Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20231120


Dossier : T-246-23

Référence : 2023 CF 1534

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 novembre 2023

En présence de madame la juge Turley

ENTRE:

JAVERIA REHMAN

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT

I. Aperçu

[1] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de quatre décisions du 9 janvier 2023, par lesquelles madame E. Thistle, gestionnaire au Service de validation des prestations canadiennes d’urgence [l’agente] de l’Agence du revenu du Canada [l’ARC], a conclu que la demanderesse n’était pas admissible aux prestations suivantes : la Prestation canadienne d’urgence [la PCU], la Prestation canadienne de relance économique [la PCRE], la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique [la PCMRE] et la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants [la PCREPA]. La demanderesse a été jugée inadmissible à ces prestations, parce qu’elle n’avait pas démontré qu’elle avait gagné un revenu d’emploi ou un revenu net d’un travail exécuté pour son compte d’au moins 5 000 $ au cours de périodes précises précédant sa demande de prestations, comme l’exige la législation pertinente.

[2] Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la demande. Je suis convaincue que les décisions de l’agente sont raisonnables. Elle a examiné tous les documents fournis par la demanderesse et a conclu qu’ils étaient insuffisants pour justifier l’admissibilité de cette dernière aux prestations. Essentiellement, la demanderesse ne souscrit pas à l’appréciation portée par l’agente sur ses documents justificatifs. Toutefois, ce n’est pas le rôle de la Cour d’apprécier à nouveau la preuve dans le cadre d’un contrôle judiciaire : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 125.

II. Le contexte

A. Les demandes de prestations

[3] La PCU, la PCRE, la PCMRE et la PCREPA sont des mesures prises par le gouvernement fédéral en réponse à la pandémie de COVID-19, afin de fournir un soutien financier aux salariés et aux travailleurs autonomes canadiens.

[4] La demanderesse a demandé les prestations suivantes pour la période allant du 2 août 2020 au 3 juillet 2021 :

  • La PCU pour les périodes de deux semaines allant du 2 août 2020 au 26 septembre 2020;

  • La PCREPA pour les périodes de deux semaines allant du 27 septembre 2020 au 14 novembre 2020;

  • La PCRE pour les périodes de deux semaines allant du 31 janvier 2021 au 24 avril 2021 et du 9 mai 2021 au 3 juillet 2021;

  • La PCMRE pour les périodes de deux semaines allant du 25 avril 2021 au 1er mai 2021.

[5] Un simple processus fondé sur une attestation permettait aux Canadiens d’obtenir ces prestations le plus rapidement possible. L’ARC a la responsabilité de justifier toutes les prestations versées et, de ce fait, elle cherche à valider les versements lorsque l’admissibilité est remise en question.

[6] Dans le cadre de son processus de validation, l’ARC a envoyé une lettre datée du 25 juillet 2022 à la demanderesse pour lui demander de fournir des documents permettant de justifier son admissibilité aux prestations qu’elle avait reçues. En réponse, la demanderesse a fourni une lettre indiquant qu’à la suite d’un accident, elle avait reçu de TD Assurance [traduction] « des prestations (régulières) de remplacement du revenu au titre de l’assurance‑emploi » de 752,50 $ toutes les deux semaines, de 2017 jusqu’à la fin du mois de juillet 2020. En guise de justification, la demanderesse a fourni deux lettres de TD Assurance confirmant son admissibilité aux prestations de remplacement du revenu, ainsi que des relevés bancaires montrant un dépôt de 752,50 $ toutes les deux semaines.

[7] En outre, la demanderesse a affirmé qu’elle avait déclaré un revenu total de 7 476 $ en 2020 et a fourni son avis de cotisation de 2020, en guise de justification.

[8] Après avoir reçu ces renseignements, un agent de l’ARC a tenté de communiquer avec la demanderesse à trois reprises, pour lui demander si elle avait d’autres revenus à déclarer ou si elle avait exercé un emploi avant de recevoir ces prestations. L’agent n’a pas réussi à la joindre ni à lui laisser un message vocal. Dans ses notes se rapportant à un cas particulier, l’agent a indiqué que les documents fournis par la demanderesse ne permettaient pas de démontrer qu’elle avait gagné le revenu minimum requis de 5 000 $ en 2019, en 2020 ou en 2021.

[9] Dans des lettres datées du 14 octobre 2022, l’agent a informé la demanderesse qu’elle n’était pas admissible aux prestations, car elle n’avait pas gagné au moins 5 000 $ (avant impôts) de revenus provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour son compte en 2019, en 2020, en 2021 ou au cours des douze mois précédant la date de sa première demande. La demanderesse a été informée qu’elle pouvait demander une révision de la décision par un autre agent de l’ARC.

B. Le deuxième examen

[10] La demanderesse a sollicité un deuxième examen de ses demandes. Elle a fourni des documents supplémentaires pour prouver qu’elle avait gagné un revenu de plus de 5 000 $ provenant d’un travail exécuté pour son compte, en tant que propriétaire unique de l’entreprise Horizon International Services. Selon le permis principal d’entreprise délivré par la province de l’Ontario le 30 septembre 2020, l’entreprise Horizon International Services offre des services de commercialisation et de livraison d’Amazon. En guise de justification, la demanderesse a fourni des relevés bancaires de son entreprise, pour la période du 14 décembre 2020 au 14 mai 2021, qui indiquaient trois paiements provenant d’Amazon en janvier et en février 2021.

[11] Après avoir examiné tous les documents fournis par la demanderesse ainsi que ses déclarations de revenus de 2019, 2020 et 2021 au dossier, l’agente responsable du deuxième examen a conclu que la demanderesse n’avait pas gagné suffisamment de revenus pour être admissible aux prestations. Toutefois, l’agente a créé un plan d’action pour demander plus de renseignements sur l’admissibilité de la demanderesse, parce que les documents fournis étaient insuffisants. Elle a tenté d’appeler la demanderesse quatre fois entre le 22 novembre 2022 et le 4 janvier 2023, mais n’a pas obtenu de réponse ou n’a pas eu la possibilité de laisser un message vocal.

[12] Après avoir examiné tous les renseignements dont elle disposait, l’agente a envoyé quatre lettres datées du 9 janvier 2023, indiquant qu’elle avait conclu que la demanderesse n’était pas admissible aux quatre prestations. L’agente a conclu que la demanderesse était inadmissible à la PCU, car elle n’avait pas gagné un revenu d’au moins 5 000 $ (avant impôts) provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour son compte en 2019 ou au cours des douze mois précédant la date de sa première demande. Elle n’était pas non plus admissible ni à la PCRE, ni à la PCMRE ni à la PCREPA, parce qu’elle n’avait pas gagné au moins 5 000 $ (avant impôts) provenant d’un revenu d’emploi ou d’un revenu net tiré d’un travail exécuté pour son compte en 2019, en 2020, en 2021 ou au cours des douze mois précédant la date de sa première demande.

III. La question en litige et la norme de contrôle

[13] La question à trancher est de savoir si l’agente a commis une erreur en concluant que la demanderesse n’était pas admissible aux prestations.

[14] La norme de contrôle qui s’applique est la décision raisonnable : Aryan c Canada (Procureur général), 2022 CF 139 au para 16; Walker c Canada (Procureur général), 2022 CF 381 au para 15. Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov, au para 85. Il incombe donc à la demanderesse de démontrer le caractère déraisonnable des décisions de l’agente : Vavilov, aux para 75, 100.

IV. Analyse

A. Les questions préliminaires

[15] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de quatre décisions au moyen d’un seul avis de demande. Aux termes de l’article 302 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], une demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule décision ou ordonnance, sauf ordonnance contraire de la Cour. Je comprends que la demanderesse agit pour son propre compte et qu’elle n’aurait pas été au courant de cette disposition. En outre, le défendeur ne s’est pas opposé à ce que la demanderesse sollicite le contrôle des quatre décisions dans la même demande.

[16] La Cour a accepté que des décisions étroitement liées, rendues en application de la même loi, par le même décideur, puissent être traitées comme une seule décision : Cob Roller Farms Ltd c 9072-3636 Québec Inc (Écocert Canada), 2022 CF 1487 au para 14; Burlacu c Canada (Procureur général), 2019 CF 1215 au para 21; Conseil des Innus de Ekuanitshit c Canada (Pêches et Océans), 2015 CF 1298 au para 49; Whitehead c Première Nation de Pelican Lake, 2009 CF 1270 aux para 51, 52.

[17] En l’espèce, étant donné que les quatre décisions ont été rendues par le même décideur, d’après le même dossier, en application de deux lois connexes et sur le même fondement juridique, je suis convaincue qu’il convient d’examiner les décisions ensemble dans le cadre de la présente demande. Selon l’article 3 des Règles, il s’agit de la façon la plus juste et la plus expéditive et économique possible de procéder. Par conséquent, j’autorise la demanderesse à présenter la demande à l’encontre des quatre décisions.

[18] L’avocate du procureur général du Canada a soulevé la question relative au défendeur approprié, en faisant remarquer que la demanderesse avait désigné l’Agence du revenu du Canada. Je conviens que, suivant le paragraphe 303(2) des Règles, le défendeur approprié est le procureur général du Canada. La demanderesse ne s’est pas opposée au changement de défendeur. Par conséquent, j’ai ordonné que l’intitulé de la cause soit modifié afin de désigner le procureur général du Canada à titre de défendeur.

B. Les décisions ne sont pas déraisonnables

[19] La demanderesse allègue que l’agente a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’ensemble des circonstances et des documents pertinents pour conclure qu’elle n’était pas admissible aux prestations. Plus précisément, la demanderesse fait valoir que l’agente n’a pas pris en compte les éléments suivants : (i) les prestations de remplacement du revenu qu’elle avait reçues jusqu’en juillet 2020, à la suite de son accident; (ii) les revenus d’un travail exécuté pour son compte provenant de son entreprise en 2021; (iii) la naissance de son enfant en avril 2020.

[20] En outre, la demanderesse fait valoir que le communiqué de presse du 9 février 2021 de l’ARC [le communiqué de presse de l’ARC] n’indiquait pas que les demandeurs de la PCRE devaient avoir gagné un revenu net provenant d’un travail autonome d’au moins 5 000 $.

(1) Les exigences législatives

[21] Pour être admissible à la PCU, aux termes de la Loi sur la prestation canadienne d’urgence, LC 2020, c 5, art 8 [la LPCU], une personne doit avoir gagné des revenus d’au moins 5 000 $, provenant d’un emploi, d’un travail qu’elle exécute pour son propre compte, de prestations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, ou d’allocations ou d’autres prestations qui lui sont payées en vertu d’un régime provincial, en cas de grossesse ou de soins à donner à des nouveau-nés, en 2019 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle elle a présenté une demande de prestations : LPCU, art 2.

[22] La Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2 [la LPCRE], dispose que les autres prestations en cause sont la PCRE, la PCMRE et la PCREPA. Comme c’est le cas pour la PCU, un demandeur doit avoir gagné des revenus d’au moins 5 000 $, provenant d’un emploi, d’un travail qu’il exécute pour son propre compte, de prestations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, d’allocations, de prestations ou d’autres sommes qui lui sont payées en vertu d’un régime provincial, en cas de grossesse ou de soins à donner à des nouveau-nés ou à des enfants placés chez lui en vue de leur adoption, ou d’une autre source de revenus prévue par règlement : LPCRE, art 3(1)d), 10(1)d), 17(1)d).

[23] De plus, la LPCRE dispose que le revenu de travail indépendant est le revenu net pour les besoins de la PCRE, de la PCMRE et de la PCREPA. Plus précisément, elle dispose que le « revenu [...] de la personne qui exécute un travail pour son propre compte est son revenu moins les dépenses engagées pour le gagner » : LPCRE, art 3(2), 10(2), 17(2).

(2) Les éléments de preuve ne sont pas suffisants pour démontrer l’admissibilité aux prestations

[24] Je ne suis pas d’accord avec la demanderesse pour dire que l’agente a omis de prendre en compte les documents pertinents en rendant ses décisions. L’agente a plutôt conclu que les éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour démontrer que la demanderesse avait gagné le revenu requis provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour son propre compte pendant les périodes pertinentes.

(a) Le revenu d’emploi

[25] Pour appuyer son allégation selon laquelle elle avait perçu un revenu d’emploi de plus de 5 000 $ en 2019 et jusqu’en juillet 2020, la demanderesse a déclaré qu’elle avait reçu des prestations de remplacement de revenu, à la suite d’un accident. Elle a fourni des relevés bancaires faisant état de dépôts de 752,50 $ toutes les deux semaines ainsi que des lettres de TD Assurance indiquant qu’elle avait droit à ces prestations de remplacement de revenu, parce qu’elle était incapable de reprendre l’emploi qu’elle occupait avant l’accident. L’agente responsable du deuxième examen a cependant noté que ces prestations n’avaient pas été déclarées comme un revenu d’emploi dans les déclarations de revenus de 2019 et de 2020. En effet, la déclaration de revenus de la demanderesse indiquait un revenu de 1 $ en 2019 et une perte de travail indépendant de 25 $ en 2020.

[26] La demanderesse affirme que ces prestations n’ont pas été déclarées dans sa déclaration de revenus parce qu’elles n’étaient pas imposables. Cependant, mis à part les relevés bancaires et les lettres de TD Assurance, la demanderesse n’a pas fourni d’autres documents justificatifs à l’ARC, que ce soit à l’étape de l’examen initial ou du deuxième examen. Il n’y avait donc aucun autre document pour justifier que ces prestations pouvaient être considérées comme un « revenu d’emploi », sous le régime de la LPCU.

[27] De plus, malgré de nombreux appels faits à la demanderesse pour lui demander des renseignements supplémentaires, les agents de l’ARC n’ont jamais pu la joindre ni lui laisser des messages vocaux. L’agente a donc conclu que les documents fournis n’étaient pas suffisants pour démontrer que la demanderesse avait gagné un revenu de plus de 5 000 $ provenant d’un emploi, comme l’exige la législation. En l’absence de preuve indiquant que les prestations de remplacement de revenu étaient admissibles à titre de revenu aux termes de l’article 3 de la LPCRE, il était raisonnable pour l’agente de ne pas considérer ces prestations comme un revenu.

[28] Fait important, dans son rapport sur le deuxième examen, l’agente responsable a noté que les documents de la demanderesse ne portaient que sur des [traduction] « paiements d’assurance invalidité reçus de 2018 à 2020, sans indiquer un revenu admissible d’emploi ou de travail indépendant ». La LPCU et la LPCRE précisent les prestations qui sont prises en compte pour déterminer l’admissibilité d’une personne à la PCU, à la PCRE, à la PCMRE et à la PCREPA : LPCU, art 2; LPCRE, art 3(1)d), 10(1)d), 17(1)d). En outre, la demanderesse a été informée, par lettre du 25 juillet 2022, que les prestations d’invalidité n’étaient pas considérées comme un revenu provenant d’un emploi ou d’un travail indépendant.

[29] La demanderesse ayant fourni peu de renseignements pour étayer sa prétention selon laquelle elle avait gagné un revenu de 5 000 $ provenant d’un emploi, comme l’exige la législation, je ne peux pas conclure que les décisions de l’agente étaient déraisonnables. De plus, il était raisonnable pour l’agente de se fonder sur le fait que la demanderesse n’avait pas déclaré de revenu provenant d’un emploi dans ses déclarations de revenus de 2019 ou de 2020, pour conclure qu’elle n’était pas admissible : Hayat c Canada (Procureur général), 2022 CF 131 au para 20; Mathelier-Jeanty c Canada (Procureur général), 2022 CF 1188 au para 24.

[30] Dans la lettre qu’elle a envoyée à l’ARC, à la suite du premier examen, la demanderesse a affirmé qu’elle avait déclaré un revenu total de 7 476 $ en 2020 et qu’elle avait fourni son avis de cotisation de 2020 à l’appui. La Cour a jugé que, même si les cotisations d’impôt permettent de fournir à l’ARC des renseignements sur le revenu en ce qui concerne l’admissibilité d’un demandeur, elles ne prouvent pas que le demandeur a réellement gagné le revenu indiqué dans sa déclaration de revenus ni que son revenu provenait d’une source admissible : Hussain c Canada (Agence du revenu), 2023 CF 1382 au para 21; Aryan c Canada (Procureur général), 2022 CF 139 au para 25.

[31] Comme je l’ai déjà mentionné, la demanderesse n’a déclaré aucun revenu d’emploi dans sa déclaration de revenus de 2020. Elle n’a déclaré qu’une perte nette de revenu provenant d’un travail exécuté pour son compte. Dans le cadre du contrôle judiciaire, le défendeur a souligné que la demanderesse avait bel et bien indiqué 7 500 $ à la ligne « Autres revenus », dans sa déclaration de revenus de 2020, mais que cette somme correspondait à la PCU et à la PCREPA reçues en 2020 et ne serait pas admissible à titre de revenu provenant d’un emploi, aux termes de la législation : mémoire des faits et du droit du défendeur, au paragraphe 41. L’agente n’a toutefois pas avancé ce motif pour conclure que la demanderesse n’était pas admissible aux prestations. Par conséquent, la Cour ne l’a pas pris en compte : Beddows v Canada (Attorney General), 2023 FC 919 au para 128.

[32] Enfin, la demanderesse soulève une nouvelle question devant la Cour, à savoir qu’elle avait déclaré un revenu total de 8 501 $ pour l’année d’imposition 2021 : mémoire des faits et du droit de la demanderesse, au paragraphe 12. La demanderesse a joint son avis de cotisation d’impôt sur le revenu de 2021 à son mémoire des faits et du droit, en guise de justification. Cet avis de cotisation ne figure pas dans le dossier certifié du tribunal. Il n’est pas non plus énuméré dans les notes de l’ARC, parmi les documents reçus de la demanderesse. L’avis de cotisation de 2021 n’est donc pas admissible devant la Cour, car il n’avait pas été porté à la connaissance de l’agente lorsqu’elle a rendu sa décision : Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [Access Copyright] au para 19.

(b) Le revenu d’un travail indépendant

[33] Dans le même ordre d’idées, en ce qui concerne le revenu de travail indépendant, la demanderesse n’a pas prouvé qu’elle avait gagné un revenu net de 5 000 $ provenant d’un travail indépendant au cours des périodes pertinentes, comme l’exige la LPCRE.

[34] À l’appui de son allégation relative à son revenu de travail indépendant, la demanderesse a fourni des documents bancaires relatifs à un compte d’entreprise à son nom, faisant étant de trois paiements d’Amazon en janvier et en février 2021. En outre, la demanderesse a fourni un permis principal d’entreprise pour Horizon International Services, une entreprise à propriétaire unique enregistrée à son nom, dont les activités commerciales figurent dans la catégorie des [traduction] « services de commercialisation et de livraison d’Amazon ».

[35] Comme l’a noté l’agente responsable du deuxième examen, la demanderesse n’avait pas fourni [traduction] « des factures ou des reçus pour confirmer ces sommes et vérifier que celles-ci [étaient] reliées au travail exécuté pour son compte ». De plus, la demanderesse n’a pas déclaré de revenu provenant d’un travail exécuté pour son compte, dans sa déclaration de revenus pour l’année 2021. Comme je l’ai déjà mentionné, malgré les nombreux efforts déployés, les agents de l’ARC n’ont pas réussi à joindre la demanderesse pour obtenir plus de renseignements.

[36] À la lumière des renseignements fournis par la demanderesse et du fait qu’elle n’a pas déclaré de revenus provenant d’un travail exécuté pour son compte dans sa déclaration de revenus de 2021, il était raisonnable pour l’agente de conclure que les renseignements dont elle disposait ne permettaient pas de valider l’admissibilité de la demanderesse à la PCRE, à la PCMRE et à la PCU.

(3) L’admissibilité à la PCREPA

[37] Le constat dégagé par l’agente, à savoir que la demanderesse n’avait pas atteint le seuil de revenu admissible, était suffisant pour la conduire à conclure que la demanderesse n’était pas admissible à la PCREPA. Cependant, je fais remarquer que la demanderesse déclare qu’elle était également admissible à la PCREPA, parce qu’elle avait donné naissance à un enfant en avril 2020 : mémoire des faits et du droit de la demanderesse, au paragraphe 8. Cette question n’a toutefois pas été soulevée devant l’agente et ne peut l’être maintenant devant la Cour : Access Copyright, au para 19.

[38] Cela dit, il ressort clairement de la législation que la PCREPA ne pouvait pas être versée à la naissance d’un enfant. La prestation était plutôt offerte aux personnes qui devaient demeurer à la maison pour s’occuper d’un enfant qui ne pouvait pas fréquenter l’école ou une autre installation pour des raisons liées à la COVID-19, ou parce que la personne qui s’en occupait habituellement n’était pas disponible pour des raisons liées à la COVID-19 : LPCRE, art 17(1)f).

(4) Le communiqué de presse de l’ARC

[39] La demanderesse prétend également que le communiqué de presse de l’ARC [traduction] « définissait clairement les conditions d’accès à la prestation canadienne de relance économique » et qu’il ne mentionnait pas que les travailleurs autonomes devaient avoir gagné un revenu net de travail autonome de 5 000 $ pour être admissibles à la PCRE : mémoire des faits et du droit de la demanderesse, aux paragraphes 14-17.

[40] Toutefois, l’objectif principal du communiqué de presse de l’ARC était d’annoncer que « les travailleurs autonomes qui ont présenté une demande de [PCU] en fonction de leur revenu brut provenant d’un travail autonome ne seront pas tenus de rembourser la PCU, pourvu qu’ils répondent aussi à tous les autres critères d’admissibilité ». Le communiqué de presse de l’ARC ne portait pas sur les exigences d’admissibilité à la PCRE, à la PCMRE ou à la PCREPA.

[41] De plus, comme je l’ai mentionné ci-dessus, au paragraphe 23, il ressort clairement de la législation que le revenu d’une personne qui exécute un travail pour son compte est son revenu net, pour les besoins de l’admissibilité à la PCRE, à la PCMRE et à la PCREPA. La Cour a déjà conclu que les critères d’admissibilité sont prescrits par la loi et ne sont pas discrétionnaires. Par conséquent, les agents sont tenus de les appliquer : Flock c Canada (Procureur général), 2022 CF 305 aux para 21, 23; Davis c Canada (Procureur général), 2022 CF 1247 aux para 24, 29.

V. Conclusion

[42] Compte tenu de ce qui précède, je ne peux conclure que l’agente a commis une erreur susceptible de contrôle. Il incombait à l’agente d’apprécier le caractère suffisant des éléments de preuve dans le cadre de sa « mission de recherche des faits » : Sjogren c Canada (Procureur général), 2023 CF 24 au para 43. En l’absence de méprise fondamentale sur la preuve, la cour de révision ne peut intervenir : Vavilov, au para 126. En l’espèce, l’agente ne s’est pas méprise sur la preuve, elle a plutôt conclu que la preuve ne suffisait pas pour confirmer que les exigences législatives avaient été respectées.

[43] Le défendeur sollicite les dépens s’il obtient gain de cause dans le cadre de la présente demande. Toutefois, vu l’ensemble des circonstances, je refuse d’exercer la compétence que me confère l’article 400 des Règles pour adjuger des dépens contre la demanderesse.

 


JUGEMENT dans le dossier T-246-23

LA COUR STATUE :

  1. La demanderesse est autorisée à présenter la demande à l’encontre des quatre décisions;

  2. L’intitulé de la cause est modifié afin de désigner le procureur général du Canada à titre de défendeur;

  3. La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans frais.

« Anne M. Turley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Lyne Paquette, traductrice agréée

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-246-23

 

INTITULÉ :

JAVERIA REHMAN c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Fredericton (NOUVEAU-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 NOVEMBRE 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS
DU JUGEMENT :


LA JUGE TURLEY

 

DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS
DU JUGEMENT :



LE 20 NOVEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Javeria Rehman

 

POUR LA DEMANDERESSE

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Caitlin Ward

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.