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Date : 20231006


Dossier : DES‑5‑22

Référence : 2023 CF 1338

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2023

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

SAAD KHALID S AL JABRI

défendeur

et

SAKAB SAUDI HOLDING COMPANY, ALPHA STAR AVIATION SERVICES COMPANY, ENMA AL ARED REAL ESTATE INVESTMENT AND DEVELOPMENT COMPANY, KAFA'AT BUSINESS SOLUTIONS COMPANY, SECURITY CONTROL COMPANY, ARMOUR SECURITY INDUSTRIAL MANUFACTURING COMPANY, SAUDI TECHNOLOGY & SECURITY COMPREHENSIVE CONTROL COMPANY, TECHNOLOGY CONTROL COMPANY, NEW DAWN CONTRACTING COMPANY et SKY PRIME INVESTMENT COMPANY

défenderesses (parties requérantes)

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Sakab Saudi Holding Company et les autres sociétés défenderesses [appelées ci-après, collectivement, Sakab] déposent la présente requête dans le contexte de l’avis de demande (dans sa forme modifiée) qu’a présenté le procureur général du Canada [le PGC] en vertu de l’article 38.04 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC, 1985, c C‑5 [la LPC] [la demande présentée en vertu de l’article 38]. Pour plus de commodité, la présente requête est appelée la seconde requête de Sakab, ou Sakab n2. La demande présentée en vertu de l’article 38 du PGC vise à protéger des « renseignements sensibles » ou des « renseignements potentiellement préjudiciables » contre toute divulgation dans une « instance », au sens où ces termes sont définis dans la LPC.

[2] L’instance qui sous‑tend la demande présentée en vertu de l’article 38 en l’espèce est une action pour fraude qui a été introduite en janvier 2021 devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario par Sakab à l’encontre de Saad Al Jabri [M. Al Jabri] et dans laquelle Sakab réclame des dommages-intérêts (qui s’élèvent aujourd’hui à plus de 5 milliards de dollars).

[3] Dans l’avis de requête, qu’elle qualifie de [TRADUCTION] « requête relative au privilège », Sakab sollicite :

  • une déclaration portant que le [TRADUCTION] « second moyen de Saad » [décrit par ailleurs comme la [TRADUCTION] « convention de déclaration » ou le dossier de l’avocat] n’est assujetti à aucune forme de privilège ou qu’il y a eu renonciation à tout privilège de cette nature;
  • une ordonnance enjoignant au PGC ou à M. Al Jabri de produire à Sakab une copie de la convention de déclaration, après que le PGC aura caviardé tout renseignement sensible ou potentiellement préjudiciable;
  • une ordonnance suspendant ou ajournant toute étape ultérieure dans la demande présentée en vertu de l’article 38, y compris toute audience de nature publique ou tenue à huis clos et ex parte, jusqu’à ce que le PGC ou M. Al Jabri produise à Sakab une copie de la convention de déclaration caviardée;
  • les dépens.

[4] Comme il est décrit ci‑après, Sakab a par la suite convenu que l’audition publique de la demande présentée en vertu de l’article 38 pourrait se dérouler par étapes, même si le PGC n’avait pas encore fini d’examiner les documents en litige. Il a été entendu qu’une seconde étape de l’audience publique serait convoquée après l’examen du PGC et le règlement d’autres questions.

[5] La présente requête crée une impression de déjà‑vu. Les défenderesses souhaitent rappeler à la Cour ce qu’elles ont énoncé dans les observations écrites et orales qu’elles ont présentées dans le cadre de la première requête et ce que la Cour a effectivement décidé dans l’ordonnance et les motifs connexes qu’elle a rendus le 11 janvier 2023 (2023 CF 40) [Sakab n1]. Dans une certaine mesure, les défenderesses cherchent à reformuler ou à nuancer des arguments qu’elles ont déjà invoqués et laissent entendre que la Cour n’a pas saisi parfaitement leurs observations antérieures.

[6] Sakab a porté en appel la décision Sakab n1 devant la Cour d’appel fédérale. Notre Cour ne reviendra pas sur les arguments qui ont été invoqués dans le cadre de la première requête et ne les réinterprétera pas, et elle ne clarifiera pas l’ordonnance et les motifs connexes qu’elle a rendus dans la décision Sakab n1. Il est toutefois nécessaire de faire référence aux arguments antérieurs en raison des observations faites par les défenderesses sur le principe de l’autorité de la chose jugée [le principe de la chose jugée] et sur celui de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée [le principe de la préclusion]. Quelques passages tirés de la décision Sakab n1 sont également cités.

[7] Pour les motifs qui suivent, la requête est rejetée.

I. Le contexte

A. Les procédures menées jusqu’au mois de décembre 2022 – Sakab n1

[8] Le contexte entourant le litige sous‑jacent et la demande présentée en vertu de l’article 38, de même que les mesures prises dans le cadre de ces procédures jusqu’au mois de décembre 2022, sont énoncés dans la décision Sakab n1. La Cour ne réitérera pas ce contexte, sauf pour signaler les étapes ultérieures qui ont eu lieu dans le cadre du processus relatif à l’article 38.

[9] Dans le contexte de leurs arguments sur la présente requête [Sakab n2], relativement à l’application des principes de la chose jugée et de la préclusion, les parties ont présenté des observations sur ce qui était réellement réclamé dans la première requête de Sakab, sur ce qui a été plaidé et sur les points dont la Cour a effectivement traité. Cependant, comme il est signalé dans la décision Sakab n1 aux paragraphes 35‑40, les questions en litige ont évolué entre le dépôt de l’avis de requête de Sakab et l’audition de la requête en décembre 2022, notamment en raison du troisième avis relatif à l’article 38 de la LPC, qui faisait précisément référence à la « convention de déclaration ».

[10] Sakab a qualifié sa première requête de [TRADUCTION] « requête relative à la compétence » parce que, au départ, la question soulevée consistait à savoir si la convention de déclaration pouvait faire l’objet du deuxième avis relatif à l’article 38 de la LPC, vu que celui‑ci ne décrivait pas cette convention. Sakab a sollicité une ordonnance enjoignant à M. Al Jabri de fournir au PGC les documents qu’il était censé déposer dans le cadre de la requête en suspension qu’il avait présentée à la Cour supérieure de justice de l’Ontario (l’audition était prévue pour le mois de juin 2022, ou aux environs de cette date, mais elle a par la suite été ajournée sine die). Ces documents étaient décrits dans le deuxième avis relatif à l’article 38 de la LPC à l’intention du PGC, qui avait été fourni par un fonctionnaire du Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS], et qui, selon Sakab, devait inclure ce qui suit : l’avis de requête de M. Al Jabri, un affidavit supplémentaire et d’autres éléments de preuve à produire, dont des éléments concernant la position de M. Al Jabri selon laquelle il ne pouvait pas se défendre sans divulguer des secrets d’État des États‑Unis, que des questions en litige dans l’action pour fraude n’étaient pas justifiables et que l’action pour fraude était frappée de prescription par la Loi sur l’immunité des États, LRC 1985, c S‑18. Subsidiairement, Sakab sollicitait une ordonnance rejetant ou suspendant la demande présentée en vertu de l’article 38, relativement aux documents fournis au PGC ou à la Cour dans le cadre du « second moyen de Saad » (c’est-à-dire, la convention de déclaration).

[11] Comme l’a décrit la Cour dans la décision Sakab n1 au paragraphe 39 :

[traduction]

39. Dans l’avis de requête qu’elle a déposé le 19 octobre 2022, Sakab sollicite une ordonnance enjoignant à M. Al Jabri de fournir au PGC les documents visés par le deuxième avis remis au PGC. Plus particulièrement, Sakab souhaite obtenir les documents que M. Al Jabri a fait savoir qu’il déposerait devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario à l’appui de sa requête en suspension des procédures, y compris l’avis de requête à déposer, l’affidavit supplémentaire de M. Al Jabri et tout autre élément de preuve concernant la position de M. Al Jabri selon laquelle : il ne peut pas se défendre dans le cadre de l’action pour fraude sans divulguer les renseignements secrets du gouvernement des États‑Unis, certaines questions en litige dans l’action pour fraude ne sont pas justiciables, et l’action pour fraude est frappée de prescription par la Loi sur l’immunité des États, LRC 1985, c S‑18. Sakab soutient qu’à la suite de l’examen fait par le PGC, une version caviardée de ces documents devrait lui être remise et le processus relatif à l’article 38 devrait se poursuivre afin que l’on puisse régler la question de la divulgation des renseignements visés à juste titre par les premier et deuxième avis.

[12] Sakab cherchait à avoir accès aux documents décrits dans les avis relatifs à l’article 38 de la LPC, une fois caviardés. Lorsque la convention de déclaration – qui, selon les avocats de M. Al Jabri, [TRADUCTION] « couvrait l’ensemble » des renseignements que celui-ci avait communiqués aux avocats et à l’égard desquels il revendiquait le privilège relatif au litige – est entrée en jeu, Sakab a cherché à obtenir à la fois les documents que M. Al Jabri était censé déposer devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario (mais ne l’a pas fait) et la convention de déclaration. Sakab a fait valoir qu’elle devrait recevoir la version caviardée de la convention de déclaration de façon à pouvoir présenter des observations à notre Cour, dans le contexte du règlement de la demande présentée en vertu de l’article 38, au sujet de l’absence de pertinence des renseignements qui y figurent. Sakab a allégué que le processus de règlement de la demande présentée en vertu de l’article 38 serait inéquitable si on ne lui remettait pas la version caviardée de la convention de déclaration pour qu’elle puisse présenter ses observations.

[13] À l’audition de la première requête, Sakab a laissé entendre qu’il y avait trois options pour obtenir la réparation qu’elle demandait et obtenir les documents caviardés. Elle laisse maintenant entendre que la Cour a mal interprété les options proposées et signale qu’elles n’ont été proposées qu’en réplique aux observations de M. Al Jabri, mais la Cour les a décrites en ces termes au paragraphe 70 de la décision Sakab no 1 :

[traduction]

70. Sakab propose trois options : premièrement, que la Cour ordonne à M. Al Jabri de renoncer au privilège relatif au litige à l’égard de la convention de déclaration; deuxièmement, que la Cour ordonne à M. Al Jabri de retirer les renseignements factuels figurant dans la convention de déclaration des passages assujettis au privilège relatif au litige et de remettre au PGC pour examen un nouveau document ne contenant que les renseignements factuels, ou, troisièmement, que la Cour ordonne à M. Al Jabri de fournir au PGC la requête en suspension et l’affidavit qu’il a indiqué qu’il déposerait et qu’il avait l’intention de déposer en juin 2022 pour que le PGC l’examine.

[14] Comme il est également mentionné au paragraphe 110 de la décision Sakab n1, M. Al Jabri a déclaré qu’étant donné que la requête en suspension soumise à la Cour supérieure de justice de l’Ontario avait été ajournée sine die, il n’était pas tenu de déposer de document à cette fin.

[15] Sakab a fait état de son intention de déposer une seconde requête à la conclusion de l’audition de la première requête tenue les 6 et 7 décembre 2022, qualifiant cette mesure de [TRADUCTION] « quatrième option ».

[16] Le 19 décembre 2022, la Cour a convoqué une conférence de gestion d’instance [la CGI] pour passer en revue les prochaines étapes de la demande présentée en vertu de l’article 38. La Cour a signalé que l’ordonnance et les motifs relatifs à l’affaire Sakab n1 seraient rendus au début de 2023.

[17] Avant que la Cour rejette la requête présentée dans l’affaire Sakab n1, le 4 janvier 2023 Sakab a déposé la présente requête, appelée « Sakab n2 ».

[18] Le 10 janvier 2023, la Cour a rendu l’ordonnance et les motifs connexes dans l’affaire Sakab n1.

B. Les faits qui ont suivi la décision Sakab n1

[19] Comme il a été mentionné plus tôt, Sakab souhaite maintenant obtenir une déclaration portant que la convention de déclaration n’est assujettie à aucune forme de privilège ou qu’il a été renoncé à tout privilège de cette nature, de même qu’une ordonnance enjoignant au PGC ou à M. Al Jabri de lui remettre une copie de la convention de déclaration, après que le PGC l’eut caviardée.

[20] Le 17 janvier 2023, la Cour a convoqué une CGI pour obtenir du PGC une mise à jour sur l’état de l’examen des documents visés par les avis relatifs à l’article 38 de la LPC et pour analyser la question de savoir s’il y avait lieu de reporter les dates antérieurement fixées pour l’audience publique et l’audience ex parte et à huis clos à tenir dans le cadre de la demande présentée en vertu de l’article 38, étant donné, d’une part, que le PGC attendait des réponses d’organismes partenaires et n’avait pas encore terminé l’examen des documents et, d’autre part, que Sakab avait déposé sa seconde requête. Les parties ont convenu, et la Cour l’a confirmé, que l’audience ex parte et à huis clos serait ajournée, mais que l’audience publique se déroulerait en deux étapes : la première aurait lieu du 13 au 15 février (comme prévu au départ) et la seconde serait fixée après que le PGC eut fini d’examiner les documents en litige et après la prise d’autres mesures visant à établir si, ou de quelle manière, M. Al Jabri pourrait remettre à Sakab la version caviardée de la convention de déclaration.

[21] Le 20 janvier 2023, Sakab a déposé un avis d’appel concernant la décision Sakab n1. Elle a par la suite demandé que la Cour d’appel fédérale mette l’appel en suspens en attendant la prise d’autres mesures dans le cadre du règlement de la demande présentée en vertu de l’article 38.

[22] Les motifs énoncés dans l’avis d’appel ne sont mentionnés que parce que Sakab soutient que, dans la décision Sakab n1, notre Cour n’a pas traité de certaines des questions qu’elle soulève dans la présente requête. Il est allégué dans l’avis d’appel que la Cour a commis une erreur pour au moins 17 raisons, dont les suivantes : en concluant erronément que la compétence de la Cour découlait de la demande présentée en vertu de l’article 38 du PGC plutôt que de la Loi sur la preuve au Canada, en interprétant mal le rôle que joue le PGC dans une demande présentée en vertu de l’article 38 et en concluant erronément que le PGC ne joue pas le rôle d’une partie opposée comme on l’entend habituellement, et que la demande présentée en vertu de l’article 38 est menée d’une manière contraire à la LPC, ce qui soulève des questions d’équité procédurale.

[23] Dans l’avis d’appel, Sakab fournit des renseignements de base et fait référence aux positions qui ont été adoptées à l’égard de la question du privilège relatif au litige.

[24] Le 31 janvier 2023, la Cour a invité les parties à lui faire part de leurs positions concernant l’audience publique prévue, à la lumière de l’avis d’appel déposé par Sakab, qui alléguait que la démarche adoptée par la Cour pour rendre une décision au sujet du processus relatif à l’article 38 se déroulait d’une manière inusitée et contraire aux dispositions législatives et à l’équité procédurale.

[25] Sakab a confirmé par écrit que l’audience publique devrait se dérouler comme prévu à compter du 13 février 2023 (même si l’avis de requête visait à faire suspendre la demande présentée en vertu de l’article 38, relativement à la convention de déclaration, et ce, jusqu’à ce qu’on lui ait remis une version caviardée). Les autres parties ont accepté. Les parties ont déposé leurs observations publiques écrites et elles ont comparu les 13 et 14 février 2023; elles ont présenté des observations orales axées sur la pertinence ou l’absence de pertinence potentielle de renseignements vis-à-vis des questions faisant partie du litige sous‑jacent devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario et susceptibles d’être incluses dans les documents visés par les avis relatifs à l’article 38 de la LPC.

[26] Le 5 avril 2023, la Cour a convoqué une CGI en réponse à des demandes présentées par les deux défenderesses pour qu’une mise à jour soit fournie à la Cour concernant le litige sous‑jacent devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, notamment pour traiter de l’incidence sur cette instance de l’état de la demande présentée en vertu de l’article 38 dont notre Cour est saisie. Elles ont également demandé que le PGC fasse le point sur l’état de son examen des documents visés par les avis relatifs à l’article 38 de la LPC.

[27] La Cour a donné une directive confirmant les mises à jour présentées par les défenderesses et le PGC. Elle a signalé que le PGC s’était engagé à fournir une mise à jour aux défenderesses avant le 26 avril 2023 de façon à ce qu’elles puissent informer la Cour supérieure de justice de l’Ontario de l’état de la demande présentée en vertu de l’article 38. La directive signalait également que les avocats de M. Al Jabri avaient fait savoir qu’ils n’avaient en leur possession aucun autre document contenant des renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables qui seraient visés par un avis relatif à l’article 38 de la LPC.

[28] Le 25 avril 2023, le PGC a informé les défenderesses, l’amicus et la Cour qu’il avait obtenu une réponse d’organismes partenaires et qu’il pouvait maintenant relever et caviarder les renseignements sensibles et potentiellement préjudiciables, conformément aux avis relatifs à l’article 38 de la LPC.

[29] Le 5 juin 2023, le PGC a informé la Cour que les documents caviardés seraient fournis à [TRADUCTION] « l’auteur de l’avis » et déposés auprès de la Cour.

[30] Le 22 juin 2023, la Cour a convoqué une CGI pour discuter des prochaines étapes du règlement de la demande présentée en vertu de l’article 38 et de l’établissement du calendrier relatif à la seconde requête de Sakab. Les parties ont entrepris d’établir un échéancier pour la production de mémoires écrits. De plus, les avocats de M. Al Jabri se sont engagés à fournir à Sakab les documents caviardés qui étaient joints à la convention de déclaration (appelés les [TRADUCTION] « documents contemporains »).

II. Les observations de Sakab

[31] Sakab soutient que la Cour a compétence pour trancher la question de savoir si le privilège relatif au litige s’applique à la convention de déclaration et pour ordonner qu’on lui en remette une version caviardée.

A. Le principe de la chose jugée et le principe de la préclusion ne s’appliquent pas

[32] Sakab conteste l’argument de M. Al Jabri selon lequel les questions soulevées dans le cadre de la présente requête ont été tranchées dans la décision Sakab n1 et qu’elles ont force de chose jugée, y compris par préclusion.

[33] Sakab soutient que les observations de M. Al Jabri sur le principe de la chose jugée sont fondées sur la fausse prémisse que la même réparation a été demandée dans l’affaire Sakab n1. Elle fait valoir que sa première requête ne visait pas à ordonner la production de la convention de déclaration, mais plutôt celle des documents portant sur la requête en suspension de M. Al Jabri, lesquels étaient visés par le deuxième avis relatif à l’article 38 de la LPC, et qu’elle cherchait à faire rejeter la demande en lien avec la convention de déclaration. Elle est d’avis que rien dans l’ordonnance et les motifs de la Cour ou dans ses propres observations ne donne à penser qu’elle cherchait à contraindre la production de la convention de déclaration. Elle fait valoir que la Cour ne pouvait pas trancher des questions qui n’étaient pas soulevées dans son avis de requête.

[34] Sakab fait valoir qu’une fois que les avocats de M. Al Jabri avaient indiqué que la convention de déclaration était le document visé par le deuxième avis relatif à l’article 38 de la LPC, elle s’est concentrée sur l’absence de compétence pour traiter de la convention de déclaration en vertu de l’article 38. Elle signale qu’après que le troisième avis relatif à l’article 38 de la LPC a été fourni, lequel faisait expressément référence à la convention de déclaration, la question de la compétence ne s’est plus posée.

[35] Sakab fait également valoir que, dans la première requête, elle n’a pas demandé à la Cour d’ordonner la renonciation au privilège; elle a plutôt fait valoir que M. Al Jabri devrait y renoncer. Elle indique de plus qu’elle n’a jamais laissé entendre que la Cour pouvait trancher la question du privilège relatif au litige, mais elle a fait plutôt valoir qu’il était loisible à la Cour de contrôler le processus établi à l’article 38, et elle a proposé trois options pour ce faire. Elle explique qu’elle a proposé que la Cour pouvait ordonner la production des véritables documents – c’est‑à‑dire, ceux que M. Al Jabri était censé et avait voulu déposer à l’appui de sa requête en suspension devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario – au PGC pour examen, ou que M. Al Jabri ne pouvait fournir au PGC pour examen que les faits inclus dans la convention de déclaration, ou alors que la Cour pouvait suspendre la demande présentée en vertu de l’article 38, relativement à la convention de déclaration. Elle soutient que l’objectif était qu’on lui fournisse les faits inclus dans la convention de déclaration qui n’étaient pas assujettis au privilège relatif au litige.

[36] Sakab soutient que M. Al Jabri n’a fait qu’invoquer le privilège relatif au litige et que la Cour a présumé que ce privilège s’appliquait à la convention de déclaration.

[37] Sakab est en outre d’avis que, si la Cour avait décidé si le privilège relatif au litige s’appliquait ou pas à la convention de déclaration dans l’affaire Sakab n1, elle aurait fait référence à la jurisprudence applicable à ce privilège, elle aurait évalué tout élément de preuve produit à l’appui du privilège et elle aurait décidé s’il y avait eu renonciation à un privilège quelconque, mais qu’elle n’a rien fait de cela.

B. La Cour est compétente et peut se prononcer sur le privilège relatif au litige

[38] Sakab reconnaît que, dans la décision Sakab n1, la Cour a décrété qu’elle ne pouvait pas ordonner à M. Al Jabri de renoncer au privilège, mais, soutient-elle, cette conclusion ne veut pas dire que la Cour n’est pas compétente pour juger si le privilège relatif au litige s’applique ou non.

[39] Sakab ajoute qu’elle a contesté l’existence du privilège relatif au litige devant notre Cour et que seule cette dernière peut décider si ce privilège s’applique et s’il a fait l’objet d’une renonciation.

[40] Sakab fait valoir que la Cour supérieure de justice de l’Ontario ne serait pas en position de trancher la question de savoir si le privilège relatif au litige s’applique à la convention de déclaration advenant qu’il soit conclu que la question en litige est chose jugée. Elle ajoute que, en tout état de cause, elle n’a aucune possibilité de contester le privilège devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, parce que la convention de déclaration n’a pas été déposée devant cette Cour et que M. Al Jabri n’a pas invoqué devant celle‑ci le privilège relatif au litige à l’égard de la convention de déclaration.

[41] Sakab laisse entendre que, s’il n’y avait aucune instance devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario et que l’on créait une convention de déclaration qui incluait des renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables, seule notre Cour serait compétente pour trancher la question du privilège relatif au litige, car aucune autre cour ne serait saisie de cette question.

C. Le privilège relatif au litige ne s’applique pas à la convention de déclaration

[42] Sakab fait valoir que la convention de déclaration n’est pas protégée par le privilège relatif au litige et que, si c’était le cas, il y a eu renonciation à ce privilège par la conduite de M. Al Jabri. Elle ajoute que, de ce fait, la Cour devrait ordonner la production de la convention.

[43] Sakab fait valoir que le privilège relatif au litige ne s’applique qu’aux documents dont l’objet principal est la préparation d’un litige réel ou envisagé ou la réponse à ce document (Blank c Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39 [Blank], aux para 8, 59‑60).

[44] Sakab soutient que la convention de déclaration a été créée à la seule fin de fournir des renseignements au PGC dans le contexte de la demande présentée en vertu de l’article 38, et que M. Al Jabri savait que le PGC partagerait ces renseignements avec des organismes partenaires sur le plan de la sécurité nationale, afin d’obtenir l’avis du PGC sur la question de savoir si les renseignements sensibles ou préjudiciables seraient caviardés. Elle ajoute que la convention de déclaration comporte des faits, qui ne peuvent être assujettis à aucun privilège. Elle laisse entendre que l’insertion d’une stratégie d’instance dans la convention de déclaration et la revendication d’un privilège à l’égard du document tout entier étaient un choix stratégique fait par M. Al Jabri pour s’assurer que Sakab ne pourrait pas voir la convention et que M. Al Jabri gagnerait un certain avantage en présentant à notre Cour des observations sur la pertinence des renseignements en question.

[45] Sakab laisse également entendre que M. Al Jabri et le PGC se sont entendus d’une certaine façon sur la manière dont ces renseignements seront fournis au PGC. Elle ajoute que la convention de déclaration n’a pas été créée et ensuite communiquée au PGC dans une [TRADUCTION] « zone de confidentialité ».

[46] Sakab fait valoir de plus que M. Al Jabri n’a pas fourni d’éléments de preuve pour établir que le privilège relatif au litige s’applique à la convention de déclaration, signalant qu’aucun affidavit n’a été produit pour décrire comment ou pourquoi cette convention avait été créée. Elle fait valoir que les observations formulées par les avocats de M. Al Jabri lors de CGI, dans lesquelles ils ont invoqué l’existence d’un privilège et décrit la convention de déclaration comme un dossier d’avocat, ne constituent pas une preuve. Elle laisse entendre qu’aucune preuve par affidavit n’a été déposée afin d’empêcher M. Al Jabri d’être contre‑interrogé par elle.

[47] Sakab allègue également qu’aucun privilège relatif au litige n’a été renoncé par M. Al Jabri lorsque cette dernière a fourni la convention de déclaration au PGC, ni par le PGC lorsque ce dernier a communiqué la convention à des organismes partenaires, a déposé cette convention auprès de la Cour et l’a mise à la disposition de l’amicus. Sakab ajoute que M. Al Jabri ne peut pas revendiquer ce privilège tout en se fondant sur la convention de déclaration pour présenter à la Cour des observations sur la pertinence des renseignements qu’elle contient.

[48] Sakab porte à l’attention de la Cour la décision United States v Meng, 2020 BCSC aux paragraphes 35‑39, dans laquelle la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a passé en revue le droit relatif à la renonciation d’un privilège, laquelle peut être explicite ou implicite. Elle fait valoir que la conduite de M. Al Jabri vis-à-vis de la convention de déclaration est incompatible avec le maintien du privilège relatif au litige, ce qui équivaut à une renonciation implicite.

[49] Sakab est d’avis que les observations que M. Al Jabri a présentées dans le cadre de la première requête et lors des CGI – selon lesquelles M. Al Jabri peut contrôler le moment où sont divulgués les renseignements pertinents dans l’action pour fraude conformément aux Règles de procédure civile de l’Ontario – font abstraction du fait qu’elle-même a droit, par souci d’équité procédurale, à la production de la version caviardée de la convention de déclaration dans le cadre du processus relatif à l’article 38.

[50] Sakab réitère qu’il faut qu’elle dispose de la version caviardée de la convention de déclaration pour pouvoir présenter des observations à la Cour sur le manque de pertinence des renseignements qui y figurent ainsi que pour aider la Cour à trancher la demande présentée en vertu de l’article 38, conformément au critère établi dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ribic, 2003 CAF 246 [Ribic].

[51] Sakab fait valoir que notre Cour n’a pas d’autre option si elle veut assurer l’équité et que les options suggérées antérieurement ne règleraient pas la question qui se pose actuellement quant à son droit à la version caviardée de la convention de déclaration.

III. Les observations de M. Al Jabri

[52] M. Al Jabri soutient qu’il convient de rejeter la requête, et ce, pour plusieurs motifs : il n’existe aucune obligation indépendante de divulgation; les principes de l’autorité de la chose jugée et de la préclusion s’appliquent, et, subsidiairement, si la Cour conclut que ces deux principes ne s’appliquent pas et que la question du privilège relatif au litige reste en cause, ce privilège s’applique à la convention de déclaration et il n’a pas fait l’objet d’une renonciation.

[53] M. Al Jabri est d’avis qu’il n’est pas nécessaire que la Cour traite de la question de savoir si elle est compétente pour juger si le privilège relatif au litige s’applique. La Cour devrait rejeter la requête de Sakab pour les motifs qu’il a soulevés.

A. Aucune obligation de divulgation

[54] M. Al Jabri soutient qu’il n’existe aucune obligation « distincte » de divulgation. L’article 38 ne s’applique qu’aux renseignements qui peuvent être divulgués dans une instance sous‑jacente et vise les renseignements qui n’ont pas encore été divulgués ou qu’une partie ne peut pas voir; il s’agit, en l’occurrence, de la convention de déclaration. Il fait une distinction entre la convention de déclaration et les autres documents visés par les avis relatifs à l’article 38 de la LPC qui ont déjà été produits sous forme caviardée, en relevant qu’il était obligatoire de divulguer les autres documents conformément aux Règles de procédure civile de l’Ontario. M. Al Jabri signale que les renseignements figurant dans la convention de déclaration qui ne sont pas sensibles et préjudiciables pourraient être divulgués dans le cadre du litige sous‑jacent à mesure que celui-ci progressera, mais qu’il n’est pas encore obligatoire de les divulguer.

[55] M. Al Jabri allègue que le processus relatif à l’article 38 ne peut pas créer une obligation de divulgation prématurée de renseignements par une partie en particulier.

[56] M. Al Jabri fait valoir de plus que le fait fournir la convention de déclaration au PGC conformément à l’article 38 concorde avec l’obligation de fournir les renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables au PGC et à la Cour afin qu’une décision soit rendue le plus tôt possible.

B. Le principe de la chose jugée et le principe de préclusion s’appliquent

[57] M. Al Jabri soutient qu’il convient de rejeter la requête de Sakab en raison du principe de la chose jugée et de celui de la préclusion. Il allègue que les questions soulevées dans la présente requête ont été tranchées dans l’affaire Sakab n1. Il signale les observations écrites et orales qu’il a formulées dans cette affaire. Il ajoute que les arguments qu’invoque Sakab dans le cadre de la présente requête recoupent des questions qui ont été soulevées et que la Cour a rejetées dans l’affaire Sakab n1.

[58] M. Al Jabri soutient que, même si la question du privilège relatif au litige n’a pas été directement tranchée dans l’affaire Sakab n1, le principal argument de Sakab était qu’il devrait recevoir la version caviardée de la convention de déclaration. Les observations que Sakab a formulées au sujet de la compétence de la Cour et du privilège relatif au litige étaient liées à ses observations plus générales à l’égard du fait que le processus visant à trancher la demande présentée en vertu de l’article 38 serait inéquitable, à moins qu’elle reçoive la version caviardée de la convention de déclaration. M. Al Jabri fait valoir que la Cour a examiné et tranché directement la question de l’équité dans l’affaire Sakab n1.

[59] M. Al Jabri soutient que Sakab cherche maintenant à obtenir une déclaration à propos de l’existence d’un privilège en tant que moyen d’obtenir accès à la version caviardée de la convention de déclaration, et que c’était l’objectif qu’elle visait dans le cadre de la première requête. M. Al Jabri ajoute que Sakab invoque les mêmes arguments sous un nouvel emballage et demande à la Cour la même réparation que celle qui lui a été refusée dans le cadre de la première requête.

[60] M. Al Jabri conteste l’argument de Sakab selon lequel celui‑ci n’a pas soulevé la question du privilège relatif au litige, ni lié contestation à l’égard de celui‑ci, dans l’affaire Sakab n1. M. Al Jabri signale que le mémoire écrit que Sakab a déposé en réplique dans l’affaire Sakab n1 comporte des observations sur le droit régissant le privilège relatif au litige qui sont énoncées de nouveau dans les observations qu’elle a présentées dans le cadre de la présente requête. Il signale également les observations orales plus exhaustives que Sakab a formulées à l’égard du privilège relatif au litige, y compris des renvois à la jurisprudence. M. Al Jabri soutient que Sakab a aussi fait valoir qu’il y a eu renonciation au privilège relatif au litige lorsque la convention de déclaration a été fournie au PGC et qu’elle a été déposée auprès de la Cour. Il ajoute que la Cour a traité de la question de ce privilège et il souligne plusieurs passages de la décision Sakab n1.

[61] M. Al Jabri allègue que le principe de la préclusion s’applique lui aussi, car la question du privilège relatif au litige a été précisément soulevée dans la première requête de Sakab. Il soutient que la question est la même, que les parties sont les mêmes et qu’une décision finale sur la question a été rendue (Toronto (Ville) c SCFP, section locale 79, 2003 CSC 63, au para 23).

C. La convention de déclaration est protégée par le privilège relatif au litige

[62] M. Al Jabri allègue que si la Cour ne rejette pas la requête en raison du principe de la chose jugée ou du principe de la préclusion, il convient néanmoins de le faire parce que la convention de déclaration est assujettie au privilège relatif au litige et qu’il n’y a pas été renoncé.

[63] M. Al Jabri signale que l’article 38 ne s’applique qu’aux renseignements qui peuvent être divulgués dans une instance; dans la présente affaire, il s’agit du litige pour fraude sous‑jacent. Il réitère que la convention de déclaration a été créée en prévision de ce litige et que cela répond au critère relatif au privilège qui a été établi dans la jurisprudence.

[64] M. Al Jabri signale que, dès le mois de septembre 2022, il a indiqué que la convention de déclaration était assujettie au privilège relatif au litige, il a qualifié la convention de « dossier de l’avocat » dans un mémoire destiné à une CGI, et il a signalé de façon constante que la convention était assujettie au privilège relatif au litige lors de CGI ultérieures, et de manière plus exhaustive dans son mémoire destiné à l’audience publique. Il soutient que la nature de la convention de déclaration est évidente et manifeste. De plus, Sakab n’a pas contesté la véracité de la revendication, par ses avocats, du privilège relatif au litige.

[65] M. Al Jabri fait valoir qu’il y aurait un risque de créer une « parodie » de justice s’il était contraint de divulguer la convention de déclaration avant l’étape de la communication préalable (Susan Hosiery Ltd c Ministre du Revenu national, 1969 CarswellNat296, [1969] 2 R.C. de l’É., aux p 33‑34 [Susan Hosiery]).

[66] M. Al Jabri soutient que dans la décision Sakab n1, au paragraphe 189, la Cour a reconnu que la convention de déclaration avait été créée principalement en vue du litige pour fraude, et elle a conclu que, même si les circonstances étaient inusités, en ce sens que la convention de déclaration n’a pas été déposée dans le cadre de l’action pour fraude sous‑jacente, qu’elle n’est pas visée par une ordonnance de production et qu’elle est protégée par le privilège relatif au litige, des circonstances inusitées ne sont pas forcément inéquitables.

[67] M. Al Jabri allègue de plus qu’il n’y a pas eu de renonciation au privilège relatif au litige. L’obligation prévue par la loi de fournir au PGC le document visé par un avis relatif à l’article 38 de la LPC, de même que sa production auprès de la Cour, ne constituent pas une renonciation au privilège. M. Al Jabri soutient que le PGC a besoin du document pour décider si celui-ci contient des renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables et que la Cour en aussi besoin pour trancher la demande présentée en vertu de l’article 38. Il ajoute que la convention de déclaration assujettie au privilège relatif au litige était le moyen de communiquer ce que M. Al Jabri savait et ce dont il se souvenait de manière à faciliter le processus judiciaire.

[68] M. Al Jabri ajoute que la Cour a traité de la question de la renonciation au paragraphe 192 de la décision Sakab n1.

[69] M. Al Jabri allègue également que, n’eût été des exigences de l’article 38 de la LPC (c’est‑à‑dire que des renseignements sensibles et potentiellement préjudiciables ne peuvent pas être divulgués et qu’un avis indiquant que des renseignements de cette nature pourraient être divulgués dans un litige doit être fourni au PGC), Sakab ignorerait l’existence de la convention de déclaration et qu’il n’y aurait aucun problème concernant le privilège relatif au litige ou la production de la convention de déclaration.

[70] M. Al Jabri réitère qu’une fois que la Cour aura tranché la demande présentée en vertu de l’article 38, il se conformera à ses obligations de divulgation dans l’action pour fraude et Sakab obtiendra les faits pertinents dans ce contexte. Il souligne que la convention de déclaration elle‑même ne sera pas divulguée.

IV. Les observations du PGC

[71] Le PGC soutient que, dans le contexte de la demande présentée en vertu de l’article 38, notre Cour n’a pas compétence pour se prononcer sur un privilège qui relève de la compétence d’un autre tribunal. De plus, la production ou la divulgation de renseignements dans le litige sous‑jacent devrait se faire d’une manière conforme aux règles qui régissent le litige dont est saisie la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

[72] Le PGC explique que, dans une demande présentée en vertu de l’article 38, l’objectif qu’il vise est d’offrir une protection contre la divulgation de renseignements sensibles ou préjudiciables dans une instance, et rien de plus. Le PGC n’est pas partie au litige sous‑jacent et il n’a aucun rôle, aucun intérêt ou aucune position à l’égard de ce litige ou quant à la manière dont les renseignements visés par les avis relatifs à l’article 38 de la LPC sont partagés ou utilisés dans le cadre du litige sous‑jacent.

[73] Le PGC signale que, même si la question du privilège relatif au litige n’a pas carrément été soumise à la Cour dans l’affaire Sakab n1, elle a fait l’objet d’observations de la part des deux défenderesses. Il soutient que la Cour a traité de la question en concluant qu’elle n’était pas compétente pour décider si le privilège relatif au litige s’appliquait ou pour ordonner que l’on communique à Sakab la convention de déclaration.

[74] Le PGC soutient que la Cour ne peut pas examiner d’autres privilèges au‑delà du régime établi par l’article 38. Il signale l’arrêt R c Ahmad, 2011 CSC 6, au para 68, où la Cour suprême du Canada a écrit ce qui suit : « [s]ous le régime établi par l’art. 38, l’unique souci du juge de la Cour fédérale consiste à protéger l’intérêt du public à l’égard des renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables ».

[75] Le PGC signale le libellé précis de l’article 38, comparativement aux privilèges que régissent les articles 37 et 39 de la LPC. Il ajoute que si le législateur avait voulu que notre Cour procède également à la détermination d’autres privilèges, dans le contexte du régime établi par l’article 38, il l’aurait indiqué.

[76] Le PGC soutient que le pouvoir qu’a la Cour de contrôler sa propre procédure ne s’étend pas aux privilèges non établis par l’article 38. Il signale que la Cour a traité de la question dans la décision Sakab n1, au paragraphe 206. Il explique que la compétence pour se prononcer sur d’autres privilèges relève du tribunal saisi de l’action sous‑jacente.

[77] Le PGC note que Sakab a souscrit aux limites de la Cour dans les observations qu’elle a formulées dans le cadre de la première requête, vu son argument selon lequel le pouvoir conféré par la loi à la Cour se limite à examiner et à trancher la question de la divulgation de renseignements visés par les avis relatifs à l’article 38 de la LPC.

[78] Pour ce qui est de l’allégation de Sakab selon laquelle le processus établi par l’article 38 est inéquitable, le PGC reconnaît que ce processus n’est peut‑être pas l’idéal pour Sakab, mais fait‑il valoir, il demeure équitable. Le PGC signale le rôle qu’il joue en tant qu’officier de justice et celui que joue l’amicus pour ce qui est d’assurer l’équité du processus.

[79] Le PGC ajoute qu’il a déposé les documents caviardés auprès de la Cour, qu’il a déposé un affidavit ex parte et qu’il est prêt à passer le plus rapidement possible aux étapes suivantes de la demande présentée en vertu de l’article 38.

V. La requête est rejetée

A. Les deux requêtes sont fort semblables

[80] Il n’est pas nécessaire d’examiner la question du principe de l’autorité de la chose jugée ou du principe de la préclusion. Comme l’a signalé le PGC, la Cour n’avait pas compétence pour trancher la question du privilège relative au litige ou pour ordonner la production de la version caviardée de la convention de déclaration dans l’affaire Sakab n1. Rien n’a changé.

[81] Même si Sakab soutient que les questions précises qui sont soulevées dans Sakab n2 et la réparation qui y est demandée diffèrent des questions énoncées dans son premier avis de requête, les questions sont semblables et liées, tout comme le sont les observations. Sakab cherche à obtenir la même réparation ultime dans les deux requêtes : obtenir la version caviardée de la convention de déclaration. Aucune reformulation des observations présentées dans le cadre de la première requête ne permet à Sakab de se soustraire à la conclusion selon laquelle les mêmes questions fondamentales avaient été soulevées dans l’affaire Sakab n1.

[82] Les arguments qu’invoque Sakab à propos de ce qu’elle cherchait réellement à obtenir dans le cadre de la première requête ne sont pas étayés par ses observations orales, car les questions en litige ont évolué. Comme Sakab le signale, son avis de requête dans l’affaire Sakab n1 et ses observations écrites ne demandaient pas précisément que la Cour décide si le privilège relatif au litige s’appliquait ou non. La Cour n’a pas non plus fait référence à la jurisprudence ni au critère permettant d’établir l’existence d’un privilège. Cependant, Sakab a soulevé la question du privilège relatif au litige dans l’affaire Sakab n1, dont celle de savoir s’il avait fait l’objet d’une renonciation, dans le contexte de son observation générale selon laquelle, sans accès à la version caviardée de la convention de déclaration, le processus serait inéquitable.

[83] L’argument qu’invoque actuellement Sakab – qu’elle cherchait uniquement à obtenir les documents relatifs à la requête en suspension et non la convention de déclaration dans l’affaire Sakab n1 – fait abstraction de ses observations orales antérieures, où elle alléguait clairement que la production de la version caviardée de la convention de déclaration était nécessaire pour traiter de son allégation d’iniquité.

[84] Par ailleurs, quelle serait l’utilité de chercher seulement à obtenir la production des documents relatifs à la requête en suspension (lesquels n’avaient pas été déposés devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario et n’avaient pas à l’être, parce que cette requête a été ajournée sine die) ou la production de la convention de déclaration uniquement au PGC, sans solliciter aussi une ordonnance portant que cette convention soit communiquée à Sakab? Les trois options proposées par Sakab à l’audition de la première requête ont toutes été présentées dans le but d’obtenir une copie de la convention de déclaration, après que celle-ci eut été caviardée.

[85] L’argument de Sakab selon lequel rien dans l’ordonnance et dans les motifs de la Cour dans l’affaire Sakab n1 ne donne à penser qu’elle cherchait à contraindre la production de la version caviardée de la convention de déclaration est contredite par plusieurs passages relevés dans la décision Sakab n1, notamment aux paragraphes 69, 82, 159, 190, 191 et 196.

[86] À l’évidence, la réparation demandée dans les deux requêtes, indépendamment de la manière dont la première des deux était formulée au départ, se résume à l’objectif visé par Sakab : obtenir la version caviardée de la convention de déclaration à la place des documents relatifs à la requête en suspension de M. Al Jabri. Son argument selon lequel, sans la version caviardée de la convention de déclaration, le processus sera inéquitable parce qu’elle ne sera pas en mesure de formuler des observations à propos du manque de pertinence des renseignements caviardés dans la convention de déclaration, éclairés par les renseignements non caviardés dans cette dernière, est reproduit de la même manière.

[87] Dans le cadre de la présente requête, qualifiée de requête relative au privilège, Sakab a indiqué dans son mémoire écrit que la seule question en litige est celle de savoir si la version caviardée de la convention de déclaration devrait être produite. Dans ses observations orales, Sakab a indiqué qu’elle ne cherche à obtenir qu’une déclaration à propos du privilège relatif au litige. Cependant, selon son avis de requête, Sakab cherchait à obtenir à la fois une déclaration concernant le privilège relatif au litige et une ordonnance portant que la version caviardée de la convention de déclaration lui soit communiquée. Sakab a lié les deux questions, comme elle l’avait fait dans la première requête.

[88] Les arguments qu’invoque Sakab pour contester le fait que le privilège relatif au litige s’applique à la convention de déclaration et qu’il y a eu renonciation à tout privilège de cette nature visent l’obtention de la version caviardée de la convention de déclaration. Cependant, comme il est indiqué ci‑après, toute décision concernant le privilège ne réglerait pas la question de la production.

B. Une demande présentée en vertu de l’article 38 exige une « instance »

[89] Sakab soutient que la convention de déclaration qui est en litige n’a été créée par M. Al Jabri que pour la demande présentée en vertu de l’article 38 et que l’« instance » est cette demande, laquelle constitue un litige à part entière. La Cour n’est pas d’accord. Comme il a été signalé, M. Al Jabri décrit la convention de déclaration comme des renseignements qui, s’attend‑il, seront divulgués ou pourraient l’être à un certain moment dans le litige engagé devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario à sa défense contre l’action pour fraude que Sakab a lancée.

[90] Les avocats de Sakab laissent entendre qu’un document peut être assujetti à un avis relatif à l’article 38 en l’absence de tout litige. Cette théorie ne tient pas compte du fait que le régime établi par l’article 38 exige clairement qu’il y ait une instance sous‑jacente. Le PGC n’examinerait pas des renseignements pour décider s’ils sont sensibles ou préjudiciables sans une instance sous‑jacente dans laquelle ces renseignements pourraient être divulgués. L’article 38 définit une « instance » comme une « procédure devant un tribunal, un organisme ou une personne ayant le pouvoir de contraindre la production de renseignements ». Les exigences de l’avis, qui déclenchent le processus relatif à la demande présentée en vertu de l’article 38, reposent sur l’existence d’une instance et surviennent dans des circonstances précises : lorsqu’un participant à l’instance est tenu de divulguer des renseignements, lorsqu’un participant à l’instance croit que des renseignements sont sur le point d’être divulgués par lui ou par une autre personne, et lorsqu’un fonctionnaire (non participant) croit que des renseignements sont sur le point d’être divulgués. Toutes ces circonstances ont lieu « dans le cadre d’une instance ».

[91] Comme il a été signalé, sans une instance sous‑jacente, il n’y aurait pas d’avis relatif à l’article 38 de la LPC et pas de demande présentée en vertu de l’article 38 ultérieure ou de décision. N’eût été du litige engagé devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, la convention de déclaration n’aurait vraisemblablement pas existé et, même si elle avait existé, il ne serait pas obligatoire d’aviser le PGC que cette convention pouvait comporter des renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables.

[92] La Cour considère que la convention de déclaration a été créée aux fins du litige pour fraude (c’est‑à‑dire, l’« instance ») engagé devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Comme il a été signalé dans la décision Sakab n1, y compris aux paragraphes 178‑180, dans les circonstances, l’avis relatif à l’article 38 la LPC qui vise la convention de déclaration peut être une approche préférable à plusieurs demandes et décisions fondées sur l’article 38 à mesure que le litige progresse et qu’il est exigé ou anticipé que l’on divulgue des renseignements dans le cadre de ce litige, soit dans le contexte d’une communication préalable soit au procès. Comme il a été signalé, cette démarche risquerait vraisemblablement de perturber et de retarder davantage le déroulement du litige pour fraude.

  1. La Cour n’est pas compétente pour se prononcer sur le privilège relatif au litige dans le contexte d’une demande présentée en vertu de l’article 38

[93] Sakab invoque l’arrêt Blank pour ce qui est du critère qui permet d’établir le privilège relatif au litige. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a conclu en fin de compte que tout privilège à l’égard des documents en litige avait expiré, mais elle avait tout d’abord traité du critère applicable et avait conclu que ce privilège se rattache aux documents préparés principalement pour un litige, signalant ce qui suit au paragraphe 60 :

60. Je ne vois aucune raison de déroger au critère de l’objet principal. Bien qu’il confère une protection plus limitée que ne le ferait le critère de l’objet important, il me semble conforme à l’idée que le privilège relatif au litige devrait être considéré comme une exception limitée au principe de la communication complète et non comme un concept parallèle à égalité avec le secret professionnel de l’avocat interprété largement. Le critère de l’objet principal est davantage compatible avec la tendance contemporaine qui favorise une divulgation accrue.

[94] Dans l’arrêt Lizotte c Aviva, Compagnie d’assurance du Canada, 2016 CSC 39, [Lizotte] la Cour suprême du Canada a confirmé, comme elle l’avait conclu dans l’arrêt Blank, que seuls les documents dont l’objet prédominant est un litige sont visés par le privilège relatif au litige. La Cour a fait état des différences entre le privilège relatif au litige et le privilège du secret professionnel de l’avocat qui sont mentionnées dans l’arrêt Blank (aux paragraphes 27‑41), dont le fait que l’objet du privilège du secret professionnel de l’avocat est de protéger une relation, tandis que celui du privilège relatif au litige est d’assurer l’efficacité du processus contradictoire, et que le privilège du secret professionnel de l’avocat est permanent et absolu, tandis que le privilège relatif au litige n’est pas absolu et est d’une durée temporaire.

[95] Dans l’arrêt Susan Hosiery aux p 33‑34, la Cour a expliqué pourquoi un « dossier de l’avocat » est protégé :


 

[TRADUCTION]

Pour en venir à la règle du « dossier de l’avocat », sa raison d’être tient évidemment à ce que, dans notre système judiciaire contradictoire, l’avocat ne doit pas être gêné dans la préparation de la cause de son client par la possibilité que les documents qu’il prépare soient retirés de son dossier et déposés devant le tribunal d’une manière autre que celle qu’il envisage. Les documents qui aideraient à mettre à jour la vérité s’ils étaient présentés de la façon prévue par l’avocat qui en a dirigé la préparation pourraient fort bien servir à déformer la vérité au préjudice de son client s’ils étaient soumis par une partie aux intérêts opposés qui ne comprend pas ce qui a donné lieu à leur préparation. Si les avocats pouvaient fouiller dans les dossiers les uns des autres au moyen du processus de la communication préalable, la simple préparation des dossiers pour l’instruction se transformerait en une regrettable parodie de notre système actuel.

[96] Les références que fait la Cour suprême du Canada à la divulgation dans l’arrêt Blank ainsi qu’au processus contradictoire dans l’arrêt Lizotte confirment l’opinion de notre Cour que tout privilège relatif au litige prend naissance dans le contexte du litige pour fraude sous‑jacent, où prennent naissance des obligations en matière de divulgation. Dans le même ordre d’idées, dans l’arrêt Susan Hosiery, la manière dont la Cour explique l’objet de la « règle du dossier de l’avocat », y compris le risque de « déformer la vérité » et la mise en garde contre le fait de fouiller dans les dossiers les uns des autres au moyen du processus de la communication préalable, confirme de plus l’opinion de notre Cour que le litige auquel pourrait s’appliquer le privilège relatif au litige est le litige pour fraude et que l’on ne peut traiter de la revendication de ce privilège que dans le contexte de ce litige.

[97] Comme il a été relevé dans la décision Sakab n1 et plus tôt dans la présente décision, l’instance qui sous‑tend la demande présentée en vertu de l’article 38 est l’action pour fraude engagée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Le désaccord de Sakab fait abstraction des dispositions législatives et de la jurisprudence expliquant le contexte dans lequel s’inscrit le privilège relatif au litige.

[98] La Cour n’a pas compétence pour trancher la question de savoir si la convention de déclaration est assujettie au privilège relatif au litige. La Cour est d’avis que toute contestation concernant la revendication de ce privilège devrait être poursuivie devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

  1. Indépendamment de la question de savoir si la Cour est compétente pour régler la question du privilège relatif au litige et si la convention de déclaration est protégée par ce privilège, il n’appartient pas à la Cour d’en ordonner la production

[99] La Cour ne peut pas ordonner la production de la convention de déclaration à Sakab, que cette convention soit assujettie ou non au privilège relatif au litige.

[100] Comme la Cour l’a signalé dans la décision Sakab n1, notamment aux paragraphes 191, 196, 208 et 210, la question de savoir si certains renseignements ou documents doivent être produits ou fournis (p. ex., en réponse à des questions) dans l’instance sous‑jacente est régie par les Règles de procédure civile de l’Ontario. M. Al Jabri indique qu’il n’est pas encore tenu de divulguer les renseignements non caviardés que comporte la convention de déclaration dans le cadre du litige pour fraude.

[101] Dans le contexte de la présente demande présentée en vertu de l’article 38, il n’appartient aucunement à la Cour d’ordonner que l’on produise aux parties des documents destinés au litige sous‑jacent. Son rôle consiste à se prononcer sur la demande que le PGC a présentée en vertu de l’article 38, c’est‑à‑dire si les renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables que le PGC a relevés et caviardés devraient rester caviardés, en tout ou en partie, et être interdits de divulgation. Advenant que la Cour décide qu’il n’est pas nécessaire d’interdire de divulgation une partie ou la totalité des renseignements, elle n’ordonne pas ensuite que ces renseignements soient divulgués ou produits.

[102] Par exemple, dans la décision Sakab n1, au paragraphe 208, la Cour a décrété :

[TRADUCTION]

La décision relative à l’article 38 indiquera les renseignements qui ne peuvent pas être divulgués – pas les renseignements qui devraient être divulgués ou qui doivent l’être. Le reste des renseignements (c.‑à‑d., les renseignements non préjudiciables) peuvent être utilisés – ou non – dans le litige sous‑jacent. Le fait de se prononcer sur une demande présentée en vertu de l’article 38 n’a pas pour résultat que notre Cour ordonnera que certains renseignements soient produits ou divulgués. La divulgation ou la production des renseignements se ferait d’une manière conforme aux règles applicables. Par exemple, si les renseignements visés par une demande présentée en vertu de l’article 38 se trouvaient dans un dossier certifié du tribunal, qu’il serait ordonné de produire au demandeur dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, conformément aux Règles des Cours fédérales, il s’ensuit que les renseignements caviardés seraient fournis au décideur, qui serait alors tenu de fournir le document caviardé au demandeur, conformément à ces règles. Dans le même ordre d’idées, dans un autre litige civil, la production d’un document à une partie se ferait d’une manière conforme aux règles de procédure civile applicables.

[103] La Cour n’arrive pas à une conclusion différente dans la présente requête.

[104] La thèse de Sakab selon laquelle le fait de retirer la stratégie relative au litige de la convention de déclaration et de ne communiquer que les faits au PGC pour examen aurait [traduction] « réglé le problème » ne tient pas compte du fait que la Cour a rejeté cette option dans la décision Sakab n1 et a expliqué, au paragraphe 208, qu’elle ne joue aucun rôle dans le fait d’ordonner la production de la convention.

[105] La convention de déclaration de M. Al Jabri continue de faire obstacle au règlement de la demande présentée en vertu de l’article 38. Comme il a été signalé dans la décision Sakab n1, les circonstances actuelles sont peut-être inusitées. Quoi qu’il en soit, la convention de déclaration est visée par un avis relatif à l’article 38 de la LPC et il incombe à notre Cour de décider s’il convient ou non de confirmer l’interdiction de non‑divulgation des renseignements désignés par le PGC comme sensibles ou préjudiciables dans la convention de déclaration, ainsi que dans les autres documents en litige.

[106] Notre Cour se trouve dans une impasse et se demande si les défenderesses préfèrent prolonger le processus décisionnel afférent à la demande présentée en vertu de l’article 38. L’état de la convention de déclaration et les positions respectives des défenderesses ont créé une situation sans issue. La Cour ne peut pas se prononcer sur l’existence du privilège relatif au litige dans un document censément destiné à un litige devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Elle ne peut pas ordonner que l’on produise à Sakab la version caviardée de la convention de déclaration, que celle‑ci soit assujettie ou non au privilège relatif au litige, ni même si des passages pour lesquels Al‑Jabri revendique le privilège relatif au litige sont supprimés, parce que la production ou la divulgation des renseignements dans le cadre du litige pour fraude est régie par les Règles de procédure civile de l’Ontario. M. Al Jabri maintient qu’il n’est pas encore tenu de divulguer les renseignements que contient la convention de déclaration. Cependant, quand M. Al Jabri sera tenu de divulguer des renseignements inclus dans cette convention dans le cadre de l’action pour fraude, il lui sera interdit de divulguer les renseignements désignés par le PGC comme étant sensibles ou potentiellement préjudiciables, et ces renseignements demeureront interdits de divulgation jusqu’à ce que la Cour se prononce sur la demande présentée en vertu de l’article 38. Il est dans l’intérêt des parties défenderesses que la demande présentée en vertu de l’article 38 soit tranchée afin que leur litige puisse progresser. La Cour devrait donc se prononcer sur la demande présentée en vertu de l’article 38 d’une manière conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.

[107] La Cour a bon espoir qu’elle peut trancher équitablement la demande présentée en vertu de l’article 38 et elle fera état des étapes suivantes à l’occasion d’une conférence de gestion d’instance.

[108] En conclusion, la requête est rejetée. La Cour conclut qu’elle n’a pas compétence pour trancher la question de savoir si le privilège relatif au litige s’applique à la convention de déclaration dans le contexte de la demande présentée par le PGC en vertu de l’article 38. Elle conclut également que, même si elle était compétente et rendait une décision sur le privilège relatif au litige, cela ne donnerait pas lieu à la production à Sakab de la version caviardée de la convention de déclaration. Il n’appartient pas à la Cour d’ordonner la production de documents ou la divulgation de renseignements préparés pour le litige sous‑jacent; en l’espèce, cette production et cette divulgation sont régies par les Règles de procédure civile de l’Ontario.

[109] Aucuns dépens ne sont adjugés.


ORDONNANCE dans le dossier DES‑5‑22

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

DES‑5‑22

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c SAAD KHALID AL JABRI AND SAKAB SAUDI HOLDING COMPANY, ALPHA STAR AVIATION SERVICES COMPANY, ENMA AL ARED REAL ESTATE INVESTMENT AND DEVELOPMENT COMPANY, KAFA'AT BUSINESS SOLUTIONS COMPANY, SECURITY CONTROL COMPANY, ARMOUR SECURITY INDUSTRIAL MANUFACTURING COMPANY, SAUDI TECHNOLOGY & SECURITY COMPREHENSIVE CONTROL COMPANY, TECHNOLOGY CONTROL COMPANY, NEW DAWN CONTRACTING COMPANY et SKY PRIME INVESTMENT COMPANY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

ottawa

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 17 août 2023

mOTIFS DE L’ORDONNANCE :

la juge KANE

 

DATE DES MOTIFS :

le 6 octobre 2023

 

COMPARUTIONS :

Andre Seguin

Christine Arcari

 

pour le demandeur

 

Munaf Mohamed KC

Jonathan G. Bell

 

pour lES défenderesseS, SAKAB SAUDI HOLDING COMPANY ET AL.

 

Anil Kapoor

Sean Pierce

 

pour lE défendeUR, SAad al jabri

 

Sean Grassie (Représentant de Colin Baxter)

AMICUS CURIAE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

pour le demandeur

 

Bennett Jones LLP

Toronto (Ontario)

Abergel Goldstein & Partners LLP

Ottawa (Ontario)

 

pour lES défenderesseS, SAKAB SAUDI HOLDING COMPANY ET AL.

 

Adair Goldblatt Bieber LLP

Toronto (Ontario)

 

pour lE défendeUR, SAAD KHALID S AL JABRI

Kapoor Barristers

Toronto (Ontario)

 

 

Colin Baxter

Ottawa (Ontario)

 

AMICUS CURIAE

 

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