Date : 20231027
Dossiers : T‑2175‑22
T‑2176‑22
T‑2177‑22
Référence : 2023 CF 1433
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2023
En présence de madame la juge Elliott
ENTRE :
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JING YOU
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demanderesse
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et
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] La demanderesse, Jing You, a demandé la prestation canadienne de relance économique [la PCRE] pour les périodes comprises entre le 27 septembre 2020 et le 9 octobre 2021. L’Agence du revenu du Canada [l’ARC] a examiné ses demandes et l’a informée, dans une lettre du 3 octobre 2022, qu’elle n’était pas admissible à la PCRE, puisque ses revenus d’emploi bruts ou ses revenus nets gagnés dans le cadre d’un travail exécuté pour son compte pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande ne s’élevaient pas à au moins 5 000 $.
[2] Pour les motifs exposés ci‑après, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
II. Contexte
[3] La demanderesse a demandé la PCRE pour les périodes comprises entre le 27 septembre 2020 et le 9 octobre 2021.
[4] Le 20 janvier 2022, l’ARC a commencé le processus de vérification des demandes de PCRE présentées par la demanderesse.
[5] L’ARC a jugé que la demanderesse n’était pas admissible à la PCRE et lui a communiqué sa décision dans une lettre datée du 14 juillet 2022.
[6] Dans la lettre du 14 juillet 2022, l’ARC a également mentionné qu’en cas de désaccord, la demanderesse pouvait solliciter un deuxième examen de sa demande dans les 30 jours suivant la date de la lettre.
[7] Le 18 juillet 2022, l’agent de l’ARC s’est entretenu avec l’époux de la demanderesse, puisque celle-ci lui avait accordé l’autorisation ponctuelle de parler en son nom. Durant l’appel, l’agent lui a expliqué que la demanderesse devait démontrer que ses revenus s’élevaient à plus de 5 000 $ et lui a mentionné qu’elle avait fait l’objet d’une nouvelle cotisation, car son revenu net d’entreprise était de 2 523 $ et non de 8 654 $, comme elle l’avait déclaré. L’époux de la demanderesse a informé l’agent que la demanderesse ne pouvait démontrer que son revenu net d’entreprise s’élevait à plus de 5 000 $, car elle avait reçu des paiements en argent comptant et au moyen de virements électroniques par courriel.
[8] Le 20 juillet 2022, la demanderesse a transmis à l’ARC son relevé bancaire de décembre 2019, qui montrait que des sommes avaient été déposées dans son compte à partir de guichets automatiques et au moyen de virements électroniques, mais n’a pas fourni de documents justificatifs permettant de déterminer la source de l’argent reçu.
[9] L’ARC a commencé le deuxième examen de l’admissibilité à la PCRE après avoir reçu le relevé bancaire de la demanderesse.
[10] La décision de l’ARC à l’issue de ce deuxième examen a été communiquée à la demanderesse dans une lettre datée du 3 octobre 2022.
III. Décision faisant l’objet du contrôle judiciaire
[11] Suivant le deuxième examen, l’ARC a informé la demanderesse qu’elle n’était pas admissible à la PCRE dans une lettre datée du 3 octobre 2022.
[12] L’ARC a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à la PCRE, puisque ses revenus d’emploi bruts ou ses revenus nets gagnés dans le cadre d’un travail exécuté pour son compte pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande ne s’élevaient pas à au moins 5 000 $.
[13] L’ARC a précisé que toute demande subséquente de PCRE présentée par la demanderesse serait rejetée étant donné qu’elle ne répondait pas aux conditions d’admissibilité, à moins qu’elle soit en mesure de démontrer le contraire.
[14] L’ARC a aussi ajouté que si la demanderesse avait reçu une somme au titre de la PCRE à laquelle elle n’était pas admissible, elle serait tenue de la rembourser.
IV. Question en litige et norme de contrôle
[15] En l’espèce, la seule question en litige est celle de savoir si l’agent ayant procédé au deuxième examen [l’agent] a rendu une décision raisonnable en concluant que la demanderesse n’était pas admissible à la PCRE. La Cour a confirmé que les décisions relatives à l’admissibilité à la PCRE doivent faire l’objet d’un contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable : Aryan c Canada (Procureur général), 2022 CF 139 au para 16 et Walker c Canada (Procureur général), 2022 CF 381 au para 15, chacune étant fondée sur l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 23.
[16] Une décision raisonnable est justifiée, transparente et intelligible; le contrôle doit être centré sur la décision même, notamment sur sa justification : Vavilov, au para 15. De façon générale, une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85.
V. Analyse
[17] Les conditions d’admissibilité à la PCRE sont énoncées à l’article 3 de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2 [la Loi]. Aux termes des alinéas 3(1)d) et 3(1)e) de la Loi, les revenus nets de la personne doivent s’élever à au moins 5 000 $ et provenir de sources prévues par la Loi au cours des périodes de référence : pour une période de deux semaines qui débute en 2020, elle doit avoir gagné un minimum de 5 000 $ en 2019 ou au cours des 12 mois précédant la date à laquelle elle présente sa demande; pour une période de deux semaines qui débute en 2021, elle doit avoir gagné un minimum de 5 000 $ en 2019 ou en 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date à laquelle elle présente sa demande.
[18] De plus, le paragraphe 3(2) précise que le revenu visé aux alinéas 3(1)d) à 3(1)e) de la personne qui exécute un travail pour son compte est « son revenu moins les dépenses engagées pour le gagner »
.
[19] Le document de l’ARC intitulé « Confirmation de l’admissibilité à la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE), et à la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants (PCREPA), et à la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique (PCMRE) »
[les lignes directrices de l’ARC] indique quels sont les éléments de preuve acceptables permettant à une personne de démontrer qu’elle a gagné un revenu d’au moins 5 000 $. Il peut s’agir de factures pour services rendus, de documents attestant la réception d’un paiement, d’une liste de dépenses appuyant le résultat net des revenus ou de tout autre document qui justifie un revenu de 5 000 $ à titre de revenu d’un travail indépendant.
[20] Comme il est indiqué aux paragraphes 86 et 89 de l’arrêt Vavilov, il incombe au demandeur de démontrer que la décision souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Je souscris à l’argument du défendeur portant que la demanderesse n’est pas parvenue à établir la présence de telles lacunes dans le deuxième examen. La demanderesse s’oppose plutôt à la conclusion de l’agent selon laquelle elle ne répondait pas aux conditions d’admissibilité à la PCRE.
[21] La demanderesse fait valoir que l’agent a refusé l’offre qu’elle lui a présentée, soit de fournir des documents supplémentaires, comme sa liste de clients (noms et numéros de téléphone). Je ne souscris pas à cet argument, puisque rien n’indique que l’agent s’est mépris sur les documents fournis par la demanderesse ou qu’il n’en a pas tenu compte : Vavilov, au para 126. L’agent a examiné attentivement les documents que la demanderesse a fournis à l’appui de sa demande. La décision selon laquelle elle ne répondait pas aux conditions d’admissibilité était justifiée et intelligible. L’agent a précisément souligné ce qui suit :
[traduction]
La demanderesse n’a pas fourni suffisamment de documents pour démontrer que ses revenus provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour son compte, au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande, s’élevaient à au moins 5 000 $. Les documents de la demanderesse montraient plutôt un revenu net d’entreprise de 2 523 $ et un revenu d’emploi de 2 420 $ en 2019, ainsi que des pertes nettes d’entreprise de 4 829 $ en 2020.
La demanderesse a transmis à l’ARC son relevé bancaire de décembre 2019, qui montrait que des sommes avaient été déposées à partir de guichets automatiques et au moyen de virements électroniques, mais n’a pas fourni de documents justificatifs permettant de déterminer la source de l’argent reçu.
[22] Dans son ensemble, la décision rendue par l’agent possède les caractéristiques d’une décision raisonnable. La Cour peut « suivre le raisonnement du décideur sans buter sur une faille décisive dans la logique globale »
(Vavilov, au para 102) et la décision est justifiée « compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur [celle‑ci] »
(Vavilov, au para 101).
VI. Conclusion
[23] Pour les motifs exposés précédemment, les présentes demandes de contrôle judiciaire seront rejetées sans adjudication des dépens.
JUGEMENT dans les dossiers T‑2175‑22, T‑2176‑22 et T‑2177‑22
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
Les demandes de contrôle judiciaire dans les dossiers T‑2175‑22, T‑2176‑22 et T‑2177‑22 sont rejetées.
Aucuns dépens ne sont adjugés.
« E. Susan Elliott »
Juge
Traduction certifiée conforme
Mélanie Lefebvre
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS :
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T‑2175‑22, T‑2176‑22 et T‑2177‑22
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INTITULÉ :
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JING YOU c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TORONTO (ONTARIO)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 7 juin 2023
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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la juge ELLIOTT
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DATE DES MOTIFS :
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LE 27 OCTOBRE 2023
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COMPARUTIONS :
Jing You
Lihui Ma
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POUR LA DEMANDERESSE
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Princess Okechukwu
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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