Date : 20231127
Dossier : IMM-9300-22
Référence : 2023 CF 1581
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2023
En présence de madame la juge Fuhrer
ENTRE :
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Neda Aghaei Khorasgani
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demanderesse
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et
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Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] La demanderesse, Neda Aghaei Khorasgani, est une citoyenne de l’Iran. Un agent des visas [l’agent] a rejeté sa demande de permis d’études au motif qu’elle n’a pas de liens familiaux importants à l’extérieur du Canada et que le but de sa visite n’est pas compatible avec un séjour temporaire [la décision]. Pour des motifs liés au caractère raisonnable et à l’équité procédurale, la demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision.
[2] Une décision raisonnable est une décision qui présente les caractéristiques que sont la justification, la transparence et l’intelligibilité, et qui est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques applicables : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 99. Il incombe à la partie qui conteste la décision administrative d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, au para 100.
[3] Les questions liées à l’équité procédurale appellent une norme de contrôle qui s’apparente à la norme de la décision correcte : Benchery c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 217 aux para 8-9; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54; arrêt Vavilov, au para 77. La cour de révision doit déterminer si le processus était équitable dans les circonstances : Chaudhry c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 520 au para 24.
[4] Pour les motifs exposés ci-après, je conclus que la demanderesse s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que la décision est déraisonnable; la demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie. De plus, je conclus toutefois que la demanderesse n’a pas démontré qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Je souligne que, même si aucun avis de changement d’avocat ni aucun avis d’intention d’agir en son propre nom n’a été déposé, la demanderesse a choisi d’agir pour son propre compte à l’audience dans le cadre de la présente affaire.
II. Analyse
A. La décision n’était pas contraire à l’équité procédurale
[5] Je juge que l’utilisation par l’agent de l’outil Chinook 3+ pour traiter la demande de permis d’études n’a entraîné aucun manquement à l’équité procédurale. Les observations de la demanderesse à cet égard étaient vagues et spéculatives.
[6] Je ne suis pas convaincue que l’utilisation de l’outil Chinook 3+ pour le traitement d’une demande entraîne en soi un manquement à l’équité procédurale ou qu’elle rend la décision déraisonnable : Haghshenas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 464 aux para 24 et 28; Ardestani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 874 au para 34. Lorsque les éléments de preuve montrent que c’est un agent qui a rendu la décision, et non pas l’intelligence artificielle, le contrôle doit être axé sur la décision ainsi que sur les motifs exigés ou fournis, le cas échéant, comme l’indique la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov, précité.
[7] Je suis également d’avis que, contrairement à ce que la demanderesse affirme dans ses observations, l’agent n’était pas tenu d’envoyer une lettre relative à l’équité procédurale à la demanderesse afin de lui permettre de répondre à ses réserves l’égard de sa demande de permis d’études.
[8] Les demandes de permis d’études requièrent généralement un faible degré d’équité procédurale. L’agent des visas n’est généralement pas tenu d’informer le demandeur de permis d’études de ses doutes quant au caractère suffisant de la demande de ce dernier, y compris ses réserves concernant les documents à l’appui : Zeinali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1539 au para 24.
[9] Il incombe au demandeur de déposer une demande complète et de convaincre l’agent qu’il répond aux exigences prévues par la loi : Ilaka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1622 aux para 18-19; Sayyar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 494 au para 8; Safarian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 775 au para 2.
[10] Par conséquent, la demanderesse n’aurait pas dû s’attendre à ce que l’agent l’avise des lacunes dans son dossier ou lui donne l’occasion de répondre à ses réserves : Asagba c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1528 au para 31.
B. La décision était déraisonnable
[11] Je suis convaincue, cependant, que la demanderesse a démontré que la décision était déraisonnable à plusieurs égards.
[12] Premièrement, l’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas suffisamment de liens avec l’Iran pour la simple raison qu’elle n’est pas mariée, qu’elle peut se déplacer et qu’elle n’a pas de personnes à charge. L’agent n’a pas renvoyé aux éléments de preuve de la demanderesse concernant ses liens familiaux et économiques et n’a pas reconnu qu’elle n’a aucun lien au Canada.
[13] Dans la jurisprudence récente, la Cour a régulièrement insisté sur le fait qu’il était déraisonnable de conclure qu’un demandeur n’est pas suffisamment établi dans son pays d’origine sans prendre en considération les éléments de preuve contradictoires concernant ses liens familiaux et économiques ou ses autres liens pertinents avec son pays d’origine : Khansari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 17 aux para 17-18; Ahadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 25 au para 19; Noriega c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 460 aux para 27-30; Asghari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 606 au para 17.
[14] De plus, même si un agent ne commet pas nécessairement une erreur en soulignant qu’un demandeur est célibataire, qu’il peut se déplacer, qu’il n’est pas bien établi et qu’il n’a pas de personnes à charge, ces facteurs ne peuvent constituer à eux seuls des motifs pour refuser un permis d’études en l’absence d’analyse montrant en quoi ces facteurs sont défavorables : Hassanpour c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1738 au para 20.
[15] Deuxièmement, l’agent a jugé que les études proposées n’avaient pas de sens, compte tenu du parcours professionnel et scolaire de la demanderesse. Même si je conclus que la demanderesse, dans ses observations, a exagéré la perspective d’une promotion à la fin de ses études prévues au Canada, l’agent a, selon moi, agi de manière inappropriée en jouant le rôle de [traduction] « conseiller d’orientation professionnelle »
: Ali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 608 au para 13.
[16] En résumé, le dossier contredit la conclusion de l’agent. La demanderesse n’a pas de diplôme en sécurité aérienne, même si elle a occupé un emploi d’échelon inférieur dans ce domaine. Elle possède uniquement une licence en réparation et en entretien, qu’elle a obtenue il y a plusieurs années. La demanderesse a expliqué qu’elle veut faire progresser sa carrière dans le domaine de la sécurité aérienne, et qu’un diplôme en sécurité aérienne l’aiderait à cette fin. Elle a aussi mentionné que la présence au Canada du siège permanent de l’Organisation de l’aviation civile internationale est l’une des raisons pour laquelle elle veut étudier ici.
III. Conclusion
[17] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie. La décision sera annulée, et l’affaire sera renvoyée à un autre décideur pour nouvel examen.
[18] Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et je conviens que les circonstances de la présente affaire n’en soulèvent aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM-9300-22
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est accueillie.
La décision du 9 août 2022 par laquelle l’agent des visas a rejeté la demande de permis d’études de la demanderesse est annulée.
L’affaire est renvoyée à un autre décideur pour nouvel examen.
Il n’y a aucune question à certifier.
« Janet M. Fuhrer »
Juge
Annexe A
: Dispositions pertinentes
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227
Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-9300-22
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INTITULÉ :
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Neda Aghaei Khorasgani c LE MinistRE DE L’Immigration, DES Réfugiés ET DE LA CitOYENNETÉ DU Canada
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 19 OCTOBRE 2023
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JUgEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE FUHRER
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DATE DES MOTIFS :
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LE 27 NOVEMBRE 2023
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COMPARUTIONS :
Neda Aghaei Khorasgani
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POUR LA DEMANDERESSE
(POUR SON PROPRE COMPTE)
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Kareena Wilding
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Shirin Taghavikhansari
Avocate
Richmond Hill (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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