Date : 20230919
Dossiers : T-554-23
T-556-23
T-552-23
T-555-23
Référence : 2023 CF 1259
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Edmonton (Alberta), le 19 septembre 2023
En présence de madame la juge adjointe Catherine A. Coughlan
ENTRE : |
LA NATION WE WAI KAI ET LA PREMIÈRE NATION WEI WAI KUM, MOWI CANADA WEST INC., CERMAQ CANADA LTD. ET GRIEG SEAFOOD B.C. LTD. |
demanderesses |
et |
LE MINISTRE DES PÊCHES, DES OCÉANS ET DE LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE |
défendeur |
et |
LA PREMIÈRE NATION HOMALCO |
intervenante proposée |
ORDONNANCE ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] La Cour est saisie d’une requête présentée par la Première Nation Homalco (Homalco) en vue d’obtenir, en vertu de l’alinéa 104(1)b) et du paragraphe 303(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), une ordonnance la constituant comme défenderesse investie de tous les droits de participation à l’égard de quatre demandes conjointes de contrôle judiciaire. À titre subsidiaire, Homalco sollicite le statut d’intervenante au sens large assorti du droit de déposer une preuve sous forme d’affidavits, du droit de présenter des arguments de fait et de droit à l’égard des demandes en l’espèce et de toute requête interlocutoire ainsi que du droit d’interjeter appel.
[2] Par voie de correspondance, le défendeur a confirmé qu’il soutenait la requête présentée par Homalco en vue d’être constituée comme partie à l’instance ou intervenante, mais il n’a pas déposé d’observations écrites ni présenté d’autres arguments lors de l’audition de la requête.
[3] Les demanderesses s’opposent à la requête dans son intégralité. Elles affirment qu’Homalco n’a pas satisfait au critère rigoureux permettant d’obtenir le statut de partie à l’instance parce qu’elle n’est pas directement touchée par l’ordonnance sollicitée dans les demandes et que sa présence n’est pas nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige.
[4] En outre, les demanderesses soutiennent qu’Homalco a fait valoir pratiquement les mêmes arguments en 2021 dans sa requête infructueuse visant à obtenir la même réparation à l’égard d’une demande antérieure de contrôle judiciaire introduite par les mêmes parties : Mowi Canada West Inc c Canada (Pêches, Océans et Garde côtière), dossier de la Cour no T-129-21 (non publié) (Mowi no 1). Saisie de cette requête, la juge Aylen (alors protonotaire) a refusé d’accorder le statut de partie à l’instance ou d’intervenante; sa décision a été confirmée en appel : Mowi Canada West Inc c Canada (Pêches, Océans et Garde côtière), 2021 CF 548 (Mowi no 2). Cette dernière décision n’a pas fait l’objet d’un appel subséquent. Les demanderesses affirment que l’issue de la présente requête devrait être la même.
[5] Pour les motifs qui sont exposés ci-dessous, je conclus que la requête sera rejetée.
II. Contexte
[6] Les demandes conjointes et sous-jacentes de contrôle judiciaire visent à contester la décision du 17 février 2023 (la décision de 2023) par laquelle la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne (la ministre) a refusé de délivrer à nouveau des permis d’aquaculture des poissons à nageoires visant 15 sites qui se trouvent dans les îles Discovery, en Colombie-Britannique.
A. Les parties
[7] Les exploitantes demanderesses sont les anciennes titulaires des permis d’aquaculture des poissons à nageoires, soit : Cermaq Canada Ltd. (Cermaq), qui exploite trois sites aquacoles dans les îles Discovery, Mowi Canada West Inc. (Mowi), située à Campbell River, qui exploite depuis plus de 30 ans des sites salmonicoles, dont 11 se trouvent dans les îles Discovery ou à proximité; Grieg Seafood B.C. Ltd. (Grieg), producteur qui possède un site aquacole à Barnes Bay, dans les îles Discovery. Les trois exploitantes détiennent des permis délivrés par la ministre en vertu de l’article 7 de la Loi sur les pêches, LRC 1985 c F-14 et des règlements connexes pour chacun de leurs sites aquacoles dans les îles Discovery.
[8] Les demanderesses, la Première Nation Wei Wai Kum (bande indienne de Campbell River) et la Première Nation We Wai Kai (bande indienne de Cape Mudge), sont historiquement connues et collectivement désignées sous le nom de « Nation Laich-kwil-tach ». La Nation Laich-kwil-tach revendique un titre ancestral sur une zone qui comprend la région de la Colombie-Britannique appelée « détroit de Johnstone », les îles Discovery et la pointe Shaw, à l’entrée de Topaze Harbour. Cette revendication comprend sept sites aquacoles faisant l’objet des demandes conjointes sous-jacentes.
[9] Le titre ancestral revendiqué par la Nation Laich-kwil-tach n’a pas été établi devant les tribunaux. De plus, selon les observations écrites qu’elle a transmises à l’appui de la présente requête, la Nation Laich-kwil-tach reconnaît que d’autres Premières Nations, y compris la partie requérante, Homalco, ont revendiqué des droits potentiellement contradictoires à l’égard de la même zone.
[10] En effet, Homalco revendique un titre et des droits ancestraux non cédés sur l’ensemble de son territoire, qui sont reconnus à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, y compris les droits de chasse, de pêche, de cueillette et d’intendance. Homalco affirme que le territoire sur lequel elle revendique un titre ancestral couvre de larges parties des îles Discovery et au-delà.
B. Le litige
[11] Les demanderesses contestent collectivement la décision rendue par la ministre en 2023 relativement à sept sites aquacoles, dont quatre étaient détenus auparavant par Mowi, deux, par Cermaq et un autre, par Grieg. En 2022, la Nation Laich-kwil-tach a conclu des accords avec les trois exploitantes pour la cogestion des sept sites aquacoles qui sont au cœur de sa demande.
[12] Outre les sept sites qui mettent en jeu la Nation Laich-kwil-tach, les trois exploitantes contestent également la décision de 2023 en ce qui concerne huit autres sites dans les îles Discovery.
[13] Comme il est indiqué ci-dessus, les demandes conjointes de contrôle judiciaire ont été précédées d’une demande introduite en 2021 qui a une incidence marquée sur la requête dont la Cour est saisie, et il est nécessaire de décrire un peu le contexte afin d’éclairer comme il se doit la requête actuelle présentée par Homalco en vue d’obtenir le statut de partie à l’instance ou d’intervenante.
(1) La demande de 2021
[14] Dans la décision qu’elle a prononcée en 2021, la juge Aylen expose en détail les circonstances factuelles qui ont conduit à la demande de contrôle judiciaire de 2021. Cette demande découlait de la décision prise en 2009 par le gouvernement fédéral d’enquêter sur la migration exceptionnellement basse du saumon rouge en mettant sur pied une commission d’enquête : la Commission Cohen. Cette commission a rendu publiques ses conclusions et recommandations en octobre 2012. Parmi ses 75 recommandations, elle a invité le ministère des Pêches et des Océans à interdire la salmoniculture en filet dans les îles Discovery, à moins qu’il ne puisse être démontré que cette pratique pose un risque minime de préjudice grave pour la santé du saumon sauvage en migration.
[15] En 2020, la ministre de l’époque, Bernadette Jordan, a entamé des consultations avec sept Premières Nations, dont Homalco et la Nation Laich-kwil-tach.
[16] Le 17 décembre 2020, la ministre Jordan a annoncé sa décision (la décision de 2020), soit de mettre hors service progressivement les installations salmonicoles existantes dans les îles Discovery. À cette fin, elle a délivré des permis de pisciculture d’une durée de 18 mois afin que les exploitantes puissent récolter tous leurs stocks de saumon. En outre, cette décision prévoyait qu’aucun nouveau poisson ne pouvait être ajouté dans les îles Discovery et exigeait que toutes les piscicultures soient vidées au plus tard le 30 juin 2022.
[17] Le 18 janvier 2021, quatre exploitantes, dont les trois exploitantes demanderesses, ont contesté la décision de 2020 au motif qu’elle était déraisonnable et qu’elle avait été prise suivant une procédure inéquitable. Le 22 avril 2022, la juge Heneghan a annulé la décision de 2020, estimant qu’elle était déraisonnable et qu’elle violait les droits des demanderesses à l’équité procédurale. La juge Heneghan a renvoyé l’affaire à la ministre pour nouvel examen. Cette décision n’a pas été portée en appel.
[18] Lorsque les permis de pisciculture devaient être renouvelés, en juin 2022, la nouvelle ministre, Joyce Murray, a de nouveau refusé d’autoriser les renouvellements, mais elle s’est engagée à mener des consultations auprès des Premières Nations et des titulaires de permis sur l’opportunité de délivrer à nouveau des permis dans la région des îles Discovery. Ce processus était censé permettre aux Premières Nations et à l’industrie de se faire entendre et de répondre à leurs préoccupations respectives de même qu’à celles de la ministre. Il n’est pas contesté qu’Homalco est une des Premières Nations ayant participé aux consultations avec la ministre.
(2) La demande de 2023
[19] Le 17 février 2023, la ministre Murray a annoncé sa décision de ne pas délivrer à nouveau de permis de pisciculture dans les îles Discovery. Le 20 mars 2023, les demanderesses ont déposé les demandes conjointes et sous-jacentes de contrôle judiciaire.
[20] Dans leurs avis de demande, les demanderesses sollicitent les mesures suivantes :
a) une déclaration selon laquelle la décision était déraisonnable compte tenu du régime établi par la loi et de l’absence de renseignements corroborants pertinents dans le dossier dont disposait la ministre;
b) une déclaration selon laquelle la décision était inéquitable sur le plan procédural;
c) une déclaration selon laquelle la décision était par ailleurs invalide ou illégale;
d) une ordonnance annulant la décision et renvoyant l’affaire à la ministre pour qu’elle rende une nouvelle décision sur le fond.
[21] Ces mesures de réparation reprennent essentiellement celles qui étaient sollicitées dans les demandes de 2021. La Nation Laich-kwil-tach, qui n’était pas une des demanderesses en 2021, cherche également à obtenir un jugement déclaratoire portant que la décision est incompatible avec l’honneur de la Couronne et constitue un manquement à l’obligation du Canada de procéder à des consultations et de tenir compte du titre et des droits ancestraux de la Nation Laich‑kwil‑tach.
[22] À l’audience relative à la requête, Cermaq et la Nation Laich-kwil-tach ont remis à la Cour, sur consentement, des avis de demande modifiés. Selon les avocats de ces parties, les modifications indiquent clairement que l’idée maîtresse sous-tendant les avis de demande ne met pas en jeu les questions liées au titre ancestral ou celle de savoir qui présente la revendication la plus solide, comme le prétend Homalco.
(3) La requête de 2021
[23] Comme il est indiqué ci-dessus, dans la demande de 2021, Homalco et la Nation Tla’amin (collectivement, les Nations Sœurs) ont présenté une requête en vue d’obtenir une réparation identique à celle qui est demandée en l’espèce, c’est-à-dire qu’elles demandent d’être constituées comme défenderesses ou, à titre subsidiaire, comme intervenantes. En ce qui concerne le statut d’intervenante, les Nations Sœurs ont demandé l’autorisation d’intervenir en ayant le droit de déposer des éléments de preuve. Comme pour la présente requête, les exploitantes s’y sont opposées.
[24] Après un examen approfondi des principes juridiques régissant les requêtes présentées en vue d’obtenir le statut de parties à l’instance, la juge Aylen a conclu que les Nations Sœurs n’avaient pas satisfait au critère applicable. Elle s’explique en ces termes :
[traduction]
En ce qui concerne cette question, je ne suis pas convaincue que la réparation sollicitée par les demanderesses touche directement les Nations Sœurs. La décision qui sera examinée par la Cour concerne le refus d’accorder aux demanderesses un permis d’aquaculture correspondant à leurs exigences, ainsi qu’une déclaration quant à l’avenir de leurs activités. La décision faisant l’objet du contrôle restreint les droits des demanderesses et, comme il ressort de la décision elle-même et du communiqué de presse qui l’accompagne, elle ne peut être qualifiée à juste titre de mesure d’accommodement ou de promesse envers les Nations Sœurs. Contrairement à la décision Ontario Federation of Anglers and Hunters v Ontario, 2015 ONSC 7969, la décision en cause n’accorde pas expressément de droits aux Nations Sœurs. Aucune des réparations demandées par les demanderesses ne modifierait ou n’affecterait les obligations de la Couronne envers les Nations Sœurs ou les droits existants des Nations Sœurs, ou n’y dérogerait. En outre, aucune des demanderesses n’a fondé sa demande de contrôle sur l’affirmation ou la négation de titres ou de droits ancestraux ou sur l’obligation de la Couronne de consulter. [Souligné dans l’original.]
[25] De plus, la juge Aylen a souligné que, si la Cour annulait la décision, celle-ci serait renvoyée à la ministre pour qu’elle procède à un nouvel examen conformément aux motifs de la Cour. Elle a conclu qu’il était possible que les droits ou les intérêts des Nations Sœurs soient touchés par la réparation demandée, mais que tout effet serait hypothétique et/ou consécutif et indirect, ce qui ne répond pas au critère justifiant qu’une personne soit constituée comme partie à l’instance : Mowi no 1 au para 41.
[26] La juge Aylen a également conclu que les Nations Sœurs n’avaient pas fait état d’une question qui était effectivement soulevée dans les demandes conjointes et ne pouvait être tranchée adéquatement et complètement à moins qu’elles ne soient une partie au litige : Mowi no 1 au para 43.
[27] Selon la juge Aylen, le fait que les Nations Sœurs aient participé au processus de consultation ayant mené à la décision de 2020 et que la réparation demandée ait pu avoir un effet indirect préjudiciable à leurs droits et intérêts n’a pas pour conséquence de rendre leur participation nécessaire aux demandes conjointes.
[28] En dernier lieu, à son avis, les éléments de preuve que les Nations Sœurs cherchaient à présenter n’étaient pas pertinents quant aux questions soulevées dans les demandes conjointes. De plus, si les Nations Sœurs disposaient d’éléments de preuve pertinents concernant le processus de consultation, ces éléments de preuve pouvaient être présentés par la ministre.
[29] Les Nations Sœurs ont contesté en appel la décision de la juge Aylen, et cet appel a été rejeté par le juge Phelan. En confirmant la décision de la juge Aylen, le juge Phelan a mentionné que les droits des Nations Sœurs sont protégés par la Constitution et que, par conséquent, la décision de 2020 ne peut porter atteinte à ces droits : Mowi no 2 au para 39. En outre, il a précisé qu’aucun des motifs de réparation soulevés par les demanderesses ne visait les droits, titres et intérêts ancestraux des Nations Sœurs : Mowi no 2 au para 24.
[30] En ce qui concerne la requête en intervention, le juge Phelan en a reconnu la nature hautement discrétionnaire et a estimé que la juge Aylen n’avait pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que les Nations Sœurs n’avaient pas expliqué la raison pour laquelle elles souhaitaient intervenir ni de quelle manière elles apporteraient d’autres précisions et perspectives utiles à l’instance.
[31] J’ai pris le temps de dresser l’historique de la demande et de la requête en vue d’être constituées comme parties à l’instance de 2021 parce que, à mon avis, la demande de 2023 et la présente requête visant à obtenir le statut de partie sont inextricablement liées aux instances antérieures. Ce lien évident mis à part, et bien qu’elle ait déposé un dossier de requête de 3 500 pages, Homalco ne mentionne aucunement la requête antérieure qu’elle a présentée en vue d’être constituée comme partie à l’instance ou intervenante et qui a été rejetée. Je considère cette omission troublante à deux égards : d’abord, il incombe à une partie de signaler à la Cour les décisions qui lui sont défavorables; ensuite, le défaut d’Homalco d’établir une distinction avec une décision défavorable qui porte directement sur le même point que sa requête lui porte un coup fatal.
III. Les principes juridiques
A. Constitution comme partie à l’instance en vertu de l’alinéa 104(1)b) des Règles
[32] Selon l’alinéa 104(1)b) des Règles, la Cour peut, à tout moment, ordonner qu’une personne soit constituée comme défenderesse dans l’un ou l’autre des cas suivants : (i) elle aurait dû l’être au départ ou (ii) sa présence devant la Cour est nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige dans l’instance. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale, il suffit qu’une de ces deux conditions soit remplie pour que la Cour fasse droit à la requête fondée sur l’alinéa 104(1)b) [voir Forest Ethics Advocacy Association c Canada (Office national de l’énergie), 2013 CAF 236 (Forest Ethics) au para 11].
[33] Dans une demande de contrôle judiciaire, l’alinéa 303(1)a) des Règles exige que le demandeur désigne à titre de défendeur toute personne « directement touchée »
par l’ordonnance recherchée dans la demande (non souligné dans l’original). Comme il est expliqué dans l’arrêt Forest Ethics, les mots « directement touchée »
à l’alinéa 303(1)a) font écho à ceux du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 (la Loi), qui prévoit que seul le procureur général ou quiconque est directement touché par l’objet de la demande peut présenter une demande de contrôle judiciaire. L’alinéa 303(1)a) limite la catégorie des parties désignées à titre de défenderesses à celles qui, si la décision de l’office fédéral était différente, auraient pu présenter elles‑mêmes une demande de contrôle judiciaire : Forest Ethics, au para 18.
[34] Une partie a un intérêt direct au sens du paragraphe 18.1(1) de la Loi lorsque ses droits sont touchés, lorsque lui sont imposées des obligations en droit ou qu’elle subit d’une certaine manière un préjudice direct : Forest Ethics, au para 19. Ainsi, lorsqu’un défendeur proposé subit un préjudice direct, la partie doit être ajoutée à titre de défenderesse en vertu de l’alinéa 104(1)b) des Règles : Forest Ethics, au para 21.
[35] En ce qui concerne la deuxième condition, la seule raison qui puisse rendre nécessaire l’ajout d’une personne comme partie est la volonté que cette personne soit liée par l’issue de l’instance, et la question à trancher doit donc être une question en litige qui ne peut être tranchée adéquatement et complètement sans que cette personne ne soit une partie : Canada (Pêches et Océans) c Bande indienne de Shubenacadie, 2002 CAF 509 au para 8 (Shubenacadie); Les Laboratoires Servier c Apotex Inc, 2007 CF 1210 (Laboratoires Servier).
[36] Dans l’affaire Laboratoires Servier, au paragraphe 17, la Cour a dégagé les principes supplémentaires suivants qui s’appliquent lorsqu’il s’agit de déterminer si une personne est une partie nécessaire au sens de l’alinéa 104(1)b) des Règles :
Le fait qu’elle soit en mesure de présenter des éléments de preuve pertinents à la déclaration du demandeur ne suffit pas en faire une défenderesse nécessaire (Shubenacadie, précité, au paragraphe 7).
Le fait qu’une personne puisse être lésée par l’issue du litige ne suffit pas à en faire une défenderesse nécessaire (Shubenacadie, précité, au paragraphe 7).
Un simple intérêt commercial au lieu d’un intérêt juridique ne suffit pas à faire d’une personne une partie nécessaire (Ferguson c Arctic Transportation Ltd. (1re inst.), 1995 CanLII 3564 (CF), [1996] 1 CF 771, précitée, aux pages 784-785; Apotex Inc. c Canada (Procureur général) (1986), 9 C.P.R. (3d) 193, à la page 201 (C.F.1ère inst.));
En l’absence d’une disposition législative spécifique […] lorsque [l’instance] ne vise pas à solliciter des mesures réparatrices contre une personne et ne fait aucune allégation à son encontre, cette personne ne sera pas considérée comme une partie nécessaire. (Shubenacadie, précité, au paragraphe 6; Hall c La Bande indienne Dakota Tipi, [2000] A.C.F. no 207, aux paragraphes 5 et 8 (1re inst.) (QL); Stevens c Canada (Commissaire, Commission d’enquête), [1998] 4 C.F. 125, au paragraphe 21 (C.A)).
[37] Ainsi, les questions à poser pour trancher la présente requête sont les suivantes :
a. La réparation demandée dans les demandes conjointes de contrôle judiciaire porte-t-elle directement atteinte aux droits d’Homalco, lui impose-t-elle des obligations légales ou lui porte-t-elle préjudice directement?
b. La participation d’Homalco à titre de défenderesse est-elle nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige dans l’instance?
B. La position des parties
(1) Homalco
[38] Homalco admet que la décision rendue à l’issue du contrôle judiciaire ne lui imposera aucune obligation en droit. Néanmoins, elle affirme qu’elle pourrait subir un préjudice du fait de la décision. Ce préjudice potentiel est, selon elle, un motif suffisant pour satisfaire au premier volet du critère.
[39] Homalco avance trois arguments à l’appui de son affirmation selon laquelle elle est directement touchée. Premièrement, la Cour qui instruira la demande et statuera sur le caractère raisonnable de la décision devra tenir compte de la revendication du titre ancestral de la Nation Laich-kwil-tach ou déterminer si cette revendication est plus solide que celle d’Homalco. Cette décision ou conclusion quant à l’existence d’un titre ancestral priverait injustement Homalco de la protection de son titre ancestral.
[40] Deuxièmement, une conclusion de la Cour quant à la priorité accordée aux points de vue de certaines Premières Nations par rapport à d’autres porterait préjudice à Homalco dans le cadre de négociations futures.
[41] Troisièmement, une conclusion de la Cour au sujet des droits de la Nation Laich‑kwil‑tach en vertu de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) priverait injustement Homalco de la protection de ses droits inhérents.
[42] Homalco s’appuie sur les décisions rendues par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’affaire The Nuchatlah v British Columbia, 2023 BCSC 804 (Nuchatlah) et sur la décision de la Cour supérieure de l’Ontario dans l’affaire Ontario Federation of Anglers and Hunters v Ontario, 2015 ONSC 7969 (Ontario Federation). Dans Nuchatlah, le jugement déclaratoire demandé aurait touché directement les droits de certaines Premières Nations, de sorte que celles-ci devaient participer à l’instance. Dans la décision Ontario Federation, les Premières Nations avaient un droit explicite de participation. Selon Homalco, la présente requête doit être tranchée de la même manière.
[43] De plus, Homalco soutient que sa situation s’apparente à celle d’Enbridge dans l’arrêt Forest Ethics. Dans cet arrêt, le juge Stratas a conclu qu’Enbridge, qui était la promotrice du projet visé par le contrôle judiciaire, serait directement lésée par toute décision et qu’elle avait donc le droit d’être ajoutée comme défenderesse. En arrivant à cette conclusion, le juge Stratas a précisé qu’Enbridge devait démontrer qu’elle subirait un préjudice direct. Pour illustrer son propos, il a comparé la position d’Enbridge à celle d’une autre défenderesse proposée, Valero. Selon lui, comme Valero n’était pas la promotrice du projet, son intérêt financier n’était qu’incident ou indirect et ne l’autorisait pas à être désignée à titre de défenderesse.
(2) Les demanderesses
[44] Bien que les demanderesses aient chacune déposé de volumineux dossiers de requête et présenté à la Cour une vaste jurisprudence, elles s’opposaient pour des raisons semblables à l’argument d’Homalco selon lequel celle-ci était directement touchée par les mesures de réparation réclamées dans les demandes conjointes. Les demanderesses soutiennent qu’une grande partie des préoccupations exprimées par Homalco découlent d’hypothèses quant à la décision possible de la Cour qui ne tiennent pas compte de la réparation effectivement demandée dans les avis de demande. Selon elles, c’est la réparation demandée qui permet de savoir si une partie peut être directement touchée.
[45] Quoi qu’il en soit, les demanderesses sont d’avis qu’Homalco décrit de manière erronée les questions réellement soumises à la Cour, en y intégrant le titre ancestral, la solidité du titre et l’application de la DNUDPA, afin d’être constituée comme partie à l’instance et de transformer les demandes conjointes en ce qu’elles ne sauraient être.
[46] En dernier lieu, les demanderesses soulignent qu’Homalco n’a pas analysé ni même mentionné les décisions Mowi no 1 et Mowi no 2 ainsi que les propos du juge associé Ring dans la décision Gitxaala Nation c Prince Rupert Port Authority, 2020 CanLII 382 (CF). En ce qui concerne les décisions Mowi, les demanderesses affirment qu’elles sont déterminantes pour trancher la présente requête.
IV. Analyse
[47] Je ne suis pas convaincue qu’Homalco se soit acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que la réparation sollicitée par les demanderesses aura une incidence directe sur ses droits ou y portera atteinte directement. Comme la décision de 2020, la décision de 2023 concerne l’examen d’une décision relative à la délivrance de permis aux termes de l’article 7 de la Loi sur les pêches, LRC 1985 c F-14. Hormis les déclarations demandées par la Nation Laich-kwil-tach, la réparation réclamée par les demanderesses est la même. Comme il est indiqué ci-dessus, Homalco n’a pas établi de distinction avec les décisions Mowi no 1 ou Mowi no 2.
[48] En outre, le fait que la Nation Laich-kwil-tach cherche à obtenir un jugement déclaratoire portant que la ministre avait l’obligation de la consulter n’impose pas de limite et ne touche pas aux droits d’Homalco. Je suis d’accord avec les demanderesses pour dire que, s’il est possible que les droits ou les intérêts d’Homalco soient touchés par la réparation demandée, tout effet serait hypothétique et/ou consécutif et indirect, ce qui ne répond pas au critère justifiant qu’une partie soit constituée comme partie à l’instance : Gitxaala; Williams c Canada (Ministre des pêches et des océans), 2003 CFPI 30.
[49] Quoi qu’il en soit, je suis d’avis qu’Homalco, dans ses arguments, se méprend fondamentalement sur le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, où elle doit évaluer le caractère raisonnable de la décision prise, rien de plus. Laisser entendre que la cour de révision pourrait faire des commentaires ou se prononcer au sujet du titre ancestral ou de la solidité du titre va bien au-delà du rôle qui lui est confié : Première Nation de Ka’a’gee Tu c Canada (Procureur général), 2007 CF 763 au para 107; Première Nation Ka'a' Gee Tu c Canada (Procureur général), 2012 CF 297 au para 118; Gitga’at First Nation v British Columbia (Environment), 2015 BCSC 1703 aux para 32-33.
[50] En ce qui concerne le deuxième volet du critère justifiant de joindre une partie à l’instance, j’adopte le raisonnement de la juge Aylen aux paragraphes 43 à 45 de sa décision. Elle y souligne que la partie requérante n’a pas satisfait au critère rigoureux énoncé dans les décisions Shubenacadie et Laboratoires Servier. Comme en 2021, Homalco n’a pas fait état d’une question qui est effectivement soulevée dans les demandes conjointes et qui ne peut être tranchée adéquatement à moins qu’Homalco ne soit une partie au litige.
[51] Bien que l’obligation de consultation soit soulevée par la Nation Laich-kwil-tach dans son avis de demande, cette obligation se rapporte à l’affirmation selon laquelle la ministre, pour prendre sa décision, n’a pas consulté la Nation Laich-kwil-tach. La cour de révision peut examiner cet argument, mais elle ne peut pas se prononcer sur la solidité relative des revendications ou sur le titre ancestral. De plus, ce genre d’argument ne peut être considéré comme une contestation du titre et des droits ancestraux revendiqués par Homalco.
[52] Comme l’a souligné à juste titre l’avocat de Grieg dans ses observations écrites, l’ajout d’une partie à titre de défenderesse est une décision discrétionnaire qui est soumise aux impératifs de la justice : Merck & Co c Canada (Procureur général), [1993] ACF no 245 (CF 1re inst.) au para 14. Dans la présente requête, je suis convaincue que, si j’autorise l’adjonction d’une partie à l’instance, les intérêts de la justice ne seront pas bien servis.
[53] Les questions qu’Homalco souhaite invoquer, telles qu’elles sont décrites aux paragraphes 38 à 40 ci-dessus, et les nombreux éléments de preuve qu’elle veut présenter transformeraient une simple demande de contrôle judiciaire en une audience de grande ampleur sur le titre et les droits ancestraux, ce qui est tout à fait contraire à la notion du contrôle judiciaire en tant que procédure expéditive limitée au dossier dont disposait le décideur.
A. L’autorisation d’intervenir en vertu du paragraphe 109(1) des Règles
[54] Dans l’éventualité où elle ne serait pas constituée comme défenderesse, Homalco demande l’autorisation d’intervenir dans les demandes conjointes en ayant aussi le droit de déposer des éléments de preuve et celui de contre-interroger les auteurs des affidavits, de présenter des arguments de fait et de droit à l’égard de la demande ou de toute requête interlocutoire ainsi que d’interjeter appel.
[55] L’article 109 des Règles est rédigé comme suit :
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[56] La Cour d’appel fédérale a récemment examiné le critère et la jurisprudence applicables à une requête en intervention fondée sur l’article 109 des Règles dans l’arrêt Le-Vel Brands, LLC c Canada (Procureur général), 2023 CAF 66 (Le-Vel
) et s’est exprimée en ces termes :
[19] De façon générale, quel est le critère d’intervention qui s’applique devant notre Cour? Comme je l’ai déjà mentionné, il comprend trois éléments, soit l’utilité, l’intérêt véritable et la compatibilité avec l’intérêt de la justice (non souligné dans l’original) :
I. La personne qui se propose d’intervenir fournira-t-elle d’autres observations, précisions et perspectives utiles qui aideront la Cour à se prononcer sur les questions juridiques soulevées par les parties à l’instance, et non sur de nouvelles questions? Pour déterminer l’utilité, il faut poser quatre questions :
Quelles sont les questions que les parties ont soulevées?
Quelles observations l’intervenant éventuel a-t-il l’intention de présenter concernant ces questions?
Les observations de l’intervenant éventuel sont-elles vouées à l’échec?
Les observations défendables de l’intervenant éventuel aideront-elles la Cour à trancher les véritables questions en jeu dans l’instance?
II. La personne qui se propose d’intervenir doit-elle avoir un véritable intérêt dans l’affaire dont la Cour est saisie de façon à ce que la Cour puisse être certaine que la personne qui se propose d’intervenir a les connaissances, les compétences et les ressources nécessaires et qu’elle les appliquera à la question devant la Cour?
III. Est-il dans l’intérêt de la justice que l’intervention soit autorisée? Une approche souple s’impose. La liste des facteurs à considérer n’est pas fermée, mais comprend au moins les questions suivantes :
L’intervention est-elle compatible avec les impératifs de la règle 3 des Règles selon laquelle l’instance doit être instruite « de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible »? Par exemple, le cours ordonné de l’instance ou le calendrier de celle-ci seront-ils indûment perturbés?
L’affaire a-t-elle pris une dimension tellement publique, importante et complexe que la Cour doit être exposée à des perspectives autres que celles offertes par les parties qui comparaissent devant elle?
La cour de première instance dans cette affaire a-t-elle autorisé l’intervention de la partie?
L’autorisation de multiples intervenants va-t-elle emporter une « inégalité des moyens » ou un déséquilibre en faveur d’un camp ou en donner l’apparence?
(Right to Life Association of Toronto and Area c. Canada (Emploi, Développement de la main-d’œuvre et du Travail), 2022 CAF 67 au para. 10; voir également l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 13, [2021] A.C.F. no 67 (QL) [Conseil canadien pour les réfugiés], Alliance pour l’égalité des personnes aveugles du Canada c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 131, et Canada (Environnement et Changement climatique) c. Nation crie Ermineskin, 2022 CAF 36.)
(1) L’utilité
[57] Il n’est pas nécessaire que tous les facteurs soient présents et le critère doit être appliqué de manière souple. Cependant, l’article 109 des Règles exige qu’un intervenant proposé montre « de quelle manière [sa] participation aidera à la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance »
: Le-Vel, au para 15. Autrement dit, l’intervenant proposé doit démontrer en quoi sa participation sera utile. S’il n’est pas en mesure d’en convaincre la Cour, celle-ci doit rejeter la requête visant à obtenir l’autorisation d’intervenir. Comme l’a souligné le juge Stratas dans l’arrêt Le-Vel, « [l]e critère de l’utilité figure à la règle 109 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106
. […] Cette règle ne se veut pas un avis de pratique ou une option supplémentaire. Elle fait partie d’un règlement contraignant. Il s’agit du droit en vigueur. Il doit être respecté »
: au para 14.
[58] L’évaluation de l’utilité repose sur l’examen des questions véritables et réelles en litige dans l’instance : Le-Vel, au para 16.
[59] En l’espèce, Homalco soutient qu’elle aidera la Cour à se prononcer sur l’idée maîtresse des demandes conjointes, à savoir que la Nation Laich-kwil-tach détient un titre ancestral sur les régions occupées par les anciens parcs d’engraissement des exploitantes et que l’omission, par la ministre, de tenir compte comme il se doit du consentement des Premières Nations qui détiennent supposément ce titre a rendu la décision de 2023 déraisonnable, inéquitable sur le plan procédural, contraire à l’obligation de consultation de la Couronne et incompatible avec la DNUDPA. De plus, Homalco affirme que sa participation est nécessaire pour aider la Cour à statuer sur les questions de fait et de droit suivantes, qui sous-tendent les demandes conjointes :
a. Quelle Première Nation possède un titre ancestral sur la région et de quelle façon les perspectives autochtones éclairent-elles la décision à cet égard?
b. Quelle Première Nation aurait dû avoir préséance durant la consultation?
c. Quelle importance la ministre aurait-elle dû accorder aux droits protégés par la DNUDPA, notamment celui de donner un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ou de refuser ce consentement?
[60] À mon avis, ce ne sont pas là les questions soumises à la Cour dans le cadre du présent contrôle judiciaire. Comme je l’ai souligné précédemment, les demandes visent à contester la décision de la ministre de ne pas délivrer de permis aux demanderesses en vertu de l’article 7 de la Loi sur les pêches, LRC 1985 c F-14. Homalco n’a pas démontré en quoi elle pouvait être utile pour le règlement des questions dont la Cour est effectivement saisie, et non pas des questions qu’elle cherche à faire trancher.
[61] Je juge qu’Homalco ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que sa participation pouvait être utile à la Cour. Il me semble plutôt qu’elle ait reformulé les questions soumises à la Cour dans le seul but de transformer l’instance en ce qu’elle ne saurait être, ce qui est inacceptable. Ce n’est pas le rôle d’un intervenant, qui est tenu de se fonder sur les éléments de preuve figurant déjà au dossier : Tsleil-Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 102 au para 48.
(2) L’intérêt véritable
[62] Il ne fait aucun doute qu’Homalco a un intérêt dans l’instance. Cet intérêt n’est cependant pas comparable à un intérêt direct dans l’issue de la cause et, de fait, Homalco a admis que les demandes conjointes ne lui imposeront aucune obligation en droit. Si Homalco estime que ses intérêts sont directement touchés, je ne suis pas d’accord.
(3) Les intérêts de la justice
[63] Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada, « les intervenants qui outrepassent leur rôle causent préjudice aux parties en usurpant la direction du litige »
: R c McGregor, 2023 CSC 4 à la p 13. Je souscris aux observations écrites de Mowi, selon lesquelles c’est précisément ce qu’Homalco se propose de faire si elle est constituée comme intervenante. En effet, Homalco cherche à jouer un rôle très étendu à titre d’intervenante, rôle qui s’apparente beaucoup au statut de partie à part entière. Elle souhaite déposer des éléments de preuve, présenter des arguments de fait et de droit puis participer à toutes les requêtes interlocutoires et à tous les appels.
[64] En ce qui concerne les éléments de preuve qu’Homalco a l’intention de déposer, l’affidavit du chef Darren Blaney a déjà été présenté à la Cour; il compte environ 1 100 pages et aborde les questions suivantes :
-
•ses antécédents personnels;
-
•le contexte entourant la décision de 2023;
-
•Homalco et le territoire sur lequel elle détient un titre ancestral;
-
•le titre et les droits ancestraux d’Homalco;
-
•le rôle du saumon sauvage du Pacifique et d’autres ressources marines dans l’exercice du titre et des droits ancestraux d’Homalco;
-
•les efforts d’intendance déployés par Homalco pour conserver et restaurer les populations de saumon sauvage du Pacifique;
-
•la connaissance qu’a le Canada du titre et des droits ancestraux d’Homalco;
-
•le déclin des populations de saumon sauvage du Pacifique sur le territoire d’Homalco;
-
•le risque d’extinction des populations de poissons sur lesquelles Homalco s’appuie pour exercer ses droits ancestraux;
-
•les effets négatifs sur le titre et les droits ancestraux d’Homalco des parcs en filet ouvert qui se trouvent dans le territoire sur lequel Homalco exerce son titre ancestral.
[65] Après avoir pris connaissance de l’affidavit, je conclus qu’une grande partie de celui-ci traite d’éléments qui débordent la question étroite soumise à la Cour. Permettre à Homalco de déposer cet élément de preuve transformerait effectivement l’instance en ce qu’elle ne saurait être et serait contraire à l’article 3 des Règles, qui enjoint à la Cour d’apporter une solution aux demandes conjointes qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. Quoi qu’il en soit, les observations d’Homalco adressées à la ministre font déjà partie du dossier certifié du tribunal présenté à la Cour.
[66] Qui plus est, Homalco n’a pas justifié pourquoi elle aurait le droit de jouer un rôle aussi large dans une instance dont elle reconnaît qu’elle ne lui imposera aucune obligation en droit. Encore là, je suis amenée à conclure qu’Homalco tente simplement d’usurper le rôle des parties afin de transformer le présent contrôle judiciaire en une enquête portant sur le titre et les droits ancestraux.
[67] Dans toutes ces circonstances, les intérêts de la justice ne militent pas en faveur de l’octroi du statut d’intervenante.
[68] Pour les motifs exposés ci-dessus, je rejetterai la requête d’Homalco dans son intégralité.
V. Dépens
[69] Plusieurs parties ont réclamé leurs dépens en l’espèce. La question des dépens n’ayant pas été abordée à l’audition de la requête, les parties peuvent, si elles ne parviennent pas à résoudre la question entre elles, présenter de brèves observations, d’au plus 5 pages, à ce sujet. Les demanderesses doivent présenter leurs observations au plus tard 14 jours après la date de la présente ordonnance. Homalco peut présenter des observations en réponse dans un délai de 10 jours suivant les observations des demanderesses. Les demanderesses peuvent, si elles le souhaitent, déposer des prétentions en réplique au plus tard 4 jours suivant la réponse d’Homalco.
ORDONNANCE dans les dossiers T-554-23, T-556-23, T-552-23 et T-555-23
LA COUR ORDONNE ce qui suit :
1. La requête est rejetée.
2. La question des dépens sera examinée séparément.
« Catherine A. Coughlan »
Juge adjointe
Traduction certifiée conforme
Martine Corbeil
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS :
|
T-554-23, T-556-23, T-552-23 et T-555-23 |
INTITULÉ DE LA CAUSE :
|
LA NATION WE WAI KAI ET LA PREMIÈRE NATION WEI WAI KUM, MOWI CANADA WEST INC., CERMAQ CANADA LTD. ET GRIEG SEAFOOD B.C. LTD. c LE MINISTRE DES PÊCHES, DES OCÉANS ET DE LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE ET LA PREMIÈRE NATION HOMALCO |
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 16 AOÛT 2023
|
ORDONNANCE ET MOTIFS : |
LA JUGE ADJOINTE COUGHLAN |
DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :
|
LE 19 septembre 2023
|
COMPARUTIONS :
Mark Underhill Alexander Kirby |
POUR LES DEMANDERESSES, NATION WEI WAI KAI ET PREMIÈRE NATION WEI WAI KUM |
Roy Millen Bradley Gordon |
Pour la demanderesse, MOWI CANADA WEST INC. |
Dani Bryant
Kevin O’Callaghan
Madison Grist
|
Pour la demanderesse, CERMAQ CANADA LTD. |
Michelle Casey |
Pour la demanderesse, GRIEG SEAFOOD B.C. LTD. |
Michelle Charles Megan Griffiths Heidi Lee |
Pour le défendeur |
Sean Jones Katherine Bellett |
POUR L’INTERVENANTE PROPOSÉE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Arvay Finlay LLP Vancouver (Colombie-Britannique) |
POUR LES DEMANDERESSES, NATION WEI WAI KAI ET PREMIÈRE NATION WEI WAI KUM |
Blake, Cassels & Graydon s.e.n.c.r.l./s.r.l. Vancouver (Colombie-Britannique) |
Pour la demanderesse, MOWI CANADA WEST INC. |
Fasken Martineau Dumoulin s.e.n.c.r.l., s.r.l. Vancouver (Colombie-Britannique) |
Pour la demanderesse, CERMAQ CANADA LTD. |
Lawson Lundell LLP Vancouver (Colombie-Britannique) |
Pour la demanderesse, GRIEG SEAFOOD B.C. LTD. |
Procureur général du Canada Vancouver (Colombie-Britannique) |
Pour le défendeur |
MacKenzie Fujisawa LLP Vancouver (Colombie-Britannique) |
POUR L’INTERVENANTE PROPOSÉE |