concernant le brevet 458. C’est un docteur en pharmacie très qualifié qui possède une expertise en formulation pharmaceutique. Il est titulaire d’un diplôme en pharmaceutique de l’Université de Ratisbonne et a obtenu son doctorat en technologie pharmaceutique et en biopharmaceutique à l’Université Ludwig de Munich.

[76] M. Fraunhofer n’avait pas qualité de témoin expert, mais il a pu traiter abondamment de l’art antérieur et des connaissances scientifiques sur l’adalimumab qui existaient dans les années 2000. Il était un témoin particulièrement compétent parce que sa thèse de doctorat portait sur les anticorps pharmaceutiques et l’utilisation de techniques analytiques pour étudier leur stabilité.

[77] Le témoignage de M. Fraunhofer portait sur de nombreux points auxquels JAMP a cherché à renvoyer à de nombreuses reprises, parallèlement à ceux relatés par les témoins experts d’AbbVie. Ce n’est pas ce que je ferai. Comme je l’ai mentionné, M. Fraunhofer est un témoin des faits, et non un témoin expert. Il n’a pas reçu de directives au sujet des règles de droit régissant l’interprétation des revendications et on ne lui a pas expliqué qui est la personne versée dans l’art et en quoi consistent les connaissances générales courantes. De plus, compte tenu de son poste de chercheur scientifique travaillant sur l’adalimumab pour AbbVie, on ne peut savoir si les avis qu’il a exprimés sans avoir reçu les directives de la part des avocats rejoindraient la personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes qui existaient au moment considéré.

2) Témoins experts

a) Dr John Marshall

[78] Le Dr Marshall est professeur de médecine, directeur de la Division de gastro-entérologie et membre à part entière du Farncombe Family Digestive Health Research Institute [institut de recherche sur la santé digestive de la famille] de l’Université McMaster. Jusqu’en 2018, il était chef de la recherche clinique pour la Division de gastro-entérologie et chef du service de gastro-entérologie à Hamilton Health Sciences.

[79] Le Dr Marshall est titulaire d’un baccalauréat ès sciences de l’Université Queen’s et a obtenu son doctorat en médecine (MD) de la même université en 1992. En 2000, il a également obtenu une maîtrise ès sciences en épidémiologie clinique et en biostatistique de l’Université McMaster. Il possède une vaste expérience des MII, notamment en matière d’essais cliniques, de soins et de recherche. En outre, il collabore depuis longtemps à de nombreuses revues scientifiques portant sur la gastro-entérologie.

[80] Le Dr Marshall a produit une preuve d’expert au moyen de son témoignage à l’audience et des deux rapports d’experts qu’il a fournis dans la présente affaire. Il était compétent pour donner son avis d’expert sur l’évaluation, le traitement et la recherche relativement à la maladie de Crohn et à la colite ulcéreuse, y compris l’utilisation clinique des inhibiteurs du TNFα. Son expertise porte également sur la conception et la réalisation d’essais cliniques, notamment de médicaments biologiques liés à la maladie de Crohn et à la colite ulcéreuse.

[81] Le Dr Marshall a produit une preuve d’expert pour le brevet 868. Plus précisément, il a témoigné relativement à la personne versée dans l’art et a donné son avis sur la manière d’interpréter les revendications du brevet en date du 26 septembre 2005. Il a également donné son avis sur la question de savoir si JAMP exerçait une influence sur les médecins et les patients afin qu’ils choisissent SIMLANDI pour le traitement de la maladie de Crohn et de la colite ulcéreuse.

b) Diane R. Mould, Ph. D.

[82] Mme Mould est une pharmacologue spécialisée en pharmacocinétique et en pharmacodynamie. Elle a modélisé et élaboré des schémas posologiques dans le cadre d’essais cliniques. En 1989, elle a obtenu son doctorat en pharmaceutique et chimie pharmaceutique du Collège de pharmacie de l’Université d’État de l’Ohio. Elle est professeure associée au Collège de pharmacie de l’Université du Rhode Island, au Collège de pharmacie de l’Université d’État de l’Ohio et à la faculté de pharmacie de l’Université de la Floride. Elle a également enseigné aux National Institutes of Health [instituts nationaux de la santé].

[83] Mme Mould a travaillé pendant dix ans auprès de grandes sociétés pharmaceutiques et biopharmaceutiques, dont Hoffman-La Roche, Amgen et SmithKline-Beecham. De 1999 à 2001, elle a travaillé pour une société d’experts-conseils, PharSight, en tant que membre du conseil scientifique. En 2001, elle a fondé Projections Research, Inc. qui conseille l’industrie pharmaceutique sur les questions de pharmacologie, notamment les modèles individuels et de population de pharmacocinétique et de pharmacodynamie. Ses modèles peuvent être utilisés pour simuler différents schémas posologiques et options de traitement, concevoir des études cliniques et étayer les propositions d’étiquetage et d’ajustement de dose. Elle a publié de nombreux articles sur la pharmacocinétique et la pharmacodynamie d’un grand nombre de produits thérapeutiques à base d’AcM actuellement homologués, ainsi que d’autres agents biologiques immunomodulateurs.

[84] Dans la présente affaire, Mme Mould a fourni un rapport d’expert, ainsi qu’un rapport en réponse aux rapports d’experts du Dr Sauder et de Mme Baughman. Ses avis portaient sur la validité du brevet 868 et du brevet 917. Faisaient également partie de l’expertise de Mme Mould les simulations posologiques pour les médicaments à petites molécules et les médicaments biologiques.

[85] Dans son témoignage, elle a décrit la personne versée dans l’art visée par le brevet 868, ainsi que les connaissances générales courantes qui existaient en date du 9 avril 2004 (la date de priorité). Elle a donné son avis sur l’interprétation et la validité du brevet 868 et a répondu au rapport de Mme Baughman. À son avis, rien dans les documents de l’art antérieur n’aurait justifié qu’un pharmacologue choisisse le schéma posologique de 160/80/40 mg pour traiter une MII, étant donné qu’il s’agissait de quatre fois la dose approuvée pour la polyarthrite rhumatoïde (rapport d’expert en réponse de Mme Mould, aux para 33 et 35). Mme Mould a déclaré qu’il y avait un écart important entre l’art antérieur et l’idée originale, et qu’un pharmacologue ne serait pas parvenu aux revendications du brevet 868.

[86] Dans son rapport, Mme Mould a traité du brevet 917, y compris en ce qui concerne la personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes qui existaient en date du 3 juin 2010 (la date de priorité). Elle a donné son interprétation du brevet, s’est exprimée sur sa validité et répondu au rapport du Dr Sauder. À son avis, il y avait un écart important entre l’état de la technique et l’idée originale visée dans les revendications du brevet 917, à savoir que l’emploi de l’adalimumab dans le schéma posologique revendiqué de 160/80/40 mg chaque semaine était sûr et efficace pour traiter l’hidrosadénite suppurée (rapport d’expert en réponse de Mme Mould, au para 308). Elle a estimé que le pharmacologue versé dans l’art [traduction] « ne serait pas arrivé directement et facilement à la solution enseignée par les revendications en cause du brevet 917 » (rapport d’expert en réponse de Mme Mould, au para 308).

c) Dr Gary Solomon

[87] Le Dr Solomon est professeur agrégé de médecine clinique à l’École de médecine Grossman de l’Université de New York. Il a obtenu son baccalauréat ès arts de l’Université du Michigan et son doctorat en médecine de l’École de médecine Mount Sinai en 1977. Il possède une vaste expérience dans le traitement des maladies inflammatoires et la recherche sur celles-ci, et plus particulièrement dans le traitement des affections cutanées inflammatoires. Cette expérience en rhumatologie recoupe le domaine de la dermatologie.

[88] Le Dr Solomon a présenté deux rapports concernant le brevet 917, dont une réponse au rapport du Dr Sauder. Il a formulé des avis sur la personne versée dans l’art, les connaissances générales courantes et l’interprétation des revendications 1, 3, 4 et 5. Dans son deuxième rapport d’expert, le Dr Solomon s’est prononcé sur le caractère évident ou non des revendications en cause du brevet 917 et sur la question de savoir si les revendications en cause faisaient obstacle à la capacité des médecins d’exercer leur compétence et leur jugement.

d) Bernhardt Trout, Ph. D.

[89] M. Trout était l’expert d’AbbVie pour le brevet 458. Il est professeur titulaire de la chaire Raymond F. Baddour de génie chimique au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il a déjà donné des cours et supervisé des étudiants dans le domaine de la stabilité des protéines.

[90] M. Trout a obtenu un baccalauréat ès sciences et une maîtrise ès sciences du MIT en 1990. En 1996, il a obtenu son doctorat en génie chimique de l’Université de la Californie à Berkeley. Il a effectué des recherches postdoctorales à l’Institut Max Planck de physique des solides à Stuttgart, en Allemagne. Par la suite, M. Trout a débuté sa carrière en tant que professeur adjoint de génie chimique au MIT. Il est devenu professeur à temps plein en 2008.

[91] Depuis 1998, M. Trout mène des recherches au MIT en collaboration avec l’industrie pharmaceutique. Il a également travaillé avec des organismes de réglementation, dont la FDA. Ses recherches portent sur la mise au point et la fabrication de produits pharmaceutiques, notamment en ce qui concerne la stabilisation et la formulation de protéines thérapeutiques.

[92] De 2006 à 2014, M. Trout a été coprésident du Chemical and Pharmaceutical Engineering Singapore-MIT Alliance Program [programme d’alliance Singapour-MIT dans le domaine du génie chimique et pharmaceutique]. En outre, de 2007 à 2019, M. Trout a été cofondateur et directeur du Novartis-MIT Centre for Continuous Manufacturing Research [centre Novartis-MIT pour la recherche sur la fabrication en continu], dont l’objectif était de transformer la manière dont les produits pharmaceutiques sont fabriqués.

[93] M. Trout compte plus de 20 ans d’expérience dans la formulation de protéines et concentre ses recherches sur la formulation d’anticorps depuis 2004. Depuis ses débuts au MIT, il a travaillé sur une cinquantaine de produits thérapeutiques biologiques, la plupart étant des AcM.

[94] M. Trout a été reconnu à titre d’expert dans le domaine de la formulation des protéines, notamment la formulation d’AcM, ainsi que de la stabilité des protéines et des techniques utilisées pour évaluer leurs préparations pharmaceutiques. Il a fourni un rapport d’expert sur l’interprétation des revendications et la contrefaçon du brevet 458. Il est également l’auteur d’un rapport d’expert en réponse sur la validité.

[95] M. Trout a donné son avis sur la personne versée dans l’art, disant qu’il s’agirait d’une équipe de personnes ayant une formation en sciences pharmaceutiques, en génie chimique, en chimie ou dans des domaines connexes, et des connaissances ou de l’expérience dans les formulations à base de protéines. Il a également indiqué que les diplômes d’études visés pourraient être un doctorat assorti d’une ou deux années d’expérience pertinente dans la formulation de compositions à base de protéines, ou un diplôme d’un niveau inférieur, comme un baccalauréat ou une maîtrise, mais avec une expérience proportionnelle.

[96] Dans son rapport initial, M. Trout a exposé son analyse des revendications en litige et son interprétation détaillée des revendications 1 et 69, ainsi que de la revendication 191 (et des revendications en litige qui en dépendent). Il a également examiné la question de la contrefaçon, jugeant que la fabrication, l’importation, l’exploitation, la mise en vente et la vente du produit étaient visées par la portée des revendications suivantes du brevet 458 :

a) la revendication 1 et les revendications suivantes qui en dépendent directement ou indirectement : les revendications 10, 28, 37, 38, 40 à 43, 45 à 49 et 215.

b) la revendication 69 et les revendications suivantes qui en dépendent directement ou indirectement : les revendications 72, 75, 76, 78 à 80, 83, 124, 125 et 215.

c) la revendication 191 et les revendications suivantes qui en dépendent directement ou indirectement : les revendications 192 à 198, 204, 205 et 217.

[97] En outre, M. Trout a donné son avis sur les deux principales questions touchant à la validité, soit l’antériorité et l’évidence. Il a déclaré que la demande no 181 ne divulguait pas l’objet du brevet 458, pas plus qu’elle ne permettait de le réaliser. Selon lui, le brevet 458 n’était pas évident compte tenu des difficultés liées à la formulation d’anticorps. Dans son rapport en réponse, il a fait remarquer que la formulation d’anticorps était plus difficile à des concentrations élevées, étant donné que la préparation devenait plus sujette à des problèmes de stabilité à mesure que la concentration des anticorps augmente. Il a dit qu’en date du 30 novembre 2007, il était bien connu que la formulation d’un anticorps monoclonal nécessitait l’ajout d’un tampon pour aider à stabiliser la préparation. En outre, à l’époque, chaque préparation d’anticorps monoclonal disponible dans le commerce contenait un tampon, y compris HUMIRA.

e) Dr Eduardo Mysler

[98] Le Dr Mysler est un médecin rhumatologue qui possède une expérience relativement à l’utilisation clinique des médicaments biologiques et biosimilaires, notamment des versions biosimilaires de l’adalimumab commercialisées en Argentine. Sa pratique clinique est axée sur le traitement des maladies rhumatologiques. Il est également chercheur et auteur de nombreux articles sur les médicaments biosimilaires, notamment sur l’innocuité et l’efficacité de tels médicaments et sur la transition des patients vers de tels médicaments ou d’un médicament biosimilaire vers un autre.

[99] En 1987, le Dr Mysler a obtenu un diplôme en médecine de l’Université de Buenos Aires et a effectué une surspécialisation en maladies rhumatismales à l’Université Cornell de 1992 à 1995. Il a travaillé en tant que résident et médecin traitant à l’hôpital des maladies articulaires de New York de 1996 à 1998.

[100] Le Dr Mysler a expliqué comment Santé Canada avait déterminé que chaque version biosimilaire de l’adalimumab lancée sur le marché canadien était sûre et efficace, ces médicaments étant tous similaires sur le plan de qualité, de l’innocuité et de l’efficacité. À son avis, les patients ne subiraient aucun préjudice si SIMLANDI était retiré du marché et qu’ils se voyaient prescrire l’une des autres versions biosimilaires de l’adalimumab approuvées. Il a expliqué que les médicaments biosimilaires sur le marché européen étaient interchangeables et qu’il n’y a pas eu de problèmes d’innocuité.

f) M. Neil Palmer

[101] M. Palmer n’a pas témoigné et son rapport d’expert a été considéré comme ayant été lu. Il a présenté des éléments de preuve concernant l’approbation des médicaments, en particulier sur les produits biosimilaires contenant de l’adalimumab et les parts de marché de SIMLANDI au Canada. M. Palmer a été présenté comme étant un consultant pour l’industrie pharmaceutique dont l’expertise porte sur le marché canadien, notamment quant à la fixation des prix, à l’accès au marché, aux politiques de remboursement et à l’interchangeabilité pour l’inscription des produits pharmaceutiques.

H. Témoins de JAMP

1) Témoins experts

a) Dr Colin Howden

[102] Le Dr Howden est un médecin spécialisé en gastro-entérologie. Il traite actuellement des patients atteints de MII, notamment la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Il a obtenu son diplôme en médecine de l’Université de Glasgow, en Écosse, en 1978.

[103] Le Dr Howden a été reconnu en tant qu’expert gastro-entérologue dans l’évaluation et le traitement de la maladie de Crohn et de la colite ulcéreuse, y compris l’utilisation clinique des inhibiteurs du TNFα comme l’adalimumab. Son expertise porte également sur la conception, la réalisation et l’évaluation d’essais cliniques.

[104] Le Dr Howden a rédigé deux rapports pour la présente affaire, soit son rapport d’expert initial sur le brevet 868 et un rapport d’expert en réponse à celui du Dr Marshall.

[105] Dans son premier rapport, il était d’avis que la personne versée dans l’art était un médecin possédant une expérience et une expertise dans la prise en charge des patients atteints d’une MII. En outre, étant donné que le brevet 868 concerne un schéma posologique, le Dr Howden a déclaré que la personne (ou l’équipe de personnes) versée dans l’art comprendrait des personnes ayant une expérience en matière de décision concernant les doses à utiliser dans les essais cliniques, par exemple, un clinicien et un pharmacologue.

[106] Dans le cas du brevet 868, le Dr Howden a déterminé qu’en date du 9 avril 2004, il y avait dans l’art antérieur amplement de renseignements sur les inhibiteurs du TNFα (notamment l’adalimumab, l’infliximab et l’étanercept), sur l’utilisation des inhibiteurs du TNFα pour traiter les MII et sur les doses d’adalimumab dont l’efficacité thérapeutique était démontrée. À l’instruction, il a déclaré qu’en 2004 la personne versée dans l’art aurait compris l’association entre les inhibiteurs du TNFα et la maladie de Crohn. En particulier, le Dr Howden a renvoyé à l’article du professeur Van Deventer, intitulé « Tumour necrosis factor and Crohn’s disease » (1997) 40:4 Gut 443-448 [article de 1997 du professeur Van Deventer], dans lequel il était reconnu que le TNFα constituait un important médiateur pro‑inflammatoire dans la maladie de Crohn.

[107] Même si aucun document de l’art antérieur ne précisait le schéma posologique revendiqué dans le brevet 868, le Dr Howden a conclu que les doses d’attaque et d’induction de 160 mg et de 80 mg se situaient dans l’intervalle posologique de l’adalimumab décrit antérieurement comme étant efficaces pour traiter les MII. De plus, il a fait remarquer que la dose d’entretien bimensuelle (ou toutes les deux semaines) d’au moins 40 mg était le principal schéma posologique de l’adalimumab approuvé par les autorités réglementaires pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde.

[108] Selon le Dr Howden, un clinicien saurait que, lors du traitement d’une MII, un schéma posologique d’entretien serait insuffisant en soi pour traiter la maladie de Crohn d’intensité modérée à grave, étant donné qu’une phase d’induction est essentielle pour maintenir la maladie sous contrôle. Par conséquent, il a indiqué qu’un clinicien comprendrait qu’une dose d’attaque ou d’induction devrait être incorporée à une dose d’entretien (et que la quantité d’adalimumab dans la phase d’attaque devrait être supérieure à celle de la phase d’entretien).

[109] Le Dr Howden a souligné qu’un clinicien comprendrait que la façon habituelle de choisir la posologie d’un médicament est d’entreprendre une étude d’établissement de la dose. Dans son rapport, le Dr Howden a indiqué que les documents internes d’AbbVie appuyaient son opinion selon laquelle : i) on s’attendait fortement à ce que l’adalimumab puisse traiter la maladie de Crohn (et la colite ulcéreuse); ii) on s’attendait fortement à ce qu’un schéma posologique de l’adalimumab pour le traitement de la maladie de Crohn (et de la colite ulcéreuse) soit choisi et mis à l’essai et que son efficacité soit démontrée; et iii) que les tentatives pour en arriver à l’invention divulguée dans le brevet 868 étaient courantes.

[110] Dans son rapport en réponse, le Dr Howden s’est dit en désaccord avec le Dr Marshall sur plusieurs points principaux. Premièrement, le Dr Howden n’était pas d’avis que les résultats du brevet 868 dans l’étude M02-403 étaient surprenants, étant donné que REMICADE avait déjà été approuvé par les autorités réglementaires et commercialisé pour le traitement de la maladie de Crohn depuis la fin des années 1990. De plus, REMICADE et l’adalimumab présentaient de nombreuses similitudes. Deuxièmement, le Dr Howden n’était pas non plus d’accord pour dire que selon la personne versée dans l’art, le sens du terme [traduction] « traiter » – mentionné dans le brevet 868 relativement à la maladie de Crohn et à la colite ulcéreuse – ne se limiterait pas à [traduction] « simplement administrer un médicament à un patient ».

b) Sharon Baughman, Ph. D.

[111] Mme Baughman est une spécialiste en sciences pharmaceutiques possédant une expertise dans le domaine de la pharmacocinétique et la pharmacodynamie précliniques et cliniques des protéines et des petites entités moléculaires. Son expérience de travail dans les entreprises pharmaceutiques qui mettent au point de nouveaux traitements est vaste. Elle est titulaire d’un baccalauréat ès sciences en chimie de l’Université de La Nouvelle-Orléans et d’un doctorat en chimie organique physique de l’Université Rice.

[112] Mme Baughman a donné son avis concernant les brevets 868 et 917, en s’en tenant tout particulièrement au point de vue du pharmacologue versé dans l’art et au choix des schémas posologiques. Elle a supposément fourni son avis sans avoir eu connaissance des inventions visées par ces brevets. Cependant, lors de son contre-interrogatoire, il est devenu évident que Mme Baughman avait, dans le passé, été impliquée dans un litige lié au brevet 868.

[113] Lorsqu’elle a contre-interrogé Mme Baughman, AbbVie s’est fondée sur le rapport d’expertise que Mme Baughman avait rédigé relativement à l’affaire Abbvie Corporation c Samsung Bioepis Co, Ltd, 2017 CF 675 [Bioepis], et qu’elle avait joint à son affidavit souscrit le 9 février 2018 [l’affidavit de 2018], pour montrer que Mme Baughman était au fait des inventions lorsqu’elle a donné son avis.

[114] Dans ce litige antérieur, Bioepis avait signifié à AbbVie un avis d’allégation relativement à HADLIMA, le produit contenant de l’adalimumab qu’elle proposait, et au brevet 868 (parmi d’autres brevets). Dans son avis d’allégation, Bioepis avait allégué que HADLIMA ne contrefaisait aucun des brevets d’AbbVie. Abbvie a ensuite présenté une demande à la Cour en vertu de l’article 6 du Règlement. Comme les parties en avaient convenu, notre Cour a rendu une ordonnance conservatoire dans cette affaire : voir Bioepis, au para 4. Les modalités de l’ordonnance conservatoire applicable figurent à l’annexe A de cette décision. Comme les parties ont réglé l’affaire en 2018, il n’y pas eu d’instruction au fond. Par conséquent, l’ordonnance conservatoire qui vise les renseignements et les documents dans cette affaire est toujours en vigueur.

[115] Dans le rapport, Mme Baughman mentionnait le schéma posologique consistant en une dose de 160 mg, de 80 mg et de 40 mg toutes les deux semaines pour traiter la maladie de Crohn. Au cours de son contre-interrogatoire, Mme Baughman a reconnu qu’elle avait semblé avoir eu connaissance du schéma posologique avant de donner son avis, compte tenu de l’affaire Bioepis. Lorsqu’on lui a demandé de fournir plus de détails, Mme Baughman a dit qu’elle ne se souvenait pas d’avoir effectué ce travail antérieur.

c) Dr Daniel Sauder

[116] Le Dr Sauder est spécialisé en dermatologie. Il exerce actuellement sa profession au Centre de dermatologie de Toronto, en Ontario. Il a obtenu son doctorat en médecine à l’Université McMaster en 1975 et a effectué sa résidence en dermatologie à la Cleveland Clinic dans l’Ohio en 1979. Comme les autres experts dans la présente affaire, il possède une vaste expérience dans son domaine et compte de nombreuses publications à son actif. Il possède également une expérience des essais cliniques en tant que chercheur principal ou cochercheur dans une cinquantaine d’essais cliniques (phases I à IV).

[117] La Cour a jugé le Dr Sauder compétent pour donner son avis sur l’utilisation de médicaments biologiques, tels que les inhibiteurs du TNFα, pour le traitement des maladies inflammatoires de la peau, notamment l’adalimumab pour le traitement de l’hidrosadénite suppurée. Son expertise porte également sur la conception et la réalisation d’essais cliniques pour le traitement des maladies inflammatoires de la peau.

[118] Le Dr Sauder a donné son avis sur le brevet 917. Il s’est prononcé sur la question de savoir si les termes des revendications étaient définis, sur l’antériorité, l’inventivité et la méthode de traitement médical. Il a présenté deux rapports en l’espèce, dont une réponse au rapport d’expert du Dr Solomon.

d) Robert Falconer, Ph. D.

[119] M. Falconer est professeur de génie des bioprocédés au département de génie chimique et des matériaux avancés de l’Université d’Adélaïde en Australie méridionale. Depuis ses débuts à l’Université en 2019, M. Falconer a continué de centrer ses recherches sur les interactions entre les protéines, les excipients et l’eau pour l’élaboration de préparations pharmaceutiques protéiques stables.

[120] M. Falconer a obtenu son baccalauréat ès sciences en biotechnologie de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud en 1984. Il a ensuite obtenu son doctorat dans le domaine de la mise au point de procédés de fabrication de protéines recombinantes à l’Université d’Adélaïde en 1998. M. Falconer compte plus de 30 ans d’expérience dans l’industrie et dans la recherche universitaire en chimie des protéines et en biotechnologie. Il a signé et cosigné plus de 60 articles dans des revues scientifiques, plusieurs de ses publications portant sur la stabilité des protéines et les formulations pharmaceutiques à base de protéines. Il a également supervisé des étudiants au doctorat travaillant dans le domaine de la stabilité des protéines.

[121] M. Falconer a été jugé compétent pour donner son avis d’expert dans le domaine de la formulation des protéines, notamment la formulation d’AcM, ainsi que la stabilité des protéines et les techniques utilisées pour évaluer leurs préparations pharmaceutiques.

[122] Dans la présente affaire, M. Falconer a fourni deux rapports d’expertise concernant le brevet 458.

[123] Dans son rapport initial, M. Falconer a dit qu’en novembre 2007, il existait un important volume de connaissances sur les protéines, notamment sur les AcM et les formulations pharmaceutiques. Il y mentionnait que l’adalimumab était un anticorps bien connu dirigé contre le facteur de nécrose tumorale alpha (anti-TNFα), et qu’une préparation pharmaceutique aqueuse d’adalimumab avait fait l’objet d’études approfondies et avait été approuvée à des fins médicales dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde en 2002 aux États-Unis.

[124] À l’instruction, M. Falconer a déclaré que la personne versée dans l’art travaillant sur une formulation aurait une formation scientifique. Dans son rapport, il a indiqué que cette personne posséderait une solide connaissance des propriétés chimiques et de la stabilité des AcM ainsi qu’un doctorat en biologie, en chimie, en biochimie ou en génie chimique, et au moins deux ans d’expérience pratique dans la mise au point de formulations pharmaceutiques d’AcM à usage thérapeutique. Subsidiairement, M. Falconer a affirmé que cette personne pourrait avoir des qualifications de moindre niveau, par exemple, un baccalauréat ou une maîtrise, assorties d’une expérience plus pratique en matière de formulation.

[125] M. Falconer a fait remarquer que l’idée originale générale visée dans les revendications du brevet 458 était une formulation pharmaceutique aqueuse qui comprend un anticorps ou un fragment d’anticorps (dont l’adalimumab) à une concentration d’au moins 50 mg/mL, essentiellement sans système tampon et contenant peu ou pas d’excipients ioniques.

[126] Selon lui, la demande no 181 divulguait et rendait réalisable chacun des éléments essentiels des revendications du brevet 458. En outre, lorsqu’il a traité de la douleur liée à l’injection, M. Falconer a souligné qu’il y avait un intérêt croissant pendant cette période pour réduire la douleur au moment de l’injection.

[127] En réponse à certaines questions, M. Falconer a dit qu’il n’y avait pas de différences significatives entre le brevet 458 et la demande no 181 et que, s’il y avait eu des différences substantielles, une personne familière avec la documentation et versée dans l’art aurait été en mesure de combler ces écarts. Selon lui, la personne versée dans l’art comprendrait qu’une préparation d’adalimumab à haute concentration fournirait le pouvoir tampon nécessaire pour maintenir le pH préférentiel. De même, cette personne saurait qu’il est avantageux d’avoir une faible teneur en ions.

[128] M. Falconer s’est dit d’avis qu’il allait de soi de tenter d’arriver à l’invention. En outre, il a dit que la personne versée dans l’art aurait été motivée à augmenter la concentration d’adalimumab, car un volume plus faible signifiait une douleur moindre.

[129] M. Falconer a renvoyé à des documents qui faisaient état des gains significatifs quant à la stabilité des protéines lorsque la concentration en protéines était accrue.

[130] M. Falconer a aussi déclaré qu’il était plus ou moins évident que l’essai serait fructueux. Se fondant sur la littérature, il a fait savoir que la mise au point d’une formulation stable d’adalimumab à haute concentration était très probable. Il a également indiqué que le nombre de solutions prévisibles connues était limité.

e) Dr Laurence Rubin

[131] Le Dr Rubin est un médecin spécialisé en rhumatologie. Il agit actuellement en tant que médecin membre du personnel de la division de la rhumatologie et de la clinique des maladies métaboliques osseuses de l’Hôpital St. Michael’s de Toronto. Il a obtenu son doctorat en médecine à l’Université d’Ottawa et possède une vaste expertise en rhumatologie.

[132] Le Dr Rubin a été jugé compétent à témoigner à titre de médecin, de rhumatologue clinicien, de chercheur et de professeur de médecine, possédant une expertise en rhumatologie, notamment dans le traitement actuel et passé des maladies rhumatismales inflammatoires chroniques au Canada à l’aide de médicaments biologiques et biosimilaires. Il a également répondu au rapport du Dr Mysler.

[133] Son témoignage portait sur les médicaments biosimilaires au Canada et sur la douleur au point d’injection. Selon lui, si SIMLANDI et Yuflyma n’étaient pas disponibles au Canada, certains patients contraints de passer à une autre préparation d’adalimumab pourraient ressentir une douleur accrue au point d’injection ou avoir une faible tolérance, ce qui réduirait l’observance du traitement.

f) Mme Rosemary A. Bacovsky

[134] Mme Bacovsky est une pharmacienne chevronnée, qui a notamment occupé des postes dans le domaine des politiques publiques gouvernementales. Elle a agi à titre de consultante dans de multiples contextes, y compris auprès de sociétés fermées, du gouvernement et de diverses autorités sanitaires.

[135] En ce qui concerne la place de SIMLANDI sur le marché canadien, la Cour a considéré les éléments de preuve fournis par Mme Bacovksy comme ayant été lus.

g) Mme Ashley Beacom

[136] Mme Beacom a présenté un rapport concernant la traduction de certains documents de laboratoire. Elle a attesté la fidélité de la traduction de l’allemand vers l’anglais.

III. Questions en litige

[137] Les parties ont déposé un exposé conjoint des questions en litige, que voici :

A. Brevet 868

  1. Les revendications 1 à 5 contreviennent-elles à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets (c.‑à‑d. sont-elles évidentes)?

  2. Les revendications 1 à 5 contreviennent-elles à l’article 2 de la Loi sur les brevets (c.‑à‑d. leur objet est-il brevetable) parce qu’elles visent une méthode de traitement médical?

B. Brevet 917

  1. Les revendications 1, 3, 4 et 5 contreviennent-elles à l’article 28.2 de la Loi sur les brevets (c.‑à‑d. sont-elles antériorisées) compte tenu de la demande à l’origine du brevet 868?

  2. Les revendications 1, 3, 4 et 5 contreviennent-elles à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets (c.‑à‑d. sont-elles évidentes)?

  3. Les revendications 1, 3, 4 et 5 contreviennent-elles à l’article 2 de la Loi sur les brevets (c.‑à‑d. leur objet est-il brevetable) parce qu’elles revendiquent une méthode de traitement médical?

  4. Les revendications 1, 3, 4 et 5 contreviennent-elles au paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets parce qu’elles comportent un terme qui ne peut raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif ou des dessins du brevet 917 figurant dans la demande à la date de dépôt ou parce qu’elles revendiquent un objet qui n’a pas été réalisé ou divulgué par les inventeurs désignés, ou pour ces deux motifs?

C. Brevet 458

  1. Les revendications du brevet 458 contreviennent-elles à l’article 28.2 de la Loi sur les brevets (c.‑à‑d. sont-elles antériorisées) compte tenu de la demande no WO 2006/138181?

  2. Les revendications du brevet 458 contreviennent-elles à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets (c.‑à‑d. sont-elles évidentes)?

  3. Les revendications du brevet 458 sont-elles invalides pour cause de portée excessive?

  4. Les revendications du brevet 458 sont-elles invalides pour cause de double brevet relatif à la même invention ou à une évidence, ou pour ces deux causes, compte tenu du brevet canadien 2 815 689?

D. Contrefaçon

  1. JAMP contrefait-elle les revendications en cause, comme l’allègue AbbVie?

E. Droit à la réparation demandée

  1. AbbVie a-t-elle droit à une injonction permanente (si la contrefaçon est établie) et, le cas échéant, quelle devrait être la portée de cette injonction?

  2. JAMP est-elle tenue de procéder à la remise ou à la destruction de ses produits contrefaisants (si la contrefaçon est établie)?

[138] Avant le début de l’instruction, un désaccord est survenu quant à la question de savoir si JAMP pouvait présenter des arguments relativement à des allégations d’invalidité qu’elle avait déjà débattues et pour lesquelles elle n’avait fourni aucune preuve d’expert. AbbVie a soutenu que le fardeau de la preuve quant à l’invalidité lui incombait et que, comme JAMP n’avait fourni aucune preuve d’expert sur certaines des allégations d’invalidité, cette dernière n’avait pas le droit de présenter des arguments les concernant au cours de l’instruction.

[139] Le 7 novembre 2022, j’ai décidé que rien n’empêchait JAMP de présenter des arguments au sujet des allégations d’invalidité qu’elle avait déjà débattues.

[140] JAMP a conservé le droit d’invoquer l’absence d’utilité (c.‑à‑d. que l’utilité n’a pas été démontrée ou ne peut être valablement prédite, ou les deux) en ce qui concerne le brevet 868. En fin de compte, elle n’a pas fait valoir ce motif d’invalidité dans les observations finales qu’elle a présentées par écrit et de vive voix. Comme il incombe à JAMP de prouver ce motif d’invalidité et qu’elle ne l’a pas fait, cette question est rejetée sans autre explication.

[141] Le 6 décembre 2022, les parties ont présenté une version mise à jour de leur exposé conjoint des questions en litige. Dans cette version actualisée, il était mentionné que JAMP admettrait avoir contrefait les revendications du brevet 458, à la condition qu’elles soient jugées valides. Par conséquent, si l’une ou l’autre des revendications du brevet 458 est valide, JAMP convient que ses produits SIMLANDI ont contrefait les revendications en cause.

IV. Cadre juridique applicable

[142] Il incombe à AbbVie de prouver la contrefaçon selon la prépondérance des probabilités. Lorsque la validité est contestée, il faut partir du principe que le brevet est présumé valide : voir le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets [annexe A]. Il incombe à JAMP de prouver, selon la prépondérance des probabilités, chacun des motifs d’invalidité qu’elle invoque : Teva Canada Innovation c Pharmascience Inc, 2020 CF 1158 au para 156 [Pharmascience].

A. Principes généraux d’interprétation des revendications

[143] Les principes d’interprétation des revendications sont bien établis. La Cour d’appel fédérale a résumé ces principes dans l’arrêt Tearlab Corporation c I-MED Pharma Inc, 2019 CAF 179 aux para 30‑34.

[144] Aux paragraphes 33 à 35 de l’arrêt Corlac Inc c Weatherford Canada Ltd, 2011 CAF 228 [Weatherford], la Cour d’appel fédérale a expliqué que, lorsque la validité d’une revendication dépendante dépend de l’inventivité de la revendication indépendante, la cour de première instance n’est pas tenue d’interpréter des éléments de la revendication dépendante qui n’étaient pas en litige. La Cour d’appel fédérale a confirmé ce principe dans l’arrêt Swist c MEG Energy Corp, 2022 CAF 118, déclarant de nouveau que « lorsque la cour de première instance détermine à juste titre que la validité de revendications dépendantes repose sur l’inventivité de la revendication indépendante, il n’est pas nécessaire d’interpréter les éléments des revendications dépendantes qui ne sont pas réellement en litige » (au para 22).

B. Art antérieur

[145] L’art antérieur s’entend de « l’ensemble du savoir dans le domaine du brevet en cause » et comprend tout enseignement accessible au public, aussi obscur ou peu accepté soit‑il : Mylan Pharmaceuticals ULC c Eli Lilly Canada Inc, 2016 CAF 119 [Mylan Pharmaceuticals ULC] au para 23.

[146] Dans les affaires en matière de brevet, les pièces d’art antérieur sont notamment utilisées « pour étayer une allégation selon laquelle les antériorités ont prédit l’invention ou l’ont rendue évidente » : Mylan Pharmaceuticals ULC, au para 25.

[147] Les connaissances générales courantes sont un sous-ensemble de l’état de la technique : Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 30 [Hospira] au para 84.

[148] L’état de la technique ne se limite plus à ce que la personne versée dans l’art pourrait trouver lors d’une recherche raisonnablement diligente. Aux paragraphes 83 à 86 de l’arrêt Hospira, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il est erroné de ne pas tenir compte des pièces d’art antérieur qui étaient accessibles au public à la date pertinente parce qu’une recherche raisonnablement diligente ne les aurait pas révélées.

[149] Dans l’arrêt Gemak Trust c Jempak Corporation, 2022 CAF 141 [Gemak], la Cour d’appel fédérale s’est prononcée ainsi :

[100] Ainsi, il n’est plus obligatoire que [les pièces d’art antérieur aient] été accessibl[es] à la personne versée dans l’art au terme d’une recherche raisonnablement diligente pour qu’elle devienne pertinente pour les fins des analyses de l’évidence ou de l’antériorité. Cela dit, les connaissances qui ne peuvent être découvertes qu’au terme d’une recherche raisonnablement diligente ne sont pas, et n’ont jamais été, considérées comme faisant partie des connaissances générales courantes.

[Non souligné dans l’original.]

C. Connaissances générales courantes

[150] Les connaissances générales courantes sont celles que possède généralement la personne versée dans l’art ou qui font partie du domaine scientifique auquel le brevet se rapporte au moment considéré : Janssen Inc c Pharmascience Inc, 2022 CF 1218 [Janssen 2022] au para 114, citant Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 [Sanofi ou Plavix 1] au para 37; Bell Helicopter Textron Canada Limitée c Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219 [Eurocopter] aux para 63‑65. Les connaissances générales courantes déterminent la manière dont la personne versée dans l’art interprétera les revendications et les mémoires descriptifs : Gemak, au para 98; Mylan Pharmaceuticals, au para 25.

[151] La date pertinente aux fins d’interprétation d’un brevet est la date de publication, tandis que la date pertinente aux fins d’invalidité est la date de revendication, qui est la date de priorité s’il y en a une, ou la date de dépôt s’il n’y en a pas : Guest Tek Interactive Entertainment Ltd c Nomadix, Inc, 2021 FC 276 au para 51.

[152] La Cour d’appel fédérale a récemment souligné que les connaissances générales courantes n’englobent pas la totalité de l’information relevant du domaine public : Gemak, au para 95. L’information à laquelle la personne versée dans l’art a accès ne relève pas nécessairement des connaissances générales courantes. Une connaissance particulière fait partie des connaissances générales courantes uniquement lorsqu’elle est connue de manière générale et acceptée sans hésitation par ceux versés dans l’art particulier; en d’autres mots, lorsqu’elle fait partie du lot courant des connaissances se rapportant à l’art : Gemak, aux para 95‑96.

D. Antériorité

[153] Le critère de l’antériorité est au cœur du présent litige. Les parties s’entendent de façon générale sur les principes de droit relatifs à l’antériorité. Toutefois, elles ne s’entendent pas sur la question de savoir si une pièce d’art antérieur qui donne à la personne versée dans l’art certains choix ou qui englobe de façon générale l’invention revendiquée suffit à invalider les brevets pour cause d’antériorité.

[154] Les dispositions législatives pertinentes figurent à l’article 28.2 de la Loi sur les brevets [annexe A].

[155] Les deux parties s’appuient sur l’arrêt Sanofi, mais selon une compréhension différente et sous un angle distinct. Selon JAMP, l’arrêt Sanofi représente une [traduction] « modification radicale » du critère de l’antériorité. AbbVie, qui soutient plutôt que cet arrêt clarifie et précise davantage le critère énoncé dans l’arrêt Beloit Canada Ltée c Valmet Oy, [1986], [1986] ACF no 87, 8 CPR (3d) 289 (CAF) [Beloit], affirme que l’arrêt Sanofi ne change pas le droit de manière importante.

[156] Il n’est pas contesté que le critère de « l’antériorité exige à la fois la divulgation et le caractère réalisable » (Sanofi, au para 42). Dans l’arrêt Synthon BV v SmithKline Beecham plc, [2006] 1 All ER 685, [2005] UKHL 59 [Synthon], lord Hoffman a également expliqué que ces deux exigences doivent demeurer tout à fait distinctes (au para 30). Les arrêts Sanofi et Synthon indiquent clairement que les essais successifs sont exclus à l’étape de la divulgation, mais ne le sont pas pour les besoins du caractère réalisable.

[157] Je comprends que les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si l’état de la technique qui divulgue un intervalle antériorise une valeur qui se situe dans cet intervalle ou dans une réalisation. Par exemple, y a-t-il divulgation lorsque l’intervalle posologique de 0,2 à 400 mg est mentionné dans les pièces d’art antérieur et que le brevet subséquent revendique une dose d’environ 10 mg ou un intervalle posologique plus étroit, allant par exemple de 0,10 à 100 mg?

[158] JAMP invoque plusieurs décisions récentes dans lesquelles la Cour fédérale a conclu qu’un intervalle ou une divulgation de large portée peut antérioriser une valeur se situant à l’intérieur de cet intervalle ou une réalisation : Hoffman-La Roche Limited c Apotex Inc, 2013 CF 718 [Hoffman-La Roche]; Alcon Canada Inc c Apotex Inc, 2014 CF 699 [Alcon Canada]; Eli Lilly Canada Inc c Mylan Pharmaceuticals ULC, 2020 CF 816 [Eli Lilly 2020]; Swist c MEG Energy Corp, 2021 CF 10.

[159] En revanche, AbbVie soutient qu’une divulgation qui contient ou englobe largement l’invention revendiquée, mais sans nécessairement prendre possession de la destination précise en y laissant sa marque, ne suffit pas à satisfaire aux exigences en matière d’antériorité. Invoquant le paragraphe 45 de l’arrêt Apotex Inc c Shire LLC, 2021 CAF 52 [Shire 2021], de la Cour d’appel fédérale, elle affirme qu’il convient d’interpréter les décisions citées par JAMP en tenant compte de cet arrêt.

[160] À ce sujet, le professeur Norman Siebrasse [le professeur Siebrasse] a affirmé sans détour dans ses commentaires que la Cour fédérale avait fait erreur dans les décisions Alcon Canada et Hoffman-LaRoche : Norman Siebrasse, « Construction of the Inventive Concept is Determinative of Obviousness » (27 août 2014), Sufficient Description (blogue), en ligne : <http://www.sufficientdescription.com/2014/08/>; Norman Siebrasse, « Time to Abandon the Doctrine of Selection Patents? » (26 juillet 2013), Sufficient Description (blogue), en ligne : <http://www.sufficientdescription.com/2013/07/time-to-abandon-doctrine-of-selection.html>.

[161] Le professeur Siebrasse a en outre affirmé que la Cour fédérale avait [traduction] « manifestement tort » dans la décision Eli Lilly 2020 : Norman Siebrasse, « Does a Range Anticipate a Point Within the Range? » (23 septembre 2020), Sufficient Description (blogue), en ligne <http://www.sufficientdescription.com/2020/09/does-range-anticipate-point-within-range.html>.

[162] Dans ces décisions, le juge de première instance a conclu qu’un intervalle antériorise les valeurs qui se situent à l’intérieur de cet intervalle. Selon le professeur Siebrasse, s’il peut être évident de déterminer la dose optimale en réalisant des expérimentations courantes, cela ne signifie pas que la dose est antériorisée par la divulgation d’un intervalle posologique. Il dit que, dans la décision Eli Lilly 2020, la Cour fédérale a confondu les étapes de la divulgation et du caractère réalisable lorsqu’elle a conclu que la divulgation d’un intervalle revient à laisser sa marque. Selon le professeur Siebrasse, ces deux exigences doivent demeurer distinctes; il ne suffit pas de dire que, compte tenu des pièces d’art antérieur, la personne versée dans l’art serait en mesure de réaliser l’invention, puisque les essais successifs ne sont permis que pour les besoins du caractère réalisable.

[163] Finalement, la décision Merck & Co, Inc c Pharmascience Inc, 2010 CF 510, de la Cour fédérale, sur laquelle s’appuyaient certaines des affaires précitées, a également suscité les critiques du professeur Siebrasse : Norman Siebrasse, « Teaching Away Irrelevant to Anticipation » (23 mai 2019), Sufficient Description (blogue), en ligne : <http://www.sufficientdescription.com/2019/05/teaching-away-irrelevant-to-anticipation.html>. En ce qui concerne cette décision, le professeur Siebrasse a affirmé que son opinion était fondée sur la règle suivante : [traduction] « Aussi clair qu’il soit, un poteau indicateur placé sur la voie menant à l’invention du breveté ne suffit pas. Il faut prouver clairement que l’inventeur préalable a pris possession de la destination précise en y laissant sa marque avant le breveté. » (General Tire & Rubber Co v Firestone Tyre & Rubber Co, [1972] RPC 457 à la p 486; Sanofi, au para 21).

[164] Dans la décision Apotex Inc c Shire LLC, 2018 CF 637 [Shire 2018], le juge Fothergill a pris acte des critiques formulées par le professeur Siebrasse à l’égard de la décision Hoffman-La Roche : Norman Siebrasse, « Time to Abandon the Doctrine of Selection Patents? » (26 juillet 2013), Sufficient Description (blogue), en ligne : <http://www.sufficientdescription.com/2013/07/time-to-abandon-doctrine-of-selection.html>. Le juge Fothergill a tenu compte du fait que le professeur Siebrasse avait conclu que, malgré la grande similitude des faits de l’affaire Hoffman-La Roche et de l’affaire Sanofi, leurs issues étaient très différentes (Shire 2018, au para 95).

[165] Dans ce genre d’analyse, il est essentiel de répondre à la question de savoir s’il importe que le brevet soit un brevet de sélection. Cette question a été réglée dans l’arrêt Shire 2021, car la Cour d’appel fédérale a dit que l’analyse de la validité restait la même, que le brevet soit un brevet de sélection ou non. Elle a fait remarquer que la Loi sur les brevets ne mentionne pas les brevets de sélection : Shire 2021, aux para 31‑34.

[166] Je suis d’avis que, et c’est souvent le cas, l’application du droit est tributaire des faits. En l’espèce, la question qui se pose est celle de savoir si les pièces d’art antérieur, qui divulguent un intervalle posologique, correspondent à la prise de possession d’un point suffisamment précis pour passer à la deuxième étape, soit celle de savoir l’invention a été réalisée après quelques essais.

[167] Cette démarche quelque peu intermédiaire s’appuie sur les motifs du juge Rennie dans l’arrêt Shire 2021. Selon ce que dit le juge Rennie dans cet arrêt, un intervalle n’antériorise pas nécessairement les points qu’il comporte, quoique ce puisse être le cas. Il a souligné qu’« [u]n genre peut, selon sa taille, le libellé des revendications, le contexte et les exemples donnés, antérioriser une espèce individuelle » : Shire 2021, au para 46.

[168] À mon avis, si l’intervalle est suffisamment étroit, selon les faits (par exemple, un intervalle de 0,10 à 0,12 mg/ml dans un contexte pharmaceutique), on peut dire que l’inventeur a laissé sa marque de façon suffisamment précise pour antérioriser une valeur visée par une revendication.

[169] Pour aller un peu loin dans l’analyse de cette démarche, nous pouvons tenir compte de ce qui a mené le juge Rennie à tirer cette conclusion. Nous pouvons aussi examiner les exemples d’intervalles qui ont été jugés trop vastes ou les éléments d’un intervalle qui peuvent avoir un caractère d’antériorité.

[170] Le juge Rennie a écrit ce qui suit aux paragraphes 45 et 46 de l’arrêt Shire 2021 :

[45] Une telle prétention serait également incompatible avec le principe énoncé dans l’arrêt General Tire, et mentionné précédemment, selon lequel [traduction] « [i]l faut prouver clairement que l’inventeur préalable a pris possession de la destination précise en y laissant sa marque avant le breveté » (à la p. 486). Ce principe est aussi énoncé de manière concise dans l’arrêt Ranbaxy Laboratories Limited v. AstraZeneca AB, [2013] FCA 368 (Aus.), au paragraphe 170 :

[traduction] [...] il ne suffit pas que la publication antérieure simplement « contienne » ou « englobe » la divulgation de l’invention revendiquée – une divulgation vague n’antériorise pas nécessairement une revendication ultérieure plus précise : voir, par exemple, Eli Lilly [2013] CAF 214, par. [272] à [293] et la jurisprudence qui y est mentionnée.

[46] Il ne s’ensuit pas que l’antériorité ne joue pas dans la divulgation de brevets de genre. Au contraire, cette question est bien présente. Un genre peut, selon sa taille, le libellé des revendications, le contexte et les exemples donnés, antérioriser une espèce individuelle (voir, par exemple, Aux Sable Liquid Products LP c. JL Energy Transportation Inc., 2019 CF 581, aux paragraphes 90 et 98; Valence Technology Inc. c. Phostech Lithium Inc., 2011 CF 174, aux paragraphes 228 à 230, conf. par 2011 CAF 237).

[47] La réponse finale à la question de savoir si l’inventeur a pris possession du composé en « y laissant sa marque » dépend donc des éléments de preuve propres à chaque affaire. En l’espèce, le juge relève des différences qui se rapportent à des revendications précises du brevet canadien ‘646. Il conclut que ces dernières n’ont pas été antériorisées. Il fait l’exercice que commande l’arrêt Sanofi. Il définit le bon critère d’antériorité (motifs, aux paragraphes 99 et 100), et sa conclusion selon laquelle le brevet canadien ‘646 n’est pas antériorisé par le brevet australien ‘168 est largement corroborée par les éléments de preuve.

[Non souligné dans l’original.]

[171] Dans la décision Aux Sable, le juge Southcott a conclu ce qui suit :

[90] [...] Aux Sable soutient aussi, et je suis d’accord, que la jurisprudence de la Cour fédérale montre que la divulgation antérieure d’un élément se situant dans une plage prescrite par un brevet a un caractère d’antériorité (voir, par exemple, Baker Petrolite Corp. c Canwell Enviro-Industries Ltd., 2002 CAF 158 (Baker Petrolite), paragraphe 42; Calgon Carbon Corporation c. North Bay (Ville), 2006 CF 1373 (Calgon Carbon), paragraphes 8, 153 et 163).

[172] Le juge Rothstein, qui a rédigé l’arrêt Sanofi en 2008, avait en 2002 rédigé au nom de la Cour d’appel fédérale les motifs de l’arrêt Baker Petrolite, énonçant au paragraphe 42 que « [l]a chambre [NDLT : la Chambre de recours de l’Office européen des brevets] n’accepte donc pas l’argument du titulaire du brevet selon lequel une analyse complète d’un produit précédemment utilisé doit être possible de façon à permettre la reproduction exacte de ce produit pour que la nouveauté du produit revendiqué soit détruite. [Non souligné dans l’original, sauf les caractères gras.] »

[173] Je conclus que le droit a évolué de telle sorte que, lorsque les éléments de preuve présentés lors de l’instruction montrent que l’intervalle est suffisamment étroit pour laisser une marque selon le contexte et les exemples fournis, il est antériorisé. Dans le cas où les éléments de preuve révèlent un intervalle très vaste et où le juge bénéficiant de l’aide d’experts (au besoin) est d’avis, avant de passer à l’étape du caractère réalisable, que cet intervalle n’est pas suffisamment précis pour laisser une marque, l’intervalle est exclu à l’étape de la divulgation.

E. Évidence

[174] Le point de départ de l’analyse de l’évidence est l’article 28.3 de la Loi sur les brevets [annexe A].

[175] L’évidence est évaluée selon le critère à quatre volets établi dans l’arrêt Sanofi :

1. a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

2. Définir l’idée originale de la revendication, au besoin par voie d’interprétation;

3. Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

4. Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

[176] Le critère relatif à l’inventivité n’est pas exigeant — une « parcelle d’invention » est suffisante pour étayer la validité d’un brevet : Valeant Canada LP/Valeant Canada SEC c Generic Partners Canada Inc, 2019 CF 253, au para 105 [Valeant Canada], citant Tye‑Sil Corp c Diversified Products Corp, [1991] ACF no 124 (CAF) à la p 365.

[177] Comme AbbVie l’a souligné, la Cour doit se méfier de la sagesse rétrospective lorsqu’elle analyse l’évidence : Valeant Canada, au para 104; Meda AB c Canada (Santé), 2016 CF 1362 au para 138; Bridgeview Manufacturing Inc c 931409 Alberta Ltd (Central Alberta Hay Centre), 2010 CAF 188 au para 50.

[178] Lors de l’évaluation de l’évidence, le juge des faits peut examiner l’effet cumulatif de plusieurs pièces d’art antérieur dont la personne versée dans l’art pourrait tenir compte : Donald Cameron, éditeur,« Canadian Patent Law Benchbook », 4e éd., Toronto, Thomson Reuters, 2022, à la p 241. En outre, la Cour doit réaliser cette évaluation pour chaque revendication : Zero Spill Systems (Int'l) Inc c Heide, 2015 CAF 115 [Zero Spill Systems] au para 85.

1) Essai allant de soi

[179] Selon l’arrêt Pharmascience Inc c Teva Canada Innovation, 2022 CAF 2 [Pharmascience 2022], la Cour a qualifié le quatrième volet du critère de l’évidence énoncé dans l’arrêt Sanofi de critère de l’« essai allant de soi ». À la quatrième étape de la démarche établie dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli, il est parfois nécessaire, dans certains cas, d’effectuer une analyse secondaire pour déterminer si le critère de l’« essai allant de soi » s’applique. Dans l’arrêt Sanofi, la Cour suprême du Canada a indiqué les cas dans lesquels le critère de l’essai allant de soi est indiqué. Elle a expliqué ce qui suit au paragraphe 68 de ses motifs :

Dans les domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, le recours à la notion d’« essai allant de soi » pourrait être indiqué. Dans ces domaines, de nombreuses variables interdépendantes peuvent se prêter à l’expérimentation. Par exemple, certaines inventions du secteur pharmaceutique pourraient justifier son application étant donné l’existence possible de nombreuses compositions chimiques semblables pouvant donner lieu à des réponses biologiques différentes et être porteuses de progrès thérapeutiques notables.

[180] Notre Cour et la Cour d’appel fédérale ont conclu à maintes reprises que le « critère de l’essai allant de soi » s’applique aux affaires d’invention pharmaceutique qui sont le fruit de l’expérimentation : Janssen Inc c Teva Canada Ltd, 2020 CF 593 [Janssen 2020] au para 198; Teva Canada Limitée c Novartis Pharmaceuticals Canada inc, 2013 CAF 244 au para 7.

[181] Au paragraphe 43 de l’arrêt Société Bristol‑Myers Squibb Canada c Teva Canada Limitée, 2017 CAF 76 [Bristol-Myers Squibb], la Cour d’appel fédérale a exposé la liste non exhaustive des facteurs pertinents dont il faut tenir compte (citant Sanofi, au para 69) :

1. Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

2. Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont‑ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

3. L’art antérieur fournit‑il un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

[182] Là encore, la Cour doit se méfier de la sagesse rétrospective des témoins experts, comme l’a expliqué le juge Manson au paragraphe 169 de la décision Janssen 2020.

[183] Je tiens à souligner que le critère de l’essai allant de soi ne consiste pas à se demander s’il existe des « chances raisonnables de succès » et que l’essai allant de soi s’entend de quelque chose de « très clair » : Eli Lilly Canada Inc c Mylan Pharmaceuticals ULC, 2015 CAF 286 au para 4. La Cour d’appel fédérale a en outre souligné que le critère de l’essai allant de soi commande la prudence, parce qu’il n’est qu’un seul des nombreux facteurs à considérer dans une recherche portant sur l’évidence : Bristol-Myers Squibb, au para 38; Teva Canada Limitée c Pfizer Canada Inc, 2019 CAF 15 au para 27.

2) Succès commercial et prix et autres récompenses

[184] Il peut être pertinent de tenir compte du succès commercial et des prix et autres récompenses dans l’analyse de l’évidence : Novopharm ltd c Janssen-Ortho inc, 2007 CAF 217 au para 25.

F. Objet brevetable

[185] La Cour d’appel fédérale a déjà jugé que l’absence d’objet brevetable constitue une expression abrégée pour la conclusion portant que la demande de brevet ne divulgue aucune invention au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets (Amazon.com, Inc c Canada (Procureur général), 2011 CAF 328 au para 12) [annexe A].

[186] Les méthodes de traitement médical ne constituent pas des objets brevetables : Hospira, au para 52. Lorsqu’un professionnel de la santé est limité dans l’exercice de sa compétence et de son jugement par le brevet ou une revendication, le brevet est invalide pour cause d’absence d’objet brevetable. Le juge Manson a résumé ce principe dans la décision Janssen 2022 :

[164] Quant aux revendications d’utilisation, l’analyse portera sur les éléments essentiels de la revendication afin de déterminer s’il faut avoir des compétences et du jugement pour réaliser l’invention revendiquée. Revendiquer « l’utilisation » d’un médicament pour traiter un patient, ce n’est pas revendiquer une méthode non brevetable de traitement médical si la revendication inclut un schéma posologique précis ou un intervalle d’administration précis. S’agissant des éléments posologiques, le droit a évolué en ce sens que les tribunaux ont jugé que les revendications qui se limitent à des posologies et à des calendriers d’administration sont brevetables si les doses et les intervalles d’administration sont fixes [...], tandis qu’ils ont jugé que les revendications relatives à des fourchettes posologiques ou des intervalles d’administration qui exigent du médecin qu’il fasse appel à ses compétences et à son jugement, visent un produit non commercial et sont donc non brevetables.

[Soulignement dans l’original omis; non souligné dans l’original; renvois omis.]

[187] L’interdiction visant les méthodes de traitement médical a initialement été reconnue dans l’arrêt Tennessee Eastman Co et al c Commissaire des Brevets, [1974] RCS 111, 1972 CanLII 167. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a conclu que les revendications relatives à une méthode chirurgicale de réunion des bords d’incision de tissus organiques vivants ne sont pas visées comme procédés et ne constituent pas une invention au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets (à la p. 119).

[188] Dans la décision AbbVie Biotechnology Ltd c Canada (Procureur général), 2014 CF 1251 [AbbVie 2014], notre Cour a examiné la question de savoir si la dose fixe d’HUMIRA administrée selon une fréquence précise, soit aux deux semaines, reposait sur l’exercice de la compétence et du jugement du médecin (au para 10). La Cour a conclu que la revendication prévoyait une dose fixe et un intervalle posologique précis, qui ne faisaient pas appel à l’exercice de la compétence ou du jugement. Par conséquent, le brevet n’avait pas pour effet d’assujettir des méthodes de traitement médical ou la compétence et le jugement du médecin à des limites (voir Janssen Inc c Pharmascience Inc, 2022 CF 1218 aux para 169‑170).

G. Portée excessive

[189] La notion de portée excessive est une doctrine sur laquelle plane une grande incertitude et qui a fait l’objet de nombreux débats. Toutefois, la jurisprudence établit clairement qu’il s’agit d’un motif d’invalidité indépendant, fondé sur les paragraphes 27(3) et (4) de la Loi sur les brevets [annexe A]. le brevet doit « décrire d’une façon exacte et complète l’invention » conformément au paragraphe 27(3), et comprendre des « revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif » selon le paragraphe 27(4) (Western Oilfield Equipment Rentals Ltd c M-I LLC, 2021 CAF 24 au para 129 [Western Oilfield]).

[190] Au niveau le plus élémentaire, le brevet a une portée excessive lorsque la portée de ses revendications outrepasse celle de la divulgation (Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada ULC, 2021 CAF 154 [Seedlings] au para 51). Plus précisément, la portée des revendications est excessive lorsqu’elle est plus large que l’invention divulguée dans le mémoire descriptif ou plus étendue que l’invention créée par l’inventeur (Pfizer Canada Inc c Canada (Santé), 2007 CAF 209 au para 115, cité avec approbation dans Western Oilfield, au para 128, et dans Seedlings, au para 50).

[191] Dans une analyse de la portée excessive, « la revendication a une portée excessive si elle omet un ou plusieurs éléments qui, d’après la description, sont essentiels à la réalisation, au procédé, à la machine, à la fabrication ou à la composition de matières dont l’auteur est l’inventeur » (Seedlings, au para 60). La détermination des éléments essentiels de l’invention est donc primordiale.

H. Défaut de définir un terme d’une revendication

[192] Aucune source en droit canadien ne précise qu’un brevet non conforme au paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets est nécessairement invalide [annexe A].

[193] Dans la décision Western Oilfield Equipment Rentals Ltd c.M-I LLC, 2019 CF 1606, la Cour a examiné un argument soulevé par les défenderesses reconventionnelles qui était analogue à celui invoqué par JAMP en l’espèce. Les défenderesses reconventionnelles ont fait valoir que, puisque le brevet 173 avait été modifié après le dépôt de la demande de brevet originale et que le nouvel objet ne pouvait pas être raisonnablement inféré du mémoire descriptif et des dessins originaux qui avaient été déposés, le brevet contrevenait au paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets [annexe A]. Le juge O’Reilly a conclu que les concepts qui apparaissent dans les modifications étaient déjà présents dans la demande de brevet originale ou pouvaient être raisonnablement inférés de cette demande (au para 256).

[194] Les défenderesses reconventionnelles ont porté cette question en appel devant la Cour d’appel fédérale : Western Oilfield. Dans le cadre de l’appel, elles ont affirmé que le critère pour établir la possibilité d’inférence raisonnable était strict, invoquant deux décisions du Royaume-Uni pour appuyer leur thèse : Bonzel v Intervention Ltd (No 3), [1991] RPC 553; Gedeon Richter plc v Bayer Pharma AG, [2012] EWCA Civ 235, [2012] All ER (D) 87 (Mar) au para 13. Cependant, la Cour d’appel fédérale n’a pas adopté ce critère. Elle a exposé les raisons pour lesquelles les tribunaux canadiens devraient faire preuve de prudence à l’égard de l’approche des tribunaux du Royaume-Uni, mais sans la rejeter catégoriquement (aux para 141‑144).

[195] La Cour d’appel fédérale a expliqué que l’intention d’une partie de modifier une revendication n’est pas pertinente pour déterminer si le nouvel objet qui y est ajouté peut être inféré de manière raisonnable de la demande originale (au para 144).

[196] En fin de compte, la Cour d’appel fédérale a souscrit à la conclusion du juge O’Reilly selon laquelle la caractéristique ajoutée pouvait, « à tout le moins », être inférée de manière raisonnable de la demande de brevet originale (au para 147). Elle n’a donc pas définitivement tranché la question de savoir si un terme non étayé d’une revendication constitue un motif d’invalidité valable.

[197] Ainsi, en l’état actuel du droit, il est difficile de dire que l’ajout de la part d’une partie d’un terme d’une revendication qui ne peut être raisonnablement inféré du mémoire descriptif ou des dessins rend un brevet invalide.

I. Double brevet

[198] L’inventeur n’a droit qu’à un seul brevet pour chaque invention : Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 [Whirlpool] au para 63. Le texte du paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets figure à l’annexe A.

[199] Si un brevet comportant des revendications identiques est délivré ultérieurement, il y a prolongement irrégulier du monopole : Whirlpool, au para 63. Comme la Cour suprême du Canada l’a affirmé, l’interdiction du double brevet implique une comparaison des revendications plutôt que des divulgations, car ce sont les revendications qui définissent le monopole : Whirlpool, au para 63. La question est de savoir à quel point les revendications du brevet ultérieur doivent être « identiques » pour justifier l’invalidation.

[200] L’existence d’un double brevet n’exige pas que les revendications soient formulées de la même manière dans les brevets concernés; cependant, le libellé des revendications doit décrire la même invention : Sanofi, au para 109.

[201] Il existe deux types d’interdictions du double brevet : le double brevet relatif à la même invention et le double brevet relatif à une évidence : Eli Lilly Canada Inc c Apotex Inc, 2015 CF 875 [Eli Lilly 2015] au para 62.

[202] Dans le cas de l’interdiction du double brevet relatif à une même invention, il y a identité des revendications du brevet subséquent et de celles du premier brevet : Eli Lilly 2015, au para 63.

[203] Quant au double brevet relatif à une évidence, la question qui se pose est celle de savoir si les revendications du brevet subséquent visent un élément brevetable distinct de celui visé par les revendications du brevet antérieur; en d’autres termes, une invention non évidente « qui se distingue de celle revendiquée dans le premier brevet » : Eli Lilly 2015, au para 64.

J. Contrefaçon

[204] Aux termes de l’article 42 de la Loi sur les brevets [annexe A], le titulaire d’un brevet a droit à la pleine jouissance du monopole conféré par le brevet. Tout acte qui porte atteinte au droit du breveté constitue une contrefaçon : Monsanto Canada Inc c Schmeiser, 2004 CSC 34 [Monsanto] au para 34.

[205] Aux termes du paragraphe 55(1) de la Loi sur les brevets [annexe A], quiconque contrefait un brevet est responsable envers le breveté du dommage que cette contrefaçon lui a fait subir après l’octroi du brevet.

[206] Il incombe à la partie alléguant la contrefaçon d’en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités : Angelcare Canada Inc c Munchkin, Inc, 2022 CF 507 [Angelcare] au para 155. La preuve avancée à l’appui de la contrefaçon doit être « claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités » : Angelcare, au para 155.

[207] L’analyse relative à la contrefaçon consiste à comparer le produit qui serait contrefait avec les revendications telles qu’elles ont été interprétées : Angelcare, au para 154. Pour qu’il y ait contrefaçon, le produit en cause doit comporter tous les éléments essentiels de la revendication : Angelcare, au para 154, citant l’arrêt Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 aux para 31f) et 68.

V. Brevet 868

A. Historique de l’invention

[208] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Vers 2002, Abbott espérait mettre au point l’adalimumab pour l’administrer aux patients atteints de la maladie de Crohn. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||

[209] M. Noertersheuser et la Dre Hoffman ont expliqué l’élaboration du protocole d’essais cliniques lié au brevet 868.

[210] La crédibilité de M. Noertersheuser a été mise à rude épreuve. Lors de son contre-interrogatoire, il est apparu évident qu’une bonne partie de son témoignage était presque identique, pratiquement mot à mot, à la déclaration fournie par M. George Richard Granneman le 18 décembre 2017 dans un litige aux États-Unis. Bien que cette situation ne soit pas, en soi, très problématique, les réponses de M. Noertersheuser en contre-interrogatoire ont nui à sa crédibilité. Il a tenté d’expliquer que sa déclaration écrite et celle de M. Granneman étaient peut-être identiques en raison de l’étroite collaboration qu’ils avaient eue dans le passé. M. Noertersheuser a affirmé qu’ils travaillaient côte à côte et discutaient de certaines choses à l’époque, ce qui expliquait probablement leurs déclarations identiques. Interrogé à plusieurs reprises, il a confirmé qu’il avait trouvé les mêmes mots tout en travaillant de façon indépendante, sans jamais les copier. C’est manifestement inexact, et il aurait mieux servi la Cour s’il avait admis que les déclarations avaient été copiées, au lieu de prétendre qu’il s’agissait d’une pure coïncidence.

[211] La Cour fédérale s’est penchée sur une question similaire dans la décision Rovi Guides, Inc c Bell Canada, 2022 CF 1388 [Rovi]. Dans cette décision, après avoir conclu que le témoin n’avait pas eu conscience d’avoir commis un plagiat, le juge Lafrenière s’est dit troublé par le fait que le témoin n’avait cessé d’affirmer que tous les mots de son rapport étaient les siens. La Cour a jugé que ce « manque de franchise » jouait sur la crédibilité et la fiabilité de son témoignage.

[212] Contrairement au témoin dans l’affaire Rovi, M. Noertersheuser n’agissait pas en qualité de témoin expert. Il reste que le fait pour M. Noertersheuser d’avoir copié intégralement le rapport de M. Granneman a soulevé des préoccupations importantes quant à son impartialité. Son défaut d’accepter ou de reconnaître que les paragraphes étaient reproduits textuellement a grandement nui à sa crédibilité et à sa fiabilité.

[213] Dans ses observations finales, AbbVie a tenté de prétendre que les problèmes de crédibilité de M. Noertersheuser étaient attribuables à une barrière linguistique. Il ressort très clairement de l’interrogatoire principal et du contre-interrogatoire de M. Noertersheuser qu’il n’y avait aucune barrière linguistique – son anglais était impeccable et toute affirmation contraire lui nuirait. Par conséquent, je n’ai pas examiné cette prétention plus en détail, et je ne le ferai pas.

[214] Je prends acte des observations sur le rôle de la preuve d’expert que la Cour d’appel fédérale a formulées dans l’arrêt dTechs EPM Ltd c British Columbia Hydro and Power Authority, 2023 CAF 115. Elle a traité du rôle que jouent les avocats en ce qui concerne les rapports d’expert, particulièrement dans les affaires en matière de brevets. Après avoir reconnu que les avocats participent activement à la rédaction des rapports et que leur participation n’altère pas inévitablement l’opinion de fond de l’expert, elle a cependant ajouté :

[34] Je suis d’accord avec l’appelante qu’il existe toutefois des limites à la participation de l’avocat. Au bout du compte, c’est l’opinion de fond objective de l’expert qui doit être présent[ée] à la Cour. Voilà pourquoi les experts sont informés très clairement de leurs obligations envers la Cour fédérale lorsqu’ils acceptent de se conformer au Code de déontologie régissant les témoins experts. Je ne connais aucune affaire de brevets où un rapport d’expert a été exclu au seul motif que la version préliminaire de ce rapport avait été rédigée par l’avocat, après des réunions organisées avec l’expert pour discuter en détail de son opinion. Bien que l’avocat puisse faire des erreurs et outrepasser les limites de ce qui constitue un apport autorisé, de telles erreurs seront généralement mises au jour lors du contre-interrogatoire au procès, et le tribunal de première instance en tiendra compte dans son appréciation de la preuve (Medimmune Ltd. v. Novartis Pharmaceuticals UK Ltd., [2011] EWHC 1668 (Pat.) (Medimmune).

[215] La similitude entre le témoignage de M. Noertersheuser (témoin des faits) et le rapport d’expert de M. Granneman va bien au-delà des limites appropriées. Je ferai preuve de prudence dans mon appréciation du témoignage de M. Noertersheuser dans les cas où son opinion est contraire à celle d’autres témoins.

[216] La Dre Hoffman, également témoin des faits, a expliqué que le développement clinique relatif à l’adalimumab pour traiter les patients atteints de la maladie de Crohn était nouveau et nécessitait de l’inventivité, car on ignorait si l’adalimumab serait sûr et efficace. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[217] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[225] La Dre Hoffman a témoigné au sujet des études cliniques et des diverses phases. Cependant, son témoignage a également soulevé plusieurs problèmes de crédibilité.

[226] D’abord, la Dre Hoffman a confondu certaines dates dans sa déclaration. Elle a dit que l’infliximab avait été approuvé pour le traitement de la maladie de Crohn en 2002 et que Celltech avait abandonné ses essais cliniques la même année. Ces dates étaient erronées : l’infliximab était approuvé depuis 1998 et Celltech avait abandonné ses essais cliniques en 2003. Il s’agit de dates importantes, qui sont extrêmement pertinentes pour l’historique de l’invention concernant le brevet 868.

[227] De plus, les réponses que la Dre Hoffman a données lors de son interrogatoire tenu en février 2022 et lors de son contre-interrogatoire tenu devant notre Cour ne concordaient pas. La mémoire de la Dre Hoffman s’est grandement améliorée entre février 2022 et la date de la présente instruction, soit dans un intervalle d’environ dix mois, ce qui, selon elle, est attribuable à la relecture de documents et de communications.

[228] Au cours de la présente instruction, il a été mentionné que la Dre Hoffman avait participé à un litige antérieur concernant le brevet 868 en 2017 et 2018. Son témoignage dans cette affaire n’a pas été fourni à la Cour en l’espèce, mais il soulève des questions quant à sa mémoire et ses souvenirs. Cela est d’autant plus vrai qu’elle a déclaré à plusieurs reprises que cela faisait presque 20 ans qu’elle n’avait pas examiné le brevet 868. Ni les documents qu’elle a consultés pour raviver sa mémoire ni le témoignage qu’elle a rendu lors du litige antérieur n’ont été fournis à la Cour. Elle était toutefois catégorique lorsqu’elle a présenté ses explications.

[229] Je retiens les affirmations factuelles de la Dre Hoffman et de M. Noertersheuser selon lesquelles Abbott a réalisé la modélisation PK/PD, ainsi que les essais cliniques. Cependant, j’écarte leurs affirmations selon lesquelles le schéma posologique, la modélisation PK/PD et les préoccupations en matière d’innocuité étaient aussi importants et complexes qu’ils le prétendent.

B. Interprétation des revendications

a) Dr John Marshall — AbbVie

[230] Le Dr Marshall s’est avéré un expert brillant et intelligent, qui connaissait bien le domaine de la gastro-entérologie. Cependant, il a refusé de concéder quoi que ce soit – même lorsqu’il avait manifestement tort ou s’était trompé. Par exemple, il a collaboré au comité de lecture d’une revue scientifique, mais il a déclaré que celle-ci était une revue à facteur d’impact moyen et que l’article était erroné. Il a émis des réserves quant aux déclarations contenues dans ses rapports, ce qui a nui à son témoignage. À mon avis, il a souvent exagéré les résultats, à son détriment. Néanmoins, dans l’ensemble, il s’est révélé un témoin sincère et bien informé. J’accorde un poids modéré à son témoignage.

[231] Selon le Dr Marshall, la personne versée dans l’art visée par le brevet 868 est une équipe composée des personnes suivantes :

  • 1)un gastro-entérologue possédant une expérience clinique du traitement de la maladie de Crohn et de la colite ulcéreuse;

  • 2)un pharmacologue possédant une expérience en pharmacocinétique et en pharmacodynamie des anticorps monoclonaux et d’autres agents biologiques immunomodulateurs.

[232] Dans ses rapports d’expert et son témoignage, il présentait le point de vue du gastro-entérologue compétent faisant partie de l’équipe.

[233] Selon le témoignage du Dr Marshall, il n’y avait dans les pièces d’art antérieur aucune étude qui indiquait que l’adalimumab aurait une efficacité quelconque dans le traitement de la maladie de Crohn ou de la colite ulcéreuse. Il a affirmé qu’il y avait un écart important entre l’état de la technique et les revendications du brevet 868, et que, en avril 2004, un gastro-entérologue compétent n’aurait pas été convaincu de l’efficacité et de l’innocuité de l’adalimumab pour le traitement des MII.

[234] Dans son rapport sur l’interprétation des revendications et la contrefaçon, le Dr Marshall s’est concentré sur l’évaluation clinique portant sur la maladie de Crohn lorsqu’il a traité des connaissances générales courantes, et il a fourni des pièces d’art antérieur à l’appui. En particulier, il s’est appuyé sur cinq articles scientifiques publiés dans une revue à comité de lecture. Ces articles scientifiques ont été cités en référence pour étayer l’évaluation clinique, telle que l’évaluation du score d’activité de la maladie de Crohn (CDAI) et l’utilisation du score Mayo : voir, par exemple, G Harriman, L Harper, T Schaible, « Summary of Clinical Trial in Rheumatoid Arthritis Using Infliximab, an Anti-TNFa Treatment », (1999) Ann Rheum Dis 58 (suppl 1) : 161-164 [article de 1999 du Dr Harriman]; S Targan, S Hanauer, et al, « A Short-Term Study of Chimeric Monoclonal Antibody cA2 to Tumor Necrosis Factor a for Crohn’s Disease » (1997) 337:15 N Eng J Med 1029-1035 [article de 1997 du Dr Targan]. En contre-interrogatoire, le Dr Marshall a reconnu qu’il existait divers autres scores de la mesure de résultats pour la colite ulcéreuse.

[235] Le deuxième rapport en réponse sur la validité produit par le Dr Marshall traite plus en détail des connaissances générales courantes. Dans l’ensemble, le témoignage du Dr Marshall concernant les connaissances générales courantes était légèrement marqué par une vision étroite et était axé sur les aspects négatifs des pièces d’art antérieur. Bien qu’il ait expliqué qu’en date du 9 avril 2004, les inhibiteurs du TNFα constituaient une [traduction] « classe émergente » pour traiter certaines maladies inflammatoires, il a déclaré que les traitements par TNFα apportaient [traduction] « plus de questionnements que de succès » (rapport d’octobre du Dr Marshall, au para 85).

[236] D’après le Dr Marshall, les agents biologiques anti-TNFα étaient, en avril 2004, assortis d’effets secondaires et l’on craignait que les patients ne développent des ADA. Il a appuyé son affirmation sur les deux articles suivants :

  • oHanauer et al, « Maintenance infliximab for Crohn’s disease; the ACCENT 1 randomised trial. » Lancet (2002) 359(9317):1541-1549 [article de 2002 du Dr Hanauer];

  • oSandborn et al, « Infliximab in the treatment of Crohn’s disease: a user’s guide for clinicians. » AM J Gastroenterol (2002) 97(12): 2962-2972, à la p 2969 [article de 2002 du Dr Sandborn].

[237] Le Dr Marshall a expliqué que la nécessité de trouver la bonne dose pour équilibrer la formulation des ADA et la perte totale de réponse au traitement anti-TNFα était soulignée dans l’article de 2002 du Dr Sandborn. Le Dr Marshall s’est en outre appuyé sur un autre article, à savoir Sandborn et al, « Etanercept for active Crohn’s disease: a randomized, double-blind, placebo controlled trial », Gastroenterology (2001) 121: 1088-1094, à la p 1093 [article de 2001 du Dr Sandborn], pour conclure que les différences qui entraîneraient un manque d’efficacité de l’étanercept n’étaient pas clairement motivées. Malgré l’échec de l’étanercept mentionné dans l’article de 2001 du Dr Sandborn, le Dr Marshall a admis que cet échec ne constituerait pas un motif pour dissuader quiconque d’explorer les agents biologiques TNFα dans le traitement de la maladie de Crohn.

[238] En fait, comme l’a reconnu le Dr Marshall en contre-interrogatoire, le Dr Sandborn et d’autres scientifiques ont continué d’étudier les inhibiteurs du TNFα : voir, par exemple, l’article de 2002 du Dr Sandborn; Van Deventer, « Transmembrane TNF-α, Induction of Apoptosis, and the Efficacy of TNF-Targeting Therapies in Crohn’s Disease »: Gastroenterology (2001) 121(5): 1242-1246, à la p 1242 [éditorial de 2001 du professeur Van Deventer].

[239] L’article, dont la référence est W J Sandborn et al, « An engineered human antibody to TNF (CDP571) for active Crohn’s disease: a randomized double-blind placebo-controlled trial » (2001) 120:6 Gastroenterology 1330–1338 [article de mai 2001 du Dr Sandborn], s’est avéré important lors du contre‑interrogatoire du Dr Marshall. Celui-ci s’est appuyé sur cet article, lequel constituait la pièce F jointe à son rapport en réponse sur la validité, pour expliquer pourquoi Celltech avait procédé avec la dose constante de 10 mg/kg dans l’essai de phase III portant sur 396 patients, qui n’a pas montré d’efficacité à long terme dans le traitement de la maladie de Crohn. Cependant, lors de son contre-interrogatoire, le Dr Marshall a d’abord reconnu que l’article montrait que la dose de 10 mg/kg ne permettait pas d’obtenir un meilleur taux de réponse que la dose de 20 mg/kg au bout de deux semaines. L’avocat de JAMP a réagi en soulignant que le rapport d’expert du Dr Marshall comportait un énoncé, selon lequel la dose de 10 mg/kg permettait d’obtenir un [traduction] « meilleur taux de réponse » au bout de deux semaines, qui était erroné. Au lieu de concéder ce point, particulièrement compte tenu de sa réponse antérieure, le Dr Marshall a tenté de faire marche arrière, déclarant que [traduction] « seule la dose de 10 mg/kg avait donné des résultats nettement supérieurs à ceux du placebo après deux semaines » (transcription de l’audience tenue le 16 novembre, à la p 428).

b) Mme Mould — AbbVie

[240] La crédibilité de Mme Mould a également été mise à l’épreuve. Elle a fait preuve d’une vision étroite à l’égard du brevet 868, quoiqu’elle était davantage disposée à concéder certains points et à admettre les erreurs signalées par les avocats de JAMP.

[241] Le défaut de Mme Mould de révéler qu’elle avait participé à un litige antérieur concernant la demande à l’origine du brevet 868 a le plus nui à sa crédibilité. Elle avait déjà témoigné en qualité d’expert pour le compte d’AbbVie concernant une demande de brevet américain dont l’objet était semblable à celui du brevet 868. Elle a admis ne pas avoir divulgué le contenu de son avis précédent. Les avocats d’AbbVie ont dit qu’une déclaration portant que Mme Mould avait déjà travaillé pour AbbVie dans le domaine des brevets était suffisante, mais je ne suis pas d’accord (observations finales d’AbbVie, au para 121). Il faut déclarer toute participation directe en ce qui concerne les brevets au sujet desquels la Cour doit se prononcer. Mme Mould a témoigné de vive voix devant moi après cette révélation, et j’ai constaté que ses réponses n’éclairaient plus la Cour et qu’elle était clairement ébranlée. Comme je l’ai fait pour le témoignage de Mme Baughman qui présentait des problèmes similaires (voir ci‑après), j’accorderai un poids modéré à son témoignage.

[242] Malgré tout, Mme Mould a donné des renseignements utiles concernant le brevet 868. À son avis, la personne versée dans l’art visée par le brevet 868 serait une équipe de personnes possédant deux compétences principales :

  • 1)un gastro-entérologue possédant une expérience clinique du traitement des MII;

  • 2)un pharmacologue détenant un diplôme d’études supérieures en pharmacologie et une expérience en pharmacocinétique et en pharmacodynamie des AcM et d’autres agents biologiques immunomodulateurs.

[243] Lors de son contre-interrogatoire, Mme Mould a expliqué qu’il était très probable que le pharmacologue versé dans l’art ait quelques années d’expérience, bien qu’il soit vraisemblable à son avis que cette personne ait une année d’expérience.

[244] Dans son rapport et son témoignage, elle présentait le point de vue du pharmacologue versé dans l’art faisant partie de l’équipe.

[245] Mme Mould a expliqué que, en date du 9 avril 2004, les connaissances générales courantes du pharmacologue versé dans l’art auraient compris les principes généraux de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamie, ainsi que des connaissances de base sur la conception de schémas posologiques et la modélisation pharmacocinétique. Le pharmacologue versé dans l’art posséderait aussi des renseignements sur les inhibiteurs du TNFα disponibles, notamment sur le fait qu’ils présentent des profils pharmacologiques et des risques différents de ceux des médicaments à petites molécules.

[246] Mme Mould a en outre précisé ce que le pharmacologue versé dans l’art comprendrait au sujet de la conception d’un schéma posologique, notamment les facteurs à prendre en compte, tels que la voie d’administration, l’approche fondée sur la dose, l’intervalle entre les doses et la quantité de la dose. De plus, elle a déclaré que le pharmacologue versé dans l’art serait au courant de maladies telles que les MII, bien qu’il s’adresserait à un gastro-entérologue pour l’évaluation clinique. Enfin, Mme Mould a indiqué que les connaissances générales courantes du pharmacologue versé dans l’art n’auraient pas été sensiblement différentes le 26 septembre 2005 (soit à la date de publication).

c) Mme Baughman — JAMP

[247] Le témoignage de Mme Baughman s’est avéré problématique lorsqu’il a été mentionné lors de son contre-interrogatoire qu’elle avait déjà présenté une preuve d’expert dans une autre affaire concernant le brevet 868. À titre d’information, c’est par le biais d’un autre litige que Mme Baughman en est venue à participer au présent litige. Vers juillet 2021, un avocat américain l’a contactée relativement à une instance aux États-Unis entre Alvotech Hf et AbbVie. Elle a donné son avis sur la façon dont, le 9 avril 2004, un pharmacologue versé dans l’art aurait choisi le dosage et les doses ou schémas posologiques pour un médicament contenant de l’adalimumab destiné au traitement des MII. Vers 2022, on l’a informée que l’instance aux États-Unis était terminée. L’avis que Mme Baughman avait fourni aux avocats américains a été joint au rapport d’expert qu’elle a présenté en l’espèce.

[248] Lors de son contre-interrogatoire, Mme Baughman a déclaré qu’elle n’avait pas examiné les revendications du brevet 868 ou le schéma posologique avant de fournir son avis. Cependant, toujours en contre-interrogatoire, un des avocats d’AbbVie lui a montré l’affidavit de 2018, qui révélait qu’elle avait fourni un avis d’expert pour le compte de Samsung Bioepsis dans le cadre d’un litige au Canada concernant le brevet 868. L’affidavit de 2018 montre que Mme Baughman était au courant du schéma posologique divulgué dans le brevet 868 avant de fournir son avis aux avocats américains et son avis en l’espèce. Elle a déclaré qu’elle ne se souvenait pas d’avoir effectué ce travail. AbbVie a fait valoir que cette lacune importante réduisait essentiellement à néant la valeur de son témoignage, puisque cette valeur reposait sur le fait qu’elle devait créer les schémas posologiques dans ses modèles pharmacocinétiques simples sans avoir pris connaissance de ce qui avait été fait.

[249] AbbVie affirme qu’il faut faire abstraction totale du témoignage de Mme Baughman, car il est faux. En outre, AbbVie reproche à Mme Baughman d’avoir produit des paragraphes et des extraits qui ressemblent à ceux qu’a produits le Dr Howden.

[250] Je m’appuie sur le témoignage de Mme Baughman pour le raisonnement qu’il présente, et non pour le fait que cette témoin a été tenue dans l’ignorance. Dans la décision Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada ULC, 2020 CF 1 [Seedlings CF], la Cour fédérale a donné les explications suivantes : « Quel que soit le bien-fondé de cette pratique à d’autres égards, je dois dire que cela n’est pas particulièrement utile pour identifier la personne versée dans l’art, déterminer les connaissances générales courantes et interpréter les revendications » (au para 43). Dans cette décision, le juge Grammond a fait écho au scepticisme exprimé par le juge Locke dans la décision Shire Canada Inc c Apotex Inc, 2016 CF 382, et par le juge Phelan dans la décision Janssen Inc c Apotex Inc, 2019 CF 1355 [Janssen 2019]. Dans la décision Janssen 2019, le juge Phelan a formulé les observations suivantes :

[58] Dans certaines de ses décisions, la Cour privilégie les témoins qui n’ont pas été mis au courant de l’invention. Toutefois, j’estime qu’une trop grande importance est peut-être accordée au fait de soustraire l’invention à la connaissance des témoins. Il peut s’agir d’un facteur à prendre en considération pour décider du poids à accorder à un témoignage, mais la Cour s’intéresse davantage à l’essence de l’opinion et du raisonnement qui sous-tendent les conclusions. À cet égard, ma conclusion est semblable à celle que la Cour a tirée dans Shire Canada Inc c Apotex Inc, 2016 CF 382, 265 ACWS (3d) 456.

[251] De la même manière, je m’intéresse davantage à l’essence de l’opinion de Mme Baughman et à la façon dont cette opinion s’applique à la modélisation PK/PD pour le brevet 868.

[252] Je sais bien qu’AbbVie ne critique pas la notion d’absence de connaissance de l’invention; elle critique plutôt l’incapacité de Mme Baughman à se rappeler qu’elle avait donné son avis concernant le même brevet. Quoique cette incapacité suscite des préoccupations, je suis d’accord avec JAMP pour dire que les trois dernières années furent très stressantes et éprouvantes pour beaucoup de gens. En outre, je sais que cette affaire n’a pas été instruite et que Mme Baughman n’a donc pas témoigné, ce qui l’aurait aidé à s’en remémorer. Je suis d’avis que Mme Baughman ne se souvenait tout simplement pas de son témoignage antérieur. Comme je l’ai mentionné, elle a présenté des excuses et semblait abasourdie par le fait qu’elle avait déjà donné un avis d’expert concernant le brevet 868. Par conséquent, j’estime que son témoignage était crédible et fiable, même si je ne lui accorde qu’un poids modéré. Ce traitement est semblable à celui que j’ai réservé au témoignage de Mme Mould.

[253] Enfin, le témoignage de Mme Baughman dans l’affidavit de 2018 est remarquablement semblable à celui qu’elle a fourni en l’espèce. Contrairement à l’argument d’AbbVie selon lequel le témoignage de Mme Baughman a l’avantage de la sagesse rétrospective, on ne peut que constater la cohérence de ses points de vue et de ses avis dans les deux instances. Voilà une raison de plus de juger crédible et fiable le témoignage de Mme Baughman.

d) Dr Howden — JAMP

[254] Comparativement à la synthèse présentée par le Dr Marshall, le Dr Howden a donné un point de vue beaucoup plus détaillé sur l’art antérieur. Je juge que le témoignage du Dr Howden était posé et dénué d’une vision étroite ou d’embellissements. Il a résisté à un solide contre-interrogatoire, lors duquel sa crédibilité est demeurée intacte. Il a été porté à mon attention que de nombreuses parties de son rapport étaient presque identiques au contenu du rapport de Mme Baughman. Le Dr Howden a affirmé qu’il ne l’avait pas copié, mais que des adaptations ont peut-être été faites étant donné que les avocats ont contribué à la rédaction. Cependant, il a examiné le rapport et jugé qu’il fait état de son avis. Voir mon analyse à ce sujet aux paragraphes 207 à 210 des présents motifs. Le témoignage du Dr Howden a été très utile et je m’appuierai sur celui-ci, sauf indication contraire.

[255] Le Dr Howden a souligné que l’art antérieur ou les connaissances courantes n’ont pas évolué de manière importante au cours de la période d’avril 2004 à septembre 2005. Il a cependant souligné que les médecins auraient utilisé l’infliximab plus fréquemment et se seraient familiarisés davantage avec son utilisation et son innocuité (rapport d’août du Dr Howden, au para 133).

2) Personne versée dans l’art visée par le brevet 868

[256] Dans les cas où il y avait un écart ou désaccord mineur entre les témoins experts qui ont témoigné pour le compte d’une partie donnée, j’ai privilégié l’exigence la moins stricte exprimée par ces experts.

[257] Mme Mould et le Dr Marshall étaient tous deux d’avis que la personne versée dans l’art visée par le brevet 868 serait au moins une équipe. Se fondant sur les témoignages de Mme Mould et du Dr Marshall, AbbVie estime que la personne versée dans l’art serait une équipe composée des professionnels suivants :

  1. un gastro-entérologue possédant une expérience clinique du traitement des MII;

  2. un pharmacologue titulaire d’au moins un diplôme d’études supérieures en pharmacologie, et possédant une expérience (d’au moins un an) de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamie des AcM et d’autres agents biologiques immunomodulateurs;

  3. un clinicien, parce que le traitement d’un trouble lié au TNF est effectué sous la supervision d’un clinicien.

[258] Le Dr Howden et Mme Baughman ont fait preuve de cohérence quant à leur description de la personne versée dans l’art. À leur avis, cette personne serait une équipe composée des professionnels suivants :

  1. un médecin ayant de l’expérience dans le traitement des MII;

  2. une personne participant à la mise au point de schémas posologiques, plus précisément, un clinicien ayant une expérience préalable dans la sélection de doses aux fins d’essais cliniques;

  3. un pharmacologue.

[259] Je conclus que la personne versée dans l’art serait une équipe de personnes possédant les compétences suivantes : un gastro-entérologue ayant une expérience clinique des MII, un pharmacologue détenant un diplôme d’études supérieures et une expérience en pharmacocinétique et en pharmacodynamie des AcM, ainsi que dans l’élaboration de schémas posologiques aux fins d’essais cliniques d’un médicament biologique.

3) Art antérieur

[260] Les parties ne s’entendaient pas sur la question de savoir si l’art antérieur ne pouvait nous apprendre que l’adalimumab était efficace pour traiter la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse.

[261] Je résume les principales pièces d’art antérieur ci-après.

a) Efficacité de l’adalimumab

[262] Dès 1999, on savait que [traduction] « les TNFα semblent jouer un rôle central dans la réponse inflammatoire chez les patients atteints de la maladie de Crohn dans sa phase active » : article de 1999 du Dr Harriman; voir également l’article de 1997 du professeur Van Deventer. À la fin des années 1990, plusieurs auteurs ont montré que l’infliximab pouvait être utilisé pour traiter la maladie de Crohn, démontrant ainsi l’importance du TNFα.

[263] Dans un article de synthèse paru en 1999, le Dr Rutgeerts a fait savoir qu’[traduction] « un traitement anti-cytokines dirigé contre le TNFα qui régule à la baisse et contrôle l’activation des cellules effectrices peut jouer un rôle essentiel dans le traitement de la maladie de Crohn » (Rutgeerts, « Review article: efficacy of infliximab in Crohn’s disease – induction and maintenance of remission », Aliment Pharmacology and Therapeutics 1999:13 (suppl 4), 9-15 [article de synthèse de 1999 du Dr Rutgeerts]). Le Dr Rutgeerts est également venu à la conclusion que les objectifs thérapeutiques des patients atteints de la maladie de Crohn nécessitaient à la fois une dose d’induction et une dose d’entretien (article de synthèse de 1999 du Dr Rutgeerts, à la p 10).

[264] Par conséquent, la personne versée dans l’art aurait su que le TNFα constituait une évolution importante dans le traitement de la maladie de Crohn et qu’une dose d’induction et d’entretien pouvait être nécessaire.

[265] Voici les connaissances qui existaient avant 2004 au sujet de plusieurs inhibiteurs du TNFα :

Agent biologique TNFα

Approbation

Essai clinique + demande pour la maladie de Crohn

Infliximab (Janssen)

Approuvé pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR) et de la maladie de Crohn

  • S’est avéré sûr et efficace pour le traitement de la maladie de Crohn.

  • Posologie utilisée :

    • oTraitement d’induction et d’entretien, au moyen d’une « induction à trois doses », soit :

    • oune dose d’induction de 5 mg/kg aux semaines 0, 2 et 6;

    • oune dose d’entretien de 5 mg/kg toutes les 8 semaines par la suite.

(voir la notice de REMICADE [infliximab], 2002)

Étanercept (Immunex/Amgen/aussi appelé ENBREL)

Utilisation approuvée dans le traitement de la PR

  • L’étanercept a été jugé sûr, mais inefficace pour les patients atteints de la maladie de Crohn.

  • Utilisation du même schéma posologique d’entretien que pour les patients atteints de PR

(voir la notice d’ENBREL, 1998; article de 2001 du Dr Sandborn, à la p 1088)

CDP571 Celltech

Aucune approbation

  • À l’étude pour le traitement de la maladie de Crohn

  • Il a été signalé que [traduction] « le CDP571 est efficace pour induire une amélioration clinique et permet l’épargne des stéroïdes chez les patients atteints de la maladie de Crohn en phase active et dépendante des stéroïdes ».

  • En août 2003, on a annoncé que Celltech abandonnait son traitement de la maladie de Crohn.

(voir Sandborn, « Strategies for targeting tumour necrosis factor in IBD ». Best Practice & Research Clinical Gastroenterology (2003); 17(1): 105-117, à la p 115 [article de février 2003 du Dr Sandborn]; Simon Bowers, « Celltech hit by failure of Crohn’s disease drug » The Guardian (20 août 2003), en ligne : <theguardian.com>)

CDP870

Aucune approbation

  • Une étude de phase II sur la maladie de Crohn en phase active a révélé des avantages à court terme significatifs au bout de 2 semaines pour les doses sous-cutanées de CDP870 de 100, 200 et 400 mg comparativement au placebo.

  • Aucune différence significative entre le CDP870 à l’une des trois doses et le placebo n’a été observée au bout de 12 semaines chez les patients soumis à un traitement d’entretien toutes les 4 semaines.

(voir Sandborn, « Optimizing anti-tumour necrosis factor strategies in inflammatory bowel disease ». Curr Gastroenterol Rep (2003); 5(6): 501-505, à la p 504 [article de 2003 du Dr Sandborn])

Onercept (récepteur p55 du facteur de nécrose tumorale)

Aucune approbation

  • La conclusion est que [traduction] « la neutralisation de l’activité du facteur de nécrose tumorale-α [...] peut être utile dans le traitement des patients atteints de la maladie de Crohn ».

  • Des essais contrôlés par placebo de plus grande envergure ont été recommandés.

(voir Rutgeerts et al, « Treatment of active Crohn’s disease with onercept (recombinant human soluble p55 tumour necrosis factor receptor): results of a randomized, open label, pilot study ». Aliment Pharmacol Ther (2003) 17:2: 185-192, à la p 185)

[266] Le Dr Howden a expliqué que, bien que l’étanercept ait échoué, ces études avaient été menées en utilisant la posologie destinée à la polyarthrite rhumatoïde. Il a souligné que selon le professeur Van Deventer, une posologie plus élevée, ou plus fréquente, pourrait être nécessaire pour traiter la maladie de Crohn.

[267] Les propres documents d’AbbVie montrent également que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[268] Le Dr Marshall a affirmé que l’art antérieur ne faisait pas état du succès de l’adalimumab dans le traitement de la maladie de Crohn, surtout compte tenu des études du Dr Sandborn. Plus précisément, il s’est dit d’avis que les personnes versées dans l’art avaient des attentes moindres en matière de réussite compte tenu de l’article de 2001 du Dr Sandborn. Toutefois selon JAMP, la mise au point de l’adalimumab continuait de susciter intérêt et espoir. En particulier, le Dr Sandborn n’a pas exclu la possibilité que l’étanercept soit efficace dans le traitement de la maladie de Crohn.

[269] Je retiens l’opinion selon laquelle les études du Dr Sandborn n’écartaient pas l’adalimumab, et que les personnes versées dans l’art avaient toujours intérêt à poursuivre l’utilisation de l’adalimumab dans le traitement de la maladie de Crohn. Cet élément est appuyé par ||||||||||, une étude du Dr Sandborn menée par des chercheurs. Le Dr|||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

b) Mécanisme d’action

[270] Selon le Dr Marshall, bien que l’on ait formulé l’hypothèse que le TNFα était important, le mécanisme d’action était inconnu : Hendrik M van Dullemen et al, « Treatment of Crohn’s disease with anti-tumor necrosis factor chimeric monoclonal antibody (cA2) » (1995) 109:1 Gastroenterology 129–135 [article de 1995 du Dr van Dullemen].

[271] Je reconnais que dans son article de 1995, le Dr van Dullemen expliquait que le mécanisme d’action de l’infliximab était inconnu dans la maladie de Crohn. Cependant, en 2004, on savait que l’infliximab et l’adalimumab étaient des inhibiteurs du TNFα, qui étaient des anticorps IgG1. D’après l’article de 1997 du Dr Targan, [traduction] « l’anticorps monoclonal cA2 est une IgG1 chimérique souris-humain » (à la p 1030). L’infliximab est un anticorps monoclonal chimérique. Dans son article de 2003, le Dr Sandborn expliquait également que l’infliximab et l’adalimumab étaient des anticorps monoclonaux de IgG1.

[272] Les Drs Papadakis et Targan ont expliqué que, à partir de 2000, le rôle pathogène du TNF avait été mis en cause à la fois dans la polyarthrite rhumatoïde et la maladie de Crohn : K A Papadakis et S R Targan, « Tumor necrosis factor: biology and therapeutic inhibitors » (2000) 119:4 Gastroenterology 1148-1157. En outre, selon ces deux auteurs, plusieurs sources de données indiquaient que le TNF avait joué un [traduction] « rôle central » dans la pathogenèse de l’inflammation des muqueuses dans la maladie de Crohn (à la p 1151).

[273] Les parties ne s’entendaient pas sur l’importance et la pertinence de l’apoptose des lymphocytes T. En 2003, on savait que l’infliximab induisait l’apoptose des lymphocytes T, alors qu’on ignorait si c’était le cas pour l’adalimumab. Selon AbbVie, même si JAMP prétend que l’infliximab et l’adalimumab sont similaires, le Dr Marshall a dit que, comme on ne savait pas si l’adalimumab induisait l’apoptose des lymphocytes T, les similitudes dans le mécanisme d’action n’étaient pas connues à l’époque. AbbVie soutient que la compréhension de l’apoptose des lymphocytes T est une considération importante pour comprendre les aspects clés du mécanisme d’action de l’adalimumab.

[274] D’après l’art antérieur, il semble que l’apoptose des lymphocytes T était une considération importante : éditorial de 2001 du professeur Van Deventer. Dans cet éditorial, le professeur Van Deventer traitait également du mécanisme d’action et des répercussions pour l’élaboration future de stratégies ciblant le TNF dans la maladie de Crohn. Il concluait que [traduction] « […] l’efficacité thérapeutique des anticorps neutralisant le TNFα dans la maladie de Crohn [était] liée à l’apoptose des cellules cibles exprimant le TNFα plutôt qu’à la neutralisation du TNFα soluble » (à la p 1244). Il reconnaissait toutefois que la liaison au TNFα membranaire était un mécanisme important (à la p 1245).

[275] Le Dr Marshall et le Dr Howden ne s’entendaient pas au sujet de l’article de 2003 du Dr Sandborn et des répercussions sur les connaissances générales courantes en 2004. J’ai fait un tableau (ci-après) qui résume les observations du Dr Sandborn sur les mécanismes d’action des différents agents biologiques anti-facteur de nécrose tumorale. Après avoir examiné les renseignements connus à l’époque, le Dr Sandborn a conclu que [traduction] « l’efficacité du traitement anti-TNF administré à des patients non sélectionnés atteints de la maladie de Crohn [était] liée à la capacité de la molécule à induire l’apoptose des lymphocytes T » (à la p 502).

Agent biologique anti-facteur de nécrose tumorale

Efficacité

Type d’anticorps

Liaisons

Fixation du complément

Induction de l’apoptose des lymphocytes T?

Infliximab

Efficace chez les patients atteints de la maladie de Crohn

AcM chimérique de type IgG1

TNF soluble et membranaire

Fixe le complément

Oui

Étanercept

Inefficace pour la maladie de Crohn

Protéine de fusion, composée d’un fragment d’anticorps Fc humain de l’IgG1

TNF soluble et membranaire

Ne fixe pas le complément

N’induit pas l’apoptose des lympho-cytes T

CDP571

Effet modeste à court terme, mais pas de rémission de la maladie de Crohn

AcM de type IgG1 humanisé

TNF soluble et membranaire

Fixation du complément ou médiation de l’ADDC (cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps) non attendue

Inconnu

CDP870

Efficacité modeste à court terme, mais l’effet est plus prononcé chez les patients présentant une concentra-tion élevée de CRP au départ.

Fragment de liaison à l’antigène (Fab) humanisé couplé au polyéthylène glycol

TNF soluble et membranaire

Fixation du complément ou médiation de l’ADDC non attendue.

Inconnu

Adalimumab

Aucune information sur l’efficacité pour la maladie de Crohn

AcM de type IgG1 entièrement humain

TNF soluble et membranaire

Fixe le complément et assure la médiation de l’ADDC

Inconnu

Onercept

Selon une petite étude pilote, une dose plus élevée produit des effets accrus.

Récepteur p55 du TNF entièrement humain

TNF soluble et membranaire

Aucune fixation du complément ou médiation de l’ADDC

Inconnu

[276] Curieusement, l’apoptose des lymphocytes T n’était pas un point crucial pour le Dr Marshall et le DHowden; leur différend n’a été soulevé que lors des observations finales. Il m’est donc difficile de déterminer avec certitude si la connaissance de l’induction de l’apoptose des lymphocytes T aurait incité la personne versée dans l’art à ne pas poursuivre l’utilisation de l’adalimumab. Le Dr Marshall a affirmé que cet élément était pertinent pour comprendre le mécanisme d’action, s’appuyant sur la déclaration faite en 2001 par le Dr Sandborn selon laquelle [traduction] « la liaison au TNF transmembranaire avec apoptose subséquente des lymphocytes T peut être importante pour assurer l’efficacité ». Me fondant sur les articles du Dr Sandborn, j’estime que l’apoptose des lymphocytes T aurait constitué une considération pertinente pour la personne versée dans l’art.

[277] Cela dit, on ne savait pas si l’adalimumab induisait l’apoptose des lymphocytes T. Par conséquent, je conclus que la personne versée dans l’art n’aurait pas été dissuadée de poursuivre avec l’adalimumab en raison de l’échec de l’étanercept, puisque le mécanisme d’action de l’adalimumab était inconnu à l’époque.

c) Innocuité de l’adalimumab

[278] En matière d’innocuité, l’art antérieur indique clairement que les inhibiteurs du TNFα, tels que l’étanercept, étaient sûrs dans les études. Par exemple, l’article de 2001 du Dr Sandborn révélait que l’étanercept et le placebo présentaient une innocuité similaire, et qu’il n’y avait pas de différences significatives entre les deux.

[279] La Dre Hoffman et les témoins experts étaient d’accord pour dire qu’en avril 2004, un clinicien aurait su que le TNFα avait été étudié et déjà approuvé pour le traitement de la maladie de Crohn. Toutefois, AbbVie et JAMP ne s’entendent sur la question de savoir si l’on savait que l’adalimumab était sûr et efficace pour traiter cette maladie.

[280] D’après l’art antérieur, on savait dès 2004 que l’adalimumab était sûr et efficace. De nombreuses études cliniques et études soumises à un comité de lecture portant sur l’adalimumab ont conclu à son innocuité et à son efficacité : J Kempeni, « Update on D2E7: a fully human anti-tumour necrosis factor α monoclonal antibody » (2000) 59:Suppl 1 Ann Rheum Dis i44–i45; Schattenkirchner et al, « Long-Term Use of the Fully Human Anti-TNF Antibody D2E7 in Combination with Methotrexate in Active Rheumatoid Arthritis », Arthritis & Rheumatism (2000) [article de 2000 du professeur Schattenkirchner]; 43(9 suppl):S228, résumé 968; Weisman et al, « A dose escalation study designed to demonstrate the safety, tolerability and efficacy of the fully human anti-TNF antibody, D2E7, given in combination with methotrexate (MTX) in patients with active RA », Arthritis & Rheumatism (2000)43 (9 suppl 1):S391, résumé 1948; van de Putte et al, « One Year Efficacy Results of the Fully Human Anti-TNF Antibody D2E7 in Rheumatoid Arthritis », Arthritis & Rheumatism (2000) 43(suppl):S269, résumé 1218; Michael H Weisman et al, « Efficacy, pharmacokinetic, and safety assessment of adalimumab, a fully human anti-tumor necrosis factor-alpha monoclonal antibody, in adults with rheumatoid arthritis receiving concomitant methotrexate: a pilot study » (2003) 25:6 Clin Ther 1700–1721.

[281] Le plan d’élaboration d’Abbott concernant HUMIRA montre que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||

[282] Pourtant, Mme Mould a affirmé que le pharmacologue versé dans l’art aurait su qu’une dose d’attaque ou une dose d’induction s’accompagnait de risques liés à l’innocuité (rapport de Mme Mould, au para 176). Les préoccupations relatives à l’innocuité figuraient sur l’étiquette de HUMIRA, dans l’encadré noir. La mise en garde portait sur un risque d’infection tuberculeuse. Goodman et Gilman ont expliqué que l’administration d’une dose d’attaque peut avoir des inconvénients importants.

[283] En revanche, le Dr Howden a dit que l’adalimumab aurait été considéré comme un médicament sûr en avril 2004 (rapport du Dr Howden, au para 194). À son avis, les doses d’attaque de 160 mg et de 80 mg du schéma posologique se situaient dans l’intervalle précédent des doses d’adalimumab pour le traitement des MII. Il s’est appuyé sur le brevet 459 et l’article de van de Putte et al, « A Single Dose Placebo Controlled Phase I Study of the Fully Human Anti‐TNF Antibody D2E7 in Patients with Rheumatoid Arthritis », Arthritis & Rheumatology (1998) 41:(Supp S57) (cité à la page 54 du rapport du Dr Howden).

d) Posologie de l’adalimumab

[284] Mme Mould a affirmé que le domaine existant des inhibiteurs du TNFα aurait incité le pharmacologue versé dans l’art à ne pas utiliser une dose d’attaque ou d’induction.

[285] Elle a soulevé cinq points à l’appui de son affirmation. Premièrement, elle a expliqué que l’étanercept et le CDP571 n’étaient pas employés à des doses d’induction ou d’attaque. Deuxièmement, elle a expliqué que le pharmacologue versé dans l’art aurait su que la dose et le schéma d’un AcM donné doivent faire l’objet d’un essai empirique et qu’ils ne peuvent pas être extrapolés à partir d’un autre AcM. Troisièmement, malgré le fait que le traitement par REMICADE prévoyait une dose d’induction pour la maladie de Crohn, l’étanercept n’avait pas fait l’objet d’une mise à l’essai d’un schéma posologique d’attaque ou d’induction. Quatrièmement selon Mme Mould, le pharmacologue versé dans l’art se serait appuyé sur les schémas posologiques de l’infliximab pour déterminer la posologie de l’adalimumab pour le traitement des MII, il aurait essayé une dose plus élevée que la dose approuvée de 40 mg dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde sans phase d’induction. Cinquièmement, elle a affirmé que l’augmentation de la dose n’entraînait pas nécessairement l’induction d’une rémission d’une MII ou d’une maladie en particulier.

e) Administration par voie sous-cutanée

[286] Mme Mould a fourni des pièces d’art antérieur décrivant le processus d’absorption après une administration par voie sous-cutanée : Malcolm Rowland et Thomas Tozer, Clinical Pharmacokinetics: Concepts and Applications, 3e éd, Philadelphie, Lippincott Williams & Wilkins, 1995, ch 1, 4 et 7. Par exemple, dans C J Porter et S A Charman, « Lymphatic transport of proteins after subcutaneous administration » (2000) 89:3 J Pharm Sci 297–310, les auteurs indiquent que la biodisponibilité d’un médicament administré par voie sous-cutanée est habituellement inférieure à celle du même médicament administré par voie intraveineuse, parce qu’une certaine quantité de médicament est perdue au point d’injection et pendant le processus d’absorption.

[287] Mme Baughman a également fourni des pièces d’art antérieur démontrant que l’administration par voie sous-cutanée de l’adalimumab était reconnue pour être sûre et efficace avant 2004 : Schattenkirchner et al, « Efficacy and Tolerability of Weekly Subcutaneous Injections of the Fully Human Anti-TNF-Antibody D2E7 in Patients with Rheumatoid Arthritis-Results of a Phase I Study » (1998) Arthritis & Rheumatism, en ligne : <https://www.semanticscholar.org/paper/EFFICACY-AND-TOLERABILITY-OF-WEEKLY-SUBCUTANEOUS-OF-Schattenkirchner-Kr%C3%bcger/2b7d77f1a970f27c9a771a3f98dba2f7c4816eab>; article de 2000 du professeur Schattenkirchner.

4) Connaissances générales courantes visées par le brevet 868

[288] Les deux parties conviennent que, en 2004, il n’existait aucun remède contre la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse, et c’est même le cas aujourd’hui. Par conséquent, l’objectif du traitement avant 2004 était d’induire et de maintenir la rémission. En fait, la rémission signifie qu’un patient ne présentera aucun symptôme important. Cet objectif de traitement demeure le même aujourd’hui.

[289] Je conclus que, en 2004, les connaissances générales courantes correspondaient à ce qui suit :

Connaissances générales courantes en avril 2004

· L’adalimumab était considéré comme un médicament sûr.

· La littérature décrivait certaines études cliniques qui avaient été réalisées avec l’adalimumab en lien avec la polyarthrite rhumatoïde, notamment des études d’innocuité de phase I et des études d’établissement de doses de phase II.

· La personne bien au fait de l’art antérieur aurait su qu’il existait d’autres inhibiteurs biologiques du TNFα.

· En 2002, l’infliximab était approuvé pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et de la maladie de Crohn.

· L’étanercept était sans danger, mais inefficace pour le traitement de la maladie de Crohn.

· On ne savait pas si l’adalimumab induisait l’apoptose des lymphocytes T, mais la personne versée dans l’art n’aurait pas été dissuadée de poursuivre les travaux sur l’adalimumab, étant donné que l’infliximab avait des caractéristiques semblables à l’adalimumab et que les deux sont des anticorps IgG.

· D’après le brevet canadien 2,243,459 (le brevet 459), délivré le 17 septembre 2002, [traduction] « […] les anticorps humains, et les parties d’anticorps, de l’invention peuvent également être utilisés pour traiter des troubles intestinaux, comme la maladie intestinale inflammatoire idiopathique, qui comprend deux syndromes, la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse ».

· Il a été rapporté publiquement que l’adalimumab était utilisé dans les essais de phase II/III pour le traitement de la maladie de Crohn.

· Les articles du Dr Sandborn faisant état des essais Classic II et III auraient fait partie des connaissances générales courantes.

 

· Un clinicien aurait su que, lorsqu’il traite une MII, une dose d’entretien est insuffisante et qu’une dose d’induction serait nécessaire pour maîtriser rapidement la maladie.

5) Interprétation des revendications

[290] La date pertinente pour l’interprétation des revendications du brevet 868 est la date de sa publication. Le brevet 868 a été publié le 26 septembre 2005.

[291] Chacun des termes des revendications du brevet 868 employé dans une revendication identifiée par un numéro précis constitue un élément essentiel de cette revendication. De plus, chacune des revendications peut être interprétée selon son sens ordinaire.

[292] La revendication 1 est une revendication indépendante; les autres sont des revendications dépendantes.

[293] Le seul différend véritable entre les parties porte sur la définition du terme [traduction] « traiter » employé dans la revendication 1.

[294] Selon AbbVie, le terme [traduction] « traiter » s’entend d’une réponse clinique sûre et significative, y compris la rémission. Pour déterminer s’il y a rémission clinique, il faut d’après AbbVie (Dr Marshall) que les scores d’activité de la maladie de Crohn (CDAI) et le score Mayo soient utilisés. Selon l’interprétation du Dr Howden et de Mme Baughman, ce terme [traduction] « s’entend de l’obtention d’un certain effet ou avantage thérapeutique, sans qu’un niveau ou une durée d’efficacité en particulier ne soit requis » (JAMP, observations finales, au para 57).

[295] AbbVie fait valoir que, en contre‑interrogatoire, Mme Baughman était d’accord avec le Dr Marshall. JAMP soutient que, en contre-interrogatoire, le Dr Marshall était d’accord avec le Dr Howden et Mme Baughman.

[296] Je fais mienne l’interprétation des experts de JAMP, car, même selon son sens ordinaire, le fait de traiter ne permet pas toujours d’obtenir un résultat significatif. Le terme [traduction] « traiter » signifie atteindre certains résultats thérapeutiques, mais n’exige pas une durée ou un résultat particulier.

[297] Traiter ne signifie pas obtenir une réponse clinique significative, et je ne retiens pas la définition du Dr Marshall selon laquelle il doit y avoir un [traduction] « certain effet thérapeutique » (rapport du Dr Marshall, au para 91). Le terme [traduction] « traiter » signifie qu’un médecin administre ou prescrit de l’adalimumab à un patient atteint d’une MII selon le schéma posologique du brevet.

[298] Les éléments essentiels des revendications sont cumulatifs. La première revendication exige la combinaison de plusieurs seringues préremplies, de divers dosages, qui sont utilisées pour l’administration conformément au calendrier posologique de la revendication au moyen d’injections sous-cutanées. L’invention revendiquée est un schéma posologique pour le traitement de la maladie de Crohn et de la colite ulcéreuse.

C. Invalidité

1) Évidence

[299] La date pertinente pour analyser l’évidence est la date de la revendication, comme le prescrit l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. La date de la revendication applicable est la date de priorité revendiquée dans le brevet 868, soit le 9 avril 2004.

[300] AbbVie fait valoir que les revendications du brevet 868 ne sont pas évidentes, car rien dans l’état de la technique ne déterminait l’innocuité, l’efficacité, la pharmacocinétique ou la pharmacodynamie de l’adalimumab dans la MII, ni n’indiquait une quelconque posologie pour le traitement. AbbVie soutient que JAMP est influencée par la sagesse rétrospective et qu’elle ne tient pas compte du climat d’incertitude important auquel sont exposés les inhibiteurs du TNFα. Abbvie prétend en outre que le schéma posologique ne constituait pas un essai allant de soi dans les circonstances.

[301] Selon JAMP, il allait « plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention » et la connaissance publique selon laquelle Abbott participait à des essais cliniques de phase II/III sur l’adalimumab dans le traitement de la maladie de Crohn témoignait de la confiance d’Abbott. JAMP indique également que, en date du 9 avril 2004, d’autres inhibiteurs du TNFα avaient été mis à l’essai chez des patients atteints de la maladie de Crohn au moyen d’un schéma posologique d’attaque.

[302] La question qui se pose est celle de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art d’arriver au schéma posologique revendiqué dans le brevet 868 pour le traitement de la maladie de Crohn et de la colite ulcéreuse. La personne versée dans l’art qualifiée mais peu imaginative serait-elle arrivée directement et sans aucune difficulté à la solution qu’enseigne le brevet 868?

[303] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il allait de soi de faire l’essai du schéma posologique revendiqué dans le brevet 868 dans les circonstances.

a) Était-il évident que l’adalimumab serait sûr et efficace dans le traitement des MII?

[304] AbbVie soulève deux points pour étayer son argument selon lequel il n’était pas évident que l’adalimumab serait sans danger pour le traitement des MII. Premièrement, AbbVie explique que dans le domaine de la gastro-entérologie, 70 % des essais cliniques échouent. S’appuyant sur ce fait, sur l’échec du CDP571, et sur le résumé du Dr Marshall quant à l’incertitude des inhibiteurs du TNFα, AbbVie soutient qu’une incertitude planait sur l’efficacité de l’adalimumab. Deuxièmement, AbbVie souligne que même si l’adalimumab était efficace pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, on ne savait pas s’il le serait pour une maladie tout à fait distincte.

[305] JAMP prétend que, en 2004, des études cliniques avaient été publiées sur l’efficacité et l’innocuité de l’adalimumab pour traiter des patients atteints de la polyarthrite rhumatoïde soumis à un intervalle posologique et différentes voies d’administration. Elle s’appuie sur les études DE005, DE007 et DE009 pour étayer sa prétention. Elle renvoie également aux brevets d’Abbott et aux demandes de brevet qu’elle a présentées, dans lesquels l’efficacité de l’adalimumab pour le traitement des MII et les intervalles posologiques auxquels il serait efficace étaient divulgués.

[306] À compter de 2002, la personne versée dans l’art aurait su qu’il y avait [traduction] « beaucoup d’enthousiasme autour de l’élaboration d’autres stratégies pour bloquer le TNFα avec des médicaments nouveaux et novateurs » visant les maladies inflammatoires chroniques : Hanns M Lorenz, « Technology evaluation: adalimumab, Abbott laboratories » (2002) 4:2 Curr Opin Mol Ther 185–190, à la p 185 [article de 2002 du Dr Lorenz].

[307] En 2002, il était de connaissance publique qu’Abbott poursuivait des études de phase II sur la maladie de Crohn et des études de phase III sur la polyarthrite rhumatoïde : article de 2002 du Dr Lorenz.

[308] Il importe de souligner que le brevet 459 décrit également les anticorps recombinants qui se lient au TNFα. Le brevet précise que [traduction] « l’anticorps recombinant de l’invention, le plus préférentiel » est le D2E7 (adalimumab) (brevet 459, 000246). La description énonce les utilisations des anticorps de l’invention et indique que [traduction] « [l]e facteur de nécrose tumorale joue un rôle dans la physiopathologie des maladies inflammatoires de l’intestin » (brevet 459, 000282).

[309] La description du brevet 459 ajoute que [traduction] « […] les anticorps humains, et les parties d’anticorps, de l’invention peuvent également être utilisés pour traiter des troubles intestinaux, comme la maladie intestinale inflammatoire idiopathique, qui comprend deux syndromes, la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse » (brevet 459, 000282). La revendication 71 comporte le segment suivant : [traduction] « [L’]utilisation de la revendication 61, le trouble étant un trouble intestinal » (brevet 459, 000328). La revendication 61 porte sur [traduction] « l’utilisation de l’anticorps, ou d’une partie de l’anticorps se liant à l’antigène, de l’une ou l’autre des revendications 1 à 24 dans la fabrication d’un médicament pour le traitement d’un trouble dans lequel l’activité du TNFα est nuisible » (brevet 459, 000327).

[310] AbbVie fait valoir que les gastro-entérologues ne consultent pas les brevets pour déterminer l’efficacité, de sorte qu’il ne s’agit pas d’un renseignement dont la personne versée dans l’art serait au courant.

[311] Lorsqu’on examine ce brevet antérieur dans son intégralité, l’argument d’AbbVie est inexact. Le brevet antérieur mène la personne versée dans l’art à utiliser l’adalimumab pour traiter les MII. Malgré l’échec du CDP571, l’utilisation de l’adalimumab comme traitement a suscité beaucoup d’optimisme dans le domaine. De nombreux articles portant sur des études cliniques indiquaient que l’adalimumab était sans danger. D’après le témoignage du Dr Marshall, le 9 avril 2004 la personne versée dans l’art aurait su que les inhibiteurs du TNFa étaient bien tolérés chez les patients atteints d’une MII. En particulier, les essais de phase III portant sur l’utilisation de l’adalimumab chez les patients atteints de la maladie de Crohn se sont déroulés sans la phase II, étant donné que les renseignements sur l’innocuité tirés des études sur la polyarthrite rhumatoïde pouvaient s’appliquer aux sujets atteints de la maladie de Crohn.

[312] Même si la Dre Hoffman mentionnait dans son rapport |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Je conclus que, selon la preuve, la personne versée dans l’art n’aurait pas été préoccupée par l’innocuité.

b) Était-il évident qu’une dose d’attaque suivie d’une dose d’entretien était nécessaire?

[313] En 2001, les doses d’attaque utilisant deux fois la dose de traitement existaient et étaient utilisées dans les essais visant à déterminer la dose pour la maladie de Crohn.

[314] Compte tenu de la disponibilité des seringues préremplies de 40 mg, de la demi-vie d’environ deux semaines et de la dose de 40 mg administrée toutes les semaines ou une semaine sur deux pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, Mme Baughman a expliqué que le pharmacologue versé dans l’art envisagerait des doses d’attaque de 80 mg et de 160 mg.

[315] Mme Baughman a également expliqué que les concentrations sériques d’un médicament sont fonction de son taux d’absorption, du volume dans lequel il se distribue et de sa clairance. Par conséquent, elle a fait remarquer qu’en date du 9 avril 2004, il était possible de simuler systématiquement la concentration sérique d’un médicament si on connaissait son taux d’absorption, sa biodisponibilité, son volume de distribution et sa clairance (rapport de Mme Baughman sur l’invalidité, au para 269).

[316] À l’aide de ces renseignements, Mme Baughman a simulé le profil pharmacocinétique de l’adalimumab au fil du temps, en fonction du schéma posologique. Les paramètres utilisés dans le modèle figurent à l’annexe C. Mme Baughman a utilisé un logiciel intitulé Phoenix WinNonLin, qui était disponible en 2004 avec la même fonctionnalité (rapport de Mme Baughman sur la validité, au para 273).

[317] Mme Baughman a modélisé les schémas suivants d’après la notice de HUMIRA (2003) :

 

Semaine 0

Semaine 1

Semaine 2

Semaine 3

Semaine 4

Semaine 5

Semaine 6

Schéma A

80

 

40

 

40

 

40

Schéma B

160

 

80

 

80

 

80

Schéma C

160

 

80

 

40

 

40

Schéma D

80

40

 

40

 

40

 

Schéma E

120

 

40

 

40

 

40

Schéma F

160

 

40

 

40

 

40

Schéma G

80

80

40

 

40

 

40

Schéma H

80

80

 

40

 

40

 

Schéma I

120

 

80

 

40

 

40

Schéma J

40

40

40

 

40

 

40

Schéma K

40

40

 

40

 

40

 

[318] Je retiens le témoignage de Mme Baughman selon lequel le pharmacologue versé dans l’art aurait été motivé à choisir des schémas posologiques avec une dose administrée toutes les deux semaines, car des injections moins fréquentes favorisaient l’observance du traitement par le patient.

[319] Par conséquent, Mme Baughman a indiqué que le pharmacologue versé dans l’art aurait fort probablement mené un essai visant à établir l’intervalle de la dose à l’aide des schémas A, B et C [annexe D].

[320] En contre-interrogatoire, AbbVie a attiré l’attention sur le fait que le schéma C donne à un patient une quantité totale de 320 mg, comparativement au schéma A, qui administre 200 mg au total (transcription de l’instruction, audience du 29 novembre, à la p 1795). Selon AbbVie, le choix du schéma C de Mme Baughman allait à l’encontre du [traduction] « principe fondamental » de la mise au point d’un médicament, qui consiste à administrer la dose la plus faible possible. Cependant, selon les explications de Mme Baughman – que je retiens –, lorsqu’il s’agit d’induire une rémission (c.-à-d. utiliser une dose d’induction), ce principe fondamental ne s’applique pas.

[321] Dans son article de 2001, le Dr Sandborn décrivait un essai antérieur visant à déterminer la dose contrôlé par placebo portant sur l’étanercept administré par voie sous-cutanée chez 49 patients atteints de la maladie de Crohn en phase active. Dans le cadre de cette étude, 6 patients avaient reçu la dose la plus élevée, soit une dose d’attaque de 32 mg/m2 par voie intraveineuse, suivie d’injections sous-cutanées à raison de 16 mg/m2 deux fois par semaine. En contre-interrogatoire, Mme Mould a reconnu que cette étude décrite par le Dr Sandborn consistait en une dose d’attaque qui était deux fois plus élevée que la dose de traitement de l’étanercept.

[322] Cette même logique peut s’appliquer à l’étude ARMADA, un essai de phase II visant à déterminer la dose d’adalimumab dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Les groupes de traitement avaient reçu du DE009 à raison de 80 mg administrés par voie sous-cutanée toutes les deux semaines, de 40 mg en sous-cutané toutes les deux semaines et de 20 mg en sous-cutané toutes les deux semaines. L’essai ARMADA, dans lequel étaient utilisées les mêmes méthodes que ci-dessus – selon lesquelles l’expérimentateur double la dose d’attaque –, a mené à un essai clinique de détermination de la dose de 160 mg à la semaine 0, de 80 mg à la semaine 2, de 40 mg à la semaine 0 et de 20 mg à la semaine 2.

[323] D’après l’art antérieur, je reconnais qu’une dose d’attaque suivie d’une dose d’entretien allait de soi pour le traitement des MII. En outre, comme l’a expliqué Mme Baughman, compte tenu des schémas pour la polyarthrite rhumatoïde, le pharmacologue versé dans l’art envisagerait des doses d’attaque de 80 mg et de 160 mg. Je retiens le témoignage de Mme Baughman sur la simulation du profil pharmacocinétique de l’adalimumab au fil du temps, en fonction du schéma posologique.

c) Ce qui constituait un schéma posologique sûr et efficace allait-il de soi?

[324] D’après l’art antérieur, les doses élevées d’adalimumab étaient manifestement bien tolérées, même dans le cas de multiples doses. Par exemple, dans son article de 2002, le Dr den Broeder a démontré qu’une Cmax pour une dose de 10 mg/kg IV serait de 294 µg/mL, ce qui est plus élevé que les schémas susmentionnés modélisés par Mme Baughman. (La Cmax est une valeur numérique qui décrit la concentration maximale du médicament dans le corps.)

[325] En 2004, plusieurs publications indiquaient que l’adalimumab était sûr et efficace. La notice de HUMIRA étayait aussi cette prétention, car il y était indiqué que de multiples doses allant jusqu’à 10 mg/kg avaient été administrées à des patients sans effets toxiques limitant la dose. On y révélait également que la dose maximale tolérée de HUMIRA n’avait pas encore été établie chez l’humain.

[326] Dans ses observations finales, JAMP a fait valoir qu’Abbott |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||| En outre, JAMP a souligné le fait que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[327] Compte tenu de ce qui précède, je conviens que ce qui constituait un schéma posologique sûr et efficace allait de soi. En date du 9 avril 2004, la personne versée dans l’art aurait su que les inhibiteurs du TNFα étaient bien tolérés. Par ailleurs, la notice du produit HUMIRA indiquait à l’époque que l’adalimumab était sûr. Je conviens qu’Abbott |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||

d) Succès commercial et motivation à effectuer des essais

[328] AbbVie fait valoir qu’il n’existait aucun motif d’effectuer des essais, compte tenu des échecs relatifs aux deux autres inhibiteurs du TNFα et malgré le succès associé à l’infliximab. Elle souligne les nombreuses distinctions décernées aux scientifiques et chercheurs d’AbbVie au fil des ans. Par exemple, en 2007, Abbott a reçu pour ses travaux concernant HUMIRA le Prix Galien qui, selon AbbVie, est l’équivalent du prix Nobel de la paix dans le domaine pharmaceutique.

[329] JAMP souligne à juste titre : « Comme on l’a dit à maintes reprises, le brevet n’est pas une distinction ou une récompense civique accordée pour l’ingéniosité » (Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77 au para 37). Le succès commercial et les prix et autres récompenses sont des facteurs secondaires qui peuvent se révéler pertinents pour l’évaluation de l’évidence, mais le succès commercial ne peut pas venir à la rescousse d’une invention qui est évidente : Teva Canada Limitée c Janssen Inc, 2018 CF 754 [Velcade] au para 91.

[330] Comme l’a expliqué le juge Locke dans la décision Velcade, il doit y avoir un lien de causalité entre l’invention alléguée et le succès commercial : D. H. MacOdrum, « Fox on the Canadian Law of Patents », 5e éd., Toronto (Ontario), Thomson Reuters Canada, 2013, c 4:18 à la p 4-158.1; Corning Glass Works v Canada Wire & Cable Ltd (1984), 81 CPR (2d) 39, [1984] FCJ no 353 (QL) (CAF); Pollard Banknote Limited c BABN Technologies Corp, 2016 CF 883 au para 224.

[331] Peu d’éléments de preuve ont été présentés concernant ces prix et récompenses. Je prends acte du fait qu’AbbVie et ses chercheurs ont remporté de nombreux prix, mais je ne suis pas en mesure d’évaluer le lien de causalité entre HUMIRA et son succès commercial au-delà de ce fait.

2) Objet brevetable

[332] JAMP allègue que plusieurs des revendications de brevet en litige en l’espèce portent sur un objet non brevetable. Plus précisément, elle soutient que chacune des revendications du brevet 868 et du brevet 917 porte sur une méthode de traitement médical qui nécessite l’exercice de la compétence ou du jugement professionnel.

[333] Selon JAMP, dans les cas où la preuve indique que la dose est modifiée au fil du temps pour répondre aux besoins des patients, le schéma est susceptible de contestation au motif qu’il s’agit d’une méthode de traitement médical non brevetable. À son avis, le schéma posologique doit être approprié pour tous.

[334] JAMP s’appuie sur les déclarations du Dr Howden et du Dr Marshall selon lesquelles ils modifient le schéma posologique divulgué dans le brevet 868 pour certains patients en faisant appel à leur compétence et à leur jugement.

[335] Pour appuyer cet argument, JAMP invoque la décision AbbVie 2014, dans laquelle la juge Kane a conclu que ce n’est pas parce qu’une revendication vise une dose fixe et une fréquence d’administration précise qu’elle est « automatiquement brevetable » (AbbVie 2014, au para 113). La juge Kane a en outre conclu que lorsque la preuve présentée indique que la dose ou fréquence d’administration revendiquée « ne correspond pas exactement à ce qui est revendiqué », cette dose ou fréquence d’administration relève de la compétence et du jugement du professionnel (AbbVie 2014, au para 113).

[336] Dans la décision Hoffman-La Roche Limited c Sandoz Canada Inc, 2021 CF 384, le juge Manson s’est appuyé sur la décision AbbVie 2014 pour conclure également qu’un schéma posologique fixe n’interfère pas avec la compétence et le jugement professionnels et ne repose pas sur ces derniers, à moins qu’il n’y ait des éléments de preuve pour contredire le dosage revendiqué (au para 197).

[337] AbbVie rejette l’idée que le brevet 868 porte sur une méthode de traitement médical. Elle explique que la question pertinente est celle de savoir s’il faut avoir des compétences et du jugement pour réaliser « l’invention revendiquée » [soulignement dans l’original omis] : Janssen 2022, au para 164.

[338] Je suis d'accord avec AbbVie pour dire que les observations du juge Manson dans Janssen 2022 sont tout à fait pertinentes :

[171] Les revendications constituent un guide pour le traitement de la schizophrénie, en ce qu’elles fournissant des schémas posologiques spécifiques censés produire des concentrations plasmatiques de palipéridone dans la marge thérapeutique nécessaire pour un traitement sûr et efficace des patients. Un médecin peut choisir de mettre en œuvre ou non un schéma posologique spécifique revendiqué; toutefois, il n’a pas besoin de faire appel à ses compétences et à son jugement pour le mettre en œuvre. Dès lorsqu’il choisit une dose d’entretien autre que 75 mg éq. (comme indiqué dans la monographie du produit et sur laquelle se sont concentrés une grande partie du contre-interrogatoire et des témoignages), ou décide d’arrêter le traitement au palmitate de palipéridone et de changer de traitement, il ne met plus en œuvre l’invention revendiquée. Ainsi, l’objet des revendications ne nécessite pas d’exercer sa compétence et son jugement et n’est pas une méthode de traitement médical.

[Non souligné dans l’original.]

[339] Les experts en l’espèce ont indiqué que les patients commencent par un traitement qui relève du schéma revendiqué. Ce schéma posologique est la seule option dont disposent les médecins pour administrer l’adalimumab conformément au brevet 868. Je suis d’accord avec AbbVie pour dire que, si une minorité de médecins souhaite s’écarter des schémas revendiqués à un moment donné, cette éventualité n’a pas pour effet de rendre les revendications non brevetables; leur choix de le faire excède plutôt la portée des brevets visés, comme dans l’affaire Janssen 2022.

VI. Brevet 917

A. Historique de l’invention

[340] Le Dr Okun a témoigné au sujet de l’invention divulguée dans le brevet 917; il est un des inventeurs désignés dans ce brevet. Il a donné l’impression d’être une personne sincère, honnête et authentique dans ses réponses. Le Dr Okun était visiblement ému par la façon dont ce traitement a changé la vie de certains patients atteints d’hidrosadénite suppurée.

[341] Il a expliqué que lorsqu’il s’est joint à Abbott, il était directeur médical adjoint aux affaires médicales. Le Dr Okun a précisé que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[342] Le Dr Okun a aidé l’équipe d’Abbott à réaliser la toute première étude clinique visant à évaluer l’innocuité et l’efficacité de l’adalimumab dans le traitement de l’hidrosadénite suppurée. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||

[343] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[346] Un examen minutieux de l’historique de l’invention révèle que certains de ses éléments présentent des lacunes.

[347] Néanmoins, la preuve indique qu’il était relativement simple d’arriver au schéma posologique du brevet 917. Des courriels échangés entre le Dr Okun et Mme Susan Paulson, la directrice de la pharmacologie clinique et de la pharmacométrie à Abbott, révèlent que ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[348] ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

  1. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

  2. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |

  3. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[350] L’étude M10-467 est l’étude clinique de phase II qu’Abbott a réalisée afin de déterminer l’efficacité et l’innocuité cliniques de l’adalimumab chez des sujets atteints d’une hidrosadénite suppurée modérée à grave après 16 semaines de traitement. Les groupes suivants ont été évalués :

  • Groupe A : 160 mg à la semaine 0, 80 mg à la semaine 2, 40 mg toutes les semaines à partir de la semaine 4 jusqu’à la semaine 15

  • Groupe B : 80 mg à la semaine 0, 40 mg toutes les 2 semaines à partir de la semaine 1 jusqu’à la semaine 15

· Groupe C : Placebo, administré toutes les semaines, de la semaine 0 à la semaine 15

[351] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[352] Par conséquent, il semble qu’une invention complexe n’était pas nécessaire |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Le Dr Okun a reconnu qu’il était au courant du calendrier posologique pour la maladie de Crohn, ainsi que des fiches d’observation qui faisaient état de l’utilisation de l’adalimumab pour le traitement de patients atteints de maladies non répertoriées (qui avaient également une hidrosadénite suppurée). |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[353] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||

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[357] Je tiens à préciser que je ne remets aucunement en question le témoignage du Dr Okun; je crois en fait que son témoignage n’a pu échapper aux écueils du temps et au décalage par rapport aux événements visés en l’espèce. Le Dr Okun a contribué de façon importante à son domaine et à la compréhension de l’hidrosadénite suppurée. Mes conclusions en l’espèce n’ont pas pour but de déprécier son travail ou d’exprimer des réserves relativement à son témoignage.

B. Interprétation des revendications

1) Personne versée dans l’art visée par le brevet 917

[358] Les experts étaient partiellement en désaccord en ce qui concerne la personne versée dans l’art visée par le brevet 917.

[359] Selon le Dr Solomon, la personne versée dans l’art est une équipe composée d’un médecin (c.-à-d. un rhumatologue ou un dermatologue) ayant de l’expérience dans le traitement de maladies inflammatoires complexes de la peau et d’un pharmacologue ayant une expérience de travail dans le domaine de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamie des médicaments biologiques. À son avis, l’expertise d’un pharmacologue est nécessaire parce que le brevet 917 concerne un schéma posologique précis. Mme Mould a essentiellement souscrit à la description de la personne versée dans l’art donnée par le Dr Solomon, ajoutant qu’un pharmacologue aurait au moins un diplôme d’études supérieures en pharmacologie.

[360] Selon le Dr Sauder, la personne versée dans l’art est un médecin (vraisemblablement un dermatologue), qui a de l’expérience avec les traitements destinés aux patients atteints d’une hidrosadénite suppurée, notamment la prescription d’inhibiteurs du TNFα. À son avis, cette personne n’est pas nécessairement un pharmacologue.

[361] La différence fondamentale entre les positions des parties tient à la question de savoir si un pharmacologue peut être la personne versée dans l’art. Je crois que non. Le brevet 917 porte sur l’utilisation de l’adalimumab, un inhibiteur du TNFα, pour traiter l’hidrosadénite suppurée. Il est vrai que les pharmacologues peuvent contribuer à la conception d’essais cliniques, mais les médecins ne les consultent pas en général lorsqu’ils prennent des décisions de traitement concernant des patients atteints d’hidrosadénite suppurée. Même le Dr Solomon a admis ceci lors de son interrogatoire : [traduction] « [U]n pharmacologue pourrait également faire partie de l’équipe afin d’aider à la logistique de la posologie, mais, en général, je crois que le brevet cible surtout les médecins qui voient et traitent régulièrement des maladies inflammatoires complexes de la peau. » (Transcription de l’instruction, audience du 18 novembre, à la p 769, lignes 17-25.)

[362] Un pharmacologue pourrait faire partie de l’équipe afin d’aider à la logistique de la posologie, mais, en général, je crois que la principale cible du brevet est un médecin qui voit et traite régulièrement des affections inflammatoires complexes de la peau.

[363] De plus, aucun des deux inventeurs désignés dans le brevet 917 ne semble être pharmacologue : le Dr Okun est dermatologue et M. Harris est directeur de projet. Étant donné que le Dr Okun a piloté l’étude clinique sur l’utilisation de l’adalimumab pour traiter l’hidrosadénite suppurée, je suis d’avis qu’un médecin expérimenté dans le traitement de l’hidrosadénite suppurée aurait suffisamment d’expertise pour comprendre un essai clinique portant sur un schéma posologique particulier pour l’hidrosadénite suppurée. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de limiter le médecin versé dans l’art aux dermatologues; il peut aussi être rhumatologue (comme le Dr Solomon), pourvu qu’il possède une expérience dans le traitement de l’hidrosadénite suppurée.

[364] Compte tenu des observations et des éléments de preuve présentés par les parties, je suis d’avis que la personne versée dans l’art est un médecin expérimenté dans le traitement de l’hidrosadénite suppurée. Ce médecin posséderait une bonne connaissance des médicaments et des thérapies disponibles pour traiter l’hidrosadénite suppurée, notamment les inhibiteurs du TNFα, et se tiendrait au courant des recherches menées sur le terrain. Il aurait au moins une connaissance pratique de la conception et de la mise en œuvre d’essais cliniques sur le traitement des maladies inflammatoires de la peau.

2) Connaissances générales courantes

[365] Étant donné que j’ai jugé que la personne versée dans l’art visée par le brevet 917 ne serait pas un pharmacologue compétent, j’accorde moins de poids au témoignage de Mme Mould.

a) Date pertinente

[366] La date pertinente pour l’interprétation des revendications est le 8 décembre 2011, soit la date de publication du brevet 917. Cependant, les experts ont donné leur avis sur les connaissances générales que la personne versée dans l’art posséderait en date du 3 juin 2010, qui est la date pertinente pour évaluer la validité. Comme les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art n’ont pas évolué pendant la période du 3 juin 2010 au 8 décembre 2011, il sera tenu pour acquis que les connaissances générales courantes étaient identiques à ces deux dates.

b) Hidrosadénite suppurée

[367] Le DSolomon et le Dr Sauder étaient d’accord pour dire que, le 3 juin 2010, la personne versée dans l’art aurait été au courant des éléments suivants au sujet de l’hidrosadénite suppurée :

· L’hidrosadénite suppurée est une maladie inflammatoire chronique de la peau qui touche les follicules pileux et les glandes sudoripares.

· Les symptômes varient d’un patient à l’autre. La maladie et ses symptômes peuvent être bénins, modérés ou graves.

· Les symptômes vont et viennent au fil du temps.

· L’hidrosadénite suppurée survient souvent chez les patients qui présentent également d’autres problèmes de santé, comme l’acné, le diabète, une MII ou un surpoids.

· On ignore la cause de l’hidrosadénite suppurée et il n’existe aucun remède connu à la maladie.

· De nombreux traitements sont accessibles et une association de traitements est souvent mise à l’essai.

· Les formes bénignes de l’hidrosadénite suppurée peuvent être traitées au moyen de compresses chaudes, d’agents ou de savons antibactériens topiques, d’antibiotiques oraux ou d’agents anti-inflammatoires.

· Les formes modérées de l’hidrosadénite suppurée peuvent être traitées au moyen d’agents ou de savons antibactériens topiques, d’antibiotiques oraux, de corticostéroïdes pour réduire l’enflure, d’agents anti-inflammatoires et de rétinoïdes.

· Les formes graves de l’hidrosadénite suppurée peuvent être traitées avec les mêmes agents que pour l’hidrosadénite suppurée modérée, mais une intervention chirurgicale peut faire partie du traitement.

  • La réponse d’un patient atteint d’hidrosadénite suppurée au schéma thérapeutique se caractérise par une diminution du nombre de lésions inflammatoires et la prévention de l’aggravation des abcès ou des fistules avec écoulement.

c) Inhibiteurs du TNFα

[368] Les experts des deux camps s’entendent pour dire que la personne versée dans l’art aurait su en général que les inhibiteurs du TNFα sont des immunosuppresseurs, ce qui signifie qu’ils réduisent la réponse immunitaire en liant et en inhibant le TNFα au siège de l’inflammation. En juin 2010, Santé Canada avait approuvé trois inhibiteurs du TNFα – HUMIRA® (adalimumab), REMICADE® (infliximab) et ENBREL® (étanercept) – pour traiter les affections suivantes :

HUMIRA® (adalimumab)

REMICADE® (infliximab)

ENBREL® (étanercept)

  • Polyarthrite rhumatoïde

  • Arthrite juvénile idiopathique

  • Polyarthrite psoriasique

  • Spondylarthrite ankylosante

  • Maladie de Crohn

  • Psoriasis en plaques

  • Polyarthrite rhumatoïde

  • Maladie de Crohn

  • Colite ulcéreuse

  • Spondylarthrite ankylosante

  • Polyarthrite psoriasique

  • Psoriasis en plaques

  • Polyarthrite rhumatoïde

  • Arthrite juvénile idiopathique

  • Polyarthrite psoriasique

  • Spondylarthrite ankylosante

  • Psoriasis en plaques

[369] Étant donné que les inhibiteurs du TNFα étaient approuvés pour le traitement d’autres troubles, mais pas pour l’hidrosadénite suppurée, leur prescription pour traiter l’hidrosadénite suppurée était considérée comme une utilisation « hors indication ». L’expression « hors indication » désigne l’utilisation d’un médicament approuvé à des fins autres que son utilisation autorisée. Par exemple, pour traiter un trouble pour lequel le médicament n’a pas été approuvé.

[370] Le principal point en litige consiste à savoir si l’utilisation d’inhibiteurs du TNFα comme traitement hors indication de l’hidrosadénite suppurée faisait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.

[371] Selon le Dr Sauder, en juin 2010, les médecins prescrivaient des inhibiteurs du TNFα pour le traitement hors indication d’affections de la peau, comme l’hidrosadénite suppurée. Il a dit que les médecins auraient été au courant des données probantes dans la documentation scientifique indiquant que les inhibiteurs du TNFα comme l’adalimumab, l’infliximab et l’étanercept étaient efficaces pour le traitement de l’hidrosadénite suppurée.

[372] Le Dr Solomon n’était pas d’accord avec le Dr Sauder, affirmant que les inhibiteurs du TNFα ne faisaient pas partie de la norme de soins pour l’hidrosadénite suppurée et que leur utilisation hors indication n’était pas prescrite comme traitement. En juin 2010, les inhibiteurs du TNFα étaient simplement considérés comme une nouvelle approche possible de traitement de l’hidrosadénite suppurée. Bien qu’il y ait eu quelques rapports encourageants sur l’utilisation hors indication d’inhibiteurs du TNFα pour le traitement de l’hidrosadénite suppurée, ils étaient anecdotiques et présentaient peu de valeur.

[373] La personne versée dans l’art aurait compris qu’un plus grand nombre de données et d’essais cliniques randomisés étaient nécessaires pour étudier les inhibiteurs du TNFα, d’autant plus qu’ils présentaient un risque accru d’infections graves et de tuberculose chez les patients. En fait, les étiquettes des médicaments HUMIRA®, REMICADE® et ENBREL® renferment toutes un « encadré » de mise en garde contre le risque d’infection grave. Le Dr Solomon a utilisé des étiquettes américaines, mais l’analyse est la même pour les étiquettes canadiennes. À titre d’exemple, l’« encadré » de mise en garde figurant sur l’étiquette américaine de HUMIRA® (juin 2008) indiquait ce qui suit :

[TRADUCTION]

MISE EN GARDE : RISQUE D’INFECTIONS GRAVES

La tuberculose (fréquemment disséminée ou extrapulmonaire lors de la présentation clinique), des infections fongiques envahissantes et d’autres infections opportunistes ont été observées chez des patients traités par HUMIRA. Certaines de ces infections se sont révélées mortelles. Le traitement antituberculeux des patients atteints d’une infection tuberculeuse latente réduit le risque de réactivation chez les patients traités par HUMIRA. Toutefois, des cas de tuberculose évolutive ont été observés chez des patients qui recevaient HUMIRA et dont le résultat du test de dépistage de la tuberculose latente était négatif.

Il faut évaluer les facteurs de risque liés à la tuberculose chez les patients et les soumettre à un test de dépistage de la tuberculose latente avant le début du traitement par HUMIRA et pendant le traitement. Le traitement de la tuberculose latente doit être amorcé avant d’entreprendre le traitement par HUMIRA. Les médecins doivent surveiller l’apparition de tout signe ou symptôme évocateur de tuberculose évolutive chez les patients recevant HUMIRA, même chez les patients dont le résultat du test cutané de dépistage de la tuberculose est négatif. [Voir Mises en garde et précautions (5.1) et Effets indésirables (6.1)]

[374] Compte tenu des « encadrés » de mise en garde, le Dr Solomon a dit que les médecins ne prescrivaient que des inhibiteurs du TNFα selon le mode d’emploi figurant sur l’étiquette pour le traitement approuvé de certaines affections – dont les avantages (c.-à-d. l’efficacité) et les risques (c.-à-d. l’innocuité) ont déjà été évalués et pondérés. Inversement, cet exercice de pondération entre les avantages et les risques des inhibiteurs du TNFα n’a pas été effectué pour les affections qui ne figurent pas sur l’étiquette. En outre, le Dr Solomon a expliqué que la personne versée dans l’art aurait été particulièrement réfractaire au risque de prescrire des inhibiteurs du TNFα aux patients atteints d’hidrosadénite suppurée, puisqu’ils présentent des lésions ouvertes qui les rendent plus vulnérables aux infections. Par conséquent, il était d’avis qu’il n’aurait pas été pratique courante pour la personne versée dans l’art de prescrire des inhibiteurs du TNFα hors indication aux patients atteints d’hidrosadénite suppurée.

[375] Je préfère l’explication du Dr Sauder sur les connaissances générales courantes concernant les inhibiteurs du TNFα, car, à mon avis, elles sont mieux étayées par la littérature. Lorsqu’il n’y a aucun traitement ou essai clinique bien établi pour une affection particulière, les médecins doivent prendre des décisions de traitement en utilisant toutes les données disponibles provenant de diverses sources, comme les fiches d’observation et leur propre expérience clinique. En juin 2010, Santé Canada n’avait approuvé aucun traitement généralisé de l’hidrosadénite suppurée, mais il y avait un certain nombre de rapports prometteurs sur l’utilisation des inhibiteurs du TNFα. Ces rapports démontraient donc que les médecins étaient au courant des risques d’infection potentiels posés par les inhibiteurs du TNFα. Par conséquent, ils ont simplement soumis les patients atteints d’une hidrosadénite suppurée à un test de dépistage (p. ex. dépistage de la tuberculose) pour atténuer ces risques avant de prescrire des inhibiteurs du TNFα. Je conclus que la personne versée dans l’art aurait généralement eu une certaine expérience et connaissance du traitement hors indication de l’hidrosadénite suppurée avec des inhibiteurs du TNFα.

3) Interprétation des revendications

[376] Le brevet 917 renferme 7 revendications. AbbVie allègue la contrefaçon des revendications 1, 3, 4 et 5.

[377] Comme celles du brevet 868, les revendications du brevet 917 peuvent généralement être interprétées selon leur sens ordinaire. Chacun des termes des revendications du brevet 868 employé dans une revendication identifiée par un numéro précis constitue un élément essentiel de cette revendication. Le seul différend entre les parties porte sur l’interprétation de certains termes employés dans les revendications, plutôt que sur le caractère essentiel. Je tiens à souligner que même si le Dr Solomon ne semble pas traiter d’éléments essentiels, il ne fait aucun doute que les termes des revendications sont essentiels.

[378] La revendication 1 est la seule revendication indépendante visée par l’allégation de contrefaçon. Cette revendication est ainsi libellée :

[traduction]

1. L’utilisation de l’adalimumab en doses multiples pour traiter l’hidrosadénite suppurée modérée à grave chez un adulte, ces doses multiples comprenant :

une première dose d’attaque de 160 mg d’adalimumab pour administration par voie sous-cutanée au sujet à la semaine 0;

une deuxième dose d’attaque de 80 mg d’adalimumab pour administration par voie sous-cutanée au sujet à la semaine 2; et

une dose d’entretien hebdomadaire de 40 mg d’adalimumab pour administration par voie sous-cutanée à l’adulte à partir de la semaine 4, ces doses multiples n’étant pas soumises à un ajustement discrétionnaire de la part d’un médecin ou d’un praticien.

[379] Là encore, les parties ne s’entendent pas sur le sens du terme [traduction] « traiter ». Le Dr Solomon affirme que traiter [traduction] « signifie réduire ou prévenir l’aggravation des symptômes de l’hidrosadénite suppurée chez un adulte ». Pour le Dr Sauder, le traitement englobe à la fois les traitements thérapeutiques et prophylactiques (ou suppresseurs). Je préfère l’interprétation du Dr Sauder, car celle du Dr Solomon va au-delà du sens ordinaire du terme [traduction] « traiter ». Par conséquent, le terme [traduction] « traiter » englobe l’administration d’adalimumab après l’apparition des signes et symptômes d’une hidrosadénite suppurée modérée à grave.

[380] AbbVie et JAMP sont également en désaccord sur le segment suivant : [traduction] « [C]es doses multiples n’étant pas soumises à un ajustement discrétionnaire de la part d’un médecin ou d’un praticien. » [wherein said multiple doses are not subject to any discretionary adjustment by a physician or medical practitioner] Le Dr Solomon a dit que ce segment confirme simplement la nature fixe du schéma posologique revendiqué. Le Dr Sauder adopte une approche plus stricte, disant que ce segment signifie qu’un médecin n’aurait pas le choix d’ajuster le schéma posologique. Selon le Dr Sauder, ce schéma n’offre aucune souplesse – par exemple l’administration de la première dose d’attaque de 160 mg sur deux jours au lieu d’un seul.

[381] Le sens ordinaire du terme anglais « wherein » confirme que le schéma posologique est fixe. Je ne retiens pas l’approche plus stricte du Dr Sauder; la revendication 1 comporte une certaine souplesse dans l’administration des doses fixes. Par exemple, la personne versée dans l’art tiendrait compte de l’avantage pragmatique que présente la possibilité d’administrer la première dose d’attaque (de 160 mg) en une seule dose de 160 mg, en deux doses de 80 mg ou en quatre doses de 40 mg chacune. Je retiens l’interprétation du Dr Solomon.

[382] Les revendications 3 à 5 précisent les résultats du traitement, soit la réduction du nombre de lésions inflammatoires et la prévention de l’aggravation des abcès et des fistules avec écoulement, respectivement. Leur interprétation ne fait pas l’objet d’un différend qui serait utile aux arguments des parties sur la contrefaçon ou la validité.

C. Invalidité

1) Antériorité

[383] JAMP soutient que les revendications en cause du brevet 917 sont antériorisées par la demande à l’origine du brevet 868.

[384] Le critère de l’antériorité est exigeant. Il n’est pas obligatoire que le document d’antériorité soit une description [traduction] « exacte », mais la divulgation doit être suffisante pour que, la personne versée dans l’art ayant un esprit désireux de la comprendre, puisse en y arriver sans devoir procéder par essais successifs : Abbott Laboratories c Canada (Santé), 2008 CF 1359 au para 75.

[385] Pour antérioriser le brevet 917, la demande à l’origine du brevet 868 doit fournir à la personne versée dans l’art qui se conforme à la divulgation des instructions claires qui la mèneraient nécessairement à contrefaire le brevet. Ce n’est pas le cas. Comme je l’ai déjà mentionné, il est possible qu’un intervalle étroit antériorise une valeur. Cependant, d’après les faits de l’espèce, je conclus que l’intervalle est suffisamment vaste pour que l’on ne puisse dire que l’inventeur a « laissé sa marque » de façon suffisamment précise.

[386] La demande à l’origine du brevet 868 divulgue l’utilisation d’inhibiteurs du TNFα comme moyen de traiter 16 grandes catégories de troubles pouvant être associés au TNFα, de préférence administrés par voie sous-cutanée. L’hidrosadénite suppurée fait partie des nombreux troubles envisagés dans cette demande, mais aucune donnée clinique n’est fournie pour cette affection. La demande à l’origine du brevet 868 indique également que l’adalimumab fait partie de la catégorie des inhibiteurs du TNFα qui peuvent être utilisés pour le traitement des troubles énumérés.

[387] De plus, la demande à l’origine du brevet 868 présente une grande catégorie d’éléments posologiques assortis de nombreux choix pour :

  • l’inhibiteur du TNFα utilisé (p. ex. infliximab, étanercept ou adalimumab);

  • le nombre de doses d’attaque (une dose unique ou un ensemble de doses);

  • la quantité de chaque dose d’attaque (entre 20 et 200 mg, mais de préférence entre 80 et 160 mg);

  • l’intervalle entre les doses d’attaque, s’il y en a plus d’une (une heure, un jour, une semaine, deux semaines);

  • l’intervalle entre la dose d’attaque et la dose d’entretien (une heure, un jour, une semaine, deux semaines);

  • la quantité de la dose d’entretien (entre 20 et 120 mg, mais de préférence entre 40 et 80 mg).

[388] Par conséquent, la personne versée dans son art qui prend connaissance de la demande à l’origine du brevet 868 disposerait de différentes quantités de doses, des intervalles entre les doses et des durées des traitements parmi lesquels choisir au moment de créer un schéma à doses multiples variables pour traiter un trouble inflammatoire.

[389] Le brevet 917 revendique un schéma posologique qui consiste à administrer une première dose d’attaque de 160 mg à la semaine 0, une deuxième dose d’attaque de 80 mg à la semaine 2 et une dose d’entretien hebdomadaire de 40 mg à partir de la semaine 4. La demande à l’origine du brevet 868 ne divulgue pas chaque composante de ce schéma posologique. En outre, elle ne comporte aucun enseignement qui indiquerait à la personne versée dans l’art comment arriver à ce schéma précis.

[390] Compte tenu du nombre d’éléments posologiques divulgués dans la demande à l’origine du brevet 868, il est difficile de savoir si la personne versée dans l’art saurait sélectionner l’adalimumab et l’administrer selon le schéma posologique précis revendiqué dans le brevet 917. Si la personne versée dans l’art qui prend connaissance du brevet antérieur a besoin d’une instruction précise pour le contrefaire, alors qu’il existe de nombreuses autres façons de réaliser l’objet de ce brevet antérieur sans nécessairement le contrefaire, il n’y a pas eu divulgation : Shire, au para 50.

[391] Cet écart n’est pas comblé par les connaissances générales courantes. Par conséquent, à mon avis, la personne versée dans l’art qui prend connaissance de la demande à l’origine du brevet 868 ne comprendrait pas le schéma posologique qui sous-tend toutes les revendications en cause du brevet 917.

[392] D’après les faits qui m’ont été présentés, JAMP n’a pas établi que l’objet du brevet 917 avait été divulgué. Il ne sera pas nécessaire, compte tenu de cette conclusion, que j’analyse le caractère réalisable.

2) Évidence

[393] AbbVie soutient que les revendications du brevet 917 ne sont pas évidentes, car il existe un écart important entre l’état de la technique et l’idée originale. Elle soutient qu’un essai allant de soi ne permettait pas de combler cet écart, soulevant plusieurs préoccupations quant à l’innocuité. JAMP prétend qu’il n’y a aucune différence entre l’état de la technique et l’idée originale, alléguant que l’étanercept, l’infliximab et l’adalimumab ont tous été utilisés pour traiter l’hidrosadénite suppurée de façon efficace (et sûre).

[394] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le schéma posologique du brevet 917 résulterait d’un essai allant de soi dans les circonstances.

a) Personne versée dans l’art et connaissances générales courantes

[395] J’ai fait l’analyse de la personne versée dans l’art et des connaissances générales courantes plus haut, sous le titre « Interprétation des revendications ».

b) Idée originale

[396] Les parties s’entendent pour dire que l’idée originale des revendications en cause du brevet 917 est l’utilisation de l’adalimumab suivant un schéma posologique à doses multiples composé d’une première dose d’attaque de 160 mg à la semaine 0, suivie d’une deuxième dose d’attaque de 80 mg à la semaine 2 et d’une dose d’entretien hebdomadaire de 40 mg à partir de la semaine 4 pour traiter l’hidrosadénite suppurée.

c) Différences entre l’état de la technique et l’invention

[397] AbbVie soutient qu’en date du 3 juin 2010, il existait un écart important entre l’état de la technique et l’idée originale :

  • Il n’y avait aucun traitement généralisé cliniquement éprouvé pour traiter l’hidrosadénite suppurée – en fait, aucun traitement approuvé de quelque nature que ce soit – et les options disponibles étaient largement inefficaces.

  • On savait que les inhibiteurs du TNFα présentaient un risque accru d’infection et qu’ils ne faisaient pas partie de la norme de soins pour l’hidrosadénite suppurée.

  • L’état de la technique ne prévoyait pas l’utilisation de l’adalimumab dans le schéma posologique revendiqué.

  • Bien que HUMIRA ait été approuvé pour plusieurs autres indications, aucune d’entre elles ne présentait le nouveau schéma posologique revendiqué.

  • Aucun article scientifique ou document de l’art antérieur n’enseignait que le schéma posologique revendiqué était efficace.

  • Les fiches d’observation antérieures n’ont pas démontré l’innocuité et l’efficacité de l’hidrosadénite suppurée.

  • Aucune étude contrôlée par placebo n’a démontré l’efficacité d’un inhibiteur du TNFα pour traiter l’hidrosadénite suppurée.

  • Aucune donnée pharmacocinétique n’était disponible sur l’adalimumab dans le traitement de l’hidrosadénite suppurée.

[398] JAMP prétend qu’il n’existait aucun écart entre l’état de la technique et l’idée originale vu l’existence de la demande à l’origine du brevet 868, que cette demande soit consultée seule ou parallèlement avec les autres pièces d’art antérieur.

[399] Je juge qu’AbbVie exagère l’importance de l’écart à combler entre l’idée originale à la base des revendications du brevet 917 et l’état de la technique. En juin 2010, l’adalimumab était considéré comme étant un médicament relativement sûr. Le profil d’innocuité de l’adalimumab pour le traitement de l’hidrosadénite suppurée ne serait pas réellement source d’inquiétude pour la personne versée dans l’art, comparativement à l’utilisation de ce médicament pour traiter d’autres affections.

[400] La personne versée dans l’art aurait compris que les fiches d’observation divulguaient que les patients atteints de la maladie de Crohn, qui étaient également atteints d’hidrosadénite suppurée, tiraient des avantages du traitement des deux troubles avec des agents biologiques comme l’infliximab et l’adalimumab. Le schéma posologique de l’adalimumab (160 mg, 80 mg et 40 mg par la suite toutes les deux semaines) utilisé pour traiter la maladie de Crohn était donc connu pour traiter l’hidrosadénite suppurée. Ce schéma est également très semblable aux schémas posologiques visés par la revendication 1 du brevet 917, la seule différence étant que la troisième dose d’entretien de 40 mg est hebdomadaire plutôt que bimensuelle.

[401] À mon avis, l’écart à combler consistait à réunir les schémas posologiques déjà mis à l’essai et à recourir à la modélisation pharmacocinétique pour choisir les schémas posologiques les plus efficaces pour traiter l’hidrosadénite suppurée. L’écart est comblé essentiellement par la création du schéma posologique revendiqué dans le brevet 917.

d) Les différences étaient-elles évidentes ou nécessitaient-elles une certaine inventivité?

[402] Compte tenu de la preuve, je conclus que les différences entre l’état de la technique et l’invention auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art.

[403] Il était connu que l’adalimumab pouvait traiter l’hidrosadénite suppurée. Au cours de l’instruction, le Dr Okun a reconnu |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| De plus, à ce stade, les dermatologues utilisaient l’adalimumab hors indication pour traiter l’hidrosadénite suppurée.

[404] En outre, avant de commencer l’étude clinique sur l’hidrosadénite suppurée, le Dr Okun savait que cette affection pouvait coexister avec la maladie de Crohn. Concernant la détermination du schéma posologique, il connaissait le schéma d’attaque pour la maladie de Crohn, qui, comme nous l’avons vu précédemment, était reconnu comme étant sûr et efficace. Compte tenu des fiches d’observation, le Dr Okun était également au courant que l’hidrosadénite suppurée nécessitait probablement une dose plus élevée d’inhibiteurs du TNFα que le psoriasis. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[405] Par conséquent, je juge que, concernant la détermination du schéma posologique, la personne versée dans l’art aurait considéré qu’il allait de soi que, compte tenu de l’innocuité et de l’efficacité connues de la dose d’attaque pour traiter la maladie de Crohn, et pour traiter l’hidrosadénite suppurée, un essai clinique sur le traitement de l’hidrosadénite suppurée devrait comprendre un schéma posologique de 160 mg, 80 mg et 40 mg.

e) L’invention résultait-elle d’un essai allant de soi?

(i) Était-il évident que l’adalimumab était sûr et efficace pour le traitement de l’hidrosadénite suppurée?

[406] AbbVie fait valoir que, à l’époque, il n’existait aucun traitement efficace contre l’hidrosadénite suppurée. De plus, elle soutient qu’aucun inhibiteur du TNFα n’avait été approuvé pour le traitement de cette affection, et que l’utilisation hors indication d’inhibiteurs du TNFα ne faisait pas partie de la norme de soins pour le traitement de l’hidrosadénite. L’utilisation d’inhibiteurs du TNFα a été déclarée dans des fiches d’observation, mais AbbVie prétend que la personne versée dans l’art s’en serait méfiée.

[407] Même si j’accepte que la personne versée dans l’art aurait pris connaissance de fiches d’observation et des études détaillées avec une certaine prudence, les documents de l’art antérieur indiquent clairement que l’utilisation de l’adalimumab pour traiter l’hidrosadénite suppurée a été bien accueillie et a connu du succès. De plus, je tiens à souligner que le Dr Solomon a reconnu qu’il avait [traduction] « indiqué que ces fiches étaient importantes et constituaient une piste intéressante fournissant le fondement rationnel en vue d’une étude contrôlée ».

(ii) L’innocuité n’aurait pas écarté le schéma de 160/80/40 mg

[408] AbbVie soutient que les inhibiteurs du TNFα, comme l’adalimumab, étaient visés par des « encadrés » de mise en garde. C’est pourquoi la personne versée dans l’art n’aurait pas utilisé une dose d’attaque élevée de 160/80 mg avec une dose d’entretien fréquente de 40 mg par semaine pour les patients atteints d’hidrosadénite suppurée vulnérables aux infections. AbbVie fait valoir que la personne versée dans l’art aurait été prudente – particulièrement compte tenu du fait que les patients ayant une hidrosadénite suppurée sont vulnérables à l’infection – et qu’elle n’aurait pas administré une dose d’adalimumab plus élevée et plus fréquente que toute autre dose utilisée. Abbvie ajoute que l’étiquette de HUMIRA mettait explicitement en garde contre l’utilisation chez les patients présentant des infections.

[409] En revanche, JAMP soutient que la position d’AbbVie sur l’innocuité est invraisemblable compte tenu du fait que les schémas d’attaque et d’entretien ont obtenu l’approbation réglementaire. JAMP prétend également que dans les études Classic I/II, un schéma posologique hebdomadaire 160/80/40 mg avait été mis à l’essai chez des patients atteints de la maladie de Crohn, ce schéma étant très semblable à celui qui était revendiqué dans le brevet 917, et qu’il a été déclaré efficace et sûr.

[410] Me fondant sur la preuve, je suis d’accord pour dire que l’innocuité n’a pas écarté le schéma de 160/80/40 mg. Il a été démontré que ce schéma était sûr et efficace pour les patients atteints de la maladie de Crohn. Comme l’a souligné JAMP, ce schéma posologique a également obtenu l’approbation réglementaire. Il était en outre déjà connu pour faciliter le traitement de l’hidrosadénite suppurée. Par conséquent, les observations d’AbbVie selon lesquelles l’innocuité aurait écarté un schéma de 160/80/40 mg pour l’hidrosadénite suppurée ne sont pas fondées.

(iii) Ce qui constituait une dose sûre et efficace allait-il de soi?

[411] AbbVie fait valoir que selon l’état de la technique, l’innocuité, l’efficacité, la pharmacocinétique ou la pharmacodynamie de l’adalimumab dans le traitement de l’hidrosadénite suppurée n’étaient pas établies. Compte tenu de l’absence de renseignements pharmacocinétiques, AbbVie prétend qu’un pharmacologue versé dans l’art n’aurait eu aucun fondement pour prédire un schéma sûr et efficace pour le traitement de l’hidrosadénite suppurée.

[412] Je ne suis pas de cet avis. Je ne retiens pas non plus la position du Dr Solomon selon laquelle rien ne justifiait de commencer par le schéma posologique de HUMIRA pour la maladie de Crohn. Des documents de l’art antérieur démontrent que l’hidrosadénite suppurée et les MII peuvent survenir simultanément : voir, par exemple, Maria Roussomoustakaki et al, « Hidradenitis suppurativa associated with Crohn’s disease and spondyloarthropathy: response to anti-TNF therapy ». J Gastroenterol (2003) 38(10):1000-1004.

3) Objet brevetable

[413] JAMP formule à l’égard du brevet 917 et des méthodes de traitement médical des arguments semblables à ceux qu’elle a soulevés pour le brevet 868.

[414] Selon JAMP, s’il est prouvé que le schéma posologique n’est pas approprié pour tous les patients auxquels le médicament est administré, l’objet des revendications – à savoir, des méthodes de traitement médical – n’est pas brevetable.

[415] Comme je l’ai déjà mentionné, si une minorité de médecins souhaite s’écarter des schémas revendiqués à un moment donné, cette éventualité n’a pas pour effet de rendre les revendications non brevetables; leur choix de le faire excède plutôt la portée des brevets visés, comme dans l’affaire Janssen 2022.

4) Défaut de définir un terme d’une revendication

[416] JAMP allègue que les revendications en cause du brevet 917 comprennent un terme non étayé et que, par conséquent, le brevet 917 ne respecte pas le paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets et est de ce fait invalide.

[417] AbbVie fait valoir que le [traduction] « défaut de définir un terme d’une revendication » ne constitue pas un motif d’invalidité valable. Elle explique que le paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets est une exigence procédurale visant les demandes, qui n’a aucune incidence sur le point de démarcation que constitue la délivrance d’un brevet. Elle souligne en outre que la Cour n’a jamais reconnu que le non-respect du paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets constituait un motif d’invalidité.

[418] Compte tenu de mes conclusions relativement à l’antériorité et à l’évidence, la présente analyse est faite à titre subsidiaire et n’est pas déterminante en l’espèce.

a) État actuel du droit concernant le paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets

[419] Le paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets [annexe A] a été promulgué par la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (projet de loi C‑91) (3e sess, 34e lég). Les parties n’ont fourni aucun extrait pertinent du hansard ni aucune analyse détaillée du paragraphe 38.2(2). Je souligne qu’un comité législatif s’est penché sur le projet de loi C‑91, mais que la création du paragraphe 38.2(2) ne semble pas avoir été soumise à une analyse approfondie.

[420] Comme je l’ai déjà souligné, la seule affaire dans laquelle on a traité en détail du paragraphe 38.2(2) est l’arrêt Western Oilfield. Cependant, dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale n’avait pas à trancher la question de savoir si le non-respect du paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets avait mené à l’invalidité du brevet.

[421] Le juge Locke a évoqué trois raisons pour lesquelles les tribunaux canadiens devraient faire preuve de prudence par rapport à l’adoption du critère plus exigeant du Royaume-Uni. Premièrement, selon l’approche préconisée dans l’arrêt Western Oilfield, l’objet visé avait été ajouté à tort et elle imposait à l’intimée dans cette affaire le fardeau de prouver qu’il en était autrement (Western Oilfield, au para 141). Deuxièmement, la disposition du Royaume-Uni ne mentionne pas la notion de possibilité d’inférence raisonnable (Western Oilfield, au para 142). Troisièmement, la disposition de ce pays envisage explicitement la révocation d’un brevet, ce que le paragraphe 38.2(2) n’envisage pas (Western Oilfield, au para 142).

[422] Suivant l’arrêt Western Oilfield, notre Cour ne peut adopter le critère du Royaume-Uni.

[423] Cependant, le critère du Royaume-Uni fait la lumière sur la raison pour laquelle le paragraphe 38.2(2) pourrait constituer un motif d’invalidité, bien que la Loi sur les brevets ne contienne pas de motif de révocation indépendant. Par conséquent, j’examinerai la disposition applicable et le contexte de la décision rendue au Royaume‑Uni afin d’aider à mieux saisir les observations du juge Locke dans l’arrêt Western Oilfield.

[424] Le paragraphe 76(3) de la Patents Act 1977 (R-U), c 37, dispose :

[traduction]

Sont interdites les modifications à une demande de brevet visées aux paragraphes 18(3) ou 19(1), si elles ont pour effet d’élargir l’objet qui était divulgué dans la demande initiale.

[425] Dans l’arrêt Vector Corporation v Glatt Air Techniques Inc, (2007) EWCA Civ 805, le lord juge Jacob a expliqué ainsi le raisonnement qui sous-tend le paragraphe 76(3) :

[traduction]

L’article 76 doit faire l’objet d’une interprétation téléologique. Il vise à empêcher les brevetés d’ajouter, après le dépôt, des renseignements à l’appui des revendications. L’ajout de renseignements qui n’ont rien à voir avec les revendications visées par la demande de modification ne sert qu’à fournir des explications qui ne nuisent à personne et qui aident le public. Il ne semble exister aucune source directe au Royaume‑Uni concernant les modifications par lesquelles un document d’antériorité reconnu est ajouté au mémoire descriptif d’un brevet.

[Non souligné dans l’original.]

[426] À mon avis, le paragraphe 38.2(2) s’applique de la même manière : il empêche les brevetés d’ajouter, après le dépôt, des renseignements qui élargissent ou modifient la portée des revendications par rapport à celles de la demande initiale. Le paragraphe 38.2(2) indique que les dessins et le mémoire descriptif doivent être évalués objectivement aux fins de la brevetabilité, à compter de la date de dépôt. Sinon, il serait injuste de permettre aux demandeurs de brevet d’ajouter ultérieurement un élément que ne visait pas le mémoire descriptif.

[427] Bien que les raisons justifiant ces interdictions soient similaires, je fais mien l’appel à la prudence exprimé par le juge Locke quant à l’adoption de l’approche stricte adoptée au Royaume-Uni (Western Oilfield, au para 141).

[428] AbbVie fait valoir que le paragraphe 38.2(2) est une exigence procédurale visant les demandes, qui n’a aucune incidence sur le « point de démarcation » que constitue la délivrance d’un brevet. Toutefois, cet argument ne tient pas compte de l’approche antérieure de la Cour d’appel fédérale à l’égard d’autres exigences procédurales.

[429] Notre Cour et la Cour d’appel fédérale se sont auparavant appuyées sur les exigences procédurales de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets, DORS/2019-251, pour invalider un brevet. Dans l’arrêt Dutch Industries Ltd c Canada (Commissaire aux brevets) (CA), 2003 CAF 121 [Dutch], la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision de la Cour fédérale selon laquelle le Commissaire aux brevets ne peut proroger les délais de paiement. La Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets obligent les demandeurs et titulaires de brevets à payer dans un délai déterminé des taxes réglementaires, appelées « taxes périodiques », afin de maintenir leur demande en état. Bien que les Règles sur les brevets soient muettes sur ce qui se produit lorsqu’une « grande entité » paie la taxe exigible d’une « petite entité », le Commissaire aux brevets permet que ce genre de lacune soit comblée par le versement de paiements « complémentaires ».

[430] M. Barton a déposé la demande en vue d’obtenir le brevet 904 et il a payé la taxe applicable aux « petites entités ». Toutefois, la Cour d’appel fédérale a conclu que toutes les taxes de maintien en état concernant cette demande de brevet auraient dû être payées au tarif des « grandes entités ». Par conséquent, elle a invalidé la demande de brevet.

[431] L’arrêt Dutch démontre qu’il est possible d’invoquer les exigences procédurales prévues par la Loi sur les brevets comme fondement à l’invalidation d’un brevet.

[432] L’arrêt Dutch met en outre l’accent sur l’importance du régime législatif prévu à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Comme l’a reconnu le juge Locke, la Loi sur les brevets ne prévoit pas explicitement la révocation des brevets accordés malgré le non-respect du paragraphe 38.2(2).

[433] Néanmoins, il est fondamentalement inéquitable de permettre à un demandeur de brevet d’élargir ou d’étendre la portée du brevet en apportant des modifications au mémoire descriptif ou aux dessins. Par exemple, de telles modifications auraient pour effet de donner à ce demandeur un monopole plus étendu par rapport à celui qui était prévu par la demande initiale.

[434] Par conséquent, je suis d’accord avec JAMP pour dire que le libellé modifié en vue d’ajouter des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer des dessins ou du mémoire descriptif, contrevient au paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets, ce qui invalide le brevet.

[435] La Cour d’appel fédérale ayant décidé de rejeter l’adoption d’un critère strict dans l’arrêt Western Oilfield, j’adopte à l’égard de l’inférabilité raisonnable une approche générale.

b) Analyse des termes de la revendication

[436] JAMP fait valoir que le segment [traduction] « ces doses multiples n’étant pas soumises à un ajustement discrétionnaire de la part d’un médecin ou d’un praticien » dans la revendication 1 est incompatible avec l’exposé de l’invention divulguée dans le brevet 917.

[437] Selon le Dr Sauder, la personne versée dans l’art ne comprendrait pas, à la lecture du brevet 917, que l’objet peut raisonnablement s’inférer de l’exposé de l’invention. Il a plutôt affirmé que, à la lecture du brevet 917, cette personne comprendrait que les inventeurs avaient indiqué que les schémas posologiques du brevet étaient soumis à des ajustements discrétionnaires. Le Dr Sauder a renvoyé à l’extrait suivant du brevet 917 :

[traduction]

Les schémas posologiques décrits dans le présent document peuvent être ajustés (p. ex. pour chaque patient) pour obtenir la réponse optimale souhaitée – par exemple, le maintien de la rémission dans l’hidrosadénite suppurée – en tenant compte des enseignements qu’il contient.

Il convient de noter que les valeurs posologiques peuvent varier selon le type et la gravité de l’hidrosadénite suppurée. Il faut en outre bien comprendre que, pour tout sujet particulier, certains schémas posologiques peuvent être ajustés au fil du temps en fonction des enseignements contenus dans le mémoire descriptif, des besoins du sujet et du jugement professionnel de la personne qui administre ou supervise l’administration de la composition, et que les quantités et les intervalles posologiques énoncés dans le présent document ne sont que des exemples et ne visent pas à restreindre la portée ou la réalisation de l’invention revendiquée.

[Non souligné dans l’original.]

[438] JAMP souligne que le segment a été ajouté dans la revendication au cours du processus de poursuite de l’examen de la demande de brevet et qu’il est incompatible avec le mémoire descriptif du brevet 917, de sorte qu’il ne respecte pas le paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets. Par conséquent, elle fait valoir que le brevet 917 est nécessairement invalide, du fait qu’il contrevient à cette disposition.

[439] AbbVie soutient que l’argument de JAMP est sans fondement. Elle explique que le segment confirme la nature fixe du schéma revendiqué. Elle s’appuie en outre sur le fait que l’examinateur a autorisé les revendications, ce qui dénote l’absence de préoccupations en ce qui concerne le paragraphe 38.2(2). Selon AbbVie, l’argument de JAMP repose intégralement sur l’[traduction] « interprétation absurde » de ce segment par le Dr Sauder.

[440] L’historique du dossier de demande du brevet 917 fait état de l’objection concernant la revendication 1 et la réponse s’y rapportant.

[441] Le 25 juin 2015, l’examinateur a expliqué que les revendications 1 et 2 englobaient un objet qui n’était pas visé par la description de l’invention. Il était d’avis que la revendication 1 contenait un élément essentiel, soit un schéma posologique restreignant l’exercice de la compétence et du jugement professionnels du médecin, et qu’elle constituait de ce fait une méthode de traitement médical.

[442] Le 14 décembre 2015, AbbVie a répondu en affirmant que ces revendications ne constituaient pas une méthode de traitement médical. Par ailleurs, elle a expliqué que [traduction] « dans le but d’accélérer le processus d’autorisation, le demandeur a ajouté le segment "ces doses multiples n’étant pas soumises à un ajustement discrétionnaire de la part d’un médecin ou d’un praticien" » (historique du dossier de demande du brevet 917, 006658).

[443] À mon avis, l’ajout effectué par AbbVie ne modifiait pas la revendication 1 et n’élargit pas la portée de cette dernière. La revendication 1 avait le même effet, avec ou sans l’ajout du segment concerné.

[444] Or, la question n’est pas là. La question qui se pose est celle de savoir si le segment ajouté à la revendication pouvait raisonnablement s’inférer de l’exposé de l’invention divulguée dans le brevet 917. Je conclus que, même s’il contredit l’exposé de l’invention, le segment ajouté ne se traduit par aucun gain pour AbbVie.

VII. Brevet 458

A. Historique de l’invention

[445] AbbVie allègue que sa découverte de l’invention divulguée dans le brevet 458 découle principalement d’un heureux hasard, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||

[446] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[447] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||| ||||||||||

[448] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[449] Cependant, il est surprenant que, lors de son interrogatoire préalable tenu en février 2022, M. Fraunhofer ne se soit pas souvenu de ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. L’historique de l’invention qu’il relate comporte en outre des éléments qui prêtent à confusion. Par exemple, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||

[450] Les remarques de JAMP m’ont convaincue. L’exposé de M. Fraunhofer comporte des lacunes importantes qui soulèvent des doutes notables quant à la véracité et à l’exactitude de l’historique de l’invention revendiquée. Je reconnais qu’il est probable qu’AbbVie était à la recherche de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Je suis réticente à accepter qu’il s’agit en l’espèce d’une découverte opportune ayant résulté de ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||…. L’absence de documents venant étayer cette demande, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| appuie la thèse de JAMP.

B. Interprétation des revendications

1) Personne versée dans l’art visée par le brevet 458

[451] Dans une large mesure, MM. Trout et Falconer s’entendaient sur les compétences de la personne versée dans l’art. Dans les cas où ils décrivaient différemment ces compétences, je les ai formulées d’une manière qui, à mon avis, concilie leurs points de vue.

[452] La personne versée dans l’art est une équipe de scientifiques possédant des connaissances dans le domaine des sciences pharmaceutiques, du génie chimique, de la chimie et d’autres domaines des sciences biologiques, notamment en ce qui concerne les formulations à base de protéines. Ces personnes ont fait des études universitaires de troisième, deuxième ou premier cycle assorties d’une expérience de travail pratique pour combler les lacunes. Elle possède environ deux ans d’expérience dans la formulation de protéines, de préférence les AcM.

[453] Selon M. Trout, la personne versée dans l’art peut être un clinicien ou un immunologue, car le brevet 458 vise, en partie, l’utilisation thérapeutique des formulations revendiquées. Il exclut une telle personne de sa définition du formulateur versé dans l’art. Étant donné que son avis d’expert repose sur le point de vue d’un tel formulateur, j’estime que le clinicien ou l’immunologue est un membre essentiel de l’équipe de scientifiques versés dans l’art.

2) Connaissances générales courantes

a) Date pertinente

[454] En ce qui concerne les connaissances générales courantes, MM. Trout et Falcone s’en sont tenus à la période avant le 30 novembre 2007, soit la date de publication du brevet 458.

b) Notions de base

[455] Les experts des deux camps s’entendaient pour dire que la connaissance des protéines faisait partie des connaissances générales courantes, à savoir qu’elles sont composées d’au moins deux acides aminés, qu’elles ont une forme tridimensionnelle en raison du repliement, de la déformation et de l’interaction de leurs chaînes d’acides aminés constitutifs, qu’elles peuvent se combiner pour former de grandes structures, qu’il s’agit de structures dynamiques et que les divers types de protéines peuvent servir à différentes fins selon la composition et la structure de leurs acides aminés.

[456] Ils étaient d’accord pour dire que les connaissances générales courantes comprenaient la connaissance des anticorps. Les anticorps sont une classe de protéines utilisées par le système immunitaire du corps humain. Ils ont la forme d’un Y et sont constitués de quatre chaînes polypeptidiques. La partie supérieure du Y – la forme en v – contient les chaînes légères et la partie inférieure – la forme en l – contient les chaînes lourdes. Les extrémités de la partie en forme de v sont des régions variables. Il existe cinq classes d’anticorps humains : IgG, IgM, IgA, IgE, et IgD. L’IgG, l’anticorps le plus abondant, est elle-même une classe divisée en quatre sous-classes.

[457] Les experts ont en outre convenu que les connaissances générales courantes comprenaient une bonne connaissance des AcM. Un type particulier d’anticorps, les AcM, sont généralement produits ex vivo, c’est-à-dire en laboratoire. Chaque AcM comporte une région constante et une région variable, et les séquences d’acides aminés dans la région variable commencent différemment d’un anticorps à l’autre.

[458] L’adalimumab est un anticorps monoclonal. Il a été approuvé à des fins médicales pour la première fois par la FDA en 2002 et vendu sous le nom de marque HUMIRA à compter du 30 novembre 2007. HUMIRA a été approuvé pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, de l’arthrite psoriasique, de la spondylarthrite ankylosante et de la maladie de Crohn.

[459] Pour être utiles dans des contextes médicaux, les AcM doivent être stables. On compte deux principaux types d’instabilité : elle peut être chimique ou physique. Il existe plusieurs causes possibles d’instabilité chimique. La principale préoccupation concernant la stabilité physique est l’agrégation des protéines, qui se produit lorsque la structure des protéines change, ce qui entraîne une agglomération des protéines.

[460] Les experts s’entendaient pour dire que l’administration réussie d’un AcM exige que les protéines soient formulées sous forme de liquides stables (aqueux) ou sous forme de doses séchées à froid (lyophilisées) reconstituées avec un diluant avant l’injection. Le brevet 458 décrit une formulation aqueuse.

[461] Ils ont en outre convenu que selon les connaissances générales courantes, plusieurs aspects devaient être pris en compte lors de la formulation de préparations pharmaceutiques aqueuses d’AcM stables. De façon générale, ces aspects sont les suivants : la concentration de l’AcM, le pH de la solution, les effets des excipients, les effets du procédé et de l’équipement de fabrication ainsi que la voie d’administration.

[462] Un excipient désigne un composé autre que le principe actif dans une préparation. Les excipients sont ajoutés aux préparations pharmaceutiques et peuvent avoir une incidence sur la stabilité de ces dernières ainsi que sur le mode d’administration.

c) Concentration des protéines

[463] MM Trout et Falconer s’entendaient pour dire que les formulations d’AcM à haute concentration sont souhaitables. Des concentrations élevées réduisent le volume posologique requis, ce qui signifie qu’une quantité moindre de liquide est injectée au patient. M. Trout a affirmé que, en date de novembre 2007, très peu d’AcM en solution aqueuse à haute concentration avaient été approuvés. M. Falconer a cité deux exemples : l’adalimumab à 50 mg/mL et le bévacizumab à 25 mg/mL. Des concentrations plus élevées étaient disponibles dans les formulations lyophilisées.

d) pH de la solution

[464] Les experts s’accordaient à dire que, au 30 novembre 2007, on savait que la stabilité physique et chimique d’une formulation d’AcM dépendait du pH. Chaque AcM avait une valeur pHi qui lui était propre, le pH d’une formulation à laquelle l’AcM avait une charge neutre et tendait à s’auto-associer, ce qui causait une agrégation (c.-à-d. une dégradation physique). On savait que le fait de garder le pH d’une formulation à distance du pHi permettait d’éviter ce problème. On savait également que l’utilisation de tampons, une sorte d’excipient, permettait à une préparation de maintenir la stabilité de son pH.

e) Tampons

[465] Comme je l’ai mentionné plus haut, les tampons étaient une importante classe d’excipients connus le 30 novembre 2007. Les tampons peuvent aider à maintenir la stabilité du pH d’une préparation pendant la fabrication et l’entreposage. Ils y parviennent en résistant aux changements de pH, et leur capacité à le faire est appelée pouvoir tampon. Divers tampons étaient disponibles en 2007. En fait, en date du 30 novembre 2007, toutes les préparations d’AcM offertes sur le marché contenaient un tampon.

f) Autres excipients

[466] D’autres excipients étaient disponibles en date du 30 novembre 2007 et étaient utilisés à diverses fins. Ils pouvaient servir à protéger contre différents types de dégradation chimique, à contrôler la stabilité physique ou à prévenir d’autres effets indésirables après l’injection. À l’époque, on savait que l’ajout d’un excipient pouvait avoir des effets sur une formulation au-delà de la résolution du problème ayant entraîné l’utilisation de l’excipient. Parmi les excipients connus et mis en œuvre à l’époque figuraient les polyols et les sucres, les surfactants et les sels.

g) Effets des procédés et de l’équipement de fabrication

[467] Le 30 novembre 2007, on savait qu’au cours de la fabrication, les AcM subissaient un certain nombre de contraintes pouvant les déstabiliser s’ils n’étaient pas bien formulés (par exemple, le gel et le dégel). De même, pendant l’entreposage, le choix du conditionnement pouvait avoir une incidence sur la stabilité.

h) Voie d’administration

[468] À la date pertinente, on savait que différentes méthodes d’injection présentaient différents avantages et inconvénients. En voici quelques exemples : une douleur plus ou moins intense lors de l’injection, le volume de l’injection, la vitesse d’absorption dans le corps du patient et l’exigence que l’administration soit effectuée par un professionnel de la santé.

i) Force ionique

[469] En date du 30 novembre 2007, l’importance de la force ionique d’une formulation aqueuse faisait partie des connaissances générales courantes. La force ionique est la mesure de la concentration d’ions dans une solution, et elle dépend de l’utilisation d’excipients ioniques. On savait que la force ionique d’une formulation pouvait avoir une incidence sur la stabilité physique et chimique de l’anticorps dans la solution.

j) HUMIRA

[470] Le 30 novembre 2007, on savait que HUMIRA était la préparation commerciale de l’adalimumab, laquelle avait été approuvée par la FDA le 31 décembre 2002. Elle contenait de l’adalimumab à une concentration de 50 mg/mL et renfermait un système tampon de phosphate/citrate, un tampon bien connu ayant un grand pouvoir tampon. Elle contenait également d’autres excipients, à savoir du sel pour gérer la pression osmotique, une préoccupation pour la stabilité chimique; du mannitol, un polyol et agent tonique; du polysorbate 80, un surfactant; et de l’eau, le solvant. Le pH de HUMIRA était de 5,2, loin des points isoélectriques de l’adalimumab, qui se situent entre 8 et 9.

[471] HUMIRA était administré par voie sous-cutanée au moyen de seringues préremplies, ce qui signifie que les patients pouvaient s’injecter le médicament eux-mêmes. Il était approuvé pour deux schémas posologiques. Le premier, approuvé pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, de l’arthrite psoriasique, de la spondylite ankylosante et de la maladie de Crohn, consistait en une injection de 40 mg toutes les deux semaines. Le deuxième, approuvé pour la maladie de Crohn, consistait en une dose initiale de 160 mg, puis une dose de 80 mg deux semaines plus tard, suivie d’une dose d’entretien de 40 mg toutes les deux semaines à partir de la quatrième semaine. Dans le cas du deuxième schéma, les seringues ne contenaient que 40 mg d’adalimumab, ce qui signifie que la dose initiale nécessitait quatre seringues, et que le patient ne rendait à une seringue par dose que la quatrième semaine.

[472] Le 30 novembre 2007, on savait que les réactions au point d’injection étaient un effet secondaire courant. La notice de HUMIRA indiquait que la douleur était l’un de ces effets secondaires. Il y était également mentionné que la plupart des réactions au point d’injection étaient « bénignes » et, qu’en général, elles ne nécessitaient pas l’abandon du médicament.

k) Difficulté concernant la formulation d’AcM thérapeutiques

[473] MM. Trout et Falconer ne s’entendaient pas sur la difficulté que la personne versée dans l’art aurait, en date du 30 novembre 2007, relativement à la formulation de protéines thérapeutiques stables, en particulier les AcM.

l) Documents particuliers compris dans l’état de la technique

[474] MM. Trout et Falconer ont fourni, ensemble, de nombreux documents qui à leur avis font partie des connaissances générales courantes que posséderait la personne versée dans l’art. Voici, ci-après, les documents pertinents dont ils ont fait mention.

[475] Le brevet américain no 6,090,382 (le brevet 382) concerne des anticorps dirigés contre le TNFα et mentionne que l’adalimumab est l’anticorps le plus préférentiel. Comme l’a souligné M. Trout, le brevet 382 décrit principalement des formes posologiques. Il y est toutefois mentionné que des compositions pharmaceutiques peuvent être faites, et divers exemples des types d’excipients pouvant entrer dans ces compositions y sont présentés.

[476] Le document no WO 2004/016286 (la demande no 286) divulguait une solution tamponnée d’anticorps dont le pH se situe entre 4 et 8 et dont la durée de conservation est de 18 mois. Il révélait des concentrations de protéines de 1 à 150 mg/mL et indiquait que les concentrations plus élevées de cette plage étaient préférentielles, mais ne fournissait que des exemples jusqu’à une concentration de 63 mg/mL. L’adalimumab était l’un des anticorps divulgués. Dans une réalisation de cette demande, il y avait une formulation aqueuse contenant de l’adalimumab, un polyol, un surfactant et un système tampon composé de citrate et/ou de phosphate à un pH d’environ 5,2. La demande no 286 faisait aussi état de la nécessité de mettre au point des formulations convenant à une injection sous-cutanée unique et sous des formes non préjudiciables pour le patient.

[477] Selon la demande de brevet européen no 0,893,450, un pH faible et une faible teneur en sel [traduction] « profiteraient, en théorie, à n’importe quel produit à base d’IgG ».

[478] M. Falconer a présenté des documents concernant des anticorps polyclonaux, ainsi que des formulations protéiques sous forme lyophilisée. Dans sa réponse, M. Trout a affirmé qu’il existe d’importantes différences entre les anticorps monoclonaux et les anticorps polyclonaux, ce qui rend les leçons tirées de la formulation de l’un difficile à transposer à l’autre. À titre d’exemple, les anticorps polyclonaux sont généralement stables sur des plages de pH plus larges que les AcM. Concernant les formulations lyophilisées, M. Trout a souligné qu’elles ont tendance à être plus stables que les formulations aqueuses, ce qui est étayé par leur présence accrue sur le marché en date du 30 novembre 2007.

[479] SYNAGIS était un AcM disponible à la date pertinente, sous forme liquide et lyophilisée. La solution liquide avait une concentration en protéines d 100 mg/mL et était administrée par injection intramusculaire. La formulation ne contenait pas de sels, mais renfermait toutefois d’autres excipients ioniques comme l’histidine, qui est un tampon.

[480] L’ouvrage de MM. Carpenter et Manning (l’ouvrage de 2002 du professeur Carpenter) intitulé « Rational Design of Stable protein Formulations » enseignait qu’il existe un volume maximal possible d’environ 1 mL pour l’injection sous-cutanée au-delà duquel les patients éprouvent généralement une gêne. Selon M. Falconer, la personne versée dans l’art aurait compris que cette situation imposerait des contraintes à la concentration en protéines d’une formulation compte tenu d’un certain intervalle de doses.

[481] L’ouvrage de 2002 du professeur Carpenter révèle que, dans le cas d’une protéine donnée, [traduction] « en matière de stabilité des protéines, il est possible de réaliser des gains importants en augmentant la concentration en protéines ». Cependant, comme le souligne M. Trout, l’ouvrage montre, dans le cas d’une autre protéine, une instabilité à des concentrations en protéines plus élevées.

[482] Au sujet des excipients, l’ouvrage de 2002 du professeur Carpenter indique que le choix de l’anticorps à utiliser peut avoir une incidence sur la douleur à l’injection. Dans ce même ouvrage, l’utilisation de tampons de phosphate de sodium était déconseillée. Par ailleurs, l’ouvrage enseignait que la solubilité des protéines pouvait être améliorée avec de faibles concentrations en sels, soit moins de 0,15 M. Enfin, on y enseignait que les sucres constituent le premier choix parmi les stabilisants non spécifiques.

[483] M. Falconer a présenté un article, publié pour la première fois le 19 novembre 2007 dans le Journal of Pharmaceutical Science et intitulé « Self-buffering antibody formulations », auquel plusieurs auteurs ont participé à la rédaction, dont M. Gokarn (l’article de M. Gokarn). Selon M. Falconer, cet article enseigne [traduction] « une formulation d’AcM1 autotampon [c.-à-d. sans tampon] » à une concentration de 60 mg/mL, un pH de 5,2 et sans sel. Comme l’a souligné M. Trout, la séquence et la structure des AcM dont il est question dans l’article de M. Gokarn sont inconnues. De plus, il est souligné dans l’article que des différences dans le pouvoir tampon, le cas échéant, sont attendues en fonction des différences structurales entre les protéines. Par conséquent, j’accepte que la personne versée dans l’art ne reconnaîtrait pas dans l’article de M. Gokarn un modèle ou une méthode de type « prêt à l’emploi » pour créer des préparations sans tampon utilisant d’autres AcM que les quatre dont il est question. L’adalimumab n’en fait pas partie.

[484] Dans la demande de brevet américain no 2004/0170623 (la demande no 623), le souhait du marché d’obtenir des préparations d’anticorps stables, sous forme liquide et injectable, en particulier à des concentrations élevées en protéines, est exprimé. L’intérêt de mettre au point des préparations liquides plutôt que lyophilisées était d’éviter d’avoir à reconstituer la poudre, qui représente une étape fastidieuse de l’administration. De plus, l’administration par voie sous-cutanée y est l’administration préférentielle. La demande no 623 divulgue des solutions aqueuses concentrées, les concentrations de 100 mg/mL et plus étant préférentielles, et un pH entre 5 et 6 étant le plus préférentiel. En ce qui concerne les concentrations plus élevées, la demande no 623 s’en tient à des réalisations dans lesquelles sont utilisés des tampons pour maintenir leur viscosité à un niveau bas.

[485] La demande no 623 enseigne également qu’il est préférable de réduire le nombre d’excipients du point de vue de la fabrication. Pourtant, je comprends l’argument de M. Trout selon lequel la personne versée dans l’art n’aurait pas immédiatement sauté à la conclusion que les excipients présents dans les formulations existantes au moment considéré étaient superflus, et que leur élimination ne nuirait pas à l’efficacité thérapeutique ou à la stabilité des préparations qui les contenaient.

[486] La demande no 623 enseigne par ailleurs qu’il peut être avantageux dans les circonstances d’éliminer les tampons. Toutefois, dans le contexte de cette demande, cela ne s’applique pas à tous les tampons, car ils ne sont pas tous visés par la demande. Elle est plutôt pertinente pour certains tampons dans certaines conditions de pH, et les tampons qui y sont mentionnés n’ont pas tous créé les mêmes problèmes qui ont été résolus par l’élimination. Comme l’a fait remarquer M. Trout, dans la même veine que ce qui précède, dans les cas où il était bien établi que les tampons pouvaient être intégrés à des formulations thérapeutiques stables, la personne versée dans l’art n’aurait pas interprété la demande no 623 comme une recommandation générale de leur élimination.

[487] Un seul AcM fait l’objet d’une attention particulière dans les exemples donnés dans la demande no 623; il s’agit de l’omalizumab, et non de l’adalimumab. L’exemple 1 dans cette demande révèle une solution aqueuse de 98 mg/mL ayant un pH de 7,04, ainsi qu’une solution de 98 mg/mL dans de l’acide acétique à 0,01 % ayant un pH de 5,4. L’acide acétique était utile pour réduire la viscosité, ce qui laisse croire qu’il a contribué à la stabilité. L’exemple 2 porte sur une solution dans de l’acide acétique à 0,1 % à une concentration de 161 mg/mL, ce que la personne versée dans l’art pourrait raisonnablement interpréter comme indiquant qu’une concentration d’acide acétique plus élevée et, par conséquent, moins d’eau, aide à la stabilité à des concentrations plus élevées avec l’omalizumab. L’exemple 7 divulgue un moyen de préparer des solutions à forte concentration en protéines, mais comprend un tampon pour assurer la stabilité. L’exemple 9 comprend également un tampon.

[488] La demande PCT (Traité de coopération en matière de brevets) no WO 2002/096457 (la demande no 457) enseigne des formulations sans tampon d’omalizumab, un AcM, à des concentrations de près de 100 mg/mL et supérieures à 200 mg/m. Cette demande comprend l’ajout d’acide acétique pour réduire la viscosité. Toutefois, comme l’a souligné M. Trout, il y est également divulgué qu’une formulation aqueuse avait connu des problèmes de viscosité qui avaient été négativement touchés par l’élimination du tampon. S’agissant du choix entre une formulation liquide ou une formulation lyophilisée, la demande no 457 souligne les inconvénients de la lyophilisation, mais reconnaît que la lyophilisation aide à surmonter certains des problèmes de stabilité typiques des formulations liquides.

[489] L’article du professeur Christensen, intitulé « Proteins as Buffers » et publié dans les Annals of the New York Academy of Sciences en 1966, traite des propriétés autotampon des protéines et présente des courbes de titrage. Comme l’a mentionné M. Trout, les formulations prennent de nombreuses formes, et l’article du professeur Christensen n’enseigne pas qu’une protéine pouvait être ou aurait été stable dans une formulation liquide avec un système tampon. En ce qui concerne les courbes de titrage, l’auteur fait remarquer que les courbes expérimentales et les courbes prédites ne correspondent pas toujours. Cette constatation rejoint celle des deux experts, selon qui la certitude absolue de la courbe de titrage d’une protéine exige de l’expérimentation.

[490] M. Falconer a mentionné un article de 1993 intitulé « The development of stable protein formulations: a close look at protein aggregation, deamidation, and oxidation » auquel quelques auteurs ont participé à la rédaction, dont M. Cleland. L’article enseigne que les sels neutralisent les charges des protéines. Par ailleurs, les auteurs insistent également sur le fait que chaque protéine doit être étudiée dans un milieu de solvant donné. De plus, on y recommande l’utilisation de tampons et d’excipients, dont les sels.

[491] Un article de 2003 intitulé « Physical stability of proteins in aqueous solution: mechanism and driving forces in non-native protein aggregation », auquel quelques auteurs ont participé à la rédaction dont la professeure Chi (l’article de 2003 de la professeure Chi), enseigne que le sel réduit la répulsion entre les particules dont les charges sont de même signe. Ce type de force de répulsion peut réduire l’agrégation et la viscosité. C’est ce que M. Falconer a retenu de l’article. Cependant, M. Trout s’est méfié de cette interprétation, affirmant que les sels peuvent également avoir d’autres et différents effets sur la stabilité des formulations, certains dans la bonne direction.

[492] M. Falconer a renvoyé à un article de 2005 intitulé « Colloidal Behavior of Proteins: Effects of the Second Virial Coefficient on Solubility, Crystallization and Aggregation of Proteins in Aqueous Solution », auquel plusieurs auteurs ont participé à la rédaction dont M. Valente (l’article de 2005 de M. Valente). L’article fournit des renseignements sur les avantages des formulations à faible teneur en sel pour accroître la solubilité et la stabilité. Cependant, les auteurs ont prévenu que les conclusions pourraient ne pas s’appliquer à toutes les protéines. Ils admettaient également que certains des domaines auxquels se rapportaient leurs conclusions étaient encore [traduction] « relativement inexplorés » au moment de la publication de l’article.

[493] M. Falconer a présenté un article de Mme Zhang et de M. Cramer paru en 2006 qui, selon lui, expliquait davantage pourquoi les solutions à faible teneur en sel et à faible pouvoir tampon favorisaient le maintien des protéines en solution. M. Trout s’est montré circonspect quant à l’applicabilité générale de ces résultats, compte tenu du fait que l’article de 2005 de M. Valente et celui de 2003 de la professeure Chi ne faisaient pas état d’une préférence largement transférable pour des solutions à faible teneur en sel. De plus, M. Trout a souligné que Mme Zhang et M. Cramer n’avaient pas eux-mêmes affirmé dans l’article que des solutions à faible teneur en sel et des solutions à faible pouvoir tampon fonctionneraient pour toutes les protéines.

[494] M. Falconer a présenté un article de synthèse de 2004 de M. Shire – lequel article est mentionné dans la description du brevet 458 – qui porte principalement sur les problèmes dans la mise au point de formulations à haute concentration en protéines. La viscosité y est mentionnée comme l’un des problèmes ayant une incidence sur la stabilité, l’administration aux patients et la fabricabilité. L’auto-association des protéines dans la solution est également mentionnée comme étant un problème. Selon M. Falconer, les travaux mentionnés dans l’article sont potentiellement trompeurs, car le pH des formulations mises à l’essai était proche du pHi de l’AcM dans la solution. Cependant, selon M. Trout, l’article ne fait pas référence au pHi de l’AcM mis à l’essai et il n’y est pas indiqué non plus qu’il ne s’applique qu’aux protéines dans les formulations ayant des pH proches des points isoélectriques des protéines.

[495] Dans son rapport, M. Falconer a analysé des articles portant sur la douleur liée à l’injection. Un article de M. Kivitz (l’article de M. Kivitz) paru en 2006 compare l’administration de l’adalimumab au moyen d’un stylo prérempli à celle effectuée au moyen d’une seringue. Les patients avaient tendance à préférer l’administration avec le stylo plutôt qu’avec la seringue préremplie, mais l’article fait également état de plusieurs autres facteurs pouvant avoir une incidence sur la douleur à l’injection, comme la vitesse d’injection et l’angle d’insertion de l’aiguille. En particulier, l’adalimumab était présenté sous forme tamponnée, tant en stylo prérempli qu’en seringue. L’article de M. Kivitz n’enseigne pas les modifications à apporter à la formulation des protéines et n’établit pas de lien entre la formulation des protéines et la douleur à l’injection. Selon M. Trout, cet article s’éloigne de l’élimination du tampon. Je ne crois pas que l’article va aussi loin : il ne dit tout simplement rien à ce sujet. L’article de M. Kivitz et un article de M. Jorgensen publié en 1996 enseignaient que la conformité était souvent un problème dans les traitements médicaux et qu’elle pouvait être améliorée lorsque les traitements convenaient mieux aux patients. D’après l’article de M. Jorgensen, les faibles volumes d’injection étaient préférables.

[496] Dans un article publié en 2006, le professeur Laursen proposait d’abandonner l’utilisation du citrate et des tampons de citrate dans les préparations parentérales en raison de la douleur causée lors de l’injection. Il recommandait d’utiliser un tampon différent : l’histidine.

[497] M. Falconer a renvoyé à un article de 1996 de M. Fransson, qui enseignait que la quantité de tampon dans les préparations parentérales devrait être réduite au minimum, de sorte que le pH de la préparation injectée s’ajuste rapidement au pH physiologique, réduisant ainsi la douleur à injection. M. Fransson n’envisageait pas l’élimination des substances tampons. En outre, cet auteur ne tenait pas compte de l’adalimumab et dressait la liste de nombreux autres facteurs ayant une incidence sur la douleur au point d’injection, notamment le volume d’injection, la vitesse d’injection, l’osmolalité, le pH, le point d’injection, la taille et la qualité de l’aiguille, la présence de substances irritantes et la température.

[498] La demande de brevet américain no 2004/0038878 (la demande no 878) enseigne que l’utilisation de sucre dans la préparation agit généralement comme un agent apaisant, surtout lorsque le sucre remplace un sel. Il y est en outre précisé de choisir des sucres du groupe du mannitol, du sorbitol, du tréhalose et du saccharose. De plus, cette demande enseigne que les sucres favorisent la stabilité à long terme de la préparation. Elle comprend une plage de concentration en protéines de 10 à 150 mg/mL, précise qu’il n’y a pas de tampon dans les formulations, mais qu’il est possible d’en inclure un, et compte les AcM parmi les protéines considérées. Toutefois, cette demande ne fait pas état de données d’essai provenant de toutes les protéines mentionnées; la douleur à l’injection de cinq préparations y est évaluée. Toutes ces préparations utilisaient des tampons. Je ne puis conclure, d’après ces données, que la personne versée dans l’art aurait compris que dans la demande no 878, les préparations sans tampon étaient les préparations préférentielles.

[499] M. Trout a présenté un article de 1998 auquel plusieurs auteurs ont participé à la rédaction dont Mme Brazeau (l’article de Mme Brazeau) au sujet de la douleur au point d’injection. M. Falconer n’a pas traité de cet article dans son rapport, mais il l’a fait lors de son contre-interrogatoire. L’article de Mme Brazeau enseigne de nombreuses façons de gérer la douleur au point d’injection, dont la modification du tampon, et non son élimination.

3) Interprétation des revendications (voir l’annexe B)

a) Revendications 1 et 69

[500] Voici le texte de la revendication 1 :

[traduction]

1. Une formulation pharmaceutique aqueuse qui comprend un anticorps anti-facteur de nécrose tumorale alpha (TNFα), ou un fragment de liaison à l’antigène de cet anticorps, à une concentration d’au moins 50 mg/mL, et de l’eau, cette formulation possédant une conductivité inférieure à 2,5 mS/cm et cet anticorps, ou son fragment de liaison à l’antigène, possédant une région variable de chaîne légère (LCVR) qui comprend un domaine CDR3 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:3, un domaine CDR2 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ Ip NO:5 et un domaine CDR1 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:7, ainsi qu’une région variable de chaîne lourde (HCVR) qui comprend un domaine CDR3 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:4, un domaine CDR2 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:6 et un domaine CDR1 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:8.

[501] Selon l’exposé de l’invention divulguée dans le brevet 458, une formulation aqueuse s’entend d’une solution qui se dissout dans l’eau, et une formulation pharmaceutique s’entend de [traduction] « préparations qui se présentent sous une forme telle qu’elles assurent une activité biologique efficace des principes actifs et qui peuvent donc être administrées à un sujet à des fins thérapeutiques ».

[502] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si la [traduction] « formulation pharmaceutique » signifie que la stabilité de la solution est tenue pour acquis dans le contexte du brevet 458. Ce désaccord découle des revendications 41 à 43, qui dépendent de la revendication 1, selon lesquelles la stabilité est acquise au fil du temps, plus précisément 3 mois, 12 mois et 22,5 mois respectivement. Je suis d’accord avec JAMP pour dire que les revendications 41 à 43 doivent servir à interpréter la revendication 1.

[503] À mon avis, l’élément clé de l’interprétation consiste à mettre deux éléments en opposition. Le premier est le fait que selon M. Trout, ces revendications sont des [traduction] « revendications relatives à la stabilité à long terme » – ce qui concorde tout à fait avec l’interprétation de ces revendications et sera examiné plus loin. Le second est la définition du terme [traduction] « formulation pharmaceutique », selon laquelle les préparations se présentent sous une forme telle [traduction] « qu’elles assurent une activité biologique efficace des principes actifs [...] à des fins thérapeutiques ». J’estime que cette définition requiert la stabilité, car une préparation instable ne pourrait pas être administrée sous une forme permettant d’assurer une activité biologique efficace de ses principes actifs à des fins thérapeutiques. Toutefois, la stabilité requise est la stabilité suffisante qui permet l’utilisation thérapeutique efficace de ses ingrédients biologiques, sans plus. Il s’agit de la stabilité nécessaire pour fabriquer et administrer la formulation aqueuse, sans incidence sur la conservation à long terme.

[504] Par conséquent, la personne versée dans l’art aurait compris que dans le contexte du brevet 458, une [traduction] « formulation pharmaceutique aqueuse » s’entendait de la solution d’un médicament dans l’eau avec une stabilité suffisante pour permettre son administration afin de faciliter son utilisation prévue dans le traitement d’une maladie ou d’un trouble.

[505] La revendication 1 indique ensuite que la formulation pharmaceutique comprend [traduction] « un anticorps anti-facteur de nécrose tumorale alpha (TNFα), ou un fragment de liaison à l’antigène de cet anticorps, à une concentration d’au moins 50 mg/mL, et de l’eau ». L’utilisation du terme [traduction] « qui comprend » en préambule aux deux possibilités – l’anticorps ou le fragment de liaison à l’antigène de cet anticorps – signifie que la formulation contient, sans forcément s’y limiter, l’un ou l’autre de ces principes actifs. La personne versée dans l’art aurait compris en lisant ce libellé que la revendication 1 n’excluait pas l’utilisation d’excipients.

[506] L’anticorps ou un fragment de cet anticorps doit, d’après la revendication 1, être présent à une concentration d’au moins 50 mg/mL dans la solution aqueuse. Cette solution peut contenir ou non des excipients.

[507] La revendication 1 comporte également une exigence de conductivité, plus précisément l’obligation que la formulation possède une conductivité [traduction] « inférieure à 2,5 mS/cm ». Selon la définition donnée dans l’exposé de l’invention divulguée dans le brevet 458, [traduction] « la conductivité [...] s’entend de la capacité d’une solution aqueuse à faire passer un courant électrique entre deux électrodes ». Le brevet 458 précise ensuite que la conductivité augmente proportionnellement à la quantité d’ions présents dans la solution aqueuse, et qu’il est possible de la modifier par l’utilisation d’excipients ioniques. Ainsi que l’a souligné M. Falconer, la personne versée dans l’art aurait compris qu’une conductivité inférieure à 2,5 mS/cm signifierait qu’une faible quantité d’ions est présente dans la formulation.

[508] Enfin, la revendication 1 impose des restrictions sur la composition et la structure des acides aminés de l’anticorps, ou de son fragment de liaison à l’antigène, qu’elle envisage.

[509] Voici le texte de la revendication 69 :

[traduction]

Une formulation pharmaceutique aqueuse qui comprend de l’eau et un anticorps, ou un fragment de liaison à l’antigène de cet anticorps, à une concentration d’au moins 50 mg/mL, cette formulation possédant une conductivité inférieure à 2,5 mS/cm, et cet anticorps, ou son fragment de liaison à l’antigène, possédant une région variable de chaîne légère (LCVR) qui a un domaine CDR3 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:3, un domaine CDR2 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:5 et un domaine CDR1 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:7, ainsi qu’une région variable de chaîne lourde (HCVR) qui a un domaine CDR3 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:4, un domaine CDR2 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:6 et un domaine CDR1 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:8.

[510] La personne versée dans l’art comprendrait la revendication 69 de la même façon que la revendication 1, à une différence importante près : la revendication 69 ne précise pas que l’anticorps doit être un anticorps anti-TNFα. La personne versée dans l’art comprendrait que cette revendication élargit la portée des anticorps qui y sont envisagés.

b) Revendication 191

[511] Voici le texte de la revendication 191 :

[traduction]

Une formulation pharmaceutique aqueuse qui comprend :

1) un anticorps anti-facteur de nécrose tumorale alpha possédant une région variable de chaîne légère (LCVR) qui a un domaine CDR3 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:3, un domaine CDR2 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:5 et un domaine CDR1 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:7, ainsi qu’une région variable de chaîne lourde (HCVR) qui a un domaine CDR3 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:4, un domaine CDR2 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:6 et un domaine CDR1 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:8, la concentration de cet anticorps étant de 50 à 200 mg/mL;

2) de l’eau; cette formulation ne contenant pas de système tampon.

[512] La personne versée dans l’art comprendrait le terme [traduction] « formulation pharmaceutique aqueuse » de la même manière que les revendications 1 et 69. Contrairement aux revendications 1 et 69, toutefois, la revendication 191 n’envisage pas de fragment de liaison à l’antigène de l’anticorps dont elle fait mention. En outre, elle précise que la concentration de l’anticorps dans la solution se situe entre 50 et 200 mg/mL et ne prévoit aucune exigence de conductivité.

[513] Un autre aspect important de la revendication 191 est le fait que la solution aqueuse renfermant l’anticorps ne contient pas de système tampon. Comme je l’ai mentionné plus haut, on savait à la date pertinente que les tampons étaient des excipients utilisés pour maintenir le pH de la préparation à l’intérieur de l’intervalle souhaité, favorisant ainsi sa stabilité. Par conséquent, la personne versée dans l’art aurait compris que la revendication 191 faisait état d’un anticorps anti-TNFα dans une solution aqueuse avec de l’eau, à une concentration se situant entre 50 et 200 mg/mL, sans l’ajout d’excipients servant à maintenir le pH souhaité.

[514] La personne versée dans l’art aurait toutefois été au fait des excipients sans tampon. La revendication 191 ne serait pas interprétée comme excluant l’utilisation de ces types d’excipients dans la formulation envisagée.

c) Revendications 10, 72 et 217

[515] La revendication 10 dépend de la revendication 1 et ajoute la restriction supplémentaire selon laquelle l’anticorps ou le fragment de liaison à l’antigène de cet anticorps est présent à une concentration de 100 mg/mL. Comme l’a souligné M. Falconer, dans la revendication 10, la concentration de 100 mg/mL est la destination précise où l’inventeur a laissé sa marque. Cette marque établit une distinction entre la revendication 10 et les autres – comme la revendication 5, qui divulgue au moins 100 mg/mL, et la revendication 1, qui divulgue au moins 50 mg/mL.

[516] La revendication 72 dépend de la revendication 69 et sert également à préciser une concentration de 100 mg/mL pour l’anticorps ou le fragment de liaison à l’antigène de cet anticorps.

[517] La revendication 217 dépend de l’une ou l’autre des revendications 177 à 215. Elle précise que la concentration de l’anticorps ou d’un fragment de liaison à l’antigène de cet anticorps est de 100 mg/mL pour les formulations visées par ces revendications. Je souligne que la revendication 191 ne fait pas mention d’un fragment de liaison à l’antigène.

d) Revendications 28 et 83, 192 et 193

[518] La revendication 28 dépend des revendications 1 à 26 et introduit la restriction supplémentaire selon laquelle la formulation pharmaceutique [traduction] « qui comprend de l’adalimumab et de l’eau ». La personne versée dans l’art aurait été au fait de l’adalimumab et aurait su qu’il s’agit d’un anticorps anti-TNFα.

[519] La revendication 83 est semblable à la revendication 28. Elle renvoie à [traduction] « [l]a formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 69 à 80, qui comprend de l’adalimumab et de l’eau ». L’interprétation de la personne versée dans l’art serait la même.

[520] La revendication 192 dépend de la revendication 191 et circonscrit l’anticorps anti-TNFα, en imposant des restrictions quant à la composition et à la structure de ses acides aminés.

[521] La revendication 193 dépend de la revendication 192 et précise également que l’anti-TNFα est l’adalimumab.

e) Revendications 37, 38, 40, 75, 76, 78 à 80 et 194 à 198

[522] La revendication 37 dépend des revendications 1 à 36 et précise que les formulations pharmaceutiques comprennent également un excipient non ionisable. Comme je l’ai mentionné plus haut, la personne versée dans l’art aurait compris que la caractéristique [traduction] « non ionisable » de l’excipient renvoyait au fait que son utilisation dans la formulation n’aurait pas eu d’incidence sur celle-ci.

[523] La revendication 38 précise en outre que l’excipient non ionisable visé dans la revendication 37 est un polyol, un surfactant non ionique, du sucrose, du tréhalose, du raffinose ou du maltose.

[524] La revendication 40 ajoute une autre précision, limitant le surfactant non ionique visé dans la revendication 38 au polysorbate 20, au polysorbate 40, au polysorbate 60 ou au polysorbate 80.

[525] La revendication 75 reflète la revendication 37 en ce sens qu’elle renvoie à [traduction] « [l]a formulation de l’une ou l’autre des revendications 69 à 74, qui comprend également un excipient non ionisable ». La revendication 76 dépend de la revendication 75 et précise que l’excipient non ionisable est un polyol. La revendication 78 dépend aussi de la revendication 75 et précise que l’excipient non ionisable est un surfactant non ionique. La revendication 79 dépend de la revendication 78 et indique que le surfactant non ionique est le polysorbate 80. Enfin, la revendication 80 dépend de la revendication 75 et précise que l’excipient non ionisable est le sucrose.

[526] La revendication 194 dépend de l’une ou l’autre des revendications 191 à 193 et introduit un excipient non ionisable dans les formulations de ces revendications.

[527] La revendication 195 dépend de l’une ou l’autre des revendications 191 à 193 et précise que les formulations visées dans ces revendications contiennent un polyol. La revendication 196 dépend de la revendication 195 et précise que le polyol qui y est envisagé est le mannitol, le sorbitol ou le sucrose.

[528] La revendication 197 dépend de l’une ou l’autre des revendications 191 à 193 et introduit un surfactant dans les formulations de ces revendications. La revendication 198 dépend de la revendication 197 et précise que le surfactant qui y est envisagé est le polysorbate 80 ou le polysorbate 20.

f) Revendications 204, 205 et 215

[529] Les revendications 204 et 205 dépendent toutes deux de la revendication 193 et précisent les valeurs de pH pour la formulation visée dans la revendication 193. Dans la revendication 204, la formulation visée dans la revendication 193 a un pH de 5 à 6. S’agissant de la revendication 205, la formulation visée dans la revendication 193 a un pH de 5,2. La personne versée dans l’art aurait compris que toutes ces formulations étaient acides, étant donné que toute substance dont le pH est inférieur à 7 (neutre) est un acide.

[530] La revendication 215 dépend de l’une ou l’autre des revendications 1 à 80. Elle précise que les formulations envisagées dans ces revendications ont un pH de 5,2.

g) Revendications 41 à 43

[531] Les revendications 41 à 43 introduisent des limites de stabilité à long terme aux revendications 1 à 40. Plus précisément, elles exigent une stabilité sous forme liquide pendant au moins 3 mois, 12 mois et 22,5 mois respectivement. Selon le brevet 458, une formulation [traduction] « stable » s’entend d’une formulation dans laquelle la protéine [traduction] « conserve essentiellement sa stabilité physique, sa stabilité chimique ou son activité biologique au moment de l’entreposage ». Ces revendications ne visent pas la stabilité pendant la fabrication ou au moment de l’administration, lorsqu’il n’y a pas eu d’entreposage de la préparation, puisqu’il s’agit de la stabilité requise par la revendication 1. Toutefois, comme les revendications 41 à 43 dépendent ultimement de la revendication 1, cette stabilité est implicite.

[532] La personne versée dans l’art aurait compris que la mention [traduction] « sous forme liquide » excluait tout changement d’état, comme le gel ou la lyophilisation.

h) Revendication 45

[533] La revendication 45 précise que la formulation visée à l’une ou l’autre des revendications 1 à 44 doit convenir à une utilisation in vitro ou in vivo. La personne versée dans l’art aurait compris que l’utilisation in vitro s’entendait d’une utilisation à l’extérieur d’un organisme vivant, par exemple, comme réactif dans une éprouvette ou une boîte de Petri. L’utilisation in vivo, par contre, aurait fait référence à une utilisation dans un organisme vivant.

i) Revendications 49 et 125

[534] La revendication 49 renvoie à [traduction] « [u]n article manufacturé qui comprend la formulation selon l’une ou l’autre des revendications 1 à 47 ». L’exposé de l’invention divulguée dans le brevet 458 indique que [traduction] « [l’]article manufacturé […] contient la formulation aqueuse […] et fournit son mode d’emploi ». Le brevet 458 donne des exemples de contenants possibles, notamment des bouteilles, des flacons, des seringues, des stylos auto-injecteurs contenant une seringue et des tubes à essai. La personne versée dans l’art aurait su que ces types de contenants étaient courants dans l’industrie.

[535] La revendication 125 renvoie à [traduction] « [u]n article manufacturé qui comprend la formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 69 à 123 ». La personne versée dans l’art l’interpréterait de la même manière que la revendication 49.

j) Revendications en cause

[536] Les revendications en cause qui font l’objet d’un différend entre les parties sont les revendications 28, 41 à 43, 83, 205, 215 et 217. Selon l’interprétation des revendications, celles-ci se réduisent à deux variantes, et d’autres précisions sont ajoutées dans les revendications dépendantes.

[537] La première est une solution aqueuse composée d’adalimumab et d’eau, l’adalimumab ayant une concentration de 100 mg/mL, un pH de 5,2 et une conductivité inférieure à 2,5 mS/cm.

[538] La seconde est une solution aqueuse composée d’adalimumab et d’eau, l’adalimumab ayant une concentration de 100 mg/mL et un pH de 5,2, mais pas de tampon. Je l’appellerai la formulation sans tampon.

C. Invalidité

1) Antériorité

[539] JAMP soutient que les revendications en cause du brevet 458 sont antériorisées par la demande no 181, intitulée « Préparations de protéines à tamponnage spontané ». Cette demande incorpore, par renvoi, la demande de brevet provisoire no 60/690,582 déposée aux É.-U. (la demande provisoire de M. Gokarn) qui, comme les parties en conviennent, fait partie de la demande no 181.

a) Antériorité établie dans le dossier d’une demande déposée aux États-Unis qui est l’équivalent du brevet 458

[540] AbbVie a demandé à notre Cour de prendre acte de la décision rendue dans une instance antérieure par laquelle la Patent Trial and Appeal Board (PTAB) du United States Patent and Trademark Office (USPTO) a refusé de mener un examen justifiant un jugement inter partes [opposable aux parties] au sujet des formulations sans tampon correspondantes du brevet américain 619, au motif que les revendications étaient antériorisées par la demande no 181.

[541] AbbVie a fourni la décision concernée rendue par l’USPTO. JAMP s’oppose à ce qu’AbbVie invoque la décision du PTAB et demande à notre Cour de statuer sur la validité des brevets d’AbbVie en se fondant uniquement sur la jurisprudence canadienne et la preuve qui lui a été présentée.

[542] À juste titre, JAMP fait remarquer que notre Cour n’est pas liée par les décisions de tribunaux étrangers concernant des brevets correspondants : Mylan Pharmaceuticals ULC. Comme la Cour d’appel fédérale l’a indiqué au paragraphe 40 de l’arrêt Pharmascience 2022, « il existe une multitude de raisons pour lesquelles notre Cour n’est pas liée par ces décisions. En ce qui concerne les décisions étrangères, le droit est différent, les brevets sont vraisemblablement différents et les éléments de preuve le sont certainement ».

[543] AbbVie a simplement présenté à la Cour la partie concernant le PTAB, sans étayer sa demande par une preuve suffisante. Par conséquent, je ne tiendrai pas compte de la décision du PTAB.

b) Divulgation antérieure dans la demande no 181

[544] La demande no 181 précise que les formulations les plus préférentielles ont recours à des véhicules liquides, de préférence de l’eau. Il s’agit donc de solutions aqueuses. Fait important, l’adalimumab figure parmi les protéines envisagées dans cette demande.

[545] Dans la demande no 181, la plage de concentrations en protéines de 20 à 150 mg/mL est la plus préférentielle. Il s’agit d’une très grande plage. Dans le cas des quatre protéines mises à l’essai dont les résultats figurent dans la demande no 181, il y avait des concentrations de 90 mg/mL et de 110 mg/mL qui se sont avérées être autotampon dans les plages de pH, notamment le pH de 5,2. D’autres plages ont également été mises à l’essai, et aucune de ces protéines n’était de l’adalimumab. En outre, dans la section des revendications de la demande no 181, ces protéines ne sont pas introduites dans la même revendication qui comporte l’adalimumab, et rien n’indique la présence d’une dépendance entre les revendications introduisant ces protéines et la revendication faisant référence à l’adalimumab.

[546] Comme je l’ai mentionné ci-dessus, une plage de valeurs n’antériorise pas toujours une valeur, mais elle le pourrait si elle est tributaire des faits du brevet en question. C’est d’autant plus vrai lorsque la plage est très large ou étendue. Par conséquent, je ne vois pas comment dans une plage de concentrations en protéines située entre 20 et 150 mg/mL la concentration de 100 mg/mL est la destination précise où l’inventeur a laissé sa marque, surtout lorsque des exemples précis de formulations données ne comprennent pas la protéine concernée.

[547] La plage de pH des formulations de la demande no 181 se situant à peu près entre 4 et 5,5 est la plage préférentielle. Dans leurs rapports et leurs témoignages, MM. Trout et Falconer n’ont pas traité précisément de la question de savoir si la personne versée dans l’art considérerait qu’il s’agit d’une large plage. Après avoir examiné les documents de l’art antérieur, je conclus qu’il s’agit d’une large plage au vu des faits visés.

[548] La demande no 181 visait des formulations tamponnées et sans tampon. Les formulations sans tampon étaient préférentielles et les protéines réellement mises à l’essai y étaient principalement visées.

[549] Même si des formulations sans tampon étaient revendiquées dans la demande no 181, il est difficile de savoir à partir de cette demande si la formulation d’adalimumab dite sans tampon ne nécessiterait pas réellement de tampon. Les formulations sans tampon les plus préférentielles sont celles dans lesquelles la protéine fournit [traduction] « au moins environ 99 % » du pouvoir tampon de la solution. Toutefois, le terme [traduction] « environ » dans le contexte de la demande no 181 signifie plus ou moins 20 %. Par conséquent, le pouvoir tampon à 99 % peut être aussi faible que 79,2 % et aussi élevé que 100 % – et ainsi constituer une plage étendue. Rien n’indique comment cette marge doit être interprétée dans le contexte de la myriade de protéines présentées dans la demande no 181, à l’exception de celles qui ont été mises à l’essai. Comme il a été mentionné, l’adalimumab ne faisait pas partie des protéines mises à l’essai. Par conséquent, il est difficile de savoir à la lecture de la demande no 181, dans sa formulation d’adalimumab qui serait sans tampon, si l’adalimumab ne contribue réellement qu’à environ 80 % du pouvoir tampon.

[550] Dans la demande no 181, diverses concentrations de sel sont mentionnées, ce qui, de l’avis des experts, correspond à la conductivité de la solution. Une des concentrations spécifiées, 25 mM, (millimolaires) est conforme à la conductivité indiquée dans le brevet 458, qui est inférieure à 2,5 mS/cm (millisiemens par centimètre).

c) Caractère réalisable

[551] Pour ce qui est de son argument concernant le caractère réalisable, JAMP s’appuie fortement sur le fait que les essais que tenterait la personne versée dans l’art pour arriver à la capacité autotampon de l’adalimumab sont assez simples et ne prennent pas de temps. Il est sans aucun doute permis d’effectuer un certain nombre d’essais successifs en réalisant quelque chose qui a déjà été divulgué. Toutefois, la demande no 181 va trop loin.

[552] Plus de 60 protéines préférentielles figurent dans la liste, et rien n’indique que le choix de l’adalimumab doit avoir préséance sur les autres. De plus, la demande no 181 ne comprend que des renseignements empiriques tirés d’essais effectués sur une poignée de protéines – l’adalimumab n’en fait pas partie.

[553] En ce qui concerne les protéines, je souligne que la demande no 181 énumère des anticorps monoclonaux et polyclonaux, ainsi que divers autres types d’anticorps qu’elle distingue de ces deux types, qui comptent parmi les [traduction] « protéines nettement préférentielles ». Dans son témoignage et son rapport, M. Trout a mis en évidence le fait que les préoccupations relatives aux formulations étaient différentes pour les anticorps monoclonaux et les anticorps polyclonaux. En contre-interrogatoire, M. Falconer a dit que l’adalimumab n’était peut-être pas la protéine préférentielle dans la demande no 181.

[554] Compte tenu du nombre élevé de protéines divulguées, il n’est pas certain que la personne versée dans l’art saurait choisir l’adalimumab. Il n’est pas certain non plus que, après avoir choisi l’adalimumab, cette personne saurait que l’adalimumab a une capacité autotampon à une concentration de 100 mg/mL et à un pH de 5,2.

[555] Quant à la conductivité, je souligne que des concentrations de sel autres que 25 mM sont précisées, et que bon nombre d’entre elles sont très différentes. La demande no 181 fait référence à ces concentrations :

[traduction]

[…] de préférence 150 mM, particulièrement de préférence 125 mM, surtout de préférence 100 mM, très particulièrement de préférence 75 mM, particulièrement de préférence 50 mM, de préférence 25 mM.

[556] Ces éléments nous font voir que la concentration de 150 mM se voit accorder le même degré de préférence que celle de 25 mM, pourtant elle correspond à une conductivité beaucoup plus élevée, au-delà de la plage inférieure à 2,5 mS/cm. De plus, on peut voir qu’un degré de préférence plus élevé est accordé aux concentrations de 125 mM, 100 mM, 75 mM et 50 mM. En contre-interrogatoire, M. Falconer a admis qu’il s’attendrait à ce que la personne versée dans l’art accorde plus d’attention aux valeurs ayant un degré de préférence plus élevé.

[557] Compte tenu de ces considérations, je ne vois pas comment la personne versée dans l’art saurait qu’il faut choisir la concentration de 25 mM alors que la demande no 181 offre explicitement des solutions de rechange préférables. Je ne vois pas non plus comment cette personne saurait choisir la concentration de 25 mM plutôt que celle de 150 mM, étant donné qu’elles sont toutes deux exprimées avec le même degré de préférence.

[558] La Cour a clairement établi que le critère de l’antériorité est exigeant et nécessite qu’une marque soit laissée, et que, « [s]i une antériorité donne à la personne versée dans l’art un choix, et que le résultat ne relève de la revendication du brevet que si elle emprunte une voie plutôt qu’une autre, il y a absence de nouveauté » (Takeda Canada Inc c Canada (Santé), 2015 CF 751 au para 36; Bristol-Myers Squibb Canada Co c Teva Canada Limited, 2016 CF 580 au para 232).

[559] Si la personne versée dans l’art a un choix, la question porte sur l’évidence, dont je traiterai maintenant. Je ne suis pas d’avis que le brevet 458 était antériorisé.

2) Évidence

[560] Les deux premiers volets du critère de l’évidence énoncé dans l’arrêt Sanofi commandent l’identification de la personne versée dans l’art hypothétique et la détermination des connaissances générales courantes de cette personne. C’est ce que j’ai fait dans les présents motifs et je passerai maintenant aux autres volets de cette démarche.

a) Approche adoptée par les parties pour définir l’idée originale

[561] M. Falconer et JAMP énoncent une idée originale pour l’ensemble du brevet 458, que voici :

[traduction]

[U]une formulation pharmaceutique aqueuse qui comprend un anticorps ou un fragment d’anticorps (dont l’adalimumab) à une concentration d’au moins 50 mg/mL, essentiellement sans aucun système tampon et contenant peu ou pas d’excipients ioniques.

[562] M. Trout et AbbVie définissent des idées originales pour les deux types de formulations visées par le brevet 458 : la formulation à faible conductivité et la formulation sans tampon. L’idée originale de la formulation à faible conductivité, proposent-ils, consiste en [traduction] « des formulations pharmaceutiques aqueuses stables qui comprennent 100 mg/mL d’adalimumab et de l’eau, qui ont une faible force ionique (conductivité inférieure à 2,5 mS/cm) ». L’idée originale de la formulation sans tampon consiste selon eux en des [traduction] « formulations pharmaceutiques aqueuses stables sans tampon qui comprennent 100 mg/mL d’adalimumab dans l’eau ». AbbVie définit ensuite les idées originales de diverses autres revendications dépendantes.

[563] Les différences entre ces deux propositions reflètent l’adoption d’approches distinctes pour définir l’idée originale. L’approche de JAMP témoigne de la volonté de limiter l’ensemble de l’idée originale à la revendication 1. Toutefois, elle ne tient pas compte du fait que les revendications en litige ne sont pas limitées principalement par la revendication 1. La revendication 1 fait partie des revendications en litige uniquement parce qu’elle est indépendante. Par ailleurs, l’approche de JAMP n’est pas cohérente avec la façon dont elle a qualifié les revendications en litige du brevet 458 aux fins de l’antériorité – par exemple, en s’en tenant aux particularités des revendications dépendantes, notamment concernant le pH de 5,2, la concentration de 100 mg/mL et l’adalimumab.

[564] En outre, la proposition de JAMP selon laquelle l’idée originale des revendications en litige est circonscrite à l’objet de la revendication 1 ne s’accorde pas avec l’article 58 de la Loi sur les brevets, qui dispose qu’un brevet demeure valide si seulement certaines de ses revendications sont déclarées invalides (Shire, au para 27). Ainsi, dans l’éventualité de l’invalidité de la revendication indépendante 1, le brevet 458 conserve sa validité grâce à au moins une de ses revendications dépendantes.

[565] Je préfère l’approche adoptée par AbbVie pour définir l’idée originale des revendications en litige. Elle est davantage conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets qui exige que l’évidence soit appréciée par rapport à « [l]’objet que définit la revendication » (Safe Gaming System c Société des loteries de l’Atlantique, 2018 CF 542 [Safe Gaming System] au para 161). La jurisprudence de la Cour d’appel fédérale le confirme; par exemple, voir Zero Spill Systems aux para 85‑94. En outre, il faut apprécier l’évidence de toutes les revendications en litige, car une invention ne peut pas être jugée évidente sur le fondement de ce qui est divulgué dans ses revendications dépendantes restreintes (Safe Gaming System, au para 161).

[566] Par conséquent, la définition adéquate de l’idée originale exige une analyse de chaque revendication, ce qui est un exercice distinct de l’interprétation des revendications (Shire, aux para 26 et 68).

[567] Je suis d’accord avec AbbVie pour dire qu’il existe une distinction entre les revendications du brevet 458 visant la formulation à faible conductivité et celles visant la formulation sans tampon. Dans l’ensemble, je souscris à cette distinction.

b) Idée originale des revendications 28 et 83 (faible conductivité)

[568] La première des revendications contestées est la revendication 28, qui dépend des revendications 1 et 10. Je retiens l’argument d’AbbVie selon lequel l’idée originale de cette revendication est une formulation pharmaceutique aqueuse stable comprenant 100 mg/mL d’adalimumab et de l’eau, et ayant une faible force ionique (conductivité inférieure à 2,5 mS/cm), sous réserve de l’interprétation du terme [traduction] « stable » que j’ai donnée dans la section intitulée « Interprétation des revendications ». L’idée originale de la revendication 83, qui dépend des revendications 69 et 72, est la même.

c) Idée originale de la revendication 217 (formulation sans tampon)

[569] La revendication 217 dépend de la revendication 191 à cause des revendications 192 et 193. Comme dans le cas des revendications visant la faible conductivité, je ne souscris pas aux observations de M. Trout et d’AbbVie quant au terme [traduction] « stable ». Je conclus, en conséquence, que l’idée originale de la revendication 217 est, pour reprendre la définition donnée par M. Trout dans son rapport – et je rappelle que je ne souscris pas à sa définition de la stabilité – [traduction] « une formulation pharmaceutique aqueuse stable sans tampon comprenant 100 mg/mL d’adalimumab dans de l’eau ».

d) Différence entre l’état de la technique et l’idée originale

[570] S’agissant des revendications visant la faible conductivité, la différence entre le brevet 458 et les formulations aqueuses d’adalimumab existantes qui, à mon avis, existait en date du 30 novembre 2007 porte sur les éléments suivants :

  • une concentration en protéines de 100 mg/mL, la protéine étant l’adalimumab;

· une conductivité inférieure à 2,5 mS/cm.

[571] S’agissant de la revendication relative à la formulation sans tampon, elle porte sur les éléments suivants :

  • une concentration en protéines de 100 mg/mL, la protéine étant l’adalimumab;

  • l’absence de tampon.

[572] Je souligne que la demande no 286 vise un large éventail de concentrations d’adalimumab, soit de 1 à 150 mg/mL. Cependant, la concentration n’atteint dans les exemples donnés que 63 mg/mL. Puisque l’inventeur doit laisser sa marque lorsqu’il divulgue son invention, je ne suis pas convaincue que la concentration de 100 mg/mL fasse partie de l’état de la technique. Je donnerai plus d’explications relativement à la demande no 286 plus loin.

e) La concentration de 100 mg/mL d’adalimumab dans l’eau aurait-elle été évidente pour la personne versée dans l’art au moment considéré?

[573] JAMP et M. Falconer se fondent sur la demande no 181 comme point de départ de leur argumentation relative à l’évidence. Comme je l’ai déjà mentionné dans la partie sur l’antériorité, je ne crois pas qu’il serait évident pour la personne versée dans l’art de sélectionner l’adalimumab parmi une gamme de plus de 60 protéines divulguées. En outre, à mon avis, la personne versée dans l’art n’aurait pas su que l’adalimumab, si ce produit était sélectionné parmi une gamme de plus de 60 protéines divulguées, pourrait être formulé en une solution aqueuse stable à une concentration de 10 mg/mL.

[574] M. Falconer souligne que la demande no 286 prouve que la personne versée dans l’art aurait su, au moment considéré, que des formulations à haute concentration d’adalimumab pouvaient être formulées avec succès. Cependant, bien que la demande no 286 revendique un intervalle de concentrations en protéines comprenant entre 1 et 150 mg/mL, les exemples qui y sont fournis ne dépassent pas, comme je l’ai déjà mentionné, 63 mg/mL. Comme l’ont admis les deux experts au cours de l’instruction, la personne versée dans l’art accorderait aux larges intervalles qu’un brevet revendique une moins grande importance qu’aux quantités revendiquées ou exemples précis donnés dans le brevet. Comme les formulations préférentielles de la demande 286 se situaient à la limite supérieure de sa plage de valeurs, mais qu’elle ne comprenait que des exemples allant jusqu’à 63 mg/mL, je ne crois pas que la personne versée dans l’art considérerait que cette demande enseigne qu’une formulation d’adalimumab de 100 mg/mL puisse être réalisée. En fait, la concentration de 63 mg/mL s’approche davantage des 50 mg/mL du produit HUMIRA d’origine que des 100 mg/mL du brevet 458.

[575] M. Falconer cite également en exemple Xolair, Raptive et Synagis comme formulations d’AcM ayant une concentration d’au moins 100 mg/mL. Cependant, ces trois préparations sont toutes lyophilisées et aucune ne contient d’adalimumab. Je ne suis pas convaincue que la personne versée dans l’art interpréterait que ces exemples rendent évidente la concentration de 100 mg/mL d’adalimumab non lyophilisé dans l’eau.

[576] Je suis d’avis que la personne versée dans l’art n’interpréterait pas ces documents, mis ensemble, comme un enseignement évident de la valeur de 100 mg/mL d’adalimumab dans l’eau. Plus précisément, étant donné que des concentrations élevées sont préférentielles dans la demande no 286, mais qu’elle ne contient en réalité que des formulations dont la concentration ne dépasse pas 63 mg/mL, je ne vois pas cette demande permettrait à la personne versée dans l’art de savoir que, parmi plus de 60 composés mentionnés dans la demande no 181, il serait possible de produire l’adalimumab à 100 mg/mL dans l’eau. En fait, il est plus probable que la demande no 286 et la demande no 181, prises ensemble, s’éloignent de l’adalimumab à 100 mg/mL dans l’eau, étant donné qu’elles mentionnent toutes deux une concentration de 100 mg/mL et plus, sans toutefois donner des exemples d’adalimumab.

f) L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher une concentration de 100 mg/mL?

[577] Je comprends l’observation de M. Falconer selon laquelle le succès d’HUMIRA ne constitue pas un motif de chercher à l’améliorer. On a observé une tendance à augmenter la quantité d’AcM administrée lors d’un traitement, ce qui donne à penser que les concentrations élevées sont bénéfiques étant donné qu’elles nécessitent moins d’injections.

[578] Cependant, la preuve n’étaye pas toute l’importance que M. Falconer a donnée à la douleur au point d’injection. Les connaissances générales courantes montrent que la douleur associée à l’injection était bénigne et n’avait pas tendance à entraîner l’abandon. Il n’est donc pas certain que la personne versée dans l’art serait extrêmement motivée à améliorer l’adhésion au protocole thérapeutique en réduisant la douleur au point d’injection. De plus, comme l’a souligné M. Trout, certains documents de l’art antérieur s’éloignaient en fait de l’augmentation de la concentration comme moyen de réduire la douleur au point d’injection. Qui plus est, la personne versée dans l’art aurait su que de nombreuses formulations d’AcM liquides présentaient des problèmes d’agrégation et d’autres problèmes liés à l’augmentation de la concentration. Vu l’absence sur le marché et dans l’art antérieur de formulations d’adalimumab à haute concentration mises au point et à l’essai, la personne versée dans l’art n’aurait pas su que l’adalimumab à haute concentration ne se heurterait pas à ce problème.

[579] Par conséquent, il n’est pas évident que la personne versée dans l’art aurait été motivée à réduire la douleur au point d’injection afin d’améliorer l’observance thérapeutique et, si elle l’avait été, il n’est pas évident qu’elle aurait cherché à obtenir des concentrations élevées en protéines comme moyen d’arriver à cette fin.

[580] Je fais remarquer que M. Falconer n’a pas expliqué pourquoi cette solution particulière constituerait un essai allant de soi en plus des méthodes établies de réduction de la douleur au point d’injection enseignée au moment considéré. L’examen des connaissances générales courantes montre que la personne versée dans l’art disposait de bien d’autres moyens pour essayer autre chose que l’élimination du tampon. Il n’est pas évident que cette personne aurait considéré l’élimination du tampon comme plus évidente que d’autres moyens, étant donné qu’il n’existait pas de formulation d’AcM sans tampon approuvée au moment considéré et que d’autres méthodes de réduction de la douleur au point d’injection étaient largement utilisées.

[581] Il y a aussi la motivation à réduire le nombre d’injections nécessaires pour un cycle de traitement. Je reconnais qu’il s’agit d’une motivation valable pour essayer l’adalimumab à une concentration plus élevée. Je ne suis toutefois pas convaincue que la concentration de 100 mg/mL constituerait un essai allant de soi. Étant donné que les tentatives précédentes constatées dans les documents de l’art antérieur pour arriver à des formulations d’adalimumab à haute concentration n’enseignent que des solutions allant jusqu’à 63 mg/mL, il est exagéré de supposer en l’absence de preuve que la personne versée dans l’art considérerait que la concentration de 100 mg/mL a une chance raisonnable de succès.

g) La faible conductivité à une concentration de 100 mg/mL serait-elle évidente pour la personne versée dans l’art?

[582] Comme j’ai conclu que la haute concentration, soit 100 mg/mL d’adalimumab dans l’eau, ne serait pas évidente pour la personne versée dans l’art, cette conclusion s’applique à la même formulation ayant une faible conductivité : moins de 2,5 mS/cm. Quant à l’argument de JAMP concernant le caractère évident de la conductivité, le rapport et le témoignage de M. Falconer sont axés sur la demande no 181 et sur le fait que la conductivité serait une propriété inhérente d’une préparation. Vu mes conclusions sur l’antériorité, je ne crois pas que la demande no 181 rendrait évidente une faible conductivité de 100 mg/mL d’adalimumab dans l’eau.

[583] En ce qui concerne la nature inhérente de la conductivité, je suis du même avis que M. Falconer. Les revendications 28 et 83 dépendent de revendications qui comprennent des excipients particuliers et, si les formulations de ces revendications étaient établies, il serait d’usage de découvrir leur conductivité. Or, cela ne tiendrait pas compte du fait qu’une telle formulation serait également une solution aqueuse de 100 mg/mL d’adalimumab dans l’eau, ce qui, selon moi, n’est pas évident.

h) La formulation d’adalimumab dans l’eau sans tampon serait-elle évidente pour la personne versée dans l’art?

[584] Répondre à cette question est la plus grande difficulté que JAMP doit surmonter. À la date pertinente, aucune formulation d’AcM sans tampon n’avait été approuvée sur le marché, et les observations des parties indiquent qu’aucune telle approbation n’a encore été donnée à ce jour; cependant, je suis consciente que le brevet 458 peut en être la raison. L’élimination du tampon constitue une différence importante entre les produits HUMIRA antérieurs et le brevet 458.

[585] Pour les motifs énoncés dans l’analyse de l’antériorité, je conclus que la demande no 181 n’a pas rendu évidente la formulation d’adalimumab sans tampon. En bref, j’estime que la demande no 181 n’enseigne pas que l’adalimumab peut manifestement servir d’autotampon à des concentrations élevées. En outre, chaque AcM sur le marché à l’époque contenait un tampon. À l’époque, les analyses traitant des problèmes liés aux tampons contenues dans l’art antérieur visé enseignaient la modification des tampons, et non leur élimination. Par exemple, la demande no 623 mentionnait des formulations sans tampon, mais elle révélait clairement que les formulations plus stables qu’elle avait mises à l’essai contenaient des tampons.

i) L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher une formulation d’adalimumab sans tampon?

[586] Comme je l’ai déjà mentionné, compte tenu de la preuve au dossier, M. Falconer a exagéré les problèmes liés à la douleur au point d’injection. Même si la personne versée dans l’art était motivée à réduire la douleur au point d’injection, il n’est pas évident que l’élimination du tampon devrait être mise à l’essai. Si certains tampons étaient associés à une douleur au point d’injection, d’autres ne l’étaient pas, et ces derniers constituaient les tampons préférentiels pour cette raison.

[587] Je reconnais que la réduction du nombre d’injections nécessaires dans le traitement par l’adalimumab aurait constitué une motivation. Toutefois, elle vise davantage la concentration en protéines que la présence ou l’absence d’un tampon.

j) Mesures concrètes

[588] Comme je l’ai déjà expliqué, je ne suis pas convaincue que M. Fraunhofer a décrit de manière exhaustive et exacte les mesures concrètes qui ont mené au brevet 458. Je ne doute pas de l’exactitude des essais effectués et de leurs résultats, mais j’ai des réserves à l’égard des motivations sous-jacentes.

[589] Néanmoins, je ne suis pas disposée à faire mienne la conclusion de JAMP selon laquelle les mesures concrètes étaient purement courantes et manifestement motivées par l’état de la technique. Pour les motifs que j’ai exposés, je ne peux conclure que la preuve établit une motivation suffisamment claire, au moment considéré, incitant la personne versée dans l’art à réaliser l’invention divulguée dans le brevet 458. L’historique de l’invention relatée par AbbVie me laisse sceptique, mais ce scepticisme ne signifie pas que je mettrai mes autres conclusions de côté et que j’interpréterai un récit qui comporte des lacunes de manière à y voir la présence de mesures concrètes.

k) Autres revendications en litige

[590] Puisque j’ai conclu que les revendications 28, 83 et 217 ne sont pas évidentes, je m’abstiendrai d’étendre mon analyse de l’évidence aux autres revendications qui en dépendent. Il s’ensuit logiquement que ces revendications dépendantes ne sont pas non plus évidentes.

l) Conclusion concernant l’évidence

[591] En résumé, je conclus que les revendications 28, 83 et 217 du brevet 458 ne sont pas évidentes. L’idée originale de ces revendications dénote des différences entre le brevet 458 et l’état de la technique, qui ne seraient pas évidentes à combler pour la personne versée dans l’art au moment considéré. En outre, il est vrai qu’une motivation à améliorer la formulation d’HUMIRA approuvée et commercialisée était présente, mais il n’est pas suffisamment clair que cette motivation a mené à la réalisation des améliorations qui sont au cœur de l’inventivité des revendications en litige.

3) Portée excessive

[592] JAMP fait valoir que les revendications en cause du brevet 458 ont une portée excessive, puisqu’elles ne se limitent pas aux formulations sans tampon et à faible conductivité qu’elles comprennent. Plus précisément, les revendications relatives à la conductivité n’excluent pas la présence d’un tampon dans la formulation, les revendications relatives à l’absence de tampon ne limitent pas la conductivité de la formulation, et aucune des revendications ne précise l’osmolalité ou le diamètre hydrodynamique, et ces paramètres sont décrits et revendiqués ailleurs.

[593] AbbVie rétorque que les éléments essentiels de l’invention ne sont pas la combinaison d’une formulation sans tampon et d’une formulation à faible conductivité. Les revendications en cause constituent plutôt des réalisations. L’invention, telle qu’elle est décrite dans la section intitulée [traduction] « Résumé de l’invention » de l’exposé de l’invention divulguée dans le brevet, [traduction] « concerne des méthodes et des compositions pour les formulations aqueuses de protéines qui comprennent de l’eau et une protéine, dans lesquelles la protéine est stable sans qu’il soit nécessaire de recourir à des agents supplémentaires ».

[594] Je commencerai par dire que dans son rapport d’expert, M. Falconer ne mentionne aucune directive qu’il aurait reçue de la part des avocats au sujet des règles de droit régissant la portée excessive et ne donne pas son avis concernant les éléments essentiels de l’invention divulguée par le brevet 458. Par conséquent, JAMP n’a présenté aucune preuve d’expert qui appuie son argument sur la portée excessive. Il convient également de mentionner que les observations finales de JAMP sur la portée excessive ne renvoient à aucune décision.

[595] J’examinerai d’abord les prétentions de JAMP portant que les revendications relatives à la faible conductivité ont une portée excessive du fait qu’elles n’excluent pas la présence d’un tampon dans la formulation, et que celles relatives à l’absence de tampon ont une portée excessive du fait qu’elles ne limitent pas la conductivité. JAMP n’a fourni aucune preuve étayant ses prétentions; elle ne s’appuie que sur les déclarations de M. Trout faites en contre-interrogatoire. Comme le souligne AbbVie, l’affaire Pharmascience 2022 présentait des circonstances similaires en ce qui concerne l’argument relatif à l’absence d’utilité. Le juge Locke a déclaré ce qui suit dans cet arrêt :

[27] Il existe une dernière raison pour laquelle j’hésiterais à modifier la conclusion de la juge de première instance sur l’utilité, et c’est que Pharmascience n’a présenté aucun élément de preuve de ses propres experts sur cette question, une question à propos de laquelle le fardeau de la preuve lui incombait. Pharmascience se fonde principalement sur les éléments de preuve des experts de Teva et sur les témoignages qu’ils ont présentés en contre-interrogatoire. Or, les rapports présentés par ces experts portaient sur la question de l’évidence et non de l’utilité. Les experts de Teva n’ont pas été informés des règles de droit régissant l’utilité et on ne leur a jamais demandé directement de donner leurs avis sur cette question.

[596] En l’espèce également, au soutien de son argument, JAMP s’appuie entièrement sur les déclarations de MM. Trout et Fraunhofer, respectivement témoin expert et témoin des faits pour AbbVie. Pourtant, M. Trout n’a pas traité de la question de la portée excessive dans son rapport et n’a pas reçu de directives au sujet des règles de droit pertinentes.

[597] JAMP se sert de manière trompeuse de réponses pertinentes données par M. Trout. M. Trout a fourni ces réponses dans le contexte de son mandat, qui consistait à aider la Cour dans son analyse de l’antériorité et de l’évidence. Pour ce faire, il a donné son avis sur plusieurs questions pertinentes. Il importe de mentionner que M. Trout n’a pas donné son avis sur les éléments essentiels de l’invention et que M. Falconer ne l’a pas fait non plus, d’ailleurs.

[598] En outre, M. Fraunhofer était un témoin des faits. Son témoignage s’est révélé pertinent pour l’historique de l’invention, et non pour la bonne compréhension de l’invention divulguée dans le brevet dont il est l’inventeur. Par conséquent, ce témoignage n’était pas une source appropriée pour tirer des conclusions importantes sur l’interprétation des revendications ou la détermination des éléments essentiels de l’invention. Les déclarations de M. Fraunhofer ne sont d’aucune utilité à JAMP.

[599] Pour tirer une conclusion sur la portée excessive, il faut comparer les revendications aux éléments essentiels de l’invention. Je fais remarquer que JAMP n’a pas proposé sa propre interprétation des éléments essentiels de l’invention ni avancé que les éléments des revendications en cause qui, à son avis, ont une portée excessive ne relèvent pas de la portée du mémoire descriptif. Suivant les arguments de JAMP, notre Cour devrait conclure que les revendications ont une portée excessive uniquement sur la foi de leur examen, sans analyser les éléments essentiels de l’invention, ce que la Cour ne peut pas faire.

[600] En ce qui concerne l’argument de JAMP selon lequel les revendications invoquées ne précisent pas l’osmolalité ou le diamètre hydrodynamique, M. Falconer indique dans son rapport que ces précisions ne sont pas nécessaires. Voici un extrait du rapport :

[traduction]

182. Dans le brevet 458, il est aussi mentionné que, en raison de l’augmentation de la concentration de la protéine et de la diminution des composants supplémentaires, comme les excipients ioniques, le [diamètre hydrodynamique] de la protéine dans les formulations pharmaceutiques aqueuses est plus petit (au moins 50 %) par rapport à la protéine dans une solution tampon standard. De plus, en raison de la faible proportion d’excipients ioniques, les formulations pharmaceutiques de l’invention présentent une faible conductivité (p. ex. inférieure à 2 mS/cm) et une faible osmolalité (p. ex. au plus 30 mOsmol/kg).

[Non souligné dans l’original.]

[601] Ailleurs dans son rapport, M. Falconer mentionne que [traduction] « la personne versée dans l’art comprendrait que l’osmolalité est une propriété inhérente d’une formulation aqueuse et qu’elle est liée à la concentration de molécules chimiques dans la formulation ». Il mentionne aussi que [traduction] « la personne versée dans l’art saurait que le [diamètre hydrodynamique] est une propriété inhérente d’un anticorps ou d’un fragment d’anticorps, notamment l’adalimumab, et qu’il reflète à la fois son poids moléculaire et sa structure ».

[602] Par conséquent, le témoignage de M. Falconer confirme que l’osmolalité et le diamètre hydrodynamique découlent d’autres propriétés précisées dans les revendications et auxquelles JAMP ne s’oppose pas dans son argument sur la portée excessive, par exemple le choix et la concentration des protéines ou le choix et la quantité d’excipients. L’argument de JAMP à ce sujet n’est donc pas étayé par le témoignage de l’expert auquel elle a fait appel et il ne me convainc pas.

[603] L’argument de JAMP sur la portée excessive ne peut donc être retenu pour deux motifs. Premièrement, elle ne définit pas les éléments essentiels de l’invention. L’analyse de la portée excessive exige la comparaison des éléments essentiels de l’invention avec les revendications telles qu’elles sont interprétées, mais JAMP n’a pas fourni à la Cour les renseignements requis aux fins de l’évaluation de la portée excessive. Deuxièmement, M. Falconer, l’expert de JAMP, a expliqué pourquoi il n’était peut-être pas nécessaire de préciser de manière explicite le diamètre hydrodynamique et l’osmolalité dans les revendications, ce qui soulève un doute sur la prétention de JAMP selon laquelle ces éléments sont absents.

4) Double brevet

[604] JAMP allègue que les revendications en cause du brevet 458 sont invalides pour cause de double brevet. En particulier, JAMP affirme que la revendication 9 du brevet canadien no 2 815 689 (le brevet 689) et ses revendications dépendantes présentent la même idée originale et les mêmes éléments essentiels que ceux du brevet 458. Ainsi, il n’existe aucune différence et aucun apport inventif n’est présent.

[605] AbbVie soutient que les revendications en cause du brevet 458 sont valides pour deux raisons. Premièrement, elle explique que l’argument de JAMP ne peut être retenu, puisqu’un brevet dont la date de dépôt est ultérieure (qui, par conséquent, expire plus tard) ne peut être invoqué pour invalider un brevet dont la date de dépôt est antérieure (qui expire donc plus tôt) pour cause de double brevet. Deuxièmement, elle affirme que même si un brevet déposé ultérieurement pouvait avoir pour effet d’invalider un brevet antérieur, une telle possibilité est exclue lorsque le brevet qui expire à la date la plus tardive est cédé au domaine public. AbbVie a cédé le brevet 689 au domaine public le 9 septembre 2022, soit environ deux mois avant le début de l’instruction en l’espèce.

a) Facteurs à prendre en compte pour déterminer la date pertinente

[606] Les parties ne s’entendent pas quant à la date pertinente aux fins de l’analyse de l’interdiction du double brevet. JAMP soutient que la date de délivrance devrait être la date pertinente, car avant que le brevet 689 soit accordé, AbbVie a pu jouir du monopole conféré par le brevet 458 pendant huit mois. AbbVie, quant à elle, fait valoir que la date pertinente est celle du dépôt.

[607] Selon mon analyse des décisions en matière de double brevet, je remarque que les tribunaux ont retenu tant la date de délivrance que la date de dépôt à titre de date pertinente – JAMP et AbbVie ont toutes deux fourni des décisions dans lesquelles l’une ou l’autre de ces deux dates était retenue. Les contraintes factuelles et les positions avancées par les parties ont souvent une incidence sur les dates pertinentes choisies (Apotex Inc c Eli Lilly Canada Inc, 2016 CAF 267 au para 40).

[608] L’interdiction du double brevet n’est pas un motif d’invalidité unique. Deux sortes de double brevet sont en fait visées par cette interdiction : le double brevet relatif à la même invention et celui relatif à une évidence (Whirlpool, aux para 64‑66). En général, l’incertitude exprimée dans la jurisprudence quant à la date à retenir pour déterminer s’il y a double brevet ne vise que celui relatif à une évidence, puisque le temps écoulé entre les dates de dépôt, de publication et de délivrance, et la combinaison de ces dates, peuvent modifier l’état de la technique et les connaissances générales courantes (Mylan Pharmaceuticals ULC, au para 44).

[609] Toutes ces considérations doivent toutefois tenir compte de l’objet de l’interdiction du double brevet. Cette interdiction vise à empêcher les brevetés d’obtenir un avantage plus grand que celui auquel ils ont droit au titre de leur invention. L’avantage le plus souvent mentionné est la prolongation de la durée de la protection, et l’interdiction du double brevet vise habituellement à « empêcher le titulaire de brevet de prolonger la vie d’un brevet antérieur » (Hospira, au para 96). Ce problème a été désigné comme étant celui du « renouvellement à perpétuité » (Whirlpool, au para 63; Les Laboratoires Servier c Apotex Inc, 2019 CF 616 au para 305). Par conséquent, le brevet expirant à la date la plus tardive ne peut généralement servir à invalider le brevet expirant à la date plus hâtive, mais le brevet qui expire à la date la plus tardive peut être invalidé compte tenu du brevet qui expire à la date plus hâtive. Le juge Hughes l’a exprimé ainsi dans la décision Bayer Inc c Cobalt Pharmaceuticals Company, 2013 CF 1061 [Bayer], conf par 2015 CAF 116 :

[144] Compte tenu de la date d’expiration du brevet 426 (31 août 2020) et du brevet 728 (22 décembre 2019), il est évident que le brevet 426 peut être contesté pour cause de double brevet sur le fondement du brevet 728, mais non l’inverse. Seul le brevet 728 a été contesté par Cobalt sur le fondement du brevet 426. Cette contestation n’est donc pas fondée.

[610] Selon la décision Merck & Co Inc c Canada (Santé), 2010 CF 1043 [Merck & Co Inc c Canada], lorsque le breveté cherche à tirer avantage d’une cession, la Cour ne devrait pas permettre qu’une cession produise l’effet recherché (au para 31). Même si la partie visée n’avait pas l’intention d’obtenir plus que ce à quoi elle avait droit en vertu de la Loi sur les brevets, le fait d’accorder un tel avantage est fondamentalement inéquitable. Cependant, « lorsque rien ne donne à penser que le breveté a élargi son monopole, la cession de revendications au titre d’un brevet peut prémunir un autre brevet présentant les mêmes revendications contre une allégation de double brevet » (au para 30).

[611] Il faut tenir compte d’autres éléments prévus dans le Règlement. JAMP fait valoir – et son argument est particulièrement pertinent dans les circonstances de l’espèce – que la double protection conférée à une invention portant sur un médicament confère des avantages indus : plus précisément, les fabricants de médicaments génériques devront traiter de la question du double brevet lorsqu’ils chercheront à obtenir un avis de conformité.

[612] Le juge Kelen a traité de ce problème au nom de notre Cour dans la décision Glaxosmithkline Inc c Apotex Inc, 2003 CFPI 687 (CanLII), [2003] ACF no 886 (QL) [GSK] :

88. Je ne puis convenir avec GSK que [traduction] « la faute du double brevet » est disparue. GSK n’a pas tenu compte de l’effet que peut avoir un second brevet aux termes du Règlement. L’alinéa 7(1)e) du Règlement prévoit que le ministre ne peut délivrer l’avis de conformité demandé pendant un délai de 24 mois à partir du moment où le titulaire du brevet a demandé au tribunal de rendre une ordonnance en vertu du paragraphe 6(1). Cette disposition a pour effet de créer une ordonnance de faire qui dure jusqu’à la décision ou jusqu’à l’expiration du délai de 24 mois. L’existence de brevets complémentaires permet au titulaire du brevet de présenter d’autres demandes et d’obtenir ainsi des délais d’injonction multiples. L’espèce nous fournit d’ailleurs un bel exemple de cette pratique. Malgré le fait qu’Apotex a réussi à faire invalider le brevet 637 en 2001, le dépôt de la présente demande par GSK a empêché Apotex de commercialiser son produit depuis deux ans.

[Non souligné dans l’original.]

[613] Dans l’affaire GSK, le problème particulier qui se posait était la possibilité pour le breveté d’obtenir une injonction de deux ans pour chaque brevet mentionné dans la liste qui se rattache au médicament concerné après le dépôt de l’avis d’allégation. Des modifications ultérieures apportées au Règlement ont toutefois remédié à ce problème et, selon le paragraphe 5(4), la seconde personne est désormais uniquement tenue de tenir compte, dans son avis d’allégation, des brevets qui sont inscrits au registre à la date du dépôt de l’avis d’allégation (voir, par exemple, les motifs du commissaire aux brevets dans la décision CD 1328, 2012 CanLII 150834, aux para 27‑29).

[614] Cependant, je ne suis pas convaincue que cette modification élimine complètement le risque qu’un avantage indu découle d’une situation de double brevet sous le régime du Règlement. Comme le souligne JAMP, le fait pour une première personne d’avoir un plus grand nombre de brevets inscrits au registre à l’égard d’un médicament donné crée une plus grande charge de travail pour la seconde personne cherchant à obtenir un avis de conformité relatif à un médicament biosimilaire. Cette situation ne pose généralement pas de problème lorsque l’inscription au registre comporte plusieurs brevets qui correspondent au même médicament, mais elle pourrait donner un avantage indu à la première personne lorsque la charge de travail créée est plus importante que ne le justifie une seule invention, c’est-à-dire lorsque la charge de travail dont doit s’acquitter un fabricant de médicaments génériques est disproportionnée en raison d’une situation de double brevet.

b) Analyse

[615] Pour arriver à ma conclusion sur le double brevet, je m’appuie sur la décision Merck & Co Inc c Canada et l’arrêt Bayer en ce qui concerne la prolongation de la durée du brevet. En outre, j’ai tenu compte du problème de renouvellement à perpétuité que l’interdiction du double brevet vise à régler.

[616] La demande à l’origine du brevet 689 a été déposée après celle qui est à l’origine du brevet 458 et, suivant l’article 44 de la Loi sur les brevets, la date de dépôt détermine la durée du brevet. Si le brevet 689 n’avait pas été cédé au domaine public par AbbVie (très récemment), il expirerait après le brevet 458.

[617] Ainsi, le brevet 458 n’aurait pas pour effet de prolonger la durée du monopole d’AbbVie à l’égard de l’objet divulgué dans le brevet 689 – le problème du renouvellement à perpétuité ne se poserait pas. Cela ne signifie pas pour autant que, si les dates de dépôt étaient inversées, la cession du brevet 458 au domaine public ne permettrait pas à ce brevet d’échapper à l’analyse du double brevet.

[618] Cependant, la prolongation de la durée d’un brevet n’est pas la seule préoccupation dont il faut tenir compte dans l’analyse du double brevet, quoiqu’il s’agisse de la plus courante. JAMP soutient en outre que le brevet 689 a été inscrit au registre pour [traduction] « obliger les fabricants de médicaments biosimilaires à tenir compte des deux brevets conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) ».

[619] Je reconnais le bien-fondé de ce type d’argument, qui est cohérent avec la décision GSK. Pourtant, je fais remarquer que JAMP a limité l’exposé de son argument à cette formulation imprécise. Je suis disposée à examiner la possibilité que le double brevet puisse entraîner des avantages indus sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) – en permettant que le monopole soit élargi autrement que par sa durée –, mais il faudrait décrire plus précisément l’avantage indu réellement conféré par la double protection pour justifier une telle conclusion.

[620] En conclusion, la cession au domaine public n’a pas prolongé la durée du monopole d’AbbVie, et JAMP n’a pas clairement défini quel autre avantage AbbVie avait obtenu, par suite de la cession, conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Il faut mettre fin à une situation de double brevet présente dans le registre, même lorsque le breveté n’en tire aucun avantage. C’est ce qu’a accompli la cession au domaine public par AbbVie. Par conséquent, je conclus que le brevet 458 n’est pas invalide pour cause de double brevet.

VIII. Contrefaçon

A. Brevets 868 et 917

[621] Si les brevets sont jugés valides, AbbVie soutient que JAMP incite les médecins et les patients à contrefaire les brevets 868 et 917. JAMP fait valoir que l’incitation à la contrefaçon obéit à un critère exigeant. La Cour d’appel fédérale a déterminé, au paragraphe 162 de l’arrêt Weatherford, que le breveté doit satisfaire à un critère à trois volets pour établir l’incitation à la contrefaçon :

1) l’acte de contrefaçon doit avoir été exécuté par le contrefacteur direct;

2) l’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencée par les agissements du présumé incitateur de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu;

3) l’influence doit avoir été exercée sciemment par le vendeur, autrement dit le vendeur doit savoir que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon.

[622] Je conviens qu’il s’agit d’un critère auquel il est difficile de satisfaire. Toutefois, aux fins de la présente analyse, je n’ai pas à décider si JAMP a incité quiconque à la contrefaçon des brevets 868 et 917. Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai conclu à l’invalidité des deux brevets. Ainsi, s’il n’y a pas de brevet, il n’y a pas de contrefaçon.

B. Brevet 458

[623] Dans la version mise à jour de l’exposé conjoint des questions en litige, JAMP a convenu d’admettre la contrefaçon des revendications du brevet 458 dans l’éventualité où elles sont jugées valides. Comme j’ai conclu à la validité des revendications du brevet 458, la seule question à trancher est celle du droit à la réparation.

C. Autres actions

[624] Je souhaite formuler certaines observations sur les deux actions (T-557-21 et T-561-21) intentées par AbbVie, lesquelles ne sont pas présentement visées en l’espèce. Les parties conviennent que les questions relatives à la contrefaçon dans les actions en invalidation n’exigent pas JAMP réponde à la définition de « seconde personne » au sens du Règlement. Cependant, je suis partiellement en désaccord.

[625] Bien que les brevets d’AbbVie aient été jugés invalides dans les actions en invalidation, il est pertinent aux fins de tout appel de faire remarquer qu’AbbVie ne peut plaider la contrefaçon future de ces brevets, à moins de satisfaire aux exigences rigoureuses d’une action quia timet en matière de contrefaçon de brevet (Connaught Laboratories Ltd c Smithkline Beecham Pharma Inc, 158 FTR 194, 1998 CanLII 8917 (CF); Gilead Sciences, Inc c Teva Canada Limited, 2016 CF 336). Comme l’ont souligné les avocats de JAMP au cours de l’instruction, le seul fondement légal qui permet d’instituer une action quia timet en contrefaçon de brevet est le paragraphe 6(1) du Règlement.

[626] Dans la décision Teva Canada Innovation c Pharmascience Inc, 2019 CF 595, la juge adjointe Tabib a expliqué la différence entre l’article 55 de la Loi sur les brevets et le paragraphe 6(1) du Règlement [annexe A]. Elle a indiqué que les causes d’action pour contrefaçon sont purement d’origine législative et que l’article 55 de la Loi sur les brevets établit que, « [à] défaut d’un acte de contrefaçon donnant ouverture à une action, un breveté n’aurait, sous le régime de la Loi sur les brevets, aucun moyen d’intenter une poursuite ou de demander une injonction par anticipation, dans le but d’empêcher qu’un fabricant de génériques mette sur le marché un produit contrefaisant, sauf s’il peut, d’une part, invoquer des faits montrant que ce fabricant utilise l’invention à une fin autre que l’obtention d’une approbation réglementaire ou, d’autre part, répondre au critère très strict qui s’applique au dépôt d’une action quia timet » (au para 9). Selon la juge adjointe Tabib, pour créer un juste équilibre entre les droits des innovateurs et ceux des fabricants de médicaments génériques, « le gouvernement s’est servi des pouvoirs réglementaires que confère le paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets pour créer les droits d’action qui figurent au paragraphe 6(1) du Règlement » (au para 10).

[627] Par conséquent, si la présente décision faisait l’objet d’un appel et si la Cour était appelée à trancher les actions visées dans les dossiers T-557-21 et T-561-21, AbbVie serait légalement fondée à plaider la contrefaçon future de ses brevets.

IX. Réparation

[628] Ayant conclu que le brevet 458 est valide, j’examinerai maintenant la demande d’Abbvie visant à obtenir une ordonnance : a) d’injonction interdisant à JAMP de fabriquer, d’exploiter (y compris lors des essais cliniques de phase IV), de promouvoir ou de vendre SIMLANDI au Canada avant l’expiration du brevet 458 le 28 novembre 2028; b) d’injonction enjoignant aux patients qui prennent SIMLANDI d’effectuer une transition vers un produit de rechange approprié dans un délai de six mois, suivant la procédure énoncée par M. Palmer; et c) de remise ou de destruction de tous les produits contrefaisants.

[629] L’article 57 de la Loi sur les brevets [annexe A] confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire d’accorder une injonction interdisant à une partie de continuer à exploiter, fabriquer ou vendre l’article qui fait l’objet du brevet. Ainsi, même si la contrefaçon est établie, la Cour peut refuser d’accorder une injonction : Rovi, au para 645.

[630] Comme le juge Martineau l’a conclu au paragraphe 397 de la décision Eurocopter, la Cour exerce habituellement ce pouvoir discrétionnaire pour accorder l’injonction demandée, sauf s’il y a une raison équitable de ne pas le faire. Il a fait remarquer que l’octroi d’une injonction n’est pas une mesure prise au seul profit de la partie qui a gain de cause; elle est également rendue dans l’intérêt du public, afin de garantir le caractère exécutoire du système des brevets. Par « raison équitable », on entend notamment un délai, l’obligation d’être sans reproche, un caractère abusif ou une insignifiance.

[631] En l’espèce, JAMP soutient qu’aucune raison d’intérêt public ne justifie l’octroi d’une injonction permanente. Elle souligne qu’AbbVie a obtenu une approbation pour la formulation de son médicament en 2015 aux États‑Unis. AbbVie n’a pas commercialisé cette formulation auprès de la population adulte du Canada. JAMP fait remarquer que SIMLANDI a fait son entrée sur le marché canadien en 2022. Ce médicament est l’une des deux formulations de 100 mg/mL offertes aux adultes et la seule formulation de 80 mg/0,8 mL.

[632] JAMP soutient qu’il existe une autre mesure de réparation. Plus précisément, elle propose des redevances échelonnées sur les ventes futures de SIMLANDI, faisant remarquer qu’AbbVie reçoit probablement déjà des redevances, puisqu’elle a conclu des contrats de licence avec sept autres sociétés pharmaceutiques au Canada qui offrent des versions biosimilaires de l’adalimumab.

[633] En outre, JAMP soutient que la vente de SIMLANDI n’a aucune incidence sur la vente d’HUMIRA, étant donné les politiques de remboursement des régimes d’assurance-médicaments provinciaux. Elle fait remarquer que le retrait de SIMLANDI n’entraînerait pas des ventes supplémentaires d’HUMIRA, puisque les patients prenant SIMLANDI seraient traités avec un autre médicament biosimilaire, pour lequel AbbVie recevrait probablement des redevances.

[634] Enfin, JAMP soutient que le retrait de SIMLANDI serait contraire à l’intérêt public, puisque ce retrait priverait les patients de la seule formulation 80 mg/0,8 mL offerte au Canada. Elle fait remarquer que, advenant le retrait de SIMLANDI et de Yuflyma, les patients prenant SIMLANDI devraient passer à un médicament biosimilaire avec un volume d’injection qui pourrait contenir du citrate. JAMP affirme que les patients concernés pourraient ressentir plus de douleur au point d’injection et subir un préjudice.

[635] Il est important de noter que les Drs Mysler et Rubin ont dit que le citrate pourrait causer de la douleur au point d’injection chez certains patients, et que la douleur étant subjective, elle peut être plus intense chez certains d’entre eux. Sur le plan du volume d’injection, les experts ont indiqué, une fois de plus, que cela pourrait causer une augmentation de la douleur au point d’injection chez certains patients. Même si les données probantes sont peu nombreuses pour ces rares patients, cela pourrait être très dangereux.

[636] De plus, en 2021, les experts de JAMP, ainsi que le Dr Marshall, ont traité de la façon dont la substitution pour des raisons non médicales pourrait avoir une incidence négative sur les patients en raison de l’« effet nocebo », qui pourrait entraîner un préjudice réel pour les patients étant donné leur perception d’une augmentation de la douleur au point d’injection. Certains éléments de preuve indiquent que cette douleur peut avoir une incidence sur la qualité de vie d’un patient et sur l’observance de son traitement. Selon la Société canadienne de rhumatologie, cette situation s’est produite lorsque la formulation à 50 mg/mL a été introduite au lieu de la formulation à 100 mg/mL. Là encore, les données probantes étaient relativement limitées, mais des signes de préjudice pour le public ont été observés.

[637] SIMLANDI est le seul médicament biosimilaire à haute concentration, à faible volume et sans citrate à une présentation de 80 mg/0,8 mL. Selon JAMP, aucune preuve ne permet d’établir si l’entrée de Yuflyma sur le marché était conditionnelle à celle de SIMLANDI, ce qui signifie que la transition vers un produit biosimilaire contenant du citrate ou ayant un volume d’injection plus élevé pourrait représenter un problème pour certains patients. Le Dr Mylser a également déclaré que les médecins ont des préférences selon les programmes de soutien aux patients, et peu de données probantes ont été présentées concernant tous les programmes de soutien aux patients.

[638] Si on inclut SIMLANDI, il existe huit produits biosimilaires de l’adalimumab au Canada :

Biosimilaire

Information

Volume/citrate

SIMLANDI

Commercialisé par JAMP Pharma Corporation

Entré sur le marché vers mai 2022

Disponible sous forme de seringue préremplie de 40 mg/0,4 mL, d’auto-injecteur prérempli de 40 mg/0,4 mL ou de seringue préremplie de 80 mg/0,8 mL

Haute concentration, faible volume, sans citrate

Yuflyma

Commercialisé par Celltrion Healthcare Canada

Entré sur le marché vers mars 2022

Disponible sous forme de stylo en concentration de 40 mg/0,4 mL

Haute concentration, faible volume, sans citrate

Hadlima

Commercialisé par Samsung Bioepis Co. Ltd.

Entré sur le marché en février 2021

Disponible sous forme de seringue préremplie de 40 mg/0,8 mL ou d’auto-injecteur prérempli de 40 mg/0,8 mL

Basse concentration, haut volume, avec citrate

Hyrimoz

Commercialisé par Sandoz Canada Inc.

Entré sur le marché en février 2021

Disponible sous forme de seringue préremplie de 20 mg/0,4 mL, de seringue préremplie de 40 mg/0,8 mL ou d’auto-injecteur prérempli de 40 mg/0,8 mL

Faible concentration, haut volume, avec citrate

Idacio

Mis au point et commercialisé par Fresenius Kabi Canada Ltd.

Entré sur le marché canadien en février 2021

Disponible sous forme de stylo injecteur prérempli de 40 mg/0,8 mL ou de seringue préremplie de 40 mg/0,8 mL

Faible concentration, haut volume, avec citrate

Abrilada

Commercialisé par Pfizer Canada ULC

Entré sur le marché en février 2022

Disponible sous forme de stylo injecteur prérempli de 40 mg/0,8 mL ou de seringue préremplie de 40 mg/0,8 mL

Faible concentration, haut volume, sans citrate

Amgevita

Commercialisé par Amgen Canada Inc.

Entré sur le marché en février 2021

Disponible sous forme d’auto-injecteur prérempli de 40 mg/0,8 mL, de seringue préremplie de 40 mg/0,8 mL ou de seringue préremplie de 20 mg/0,4 mL

Faible concentration, haut volume, sans citrate

Hulio

Commercialisé par BGP Pharma ULC

Entré sur le marché en février 2021

Disponible sous forme de stylo injecteur prérempli de 40 mg/0,8 mL, de seringue préremplie de 40 mg/0,8 mL ou de seringue préremplie de 20 mg/0,4 mL

Faible concentration, haut volume, sans citrate

[639] AbbVie soutient quant à elle qu’il n’existe aucune raison équitable de refuser d’accorder l’injonction permanente. Elle affirme que les injonctions sont la règle et non l’exception dans les affaires en matière de brevet. AbbVie fait valoir que des redevances échelonnées ne constitueraient pas une autre réparation appropriée, puisqu’elle ne pourrait être intégralement indemnisée si JAMP continue de vendre SIMLANDI sans son consentement. Abbvie affirme que, si la Cour arrivait à la conclusion contraire, cela minerait le régime des brevets.

[640] AbbVie fait valoir que le fait que JAMP se qualifie d’entité qui n’exerce pas d’activités est erroné, puisque JAMP vend l’adalimumab pour le traitement des MII et de l’hidrosadénite suppurée au Canada et la formulation de 100 mg/mL sans citrate de son produit pour traiter les patients âgés de moins de 18 ans. AbbVie soutient que la position de JAMP, qui comble un vide, est erronée puisqu’il existe d’autres médicaments biosimilaires sans citrate sur le marché et que Santé Canada a jugé que les médicaments biosimilaires approuvés sont tous relativement similaires à HUMIRA. SIMLANDI n’est donc pas un médicament meilleur que les autres versions biosimilaires de l’adalimumab ni ne leur est-il préférable. Selon AbbVie, la théorie du préjudice possible invoquée par JAMP n’a aucune assise scientifique, puisqu’il n’y a aucune donnée probante indiquant que les patients subiraient un préjudice s’ils n’avaient plus accès à SIMLANDI.

[641] Selon JAMP, AbbVie a choisi de ne pas commercialiser la formulation d’adalimumab à 100 mg/mL sans citrate au Canada après la commercialisation de cette formulation dans le monde et malgré l’approbation de Santé Canada. SIMLANDI, à l’instar de la formulation de HUMIRA, a une haute concentration et un faible volume d’injection, ne contient pas de citrate et est administré à l’aide d’une aiguille de calibre 29 (rapport d’août du Dr Rubin, pièce no 84). Je remarque que tous les médicaments biosimilaires, y compris HUMIRA, sont offerts avec une aiguille de calibre 29. De même, SIMLANDI est l’une des deux formulations de 100 mg/mL, mais la seule formulation de 80 mg/0,8 mL.

[642] La présente affaire constitue l’une des rares instances où je n’accorderai pas d’injonction permanente compte tenu de l’intérêt public. Le fait d’obliger les patients prenant SIMLANDI à passer à une version biosimilaire alors que SIMLANDI est le seul médicament offert sous forme de dose de 80 mg/0,8 mL au Canada n’est pas dans l’intérêt du public. AbbVie peut être indemnisée. Même si le risque est faible pour les patients concernés, il est préférable d’indemniser AbbVie plutôt que de retirer SIMLANDI du marché. Il n’est pas nécessaire que JAMP procède à la remise de ses produits contrefaisants.

[643] Tel qu’il a été suggéré, AbbVie pourrait être indemnisée pour d’éventuelles pertes au moyen de redevances raisonnables échelonnées sur les ventes futures de SIMLANDI. Il devrait être simple de déterminer le taux des redevances, étant donné les contrats de licence conclus par AbbVie avec sept autres sociétés pharmaceutiques proposant des médicaments biosimilaires. Cependant, je ne rendrai aucune décision à ce sujet, puisque le taux des redevances sera établi lors de la prochaine étape de l’instance si les parties ne parviennent pas à s’entendre d’ici là.

X. Conclusion

[644] Je conclus que les brevets 868 et 917 sont invalides pour cause d’évidence. Je conclus que le brevet 458 est valide. Comme JAMP a admis la contrefaçon du brevet 458, AbbVie a droit à une réparation. Cependant, je n’accorderai pas d’injonction dans la présente affaire.

[645] La version confidentielle de la décision sera remise aux parties afin qu’elles indiquent à la Cour les renseignements confidentiels qui doivent être caviardés. La Cour préfère que les parties s’entendent sur le contenu confidentiel et l’en informent dans les sept jours suivant la date de la présente décision.

XI. Dépens

[646] Le 15 mars 2023, les parties ont informé la Cour, dans une lettre conjointe, qu’elles avaient convenu des modalités qui suivent en matière de dépens afférents aux brevets 458, 868 et 917 visés par l’instruction, ainsi qu’au brevet 142. Les parties ne se sont pas entendues sur les dépens afférents aux brevets 745 et 009. Elles ont confirmé que ces brevets devaient faire l’objet d’un désistement et d’une requête distincte qui sera présentée par écrit.

Résultat

Principes convenus quant aux dépens

JAMP ou AbbVie obtient gain de cause en ce qui concerne les trois brevets en cause visés à l’instruction

Les dépens seront adjugés à la partie qui obtiendra gain de cause de la manière suivante :

  1. 37,5 % des frais judiciaires raisonnables qui peuvent être attribués relativement aux brevets en cause ainsi qu’au brevet 142;
  2. 100 % des débours raisonnables, y compris les honoraires raisonnables des témoins des faits et des témoins experts, qui peuvent être attribués relativement aux brevets en cause ainsi qu’au brevet 142; pour le brevet 142, les débours engagés pour les honoraires des experts qui n’auront pas présenté de rapport sont exclus.

Aucune des parties n’a entièrement gain de cause (c.‑à‑d. que ni AbbVie ni JAMP n’a gain de cause à l’égard de l’ensemble des brevets en cause)

Chaque partie assumera ses propres dépens; aucuns dépens ne seront adjugés.

[blank / en blanc]

Aucuns dépens ne seront adjugés relativement aux mesures ordonnées ou pour lesquelles il a été convenu qu’il n’y aurait pas d’adjudication des dépens, comme une ordonnance préventive, une ordonnance de disjonction, etc.

[blank / en blanc]

Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, elles pourront s’adresser à la Cour afin d’obtenir des directives à cet égard.

Aucune entente sur les dépens n’est conclue concernant les brevets 745 et 009

Le jugement sur le fond peut être rendu dans l’attente d’une décision quant aux dépens, quels qu’ils soient, découlant des actions visées par le désistement. Cette décision sera rendue sur présentation par écrit d’une requête en adjudication des dépens et les parties demandent que des directives supplémentaires leur soient données concernant l’échéancier et la personne appelée à statuer sur la requête.

[647] Étant donné que j’ai conclu que deux des brevets sont invalides et qu’un autre est valide et a été contrefait, les parties ont chacune gain de cause en partie. Par conséquent, j’ordonne à chaque partie d’assumer ses propres dépens relativement à la présente affaire. La Cour est reconnaissante envers les parties qui s’entendent sur les dépens.


JUGEMENT dans les dossiers T-557-21, T-561-21, T-573-21 et T-577-21

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. Les revendications 1 à 5 du brevet 868 sont invalides pour l’un des motifs allégués, à savoir l’évidence.

  2. La Cour déclare qu’aucune des activités de JAMP ne constitue une contrefaçon des revendications 1 à 5 du brevet 868.

  3. Les revendications 1, 3, 4 et 5 du brevet 917 sont invalides pour l’un des motifs allégués, à savoir l’évidence.

  4. La Cour déclare qu’aucune des activités de JAMP ne constitue une contrefaçon des revendications 1, 3, 4 et 5 du brevet 917.

  5. Les revendications du brevet 458 sont valides.

  6. La Cour déclare que la défenderesse a contrefait les revendications du brevet 458.

7. Comme les parties en ont convenu, chacune des parties assumera ses propres dépens et aucuns dépens ne seront adjugés.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Brisebois


ANNEXE A

Dispositions pertinentes de la Loi sur les brevets

Définitions

2 Sauf disposition contraire, les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

Definitions

2 In this Act, except as otherwise provided,

invention means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter;

Délivrance de brevet

27 (1) Le commissaire accorde un brevet d’invention à l’inventeur ou à son représentant légal si la demande de brevet est déposée conformément à la présente loi et si les autres conditions de celle-ci sont remplies.

Commissioner may grant patents

27 (1) The Commissioner shall grant a patent for an invention to the inventor or the inventor’s legal representative if an application for the patent in Canada is filed in accordance with this Act and all other requirements for the issuance of a patent under this Act are met.

Dépôt de la demande

(2) L’inventeur ou son représentant légal doit, conformément aux règlements, déposer une demande qui comprend une pétition et un mémoire descriptif de l’invention et payer la taxe réglementaire.

Application requirements

(2) The prescribed application fee must be paid and the application must be filed in accordance with the regulations by the inventor or the inventor’s legal representative and the application must contain a petition and a specification of the invention.

Mémoire descriptif

(3) Le mémoire descriptif doit :

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

c) s’il s’agit d’une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l’application;

d) s’il s’agit d’un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l’invention en cause d’autres inventions.

Specification

(3) The specification of an invention must

(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;

(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;

(c) in the case of a machine, explain the principle of the machine and the best mode in which the inventor has contemplated the application of that principle; and

(d) in the case of a process, explain the necessary sequence, if any, of the various steps, so as to distinguish the invention from other inventions.

Revendications

(4) Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

Claims

(4) The specification must end with a claim or claims defining distinctly and in explicit terms the subject-matter of the invention for which an exclusive privilege or property is claimed.

Objet non divulgué

28.2 (1) L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

a) soit plus d’un an avant la date de dépôt de celle-ci, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d’une autre personne, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

c) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a);

d) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt correspond ou est postérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a) si :

(i) cette personne, son agent, son représentant légal ou son prédécesseur en droit, selon le cas :

(A) a antérieurement déposé de façon régulière, au Canada ou pour le Canada, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a),

(B) a antérieurement déposé de façon régulière, dans un autre pays ou pour un autre pays, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a), dans le cas où ce pays protège les droits de cette personne par traité ou convention, relatif aux brevets, auquel le Canada est partie, et accorde par traité, convention ou loi une protection similaire aux citoyens du Canada,

(ii) la date de dépôt de la demande déposée antérieurement est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa a),

(iii) à la date de dépôt de la demande, il s’est écoulé, depuis la date de dépôt de la demande déposée antérieurement, au plus douze mois,

(iv) cette personne a présenté, à l’égard de sa demande, une demande de priorité fondée sur la demande déposée antérieurement.

Subject-matter of claim must not be previously disclosed

28.2 (1) The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada (the “pending application”) must not have been disclosed

(a) before the one-year period immediately preceding the filing date or, if the claim date is before that period, before the claim date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant, in such a manner that the subject-matter became available to the public in Canada or elsewhere;

(b) before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the subject-matter became available to the public in Canada or elsewhere;

(c) in an application for a patent that is filed in Canada by a person other than the applicant, and has a filing date that is before the claim date; or

(d) in an application (the “co-pending application”) for a patent that is filed in Canada by a person other than the applicant and has a filing date that is on or after the claim date if

(i) the co-pending application is filed by

(A) a person who has, or whose agent, legal representative or predecessor in title has, previously regularly filed in or for Canada an application for a patent disclosing the subject-matter defined by the claim, or

(B) a person who is entitled to protection under the terms of any treaty or convention relating to patents to which Canada is a party and who has, or whose agent, legal representative or predecessor in title has, previously regularly filed in or for any other country that by treaty, convention or law affords similar protection to citizens of Canada an application for a patent disclosing the subject-matter defined by the claim,

(ii) the filing date of the previously regularly filed application is before the claim date of the pending application,

(iii) the filing date of the co-pending application is within twelve months after the filing date of the previously regularly filed application, and

(iv) the applicant has, in respect of the co-pending application, made a request for priority on the basis of the previously regularly filed application

Objet non évident

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

Invention must not be obvious

28.3 The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada must be subject-matter that would not have been obvious on the claim date to a person skilled in the art or science to which it pertains, having regard to

(a) information disclosed before the one-year period immediately preceding the filing date or, if the claim date is before that period, before the claim date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere; and

(b) information disclosed before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere.

Limite

(2) Les dessins et le mémoire descriptif qui sont compris dans une demande autre qu’une demande divisionnaire ne peuvent être modifiés pour y ajouter des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer des dessins ou du mémoire descriptif qui sont compris dans la demande à sa date de dépôt.

Restriction

(2) The specification and drawings contained in an application, other than a divisional application, may not be amended to add matter that cannot reasonably be inferred from the specification or drawings contained in the application on its filing date.

Brevet pour une seule invention

36 (1) Un brevet ne peut être accordé que pour une seule invention, mais dans une instance ou autre procédure, un brevet ne peut être tenu pour invalide du seul fait qu’il a été accordé pour plus d’une invention.

Patent for one invention only

36 (1) A patent shall be granted for one invention only but in an action or other proceeding a patent shall not be deemed to be invalid by reason only that it has been granted for more than one invention.

Modification du mémoire descriptif et des dessins

38.2 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et des règlements, le mémoire descriptif et les dessins faisant partie de la demande de brevet peuvent être modifiés avant la délivrance du brevet.

Amendments to specifications and drawings

38.2 (1) Subject to subsections (2) and (3) and the regulations, the specification and any drawings furnished as part of an application for a patent in Canada may be amended before the patent is issued.

Limite

(2) Le mémoire descriptif ne peut être modifié pour décrire des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer de celui-ci ou des dessins faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le mémoire qu’il s’agit d’une invention ou découverte antérieure.

Restriction on amendments to specifications

(2) The specification may not be amended to describe matter not reasonably to be inferred from the specification or drawings as originally filed, except in so far as it is admitted in the specification that the matter is prior art with respect to the application.

Contenu du brevet

42 Tout brevet accordé en vertu de la présente loi contient le titre ou le nom de l’invention avec renvoi au mémoire descriptif et accorde, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, au breveté et à ses représentants légaux, pour la durée du brevet à compter de la date où il a été accordé, le droit, la faculté et le privilège exclusif de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d’autres, pour qu’ils l’exploitent, l’objet de l’invention, sauf jugement en l’espèce par un tribunal compétent.

Contents of patent

42 Every patent granted under this Act shall contain the title or name of the invention, with a reference to the specification, and shall, subject to this Act, grant to the patentee and the patentee’s legal representatives for the term of the patent, from the granting of the patent, the exclusive right, privilege and liberty of making, constructing and using the invention and selling it to others to be used, subject to adjudication in respect thereof before any court of competent jurisdiction.

Durée du brevet

44 Sous réserve de l’article 46, la durée du brevet délivré sur une demande déposée le 1er octobre 1989 ou par la suite est limitée à vingt ans à compter de la date de dépôt de cette demande.

Term of patents based on applications filed on or after October 1, 1989

44 Subject to section 46, where an application for a patent is filed under this Act on or after October 1, 1989, the term limited for the duration of the patent is twenty years from the filing date.

Contrefaçon et recours

55 (1) Quiconque contrefait un brevet est responsable envers le breveté et toute personne se réclamant de celui-ci du dommage que cette contrefaçon leur a fait subir après l’octroi du brevet.

Liability for patent infringement

55 (1) A person who infringes a patent is liable to the patentee and to all persons claiming under the patentee for all damage sustained by the patentee or by any such person, after the grant of the patent, by reason of the infringement.

Indemnité raisonnable

(2) Est responsable envers le breveté et toute personne se réclamant de celui-ci, à concurrence d’une indemnité raisonnable, quiconque accomplit un acte leur faisant subir un dommage après la date à laquelle le mémoire descriptif compris dans la demande de brevet est devenu accessible au public, en français ou en anglais, sous le régime de l’article 10 et avant la date de l’octroi du brevet, dans le cas où cet acte aurait constitué une contrefaçon si le brevet avait été octroyé à la date où ce mémoire descriptif est ainsi devenu accessible.

Liability damage before patent is granted

(2) A person is liable to pay reasonable compensation to a patentee and to all persons claiming under the patentee for any damage sustained by the patentee or by any of those persons by reason of any act on the part of that person, after the specification contained in the application for the patent became open to public inspection, in English or French, under section 10 and before the grant of the patent, that would have constituted an infringement of the patent if the patent had been granted on the day the specification became open to public inspection, in English or French, under that section.

Interdiction

57 (1) Dans toute action en contrefaçon de brevet, le tribunal, ou l’un de ses juges, peut, sur requête du plaignant ou du défendeur, rendre l’ordonnance qu’il juge à propos de rendre :

a) pour interdire ou défendre à la partie adverse de continuer à exploiter, fabriquer ou vendre l’article qui fait l’objet du brevet, et pour prescrire la peine à subir dans le cas de désobéissance à cette ordonnance;

b) pour les fins et à l’égard de l’inspection ou du règlement de comptes,

et d’une façon générale, quant aux procédures de l’action.

Injunction may issue

57 (1) In any action for infringement of a patent, the court, or any judge thereof, may, on the application of the plaintiff or defendant, make such order as the court or judge sees fit,

(a) restraining or enjoining the opposite party from further use, manufacture or sale of the subject-matter of the patent, and for his punishment in the event of disobedience of that order, or

(b) for and respecting inspection or account,

and generally, respecting the proceedings in the action.

Revendications invalids

58 Lorsque, dans une action ou procédure relative à un brevet qui renferme deux ou plusieurs revendications, une ou plusieurs de ces revendications sont tenues pour valides, mais qu’une autre ou d’autres sont tenues pour invalides ou nulles, il est donné effet au brevet tout comme s’il ne renfermait que la ou les revendications valides.

Invalid claims not to affect valid claims

58 When, in any action or proceeding respecting a patent that contains two or more claims, one or more of those claims is or are held to be valid but another or others is or are held to be invalid or void, effect shall be given to the patent as if it contained only the valid claim or claims.

Invalidation de brevets ou de revendications

60 (1) Un brevet ou une revendication se rapportant à un brevet peut être déclaré invalide ou nul par la Cour fédérale, à la diligence du procureur général du Canada ou à la diligence d’un intéressé.

Impeachment of patents or claims

60 (1) A patent or any claim in a patent may be declared invalid or void by the Federal Court at the instance of the Attorney General of Canada or at the instance of any interested person.

Déclaration relative à la violation

(2) Si une personne a un motif raisonnable de croire qu’un procédé employé ou dont l’emploi est projeté, ou qu’un article fabriqué, employé ou vendu ou dont sont projetés la fabrication, l’emploi ou la vente par elle, pourrait, d’après l’allégation d’un breveté, constituer une violation d’un droit de propriété ou privilège exclusif accordé de ce chef, elle peut intenter une action devant la Cour fédérale contre le breveté afin d’obtenir une déclaration que ce procédé ou cet article ne constitue pas ou ne constituerait pas une violation de ce droit de propriété ou de ce privilège exclusif.

Declaration as to infringement

(2) Where any person has reasonable cause to believe that any process used or proposed to be used or any article made, used or sold or proposed to be made, used or sold by him might be alleged by any patentee to constitute an infringement of an exclusive property or privilege granted thereby, he may bring an action in the Federal Court against the patentee for a declaration that the process or article does not or would not constitute an infringement of the exclusive property or privilege.

Dispositions pertinentes du Règlement :

Registre et liste de brevets

5 (1) Dans le cas où la seconde personne dépose une présentation pour un avis de conformité à l’égard d’une drogue, laquelle présentation, directement ou indirectement, compare celle-ci à une autre drogue commercialisée sur le marché canadien aux termes d’un avis de conformité délivré à la première personne et à l’égard de laquelle une liste de brevets a été présentée — ou y fait renvoi —, cette seconde personne inclut dans sa présentation les déclarations ou allégations visées au paragraphe (2.1).

(2) Dans le cas où la seconde personne dépose un supplément à la présentation visée au paragraphe (1), en vue d’obtenir un avis de conformité à l’égard d’une modification de la formulation, d’une modification de la forme posologique ou d’une modification de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, lequel supplément, directement ou indirectement, compare la drogue pour laquelle le supplément est déposé à une autre drogue commercialisée sur le marché canadien aux termes de l’avis de conformité délivré à la première personne et à l’égard duquel une liste de brevets a été présentée — ou y fait renvoi —, cette seconde personne inclut dans son supplément les déclarations ou allégations visées au paragraphe (2.1).

(2.1) Les déclarations ou allégations exigées pour la présentation ou le supplément, selon le cas, à l’égard de chaque brevet inscrit au registre pour l’autre drogue — et à l’égard de chaque certificat de protection supplémentaire qui mentionne le brevet et qui est inscrit au registre pour cette autre drogue — sont les suivantes :

a) soit une déclaration portant que le propriétaire du brevet a consenti à la fabrication, à la construction, à l’exploitation ou à la vente au Canada de la drogue à l’égard de laquelle la présentation ou le supplément a été déposé par la seconde personne;

b) soit une déclaration portant que la seconde personne accepte que l’avis de conformité ne soit pas délivré avant l’expiration du brevet ou du certificat de protection supplémentaire, selon le cas;

c) soit toute allégation portant que :

(i) la déclaration faite par la première personne en application de l’alinéa 4(4)d) est fausse,

(ii) le brevet ou le certificat de protection supplémentaire est invalide ou nul,

(iii) le brevet ou le certificat de protection supplémentaire est inadmissible à l’inscription au registre,

(iv) en fabriquant, construisant, exploitant ou vendant la drogue pour laquelle la présentation ou le supplément est déposé, la seconde personne ne contreferait pas le brevet ou le certificat de protection supplémentaire,

(v) le brevet ou le certificat de protection supplémentaire est expiré,

(vi) dans le cas d’un certificat de protection supplémentaire, celui-ci ne peut pas prendre effet.

(3) La seconde personne qui inclut une allégation visée à l’alinéa (2.1)c) est tenue de prendre les mesures suivantes :

a) signifier à la première personne un avis de l’allégation à l’égard de la présentation ou du supplément déposé en vertu des paragraphes (1) ou (2), à la date de son dépôt ou à toute date postérieure;

b) insérer dans l’avis de l’allégation:

(i) une description de l’ingrédient médicinal, de la forme posologique, de la concentration, de la voie d’administration et de l’utilisation de la drogue visée par la présentation ou le supplément,

(ii) un énoncé du fondement juridique et factuel de l’allégation, lequel énoncé est détaillé dans le cas d’une allégation portant que le brevet ou le certificat de protection supplémentaire est invalide ou nul.

c) signifier, avec l’avis, les documents suivants :

(i) une attestation par le ministre de la date du dépôt de la présentation ou du supplément,

(ii) un document indiquant l’adresse de la seconde personne aux fins de signification dans le cas où une action serait intentée contre elle en vertu du paragraphe 6(1), ainsi que les noms et les coordonnées des avocats qui seraient inscrits au dossier dans un tel cas,

(iii) une copie électronique — pouvant faire l’objet de recherches — de toute partie de la présentation ou du supplément qui est sous le contrôle de la seconde personne et qui est pertinente pour établir si un brevet ou un certificat de protection supplémentaire visé par l’allégation serait contrefait,

(iv) si la seconde personne allègue que le brevet ou le certificat de protection supplémentaire est invalide ou nul, une copie électronique — ainsi qu’une copie électronique en français ou en anglais si une telle copie est disponible — de tout document à l’appui de son allégation;

d) transmettre à la première personne, dans les plus brefs délais, toute partie de la présentation ou du supplément visée au sous-alinéa c)(iii) qui est modifiée au plus tard le quarante-cinquième jour suivant la date de signification de l’avis d’allégation ou, si elle est postérieure à ce jour, à la date à laquelle toute action intentée en vertu du paragraphe 6(1) est réglée;

e) transmettre au ministre la preuve de la signification des documents visés aux alinéas a) et b), ainsi qu’une copie de l’avis d’allégation.

[…]

(4) La seconde personne n’est pas tenue de se conformer :

a) au paragraphe (1) en ce qui concerne tout brevet, ou tout certificat de protection supplémentaire qui mentionne le brevet, ajouté au registre à l’égard de l’autre drogue — y compris celui ajouté en application des paragraphes 3(2.2) ou (5) — à compter de la date de dépôt de la présentation visée au paragraphe (1);

b) au paragraphe (2) en ce qui concerne tout brevet, ou tout certificat de protection supplémentaire qui mentionne le brevet, ajouté au registre à l’égard de l’autre drogue — y compris celui ajouté en application des paragraphes 3(2.2) ou (5) — à compter de la date de dépôt du supplément visé au paragraphe (2).

Register and Patent List

5 (1) If a second person files a submission for a notice of compliance in respect of a drug and the submission directly or indirectly compares the drug with, or makes reference to, another drug marketed in Canada under a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the second person shall include in the submission the required statements or allegations set out in subsection (2.1).

(2) If a second person files a supplement to a submission referred to in subsection (1) seeking a notice of compliance for a change in formulation, a change in dosage form or a change in use of the medicinal ingredient and the supplement directly or indirectly compares the drug for which the supplement is filed with, or makes reference to, another drug that has been marketed in Canada under a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the second person shall include in the supplement the required statements or allegations set out in subsection (2.1).

(2.1) The statements or allegations required for the submission or the supplement, as the case may be, are — with respect to each patent included on the register in respect of the other drug and with respect to each certificate of supplementary protection in which the patent is set out and that is included on the register in respect of the other drug — the following:

(a) a statement that the owner of that patent has consented to the making, constructing, using or selling in Canada of the drug for which the submission or supplement is filed by the second person;

(b) a statement that the second person accepts that the notice of compliance will not issue until that patent or certificate of supplementary protection, as the case may be, expires; or

(c) an allegation that

(i) the statement made by the first person under paragraph 4(4)(d) is false,

(ii) that patent or certificate of supplementary protection is invalid or void,

(iii) that patent or certificate of supplementary protection is ineligible for inclusion on the register,

(iv) that patent or certificate of supplementary protection would not be infringed by the second person making, constructing, using or selling the drug for which the submission or the supplement is filed,

(v) that patent or certificate of supplementary protection has expired, or

(vi) in the case of a certificate of supplementary protection, that certificate of supplementary protection cannot take effect.

(3) A second person who makes an allegation referred to in paragraph (2.1)(c) shall

(a) serve on the first person a notice of allegation relating to the submission or supplement filed under subsection (1) or (2) on or after its date of filing;

(b) include in the notice of allegation

(i) a description of the medicinal ingredient, dosage form, strength, route of administration and use of the drug in respect of which the submission or supplement has been filed, and

(ii) a statement of the legal and factual basis for the allegation, which statement must be detailed in the case of an allegation that the patent or certificate of supplementary protection is invalid or void;

(c) serve the following documents with the notice:

(i) a certification by the Minister of the date of filing of the submission or supplement,

(ii) a document setting out the second person’s address for service for the purpose of any action that may be brought against them under subsection 6(1), along with the names of and contact information for their anticipated solicitors of record if that action is brought,

(iii) a searchable electronic copy of the portions of the submission or supplement that are under the control of the second person and relevant to determine if any patent or certificate of supplementary protection referred to in the allegation would be infringed, and

(iv) if the second person is alleging that the patent or certificate of supplementary protection is invalid or void, an electronic copy of any document — along with an electronic copy of it in English or French if available — on which the person is relying in support of the allegation;

(d) provide, without delay, to the first person any portion of a submission or supplement referred to in subparagraph (c)(iii) that is changed on or before the later of the 45th day after the day on which the notice of allegation is served and the day of the disposition of any action that has been brought under subsection 6(1); and

(e) provide to the Minister proof of service of the documents referred to in paragraphs (a) and (b), along with a copy of the notice of allegation.

(4) A second person is not required to comply with

(a) subsection (1) in respect of a patent, or a certificate of supplementary protection that sets out the patent, that is added to the register in respect of the other drug on or after the date of filing of the submission referred to in that subsection, including one added under subsection 3(2.2) or (5); and

(b) subsection (2) in respect of a patent, or a certificate of supplementary protection that sets out the patent, that is added to the register in respect of the other drug on or after the date of filing of the supplement referred to in that subsection, including one added under subsection 3(2.2) or (5).

Droits d’action

6 (1) La première personne ou le propriétaire d’un brevet qui reçoit un avis d’allégation en application de l’alinéa 5(3)a) peut, au plus tard quarante-cinq jours après la date à laquelle la première personne a reçu signification de l’avis, intenter une action contre la seconde personne devant la Cour fédérale afin d’obtenir une déclaration portant que la fabrication, la construction, l’exploitation ou la vente d’une drogue, conformément à la présentation ou au supplément visé aux paragraphes 5(1) ou (2), contreferait tout brevet ou tout certificat de protection supplémentaire visé par une allégation faite dans cet avis.

(2) Lorsque la personne qui intente l’action en vertu du paragraphe (1) n’est pas le propriétaire de chaque brevet — ou du brevet mentionné dans chaque certificat de protection supplémentaire — visé par cette action, le propriétaire de chacun de ces brevets est, ou est constitué, partie à l’action.

(3) La seconde personne peut faire une demande reconventionnelle afin d’obtenir une déclaration :

a) soit au titre des paragraphes 60(1) ou (2) de la Loi sur les brevets à l’égard de toute revendication se rapportant à un brevet faite dans le cadre de l’action intentée en vertu du paragraphe (1);

b) soit au titre des paragraphes 125(1) ou (2) de la même loi, à l’égard de toute revendication, faite dans le cadre de l’action intentée en vertu du paragraphe (1), se rapportant au brevet mentionné dans le certificat de protection supplémentaire en cause dans cette action.

(4) Si la Cour fédérale fait la déclaration visée au paragraphe (1), elle peut ordonner toute autre réparation sous le régime de la Loi sur les brevets, ou en vertu de toute autre règle de droit, relativement à la contrefaçon d’un brevet ou d’un certificat de protection supplémentaire.

Right of Action

6 (1) The first person or an owner of a patent who receives a notice of allegation referred to in paragraph 5(3)(a) may, within 45 days after the day on which the first person is served with the notice, bring an action against the second person in the Federal Court for a declaration that the making, constructing, using or selling of a drug in accordance with the submission or supplement referred to in subsection 5(1) or (2) would infringe any patent or certificate of supplementary protection that is the subject of an allegation set out in that notice.

(2) If the person who brings an action under subsection (1) is not the owner of each patent — or of a patent that is set out in each certificate of supplementary protection — that is the subject of the action, the owner of each of those patents shall be or be made a party to the action.

(3) The second person may bring a counterclaim for a declaration

(a) under subsection 60(1) or (2) of the Patent Act in respect of any patent claim asserted in the action brought under subsection (1); or

(b) under 125(1) or (2) of that Act in respect of any claim, asserted in the action brought under subsection (1), in the patent set out in the certificate of supplementary protection in question in that action.

(4) If the Federal Court makes a declaration referred to in subsection (1), it may order any other remedy that is available under the Patent Act, or at law or in equity, in respect of infringement of a patent or a certificate of supplementary protection.

Avis de conformité

8.1 La personne qui dépose une présentation ou un supplément à une présentation pour un avis de conformité à l’égard d’une drogue et qui a un motif raisonnable de croire que la fabrication, la construction, l’exploitation ou la vente de celle-ci pourrait faire l’objet d’une allégation de contrefaçon d’un brevet ou d’un certificat de protection supplémentaire est, si la présentation ou le supplément, directement ou indirectement, compare cette drogue à une autre drogue commercialisée sur le marché canadien — ou y fait renvoi —, un intéressé :

a) pour l’application du paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets, pour ce qui est d’intenter une action afin d’obtenir une déclaration portant que le brevet ou toute revendication se rapportant au brevet est invalide ou nul;

b) pour l’application du paragraphe 125(1) de la même loi, pour ce qui est d’intenter une action afin d’obtenir une déclaration portant que le certificat de protection supplémentaire ou toute revendication se rapportant au brevet qu’il mentionne est invalide ou nul.

Notice of Compliance

8.1 A person who files a submission for a notice of compliance or a supplement to a submission for a notice of compliance in respect of a drug and who has reasonable grounds to believe that the making, constructing, using or selling of the drug might be alleged to infringe a patent or a certificate of supplementary protection is, if the submission or supplement directly or indirectly compares the drug with, or makes reference to, another drug marketed in Canada, an interested person

(a) for the purpose of subsection 60(1) of the Patent Act with respect to bringing an action for a declaration that the patent or any claim in the patent is invalid or void; or

(b) for the purpose of subsection 125(1) of that Act with respect to bringing an action for a declaration that the certificate of supplementary protection or any claim in the patent set out in it is invalid or void.


ANNEXE B

Revendications du brevet 458

Revendication 1

Une formulation pharmaceutique aqueuse qui comprend un anticorps anti-facteur de nécrose tumorale alpha (TNFα), ou un fragment de liaison à l’antigène de cet anticorps, à une concentration d’au moins 50 mg/mL, et de l’eau, cette formulation possédant une conductivité inférieure à 2,5 mS/cm et cet anticorps, ou son fragment de liaison à l’antigène, possédant une région variable de chaîne légère (LCVR) qui comprend un domaine CDR3 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:3, un domaine CDR2 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:5 et un domaine CDR1 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:7, ainsi qu’une région variable de chaîne lourde (HCVR) qui comprend un domaine CDR3 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:4, un domaine CDR2 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:6 et un domaine CDR1 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:8.

Revendication 10

La formulation visée dans la revendication 1, la concentration de l’anticorps, ou de son fragment de liaison à l’antigène, étant de 100 mg/mL.

Revendication 28

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 26, qui comprend de l’adalimumab et de l’eau.

Revendication 37

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 36, qui comprend également un excipient non ionisable.

Revendication 38

La formulation visée dans la revendication 37, l’excipient non ionisable étant un polyol, un surfactant non ionique, le sucrose, le tréhalose, le raffinose ou le maltose.

Revendication 40

La formulation visée dans la revendication 38, le surfactant non ionique étant le polysorbate 20, le polysorbate 40, le polysorbate 60 ou le polysorbate 80.

Revendication 41

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 40, la formulation étant stable sous forme liquide pendant au moins 3 mois.

Revendication 42

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 40, la formulation étant stable sous forme liquide pendant au moins 12 mois.

Revendication 43

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 40, la formulation étant stable sous forme liquide pendant au moins 22,5 mois.

Revendication 45

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 44, la formulation convenant à une utilisation in vitro ou in vivo.

Revendication 46

La formulation visée dans la revendication 45, la formulation pouvant être administrée à un sujet par voie sous-cutanée, intraveineuse, intradermique, transdermique, intrapéritonéale, intramusculaire ou par inhalation.

Revendication 47

La formulation visée dans la revendication 45, la formulation pouvant être administrée à un sujet par voie sous-cutanée.

Revendication 48

Un dispositif qui comprend la formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 47.

Revendication 49

Un article manufacturé qui comprend la formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 47.

Revendication 69

Une formulation pharmaceutique aqueuse qui comprend de l’eau et un anticorps, ou un fragment de liaison à l’antigène de cet anticorps, à une concentration d’au moins 50 mg/mL, cette formulation possédant une conductivité inférieure à 2,5 mS/cm, et cet anticorps, ou son fragment de liaison à l’antigène, possédant une région variable de chaîne légère (LCVR) qui a un domaine CDR3 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:3, un domaine CDR2 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:5 et un domaine CDR1 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:7, ainsi qu’une région variable de chaîne lourde (HCVR) qui a un domaine CDR3 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:4, un domaine CDR2 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:6 et un domaine CDR1 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:8.

Revendication 72

La formulation visée dans la revendication 69, la concentration de l’anticorps, ou de son fragment de liaison à l’antigène, étant de 100 mg/mL.

Revendication 75

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 69 à 74, qui comprend également un excipient non ionisable.

Revendication 76

La formulation visée dans la revendication 75, l’excipient non ionisable étant un polyol.

Revendication 78

La formulation visée dans la revendication 75, l’excipient non ionisable étant un surfactant non ionique.

Revendication 79

La formulation visée dans la revendication 78, le surfactant non ionique étant le polysorbate 80.

Revendication 80

La formulation visée dans la revendication 75, l’excipient non ionisable étant le sucrose.

Revendication 83

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 69 à 80, qui comprend de l’adalimumab et de l’eau.

Revendication 124

Un dispositif qui comprend la formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 69 à 123.

Revendication 125

Un article manufacturé qui comprend la formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 69 à 123.

Revendication 191

Une formulation pharmaceutique aqueuse qui comprend :

a) un anticorps anti-facteur de nécrose tumorale alpha possédant une région variable de chaîne légère (LCVR) qui a un domaine CDR3 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:3, un domaine CDR2 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:5 et un domaine CDR1 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:7, ainsi qu’une région variable de chaîne lourde (HCVR) qui a un domaine CDR3 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:4, un domaine CDR2 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:6 et un domaine CDR1 comportant la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO:8, la concentration de cet anticorps étant de 50 à 200 mg/mL;

b) de l’eau; cette formulation ne contenant pas de système tampon.

Revendication 192

La formulation visée dans la revendication 191, l’anticorps possédant une LCVR qui comprend la séquence d’acides aminés définie par SEQ ID NO:1 et une HCVR comprenant la séquence d’acides aminés définie par SEQ ID NO:2.

Revendication 193

La formulation visée dans la revendication 192, l’anticorps étant l’adalimumab.

Revendication 194

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 191 à 193, la formulation comprenant également un excipient non ionisable.

Revendication 195

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 191 à 193, la formulation comprenant également un polyol.

Revendication 196

La formulation visée dans la revendication 195, le polyol étant le mannitol, le sorbitol ou le sucrose.

Revendication 197

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 191 à 193, la formulation comprenant également un surfactant.

Revendication 198

La formulation visée dans la revendication 197, le surfactant étant le polysorbate 80 ou le polysorbate 20.

Revendication 204

La formulation visée dans la revendication 193, le pH de la formulation se situant entre 5 et 6.

Revendication 205

La formulation visée dans la revendication 193, le pH de la formulation étant de 5,2.

Revendication 215

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 180, le pH de la formulation étant de 5,2.

Revendication 217

La formulation visée dans l’une ou l’autre des revendications 177 à 215, la concentration de l’anticorps, ou de son fragment de liaison à l’antigène, étant de 100 mg/mL.


ANNEXE C

Profil pharmacocinétique de Mme Baughman – Paramètres

Paramètre

Valeur

Valeur ajustée en fonction de F (CL/F; V/F)

CL

12 mL/h

18,75 mL/h

V

5 400 mL

8 400 mL

F

64 %

[blank / en blanc]

Ka

0,017/h

[blank / en blanc]

Tmax

131 h

[blank / en blanc]

Ke

0,002/h

[blank / en blanc]


ANNEXE D

Simulation des schémas A, B et C

Titre : Figure 1

FR

EN

Concentration prédite (µg/mL

Predicted Concentration (µg/mL))

Durée (semaines)

Time (Weeks)

Figure 1. Simulation du schéma A (80 mg à la semaine 0; 40 mg toutes les deux semaines)

Titre : Figure 2

FR

EN

Concentration prédite (µg/mL)

Predicted Concentration (µg/mL)

Durée (semaines)

Time (Weeks)

Figure 2. Simulation du schéma B (160 mg à la semaine 0; 80 mg toutes les deux semaines)

Titre : Figure 3

FR

EN

Concentration prédite (µg/mL)

Predicted Concentration (µg/mL)

Durée (semaines)

Time (Weeks)

Figure 3. Simulation du schéma C (160 mg à la semaine 0; 80 mg à la semaine 2; 40 mg toutes les deux semaines)

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossiers :

T-557-21, T-561-21, T-573-21 ET T-557-21

DOSSIER :

T-557-21

INTITULÉ :

CORPORATION ABBVIE ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD c JAMP PHARMA CORPORATION

ET DOSSIER :

T-561-21

INTITULÉ :

JAMP PHARMA CORPORATION c CORPORATION ABBVIE ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD

ET DOSSIER :

T-573-21

INTITULÉ :

JAMP PHARMA CORPORATION c CORPORATION ABBVIE ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD

ET DOSSIER :

T-557-21

INTITULÉ :

CORPORATION ABBVIE ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD c JAMP PHARMA CORPORATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Du 14 novembre 2022 au 2 décembre 2022 et le 13 décembre 2022

JUGEMENT ET MOTIFS CONFIDENTIELS :

LA JUGE MCVEIGH

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 4 décembre 2023

(Jugement et motifs confidentiels rendus le 16 novembre 2023)

COMPARUTIONS :

Steven Mason

Fiona Legere

Sanjaya Mendis

Rebecca Crane

Edwin Mok

Samantha Wasserman

Hanna Singer

POUR LES DEMANDERESSES

Andrew Brodkin

Jordan Scopa

Rick Tuzi

Jenene Roberts

Ben Hackett

Kirby Cohen

Jaclyn Tilak

Caitlin Woodford

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :

McCarthy Tétrault

Avocats

TORONTO (ONTARIO)

POUR LES DEMANDERESSES

Goodmans LLP

Avocats

TORONTO (ONTARIO)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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