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Date : 20230118


Dossier : IMM‑12654‑22

Référence : 2023 CF 76

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2023

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE :

DALWINDER SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Le demandeur est un citoyen de l’Inde. Il a demandé l’asile au Canada, mais sa demande a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la CISR). Il a interjeté appel de la décision de la SPR devant la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la CISR. Dans une décision rendue le 28 juin 2022, la SAR a rejeté l’appel du demandeur et a confirmé la décision de la SPR portant que le demandeur n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger.

[2] Le demandeur a reçu la décision de la SAR le 30 juin 2022. Il semble que, moins de deux semaines plus tard, il a retenu les services d’un avocat de Montréal pour présenter une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SAR. Cependant, comme cet avocat a commis une erreur lorsqu’il a calculé la date à laquelle l’avis de demande devait être signifié et déposé conformément à l’alinéa 72(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, l’avis a été signifié et déposé près de deux semaines après la date limite. L’avocat de Montréal a également demandé une prorogation de délai en précisant qu’il avait commis une erreur de calcul. Le numéro de dossier IMM‑7132‑22 a été attribué à cette autre affaire.

[3] Le demandeur a déposé son dossier de demande dans l’affaire IMM‑7132‑22 le 17 août 2022. Le défendeur a déposé son dossier le 16 septembre 2022. Il convient de noter que le défendeur ne s’est pas opposé à la demande de prorogation de délai. La décision à l’égard de la demande d’autorisation n’a pas encore été rendue.

[4] Le 22 novembre 2022, le demandeur a reçu la directive de se présenter en vue de son renvoi du Canada le 18 janvier 2023.

[5] Le 24 novembre 2022, le demandeur, avec l’aide d’un autre avocat, a demandé à l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) ce qu’il a appelé un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. L’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs affecté au dossier a traité à juste titre cette demande comme une demande de sursis de la mesure de renvoi. Le seul argument que le demandeur a invoqué à l’appui de sa demande est que, comme il avait sollicité le contrôle judiciaire de la décision de la SAR et qu’aucune décision n’avait encore été rendue à cet égard, il avait droit au sursis de la mesure de renvoi prévu au paragraphe 231(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le RIPR).

[6] Dans une décision du 21 décembre 2022, l’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs a conclu que, étant donné que l’avis de demande avait été déposé après le délai prévu et qu’une prorogation de délai était donc nécessaire, le demandeur n’avait pas droit, conformément au paragraphe 231(4) du RIPR, au sursis de la mesure de renvoi au titre du paragraphe 231(1) du RIPR. Comme aucun autre argument n’avait été invoqué à l’appui du sursis de la mesure de renvoi du demandeur, l’agent a rejeté la demande.

[7] Le demandeur a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision de l’agent de refuser de surseoir à la mesure de renvoi. Il a également sollicité une ordonnance de sursis de la mesure de renvoi du Canada prise contre lui, en attendant que soit tranchée définitivement cette demande.

[8] J’ai entendu la requête en sursis du demandeur le 17 janvier 2023.

[9] Comme je l’ai expliqué au début de l’audience, je craignais qu’il y ait un risque d’injustice en l’espèce.

[10] Premièrement, le demandeur ne s’est pas prévalu de l’une des options qui lui étaient ouvertes, à savoir présenter à la Cour une requête en sursis de la mesure de renvoi prise contre lui en attendant que soit tranchée définitivement sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision défavorable de la SAR. La Cour a le pouvoir de rendre une telle ordonnance en vertu de l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, qui prévoit que la Cour fédérale « peut […] prendre les mesures provisoires qu’elle estime indiquées » avant de rendre sa décision définitive concernant une demande de contrôle judiciaire. Le critère à appliquer pour trancher une requête en sursis d’une mesure de renvoi est le critère à trois volets bien connu qui régit l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour en la matière : voir Toth c Canada (Citoyenneté et Immigration), [1988] ACF no 587 (CAF) (Toth); R c Société Radio‑Canada, 2018 CSC 5, [2018] 1 RCS 196 au para 12; Manitoba (PG) c Metropolitan Stores Ltd, [1987] 1 RCS 110; et RJR – MacDonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 à la p 334. Ce recours est à la disposition des personnes qui, comme le demandeur, n’ont pas droit au sursis de la mesure de renvoi prévu par la loi : voir Toth; voir aussi Kreishan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 223 au para 25; et Gerald v Canada (Citizenship and Immigration), 2022 CanLII 86326.

[11] Deuxièmement, il ressort des documents déposés par les parties en l’espèce que la demande au principal d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision défavorable relative au sursis est à ce point dénuée de fondement que le demandeur ne serait pas en mesure de satisfaire au volet le moins rigoureux du critère, qui consiste à établir un motif de contrôle qui n’est ni frivole ni vexatoire, et que sa requête en sursis de la mesure de renvoi devrait donc être rejetée. Fait à noter, bien que le demandeur affirme maintenant que l’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire de surseoir à la mesure de renvoi parce que le dépôt tardif de son avis de demande dans le dossier no IMM‑7132‑22 n’était pas attribuable à une erreur qu’il avait lui‑même commise, cet argument n’a pas été soulevé dans la demande initiale.

[12] Bien que je sache que la Cour doit se garder de remettre en question les décisions des avocats, je crains que le fait qu’un sursis interlocutoire de la mesure de renvoi n’a pas été sollicité en attendant que soit tranchée la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision défavorable de la SAR et qu’un « sursis » a plutôt été demandé à tort à l’ASFC était une erreur de la part de l’avocat, et que cette erreur risque de donner lieu à un déni de justice. À cela s’ajoute le fait que l’inadmissibilité du demandeur à un sursis de la mesure de renvoi au titre du paragraphe 231(1) du RIPR est uniquement attribuable à une erreur qu’a commise son avocat de Montréal.

[13] Après que j’eus fait part de mes réserves aux parties, l’avocat du demandeur a pu obtenir des instructions de son client. Il a affirmé que le demandeur lui avait dit qu’il souhaitait présenter une requête en sursis de la mesure de renvoi en attendant que soit tranchée définitivement sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision défavorable de la SAR, si une telle option lui était offerte. L’avocate du défendeur a reconnu à juste titre les réserves exprimées par la Cour et m’a laissé le soin de trancher.

[14] Pour ces motifs, comme je l’ai indiqué à la fin de l’audience du 17 janvier 2023, je conclus qu’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder un sursis provisoire de la mesure de renvoi prise contre le demandeur afin que ce dernier puisse avoir la possibilité de déposer une requête en sursis interlocutoire de la mesure de renvoi dans le dossier no IMM‑7132‑22, de manière à ce que le défendeur puisse déposer des documents en réponse et que la Cour puisse rendre une décision sur le fond de cette requête.


ORDONNANCE dans le dossier IMM‑12654‑22

LA COUR ORDONNE :

  1. L’audience relative à la requête en sursis interlocutoire de la mesure de renvoi déposée dans le dossier no IMM‑12654‑22 est ajournée indéfiniment.

  2. Il est sursis, de façon provisoire, à la mesure de renvoi prise contre le demandeur en attendant qu’une décision définitive soit rendue à l’égard de la requête en sursis interlocutoire de la mesure de renvoi déposée dans le dossier no IMM‑7132‑22.

  3. Le demandeur doit signifier et déposer son dossier de requête dans le dossier no IMM‑7132‑22 au plus tard le 31 janvier 2023.

  4. Le défendeur doit signifier et déposer son dossier de requête au plus tard le 14 février 2023.

  5. Après la réception des dossiers des deux parties, le greffe communiquera avec les parties pour fixer la date de l’audition de la requête.

  6. Je demeure saisi de la présente affaire.

« John Norris »

Juge

Traduction certifiée conforme

Karyne St-Onge, jurilinguiste


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑12654‑22

 

INTITULÉ :

DALWINDER SINGH c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 JANVIER 2023

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE NORRIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 JANVIER 2023

 

COMPARUTIONS :

Harsimran Makkar

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nadine Silverman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Harsimran Makkar Law Professional Corporation

Brampton (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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