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Date : 20231123


Dossier : IMM-11061-22

Référence : 2023 CF 1551

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 23 novembre 2023

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

AFROZ KHAYAL MOHAMMED

KHAYAL MOHAMMED NOOR MOHAMMED

MOHAMMED ARSALAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision datée du 15 septembre 2022, dans laquelle un agent principal [l’agent] a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR] présentée par les demandeurs [la décision contestée].

[2] Comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire en l’espèce sera accueillie, car les demandeurs ont été privés de leur droit à l’équité procédurale, étant donné que l’agent n’a pas pris en considération leurs demandes de prorogation du délai pour présenter des observations supplémentaires quant à l’ERAR et a rejeté la demande d’ERAR sans prendre en compte ces observations supplémentaires.

I. Contexte

[3] Les demandeurs, qui sont des citoyens de l’Inde, sont entrés au Canada en mars 2018 et ont par la suite demandé l’asile. Leurs demandes d’asile ont été rejetées par la Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés. En octobre 2021, les demandeurs ont présenté une demande d’ERAR. Dans cette demande, ils ont affirmé craindre d’être exposés à un risque en raison de leur profil religieux en tant que musulmans, ils ont allégué que des membres du Bharatiya Janata Party, du Rashtriya Swayamsevak Sangh et du Bureau central d’enquête les cherchaient et ils ont soulevé ce que leur conseil a décrit comme la nouvelle politique de citoyenneté discriminatoire de l’Inde ciblant et persécutant les musulmans.

[4] La demande d’ERAR des demandeurs a été rejetée le 1er avril 2022 et ceux-ci ont demandé le contrôle judiciaire de la décision. Le défendeur a accepté de rouvrir la demande d’ERAR et la demande de contrôle judiciaire a fait l’objet d’un désistement.

[5] Le 8 août 2022, le 7 septembre 2022 et le 30 septembre 2022, les demandeurs ont demandé une prorogation du délai pour présenter des observations supplémentaires dans le cadre de l’ERAR et, le 11 octobre 2022, ils ont présenté ces observations. Or, le 15 septembre 2022, l’agent a rendu la décision contestée par laquelle il a rejeté la demande d’ERAR des demandeurs. La décision de l’agent ne fait référence à aucune des demandes de prorogation de délai des demandeurs et, étant donné qu’elle a été rendue avant que les demandeurs n’aient présenté leurs observations du 11 octobre 2022, elle ne tient pas compte de ces dernières.

II. Questions en litige et norme de contrôle applicable

[6] Dans les observations écrites présentées par les demandeurs pour appuyer leur demande de contrôle judiciaire, les questions suivantes ont été soumises à l’appréciation de la Cour :

  1. Les demandeurs ont-ils été privés du droit à l’équité procédurale?

  2. La décision est-elle raisonnable?

[7] La question de l’équité procédurale est susceptible de contrôle selon de la norme de la décision correcte. Comme le laisse entendre la formulation de la deuxième question, le fond de la décision contestée est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

III. Analyse

[8] La première question d’équité procédurale soulevée par les demandeurs concerne le fait que l’agent n’a pas tenu compte de leurs demandes de prorogation du délai pour présenter des observations supplémentaires dans le cadre de l’ERAR et qu’il a donc rejeté leur demande d’ERAR sans tenir compte des observations qu’ils avaient présentées le 11 octobre 2022. Le défendeur admet qu’il s’agit d’une violation de l’équité procédurale et que, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie, la décision annulée et la demande d’ERAR réexaminée par un autre agent.

[9] Toutefois, les parties n’ont pas été en mesure de résoudre la demande de contrôle judiciaire sur cette base, et celle-ci a donc fait l’objet d’une audience devant la Cour. Les demandeurs font valoir que la Cour devrait également trancher la question de savoir si l’agent a commis une erreur en tirant une conclusion voilée quant à la crédibilité et en ne tenant pas d’audience. Les demandeurs sont également d’avis que la Cour devrait ordonner que la procédure de réexamen de leur demande d’ERAR comprenne la tenue d’une audience.

[10] Le défendeur n’est pas d’accord. Il fait valoir que l’agent qui réexaminera la demande d’ERAR aura le pouvoir discrétionnaire de tirer des conclusions quant à la crédibilité et, sur le fondement de ces conclusions, d’évaluer si une audience est nécessaire. Le défendeur conteste également que l’agent ait tiré quelque conclusion quant à la crédibilité que ce soit dans la décision contestée.

[11] Je suis d’accord avec les parties sur le fait que la demande de contrôle judiciaire en l’espèce devrait être accueillie, en raison de la violation de l’équité procédurale invoquée par les demandeurs et concédée par le défendeur. En conséquence, mon jugement annulera la décision contestée et renverra l’affaire à un autre agent d’ERAR pour qu’il la réexamine.

[12] Je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire que la Cour devrait également statuer sur leurs arguments selon lesquels l’agent a tiré des conclusions voilées en matière de crédibilité et était donc tenu de convoquer une audience. Comme le soutient le défendeur, lors du réexamen de la demande d’ERAR des demandeurs, un nouvel agent sera chargé de l’évaluation de la demande et exercera son pouvoir discrétionnaire de tenir ou non une audience dans le cas où la crédibilité est un élément pertinent dans son évaluation.

[13] L’analyse et les processus relatifs à la nouvelle demande d’ERAR (qui comprendra l’examen des observations des demandeurs datées du 11 octobre 2022 qui n’ont pas été prises en compte par l’agent) pourraient ou non comprendre une évaluation de la crédibilité et la tenue d’une audience. En outre, la demande d’ERAR pourrait être accueillie ou rejetée, en fonction de l’analyse du nouvel agent. Compte tenu de cet éventail de possibilités, et en gardant à l’esprit le principe de la retenue judiciaire, je juge qu’il n’y a aucune utilité pratique à ce que la Cour se prononce sur les arguments des demandeurs selon lesquels l’agent a commis une erreur à cet égard dans la décision contestée, qui sera annulée pour d’autres motifs.

IV. Questions à certifier

[14] En plus de soutenir que la Cour devrait statuer sur les arguments relatifs aux conclusions voilées en matière de crédibilité et à la tenue d’une audience mentionnés ci-dessus, les demandeurs font valoir que la Cour devrait certifier des questions liées à ces arguments aux fins d’un appel. Le défendeur s’oppose à la demande de certification.

[15] Puisque j’ai refusé de statuer sur les arguments auxquels se rapportent les questions proposées par les demandeurs, il n’est pas approprié pour la Cour de certifier ces questions (voir Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22 au para 46).


JUGEMENT dans le dossier IMM-11061-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit : la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision est annulée et la demande d’ERAR des demandeurs est renvoyée à un autre agent pour qu’il la réexamine. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge


 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-11061-22

 

INTITULÉ :

AFROZ KHAYAL MOHAMMED ET AL c MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 NOVEMBRE 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 NOVEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Washim Ahmed

POUR LES demandeurS

 

Nicole Rahaman

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

OWS Law

Toronto (Ontario)

 

pour leS demandeurS

 

Procureur général du Canada Toronto (Ontario)

 

pour LE DÉFENDEUR

 

 

 

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