Date : 20230825
Dossier : IMM-181-22
Référence : 2023 CF 1150
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 25 août 2023
En présence de monsieur le juge Zinn
ENTRE : |
ANG DENDY SHERPA |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR], qui avait conclu que le demandeur, M. Sherpa, n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.
[2] M. Sherpa, qui est un citoyen népalais, a invoqué le risque d’être persécuté par les maoïstes Biplav au Népal. Cependant, la SPR et la SAR ont toutes deux conclu qu’il disposait d’une possibilité de refuge intérieur [la PRI] valable à Biratnagar, au Népal. En conséquence, M. Sherpa était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention (voir Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 [Rasaratnam] à la p 710).
[3] La décision de la SAR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]). Selon le paragraphe 85 de l’arrêt Vavilov, une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti »
.
[4] M. Sherpa soutient que la décision de la SAR confirmant l’existence d’une PRI dans son cas est déraisonnable parce que [traduction] « cette conclusion est clairement incompatible avec les documents relatifs au pays, les autres éléments de preuve présentés par le demandeur et la jurisprudence actuelle »
.
[5] Lorsqu’elle a examiné la conclusion tirée par la SPR concernant l’existence d’une PRI, la SAR devait être convaincue de ce qui suit : (1) selon la prépondérance des probabilités, le demandeur ne risquait pas sérieusement d’être persécuté dans la ville offrant la PRI et (2) il n’était pas déraisonnable pour le demandeur, compte tenu de toutes les circonstances, d’y chercher refuge (voir Rasaratnam, à la p 711).
[6] Pour ce qui est du premier volet du critère, une fois que l’existence d’une PRI est évoquée, il incombe au demandeur de prouver qu’il risque sérieusement d’être persécuté à cet endroit (voir Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 à la p 595).
[7] La SAR a conclu que « l’appelant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que ses agents de persécution ont les moyens et la motivation de le retrouver à Biratnagar, sans égard à son profil politique »
. Elle s’est exprimée plus précisément comme suit :
L’appelant n’a pas contesté les conclusions de la SPR concernant l’incapacité des maoïstes de le retrouver dans l’endroit désigné comme PRI en raison de la preuve insuffisante d’un réseau national interconnecté et efficace sur le plan opérationnel permettant aux différents groupes de collaborer et de retrouver l’appelant à Biratnagar.
[8] Dans l’exposé de ses arguments et lors de ses plaidoiries à l’audience, l’avocat du demandeur a souvent parlé de l’agent de persécution comme étant [traduction] « les maoïstes et la LJC »
[Ligue de la jeunesse communiste]; or, le dossier indique qu’il existe diverses factions de maoïstes et que seuls les maoïstes Biplav ont été identifiés comme des agents de persécution du demandeur, pas la LJC. Comme l’a souligné l’avocat du défendeur, il ressort du dossier que bon nombre des factions maoïstes disposent d’une aile jeunesse, ce qui ne semble toutefois pas le cas des maoïstes Biplav.
[9] Au moment d’apprécier le caractère raisonnable de la décision, il faut prendre soin de ne pas se fonder, comme le fait souvent le demandeur en l’espèce, sur une évaluation de toutes les menaces auxquelles le demandeur peut être exposé dans la ville offrant la PRI de la part d’organisations et de personnes dont les objectifs sont compatibles avec ceux d’entités autres que les maoïstes Biplav. Même si le dossier mentionne bel et bien, comme l’a souligné l’avocat du demandeur, que diverses organisations maoïstes ont souvent recours à l’extorsion pour financer leurs activités, un risque d’extorsion dans la ville offrant la PRI aux mains de quelqu’un d’autre que l’agent de persécution identifié n’est pas pertinent dans l’analyse de la PRI. Malgré un vibrant plaidoyer, l’avocat n’a pu cerner à l’intention de la Cour aucun élément de preuve dans le dossier certifié du tribunal qui prouve, ou même qui porte à croire, que les maoïstes Biplav sont actifs dans la ville offrant la PRI ou qu’ils disposent d’un réseau qui leur permettrait d’y retrouver le demandeur. La conclusion tirée par la SAR, soit que le demandeur n’avait pas établi une possibilité sérieuse de persécution dans la ville offrant la PRI de la part de l’agent de persécution, était donc justifiée eu égard à la preuve dont la SAR disposait.
[10] Les parties n’ont pas attaqué le caractère raisonnable de la conclusion de la SAR concernant le deuxième volet du critère relatif à la PRI. Ce critère comporte un seuil très élevé (voir Ohwofasa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 266 au para 20).
[11] La SAR a donc jugé avec raison que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait pour contester la conclusion relative à la PRI et qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de chercher refuge à Biratnagar.
[12] Pour ces motifs, la Cour n’est pas convaincue que la décision faisant l’objet du contrôle est déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[13] Aucune question à certifier n’a été proposée.
JUGEMENT dans le dossier IMM-181-22
LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :
La présente demande est rejetée et aucune question n’est certifiée.
« Russel W. Zinn »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-181-22 |
INTITULÉ :
|
ANG DENDY SHERPA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
TORONTO (ONTARIO)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 23 AOÛT 2023
|
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE ZINN
|
DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
|
LE 25 AOÛT 2023
|
COMPARUTIONS :
Atul Subedi |
POUR LE DEMANDEUR |
John Loncar |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Cabinet Atul Subedi Avocats Toronto (Ontario) |
POUR LE DEMANDEUR |
Procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |