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Date : 20231012


Dossier : IMM-1171-22

Référence : 2023 CF 1360

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2023

En présence de madame la juge Turley

ENTRE :

JOSEPH DADZIE GODDAY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT

I. Aperçu

[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent d’immigration [l’agent] a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire qu’il avait présentée au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] J’accueillerai la demande, parce que l’agent a négligé des éléments de preuve clés dans l’appréciation de l’allégation du demandeur selon laquelle il était apatride de fait et ne pouvait pas retourner en Côte d’Ivoire. Vu cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres questions soulevées par le demandeur. Celui-ci sollicite également l’adjudication de dépens, mais je ne suis pas convaincue qu’il existe des raisons particulières justifiant l’adjudication de dépens en l’espèce.

II. Le contexte

[3] Le demandeur, citoyen de la Côte d’Ivoire, est arrivé clandestinement au Canada à bord d’un navire en juin 2003. Il réside au Canada depuis lors.

[4] Il s’agit du troisième examen de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire que le demandeur a déposée en mai 2018. Dans le cadre de ce nouvel examen, le demandeur a déposé des mises à jour de ses observations et de ses éléments de preuve, et l’agent disposait également des éléments de preuve et des observations que le demandeur avait déjà déposés.

[5] Le 21 janvier 2022, l’agent a rejeté la demande d’asile fondée sur des considérations d’ordre humanitaire déposée par le demandeur, après avoir conclu que celui-ci n’avait pas démontré que l’octroi de la résidence permanente ou la levée de tout ou partie des critères applicables prévus par la LIPR étaient justifiés par des considérations d’ordre humanitaire.

[6] Dans le contexte de l’appréciation de l’allégation du demandeur selon laquelle il était apatride de fait, l’agent a reconnu qu’il [traduction] « est au Canada depuis quelques années, parce qu’il ne peut pas obtenir de la Côte d’Ivoire les titres de voyage requis ». L’agent a cependant conclu que le demandeur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve selon lesquels il avait fait tous les efforts raisonnables pour obtenir les titres de voyage. Bien que l’agent ait finalement accordé un poids favorable au statut potentiel d’apatride de fait du demandeur, il a estimé que ce facteur ne justifiait pas à lui seul une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire.

III. Les questions en litige et la norme de contrôle

[7] Le demandeur conteste le caractère raisonnable du refus par l’agent de sa demande d’asile fondée sur des considérations d’ordre humanitaire pour différents motifs. J’estime que la décision de l’agent concernant l’allégation d’apatridie de fait soulevée par le demandeur est déterminante quant à la présente demande et je n’ai pas pris en compte les autres motifs invoqués par le demandeur pour statuer sur cette demande.

[8] Il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. La Cour suprême du Canada a statué qu’une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov, au para 85.

[9] Une cour de révision ne doit pas juger les motifs d’un décideur au regard d’une norme de perfection : Vavilov, au para 91. Une décision ne devrait pas être annulée à moins qu’elle souffre de « lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence ». En outre, une cour de révision « doit […] être convaincue que la lacune ou la déficience qu’invoque la partie contestant la décision est suffisamment capitale ou importante pour rendre cette dernière déraisonnable » : Vavilov, au para 100.

IV. Analyse

A. L’appréciation de l’apatridie de fait à laquelle s’est livré l’agent est déraisonnable

[10] L’agent a négligé des éléments de preuve essentiels dans l’appréciation de l’allégation du demandeur selon laquelle il était apatride de fait. Lorsqu’il a conclu que le demandeur disposait encore de moyens pour obtenir des titres de voyage de la Côte d’Ivoire, l’agent n’a pas tenu compte du témoignage du demandeur selon lequel il n’avait pas les renseignements essentiels requis pour obtenir des titres de voyage ivoiriens. Plus précisément, le demandeur a déclaré qu’il ne connaissait ni le lieu exact de sa naissance, ni l’orthographe correcte de son nom et de celui de ses parents, ni l’ordre de ses trois noms.

[11] Bien qu’un décideur ne soit pas tenu de mentionner tous les éléments de preuve ou arguments relatifs à une question, plus les éléments de preuve non mentionnés sont importants, plus la cour de révision est disposée à déduire qu’un agent n’a pas raisonnablement tenu compte de ces éléments de preuve : Vavilov, aux para 125‑127. En l’espèce, les éléments de preuve négligés étaient au cœur de l’appréciation de l’allégation selon laquelle le demandeur était apatride de fait. Le fait que l’agent n’a pas mentionné ces éléments de preuve essentiels et qu’il n’en a pas traité a eu pour effet de vicier la décision.

[12] L’agent a résumé avec précision le témoignage du demandeur concernant sa conversation de décembre 2021 avec Peter Dawes, consul honoraire de la Côte d’Ivoire à Toronto, au sujet du processus d’obtention des titres de voyage ivoiriens. L’agent a admis qu’il ne serait pas possible pour le demandeur d’obtenir un quelconque titre de voyage ivoirien sans obtenir au préalable un acte de naissance, puisqu’il n’a jamais eu de passeport ivoirien. L’agent a reconnu que, étant donné qu’il n’existe pas de dépôt central des actes de naissance en Côte d’Ivoire, une recherche manuelle devrait être effectuée auprès de la municipalité ou des églises locales de la ville de naissance du demandeur. Pour effectuer une telle recherche, le demandeur devrait connaître l’orthographe correcte de son nom et de celui de ses parents, et il devrait prendre des dispositions pour qu’une personne soit physiquement présente en Côte d’Ivoire pour l’aider : motifs de la décision de l’agent du 21 janvier 2022, à la page 5 [les motifs de l’agent].

[13] Après avoir résumé ces éléments de preuve, l’agent a conclu que le demandeur n’avait pas établi qu’il avait utilisé tous les moyens à sa disposition :

[traduction]

Bien que je comprenne les difficultés auxquelles se heurte le demandeur pour obtenir les documents requis, j’estime que celui-ci dispose encore de certains moyens pour les obtenir. Le demandeur déclare n’avoir personne en Côte d’Ivoire qui pourrait se rendre sur place pour chercher son acte de naissance. Toutefois, j’estime que le demandeur peut utiliser d’autres méthodes pour obtenir les renseignements, comme embaucher une personne en Côte d’Ivoire ou communiquer personnellement avec divers bureaux/églises en Côte d’Ivoire qui pourraient détenir le document. Selon les observations qui m’ont été présentées, j’estime que le conseil et le demandeur n’ont pas épuisé tous les moyens pour obtenir les renseignements nécessaires. J’estime que le résumé d’une conversation téléphonique avec M. Dawes n’est pas une preuve suffisante pour établir que le demandeur est incapable de retrouver son acte de naissance ou un document relatif à son droit à la citoyenneté ivoirienne. [Non souligné dans l’original.]

[14] Pour arriver à cette conclusion, cependant, l’agent n’a ni apprécié ni pris en considération l’ensemble de la preuve concernant l’allégation d’apatridie de fait du demandeur. Plus particulièrement, l’agent n’a pas pris en compte l’affidavit du demandeur du 2 mai 2018, qui traitait du fait qu’il n’avait pas de pièces d’identité. Le demandeur a déclaré que : [traduction] « parce que mes parents sont morts lorsque j’étais très jeune, que je n’avais pas de pièces d’identité, et que j’étais analphabète avant d’arriver au Canada, de nombreux détails de ma propre identité ne sont pas clairs pour moi » : affidavit de Joseph Dadzie Godday du 2 mai 2018, au para 4 [l’affidavit de 2018].

[15] De façon importante, le demandeur a attesté ce qui suit :

1) Il ne connaît pas sa date de naissance exacte. Sa tante lui a dit qu’il était né en 1982 ou en 1983 : affidavit de 2018, au paragraphe 12.

2) Il ne connaît pas son nom officiel. Sa tante a utilisé les noms Joseph, Dadzie et Godday, mais il ne connaît pas l’ordre de ces noms (c’est-à-dire quel est son prénom, son deuxième prénom et son nom de famille) : affidavit de 2018, aux paragraphes 14‑15.

3) Il ne sait pas si sa naissance a jamais été enregistrée ou répertoriée : affidavit de 2018, au paragraphe 14.

4) Il ne se souvient pas avoir déjà vu son nom écrit avant de venir au Canada, mais il ne savait ni lire ni écrire et n’aurait donc pas reconnu son nom même s’il l’avait vu écrit : affidavit de 2018, au paragraphe 7.

[16] En outre, bien que l’agent ait fait référence à la conversation du demandeur avec M. Dawes, telle qu’elle est exposée en détail dans l’affidavit du demandeur du 17 janvier 2022, l’agent n’a pas mentionné d’autres éléments de preuve pertinents contenus dans ce même affidavit. Ces éléments de preuve portent sur le manque de connaissances du demandeur concernant des renseignements essentiels requis pour obtenir les titres de voyage :

[traduction]

10. Cependant, je ne sais pas où je suis né exactement et je n’ai aucun contact avec des membres de ma famille qui pourraient m’aider. Je ne connais pas non plus l’orthographe correcte des noms de mes parents, et je ne suis pas non plus certain de la façon dont mon nom aurait été orthographié à l’époque où ma naissance a peut‑être été enregistrée. [Non souligné dans l’original.]

[17] Le fait que l’agent n’ait pas pris en compte ces éléments de preuve essentiels figurant dans les affidavits du demandeur de mai 2018 et de janvier 2022 entraîne une grave lacune dans son raisonnement. L’agent n’aborde pas la question évidente de savoir comment une recherche peut même être menée si le demandeur n’a pas accès aux renseignements essentiels nécessaires à cette recherche.

[18] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur pouvait embaucher une personne ou communiquer lui‑même avec divers bureaux ou églises pour chercher les documents est illogique. En l’absence des renseignements requis, le fait de tenter de mener une recherche de la manière proposée se révélerait un exercice futile ou, comme le conseil du demandeur l’a à juste titre qualifié, [traduction] « une vaine recherche ».

[19] Il était certainement loisible à l’agent de mettre en doute la crédibilité du témoignage du demandeur, mais ce n’était pas le cas en l’espèce. L’agent a plutôt simplement négligé des éléments de preuve essentiels ou n’en a pas tenu compte.

[20] Notamment, l’agent ne fait nullement mention des vains efforts de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] pour établir la nationalité du demandeur. Selon la preuve au dossier, l’ASFC n’a pas été en mesure d’obtenir de titre de voyage ivoirien en octobre 2008, lorsque le demandeur a été détenu pour la première fois, ni d’établir s’il était un ressortissant de la Côte d’Ivoire en décembre 2016. Il s’agit d’éléments de preuve pertinents qui concernent la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur dispose encore d’autres moyens.

[21] Enfin, je reconnais que l’agent a attribué un [traduction] « poids favorable » à la situation du demandeur et a estimé qu’il [traduction] « comprenait le fait que le demandeur [pouvait] être un apatride de fait » : les motifs de l’agent, à la page 6. Cependant, ce n’est pas parce que l’agent a attribué un poids favorable à ce facteur qu’il a fait preuve de l’attention et de la considération requises envers la situation globale de ce dernier pour satisfaire à la norme de la décision raisonnable : Izumi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1 au para 38.

[22] L’agent a conclu que la situation du demandeur en tant qu’apatride de fait potentiel ne justifiait pas à elle seule une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire. S’il avait bien pris en compte et apprécié l’ensemble de la preuve du demandeur selon laquelle celui-ci ignorait les renseignements essentiels requis pour obtenir des titres de voyage, l’agent aurait pu tirer une autre conclusion et décider que ce facteur justifiait à lui seul une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire.

[23] Compte tenu de ce qui précède, l’analyse de l’agent concernant l’allégation d’apatridie de fait du demandeur présente de graves lacunes. Le raisonnement de l’agent ne présente pas les attributs requis que sont la justification, l’intelligibilité et la transparence : Vavilov, au para 98. La décision de l’agent est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen afin que celui-ci puisse dûment apprécier et prendre en compte tous les éléments de preuve concernant l’allégation d’apatridie de fait soulevée par le demandeur.

B. L’adjudication de dépens n’est pas justifiée

[24] À mon avis, l’adjudication de dépens n’est pas justifiée en l’espèce. En règle générale, les affaires d’immigration ne donnent pas lieu à l’adjudication de dépens, à moins de « raisons spéciales » : art 22, Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22 [les Règles en matière d’immigration].

[25] Bien que l’expression « raisons spéciales » ne soit pas définie dans les Règles en matière d’immigration, la Cour a toujours affirmé que l’exception des raisons spéciales constitue un « seuil élevé » : MFS c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 FC 321 au para 4; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1643 au para 45 [Singh]; Sisay Teka c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 314 aux para 41‑42.

[26] La Cour a conclu à l’existence de « raisons spéciales » dans les cas où une partie a agi d’une manière qui peut être qualifiée d’injuste, d’abusive, d’inconvenante ou de mauvaise foi : Almuhtadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 712 au para 56; Taghiyeva v Canada (Citizenship and Immigration), 2019 FC 1262 aux para 17‑23.

[27] Le demandeur affirme que l’adjudication de dépens est justifiée en l’espèce en raison de [traduction] « [l’] historique extraordinaire de la présente affaire et de la décision du ministre de s’opposer de manière déraisonnable à la présente demande malgré les erreurs juridiques évidentes contenues dans la décision faisant l’objet du contrôle » : mémoire supplémentaire des faits et du droit du demandeur, au paragraphe 70. Aucun de ces arguments ne m’a convaincue.

[28] Bien que je sois sensible au fait que le demandeur a déposé quatre demandes d’autorisation de contrôle judiciaire, chacune des trois demandes précédentes a été abandonnée sans dépens, le défendeur ayant accepté de réexaminer la demande. Le raisonnement formulé par le juge Little dans la décision Singh pour refuser d’adjuger des dépens dans des circonstances semblables s’applique aussi en l’espèce :

[46] En appliquant cette norme, je ne vois aucune raison spéciale d’adjuger les dépens en l’espèce. La conduite du défendeur et de l’agent ne justifie pas l’adjudication des dépens. Le défendeur a réglé les deux premières demandes de contrôle judiciaire sans qu’il y ait d’audience devant la Cour. Je comprends bien la frustration du demandeur de devoir subir un autre réexamen; toutefois, il n’a avancé aucun fait ni aucune circonstance en particulier qui permettrait de satisfaire au critère élevé de la jurisprudence régissant l’adjudication des dépens dans ce contexte. Compte tenu de la jurisprudence pertinente, je ne crois pas qu’une troisième décision dans les circonstances de l’espèce constitue des raisons spéciales. [Non souligné dans l’original.]

[29] En outre, le fait que le défendeur n’ait pas obtenu gain de cause dans la présente demande ne justifie pas l’adjudication de dépens. Je suis d’accord avec le juge Gascon lorsqu’il affirme ce qui suit : « Il ne s’agit pas de raisons spéciales uniquement parce que le ministre a choisi d’exercer son droit prévu par la loi pour contester une demande de contrôle judiciaire d’une décision, en vain » : Shekhtman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 964 au para 44.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de l’agent d’immigration datée du 21 janvier 2022 est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

  4. Aucune question n’est à certifier.

« Anne M. Turley »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-1171-22

 

 

INTITULÉ :

JOSEPH DADZIE GODDAY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 SEPTEMBRE 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE TURLEY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 OCTOBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Jared Will

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Kareena Wilding

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jared Will & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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