Date : 20230704
Dossier : T-245-22
Référence : 2023 CF 922
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 4 juillet 2023
En présence de monsieur le juge Lafrenière
ENTRE :
|
Dr SATYAM PATEL
|
demandeur
|
et
|
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
|
défendeur
|
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] Le demandeur, le Dr Satyam Patel [le demandeur], est un chirurgien orthopédiste de Regina, en Saskatchewan. Il demande le contrôle judiciaire, en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, de deux décisions rendues le 10 janvier 2022 [les décisions] par lesquelles M. Marc Giroux, le directeur exécutif intérimaire [le directeur exécutif] du Conseil canadien de la magistrature [le CCM], a écarté deux plaintes distinctes qu’il avait déposées au CCM le 29 septembre 2021 contre le juge Michael D. Tochor et la juge Megan McCreary [les plaintes].
[2] Lorsque le demandeur a déposé les plaintes, les juges visés étaient membres de la Cour du Banc de la Reine (maintenant la Cour du Banc du Roi) de la Saskatchewan. Par souci de simplicité, j’utilise l’abréviation « CBRS »
pour désigner cette cour dans les présents motifs. La juge McCreary est maintenant juge à la Cour d’appel de la Saskatchewan [la CASK].
[3] Dans ses plaintes, le demandeur exprime sa préoccupation concernant le fait qu’avant d’être nommés juges en 2018, le juge Tochor et la juge McCreary travaillaient chez MLT Aikins LLP [MLT Aikins], un cabinet d’avocats qui représentait la Saskatchewan Health Authority [la SHA] dans des instances disciplinaires le concernant. En résumé, le demandeur fait valoir que les deux juges ont présidé les mêmes affaires ou des affaires connexes concernant les mêmes parties ou des parties connexes, [traduction] « en contravention d’une règle très claire des Principes de déontologie judiciaire du Conseil canadien de la magistrature, qui interdit aux juges de présider des affaires dans lesquelles leur ancien cabinet agissait à quelque titre que ce soit »
.
[4] Dans des lettres de décision distinctes, le directeur exécutif a conclu que les plaintes ne justifiaient pas un examen, car elles ne portaient pas sur la conduite des juges, mais bien sur des questions se rapportant au processus décisionnel judiciaire et à l’exercice du pouvoir discrétionnaire judiciaire.
[5] Le demandeur conteste les décisions et soutient que le CCM et son directeur exécutif [traduction] « a) ont refusé d’exercer leur compétence à l’égard de la conduite de la juge McCreary et du juge Tochor; b) n’ont pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’ils étaient légalement tenus de respecter; c) ont rendu une décision entachée d’une erreur de droit; d) ont rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, à savoir que les plaintes ne portaient pas sur la conduite des juges, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont ils disposaient; ou f) ont décidé de rejeter la plainte sans motifs transparents, intelligibles et justifiés, ce qui est contraire au droit administratif applicable »
.
[6] Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que le directeur exécutif n’a pas commis d’erreur en jugeant que les questions visées par les plaintes du demandeur concernaient des décisions judiciaires et ne justifiaient pas la tenue d’un examen. Il incombait au demandeur de convaincre la Cour que les décisions faisant l’objet du contrôle sont déraisonnables, et je ne suis pas convaincu que le demandeur s’est acquitté de ce fardeau. Les demandes sont par conséquent rejetées et des dépens sont adjugés au défendeur.
II. Remarques préliminaires
[7] Avant d’aller plus loin, je tiens à traiter d’une question de nature administrative.
[8] Bien que les présentes demandes n’aient pas été officiellement réunies, le demandeur a choisi de produire un dossier conjoint et les deux demandes ont été instruites ensemble. Comme de nombreux faits à l’origine des plaintes que le demandeur a déposées au CCM sont les mêmes ou sont étroitement liés, et comme les arguments avancés par les parties à l’audience étaient essentiellement les mêmes dans les deux cas, je ne rends qu’un seul exposé des motifs; l’original sera versé dans le dossier T-245-22 et une copie sera versée dans le dossier T-246-22.
III. Contexte
[9] Les documents que le demandeur a présentés à l’appui de ses plaintes au CCM sont extrêmement volumineux et sont échelonnés sur une longue période. Pour mettre les plaintes en contexte, je présente ci-dessous un bref exposé des événements qui se sont déroulés sur une période de cinq ans et qui ont mené au dépôt des plaintes en septembre 2021. Les faits proviennent des dossiers dont disposait le directeur exécutif lorsque celui-ci a rendu les décisions.
[10] Le Dr Patel fait partie du personnel médical de ce qui était auparavant connu sous le nom de la Regina Qu’Appelle Regional Health Authority [la RQRHA]. La RQRHA et onze autres régies de la santé, y compris la Sun Country Regional Health Authority et la Saskatoon Health Region, ont été intégrées à la SHA en 2017.
[11] Le 11 juin 2016, un médecin-chef de la RQRHA a suspendu, en application de l’article 86 du règlement intitulé The Regina Qu’Appelle Regional Health Authority Practitioner Staff Bylaws (2009) [le Règlement], les privilèges en chirurgie que détenait le demandeur, exerçant le pouvoir d’urgence au motif qu’il existait des préoccupations urgentes concernant la sécurité des patients.
[12] Le 7 juillet 2016, après la tenue d’une audience, le conseil de la RQRHA [le conseil] a confirmé la suspension du demandeur et a renvoyé l’affaire à un comité de discipline afin que celui-ci tienne une audience. Le demandeur a été informé de la décision du conseil par un courriel en provenance de Mme Eileen Libby, c.r., une associée du cabinet MLT Aikins.
[13] Une semaine plus tard, le demandeur a déposé un avis d’appel de la décision du conseil auprès du Practitioners Staff Appeals Tribunal [le PSAT]. Au lieu de faire avancer son appel devant le PSAT, le demandeur a choisi la tenue d’une audience devant le comité de discipline de cinq personnes constitué aux termes de l’article 76 du Règlement [le comité de discipline], qui a commencé le 24 novembre 2016.
[14] En juillet 2017, après 24 jours d’audience devant le comité de discipline, mais avant la conclusion de ces procédures, le demandeur a introduit une demande de contrôle judiciaire devant la CBRS sollicitant différentes ordonnances, y compris une ordonnance annulant la décision du conseil de confirmer la suspension, par le médecin-chef, des privilèges en chirurgie qu’il détenait et une ordonnance accordant un arrêt des procédures devant le comité de discipline.
[15] En réponse à la demande présentée par le demandeur, le médecin-chef a sollicité une ordonnance visant à rejeter la demande introductive d’instance en totalité, pour abus de procédure. Le conseil a participé à l’audience en appui à la requête du médecin‑chef, là encore représenté par Mme Libby.
[16] Le 18 décembre 2017, la juge Jennifer Pritchard de la CBRS a rejeté la demande de contrôle judiciaire du demandeur au motif que celle-ci était prématurée (Patel v Carson, 2017 SKQB 377). Elle a conclu que le vaste cadre réglementaire en place pour régler le type de litige en cause constituait un autre recours adéquat et qu’il n’y avait aucune autre circonstance extraordinaire justifiant un contrôle judiciaire.
[17] Le demandeur a interjeté appel de cette décision devant la CASK le 18 décembre 2017. L’appel a été rejeté (Patel v Carson, 2018 SKCA 98). Le demandeur a présenté une demande d’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada. Cette demande a elle aussi été rejetée (Patel c Carson, 2019 CanLII 55708 (CSC)).
[18] Alors que la CASK était saisie de l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre de la décision de la juge Pritchard, les procédures devant le comité de discipline se poursuivaient. Conformément à son mandat, le comité de discipline a formulé une recommandation au comité d’audition des praticiens du conseil [le comité d’audition] de la SHA. La majorité des membres du comité de discipline ont recommandé le maintien de la suspension des privilèges en chirurgie que détenait le demandeur, à la condition qu’il puisse présenter une nouvelle demande en vue de voir ses droits restitués après une période de formation supervisée.
[19] Le 15 juin 2018, le comité d’audition a rendu une décision écrite dans laquelle il acceptait les recommandations formulées par la majorité du comité de discipline.
[20] Le demandeur a interjeté appel de la décision du comité d’audition du 15 juin 2018 devant le Practitioners Staff Appeals Tribunal [le PSAT].
A. Procédures devant le PSAT
[21] Conformément aux dispositions du règlement intitulé The Practitioner Staff Appeals Regulations, RRS, c R-8.2 Reg 5, un comité de trois personnes a été nommé pour entendre l’appel du demandeur [le comité]. L’audience en appel devant le comité a commencé le 18 septembre 2018.
[22] Le 9 octobre 2020, le comité a délivré une sommation à un ancien patient du demandeur lui enjoignant de se présenter devant le comité et de communiquer certains documents au demandeur se rapportant aux procédures devant le PSAT. Dans les présents motifs, le patient est désigné par ses initiales (C.L.) pour protéger sa vie privée.
[23] C.L. a obtenu un sursis de la sommation devant le PSAT et a présenté une demande d’annulation de la sommation à la CBRS. Le demandeur a par la suite déposé une demande d’exécution de la sommation auprès de la CBRS.
[24] La SHA a présenté une demande en vue d’obtenir la qualité pour agir relativement à l’audience sur la demande d’exécution de la sommation présentée par le demandeur.
B. Procédures devant la CBRS
[25] Le 19 novembre 2020, les parties ont comparu devant la juge McCreary. Ce jour-là, la juge McCreary a rendu une décision accordant à la SHA la qualité pour agir, lui permettant ainsi de comparaître et de présenter des observations [la décision accordant la qualité pour agir].
[26] Le demandeur soutient qu’avant l’audience, à savoir le 18 novembre 2020, la juge McCreary et le juge Tochor se sont rencontrés en privé pour discuter de questions le concernant.
[27] Le 30 novembre 2020, la juge McCreary a rejeté la demande d’exécution de la sommation présentée par le demandeur [la décision relative à la sommation]. Elle a conclu que la demande présentée par le demandeur n’était pas recevable, car ce dernier n’avait pas la qualité pour agir, que la sommation ne pouvait pas faire l’objet d’une mesure d’exécution pendant qu’elle faisait l’objet d’un sursis, et que la demande équivalait à une demande de contrôle judiciaire d’une décision provisoire. Au paragraphe 19 de ses motifs, la juge McCreary a ajouté ceci :
[traduction]
[19] […] j’estime que la présente demande du Dr Patel est totalement et manifestement dénuée de fondement. Je suis consciente que le Dr Patel agit pour son propre compte et qu’il connaît peu les complexités du droit administratif. Il n’en demeure pas moins que sa demande se rapproche d’un litige frivole ou vexatoire et en constitue peut-être même un. Comme je l’ai indiqué, la demande n’est pas fondée, mais même si elle l’était, la Cour doit trancher la question de la validité de la sommation dans le cadre d’une autre instance; une demande à cet effet a d’ailleurs été déposée avant la demande du Dr Patel. Dans ce contexte, la demande du Dr Patel était absolument inutile et a entraîné des dépenses injustifiées pour toutes les parties.
[28] La juge McCreary a ordonné au demandeur de payer 5 000 $ à C.L.
C. Procédures devant la CASK
[29] Le demandeur a interjeté appel de cinq décisions de la CBRS devant la CASK, y compris la décision relative à la sommation et la décision accordant la qualité pour agir. En appel, le demandeur a fait valoir que la juge McCreary avait commis des erreurs, y compris en accordant la qualité pour agir à la SHA malgré le fait que C.L. avait déjà été représenté par l’avocat actuel de la SHA dans une action individuelle contre le demandeur. Il a aussi soutenu que la juge McCreary ne devrait pas entendre l’affaire, car avant d’être nommée juge, elle pratiquait le droit dans un cabinet qui avait représenté la SHA. Le demandeur cherchait à obtenir diverses mesures de redressement, y compris une ordonnance confirmant la sommation, une ordonnance empêchant la juge McCreary d’entendre les affaires le concernant et la désignation d’un juge de l’extérieur de la province pour entendre toutes les affaires le concernant.
[30] Dans le cadre de son appel de la décision du 30 novembre 2020, le demandeur a aussi demandé la récusation du juge Tochor dans une action civile que le demandeur avait intentée contre M. Evert Van Olst, avocat-conseil de la SHA et dans une action civile que le demandeur avait intentée contre M. Reginald Watson, qui travaille pour Miller Thomson LLP, et contre Miller Thomson LLP. Il convient de souligner qu’aucune des décisions faisant l’objet d’un appel devant la CASK n’avait été rendue par le juge Tochor.
[31] Le 29 octobre 2021, des suites de la présentation d’une demande par la SHA, la CASK a ordonné que le demandeur soit considéré comme un plaideur quérulent (Saskatchewan Health Authority v Patel, 2021 SKCA 140). La Cour a formulé la remarque suivante au paragraphe 117 : [traduction] « Il était non seulement tout à fait évident que le Dr Patel n’avait pas établi un fondement factuel pour quelque mesure de redressement que ce soit, mais il était tout aussi évident qu’il n’existait aucun fondement juridique permettant d’accorder ces mesures de redressement (visant le juge Tochor) dans le contexte de l’appel dans lequel ces mesures étaient demandées. »
[32] Le 31 août 2021, la CASK a rejeté deux des appels, en a accueilli un en partie, en ce qui concerne une ordonnance d’adjudication des dépens à l’encontre d’un avocat, et a annulé l’appel de la décision relative à la sommation et l’appel de la décision accordant la qualité pour agir, en raison de leur caractère théorique : Saskatchewan Health Authority v Patel, 2021 SKCA 140.
[33] La Cour a déclaré ce qui suit lorsqu’elle a rejeté les deux appels en raison de leur caractère théorique :
[traduction]
[184] Le Dr Patel demande une ordonnance infirmant la décision relative à la sommation et, subsidiairement, il demande que l’affaire soit entendue à nouveau, mais devant un autre juge. Cependant, il n’en demeure pas moins que la sommation ne peut plus être exécutée, car elle fait l’objet d’un sursis et le comité qui a délivré la sommation s’est récusé. Par conséquent, une nouvelle audience sera nécessaire. À l’heure actuelle, il est impossible de convoquer C.L. à une quelconque audience, d’une part, parce que le comité n’existe plus, et d’autre part, parce ce que l’audience et l’ordonnance de sommation sont nulles. La question est théorique, car le fondement des questions juridiques dont nous sommes saisis a disparu et il n’y a plus de litige à trancher.
[185] Cette même conclusion s’applique à la décision accordant la qualité pour agir. Le litige sous-jacent – l’exécution de la sommation – a disparu et la question de savoir si la SHA devrait être ajoutée comme partie est, par conséquent, théorique.
[186] Quant à la question de savoir si la Cour devrait tout de même entendre ces affaires, à notre avis, comme nous l’avons indiqué, il n’existe plus de litige entre les parties sur l’une ou l’autre de ces deux questions. Dès qu’il a été sursis à la sommation, après quoi le comité s’est récusé, toute question concernant l’exécution de la sommation est devenue théorique, tout comme la question de savoir si la SHA était réellement une partie à la Cour du Banc de la Reine. Dans ces circonstances, l’instruction de ces affaires en appel constituerait là encore un gaspillage de ressources judiciaires, car elle ne permettrait d’obtenir aucune réparation concrète. Pour dire les choses simplement, aucun des facteurs énoncés ci-dessus ne milite en faveur de l’instruction de ces deux appels. Par conséquent, les appels doivent être annulés pour ce motif.
[34] Dans une note de bas de page insérée dans cette conclusion sur le caractère théorique, la CASK a reconnu que le demandeur avait également interjeté appel des dépens adjugés dans la décision relative à la sommation. La Cour a conclu qu’il n’y avait aucun motif d’intervenir ou d’annuler l’octroi de dépens. Elle s’est exprimée en ces termes au paragraphe 190 :
[traduction]
[…] nous ne voyons aucune erreur de principe ni aucune interprétation erronée importante des affaires de la part de la juge de première instance qui nous permettrait d’intervenir dans l’adjudication des dépens dans le cadre de la décision relative à la sommation. Comme nous l’avons déjà souligné, les juges de la Cour du Banc de la Reine disposent d’un vaste pouvoir discrétionnaire d’ordonner l’adjudication de dépens. Les alinéas 11-1(4)g) et i) des Règles prévoient, très clairement, que dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, les juges de première instance peuvent prendre en considération « la conduite d’une partie tendant à abréger la durée de l’instance ou à la prolonger inutilement » et « toute étape irrégulière, vexatoire ou inutile entreprise au cours de l’instance ». Après avoir lu les motifs de la juge de première instance et dûment examiné le dossier, nous ne sommes pas convaincus que la juge a outrepassé son pouvoir en adjugeant les dépens.
[35] Le défendeur soutient que le demandeur a par la suite présenté une demande d’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada, laquelle a été rejetée : Satyam Patel c Saskatchewan Health Authority, et al., (24 février 2022) 39896 (CSC).
D. Actions civiles intentées par le demandeur
[36] Le demandeur a intenté deux actions civiles distinctes devant la CBRS.
[37] La première était contre le Dr Robert McMurtry, le médecin qui a formulé une opinion à la SHA concernant les soins médicaux que le demandeur avait fournis à certains patients. Le demandeur soutenait que le Dr McMurtry devait lui verser des dommages-intérêts pour des motifs de négligence, de déclaration inexacte faite par négligence, de diffamation et d’atteinte fautive à des relations économiques. Le demandeur a ultérieurement modifié sa déclaration pour y ajouter la Western Medical Assessment Corp [la WMAC] : Satyam Patel v Robert McMurtry and Western Medical Assessment Corp, (24 mars 2021) Regina, QBG 240/2020 (Sask QB).
[38] La WMAC a déposé une requête en vue d’obtenir une ordonnance visant à radier la déclaration du demandeur et à obtenir un jugement sommaire, qui devait être présentée le 1er avril 2021. Le juge Tochor devait entendre une affaire civile ce jour-là et a demandé d’organiser une téléconférence pour discuter de quelques questions de gestion avec les parties avant l’audience, y compris de la nécessité de prévoir la tenue de l’audience à une date en particulier, au lieu d’entendre l’affaire conjointement avec les autres affaires courantes. La date de la téléconférence a été fixée au 24 mars 2021.
[39] Avant la téléconférence, le juge Tochor a appris que le demandeur avait indiqué plus tôt au registraire local qu’il envisageait de présenter une requête en vue de demander au juge Tochor de se récuser. Le juge Tochor comprenait que les préoccupations du demandeur à cet égard découlaient du fait qu’il avait travaillé pour MLT Aikins avant d’être nommé juge. Le juge Tochor avait l’intention de traiter de cette question lors de la téléconférence.
[40] Cependant, tard le 23 mars 2021, le demandeur a déposé une lettre au registraire dans laquelle il soulevait une autre question : il laissait entendre que les défendeurs étaient à la recherche d’un juge accommodant, car ils avaient communiqué avec le registraire local à son insu et sans sa participation avant le dépôt de la requête, qui devait être présentée le 1er avril 2021.
[41] Pendant la téléconférence du 24 mars 2021, l’avocat du défendeur a indiqué que les questions de conflit d’intérêts ou de recherche d’un juge accommodant n’étaient pas fondées. Cependant, pour des motifs de commodité et pour éviter de retarder l’affaire davantage afin d’entendre la requête en récusation, l’avocat a indiqué au juge Tochor qu’un autre juge devrait entendre la requête en radiation.
[42] Le juge Tochor a accepté de demander au registraire de fixer l’audition de la requête en radiation devant un autre juge, à une autre date. Le juge Tochor s’est dit réticent à accepter de le faire, car cela pouvait donner lieu à une interprétation selon laquelle il reconnaissait le bien-fondé de la requête en récusation. Cependant, il a ajourné l’affaire et a souligné, d’une part, la nécessité de tenir compte des intérêts des parties au litige et de les respecter, et d’autre part, le fait qu’il faudrait peut-être attendre des semaines avant que la requête en récusation soit examinée et tranchée.
[43] La deuxième action visait M. Evert Van Olst, avocat-conseil de la SHA : Satyam Patel v Evert Van Olst, Regina, (7 avril 2021) QBG 3187/2019 (Sask QB). Le demandeur a soulevé la question de la récusation du juge Tochor pour les mêmes motifs que ceux invoqués dans son action civile contre le Dr McMurtry et la WMAC.
[44] Le juge Tochor a entendu la requête en récusation du demandeur lors d’une séance spéciale le 6 mai 2021. Lorsque le demandeur a déposé sa plainte contre le juge Tochor au CCM, la décision était en délibéré.
IV. Précisions au sujet des plaintes
[45] Dans les lettres de plainte qu’il a adressées au CCM, le demandeur précise que le [traduction] « fondement »
de ses plaintes contre le juge Tochor et la juge McCreary réside dans des allégations selon lesquelles les deux juges contreviennent à une règle très claire des Principes de déontologie judiciaire [Principes de déontologie] du CCM, qui interdit aux juges de présider des affaires dans lesquelles leur ancien cabinet agissait à quelque titre que ce soit.
[46] Le demandeur soutient que la juge McCreary et le juge Tochor étaient des associés du cabinet MLT Aikins lorsque celui-ci représentait la SHA dans des procédures contre lui, et qu’il a [traduction] « tout tenté pour résoudre ces questions dans le cadre du processus judiciaire »
. Selon le demandeur, la possibilité d’un [traduction] « camouflage »
le préoccupe plus que la possibilité d’un [traduction] « acte criminel »
. Il soutient que la conversation que le juge Tochor et la juge McCreary ont eue la veille de l’audition de sa demande d’exécution de la sommation portant sur C.L. [TRADUCTION] « soulève des craintes de collusion et une crainte raisonnable de partialité, compte tenu des commentaires que ces juges ont formulés de vive voix et par écrit et du fait qu’ils ont déjà exercé le droit ensemble et ont déjà représenté la Saskatchewan
Health Authority
».
A. Allégations à l’égard du juge Tochor
[47] Les allégations à l’égard du juge Tochor sont les suivantes :
a)Il aurait commis des actes contraires aux Principes de déontologie, qui interdisent aux juges de présider des affaires dans lesquelles leur ancien cabinet agissait à quelque titre que ce soit avant qu’ils ne soient sommés juges;
b)Il aurait contrevenu aux Principes de déontologie à maintes reprises, car il a présidé une affaire dont les actions sous-jacentes concernaient une personne avec qui un juge du Banc de la Reine était marié et l’oncle d’un juge du Banc de la Reine;
c)Il serait coupable d’une inconduite, aurait manqué aux devoirs de sa charge de juge et se serait placé en situation d’incompatibilité avec les devoirs de sa charge de juge;
d)Il aurait omis de communiquer de façon proactive son propre conflit d’intérêts potentiel;
e)Il aurait incité les avocats de la partie adverse à chercher un juge accommodant par l’entremise du registraire dans de nombreux dossiers et leur aurait permis de le faire;
f)Il aurait pris en délibéré la décision sur la requête en récusation qui le visait le 6 mai 2021;
g)Il aurait fait fi de la jurisprudence concernant la communication de transcriptions dans les requêtes en récusation;
h)Il aurait peut-être reçu de la correspondance d’avocats agissant dans d’autres dossiers lui demandant la permission d’observer une audience relative à l’action civile que le demandeur avait intentée contre M. Van Olst et et à celle que le demandeur avait intentée contre M. Watson.
[48] Dans sa plainte, le demandeur soutient ceci : [traduction] « aux yeux d’un observateur raisonnable, objectif et bien renseigné, il serait manifeste et évident, selon les renseignements qui précèdent, que la possibilité que M. Van Olst [avocat-conseil de la SHA] et M. Tochor (qui n’était pas encore juge à l’époque) soient considérés comme des collègues est très élevée. »
.
B. Allégations à l’égard de la juge McCreary
[49] Les allégations à l’égard de la juge McCreary sont les suivantes :
a)Sa participation aux procédures concernant la sommation devant la CBRS contreviendrait aux Principes de déontologie;
b)Elle aurait pratiqué le droit en matière de soins de santé chez MLT Aikins pendant qu’un de ses collègues représentait la RQRHA dans les procédures contre le demandeur;
c)Elle aurait omis d’exposer les motifs de l’ordonnance accordant la qualité pour agir à la SHA;
d)Elle aurait omis de prendre connaissance de certains arguments concernant la demande de qualité pour agir présentée par la SHA;
e)Elle aurait qualifié l’action du demandeur de vexatoire et frivole sans exposer de motifs ni faire un examen en bonne et due forme;
f)Elle aurait fait fi de son obligation de trancher la question dont elle était saisie en fonction des faits qui lui ont été présentés;
g)Elle aurait porté atteinte aux droits du demandeur en discutant avec le juge Tochor;
h)Elle se serait conduite d’une façon qui aurait soulevé des craintes de collusion, une crainte raisonnable de partialité et des doutes quant à un éventuel camouflage;
i)Elle aurait dû divulguer qu’elle était en situation de conflit d’intérêts du fait qu’elle avait déjà travaillé chez MLT Aikins.
V. Mandat du CCM
[50] Le paragraphe 60(1) de la Loi sur les juges, LRC 1985, c J-1 [la Loi sur les juges], prévoit que « [l]e Conseil a pour mission d’améliorer le fonctionnement des juridictions supérieures, ainsi que la qualité de leurs services judiciaires, et de favoriser l’uniformité dans l’administration de la justice devant ces tribunaux ».
[51] Pour réaliser ces objectifs, le CCM a le pouvoir de mener des enquêtes sur des plaintes ou des allégations concernant des juges d’une juridiction supérieure, conformément à l’article 63 de la Loi sur les juges. Le paragraphe 63(2) de cette loi prévoit que le CCM « peut enquêter sur toute plainte ou accusation relative à un juge d’une juridiction supérieure ». Le CCM peut constituer un comité d’enquête pour mener une enquête sur des allégations d’inconduite judiciaire (Loi sur les juges, art 63(3)). Le comité d’enquête a tous les pouvoirs d’une cour de juridiction supérieure, y compris celui de contraindre quiconque à comparaître et à déposer devant lui (Loi sur les juges, art 63(4)).
[52] L’alinéa 61(3)c) de la Loi sur les juges prévoit que le CCM peut, par règlement administratif, régir la procédure relative aux enquêtes visées à l’article 63 de cette loi. Le CCM a pris le Règlement administratif du Conseil canadien de la magistrature sur les enquêtes (2015) [le Règlement administratif du CCM] et a établi une politique définissant les procédures d’examen de plaintes ou d’allégations au sujet de juges de nomination fédérale, à savoir les Procédures du Conseil canadien de la magistrature pour l’examen de plaintes ou d’allégations au sujet de juges de nomination fédérale, qui sont entrées en vigueur le 29 juillet 2015 [les Procédures d’examen]. Le Règlement administratif du CCM et les Procédures d’examen établissent un processus en plusieurs étapes pour mener des enquêtes sur les plaintes portées contre les juges et trancher ces dernières.
[53] À la réception d’une plainte concernant un juge, le directeur exécutif du CCM doit l’examiner et déterminer si la question justifie un examen plus poussé compte tenu des critères de sélection énoncés à l’article 5 des Procédures d’examen, dont voici le libellé :
|
|
[54] Si la question justifie un examen plus poussé, le directeur exécutif doit renvoyer la question au président ou au vice‑président du comité sur la conduite des juges aux fins d’examen (Procédures d’examen, art 4.3). Si le directeur exécutif détermine que la question ne justifie pas un examen plus poussé, le plaignant en est informé et la question n’est pas examinée.
VI. Décisions faisant l’objet du contrôle
[55] Comme je l’ai déjà mentionné, le 10 janvier 2022, le directeur exécutif a rejeté les plaintes après les avoir examinées conformément aux Procédures d’examen et aux Principes de déontologie du CCM qui étaient alors en vigueur. Le directeur exécutif a conclu que les deux plaintes ne justifiaient pas un examen de la part du CCM, car elles ne portaient pas sur la conduite des juges.
[56] La principale partie des décisions du directeur exécutif est la même dans les deux lettres de décision :
[traduction]
Il importe de comprendre que le Conseil n’a pas de rôle de supervision relativement aux décisions ou aux jugements que rendent les juges. Autrement dit, le rôle du Conseil n’est pas d’examiner les questions liées à la prise de décisions judiciaires ou à l’exercice du pouvoir judiciaire discrétionnaire. Le Conseil n’est ni un tribunal ni un organe d’appel. Il n’a pas le pouvoir d’intervenir dans une instance judiciaire ou de contrôler la décision du juge. Il importe aussi de comprendre que pour prendre leur décision, les juges exercent leur pouvoir de prendre des décisions judiciaires, y compris celles se rapportant à la procédure, à l’appréciation de la preuve, à l’application de la loi, au contrôle de l’audience et au contrôle des procédures. De telles fonctions relèvent de l’exercice du pouvoir discrétionnaire judiciaire et ne sont pas des questions liées à la conduite des juges. La partie qui est en désaccord avec la décision d’un juge doit porter l’affaire devant une cour d’appel.
En ce qui concerne le conflit d’intérêts, il faut souligner que l’impartialité est la qualité fondamentale des juges et l’attribut central de la fonction judiciaire. Elle est la clé de notre processus judiciaire et son existence doit être présumée. Cette présomption d’impartialité a une importance considérable. Dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, les juges sont présumés, sauf preuve du contraire, avoir agi de bonne foi et avoir examiné adéquatement les questions dont ils étaient saisis.
S’il peut exister un conflit d’intérêts, la question doit être examinée par un juge, qui déterminera si la récusation est appropriée. Selon les Principes de déontologie judiciaire du Conseil, trois principaux facteurs entrent en jeu. « Premièrement, le juge ne doit pas entendre d’affaires dans lesquelles il se trouve réellement en situation de conflit d’intérêts – par exemple, parce qu’il a obtenu des renseignements confidentiels reliés au litige avant d’être nommé juge. Deuxièmement, il faut éviter les situations où une personne raisonnable, impartiale et bien informée éprouverait une suspicion raisonnée que le juge n’est pas impartial. Troisièmement, le juge ne doit pas se récuser inutilement, afin de ne pas alourdir la charge de ses collègues et retarder le fonctionnement des tribunaux ». Quoi qu’il en soit, la question doit être soulevée devant un tribunal, comme vous avez indiqué l’avoir fait, et ne relève pas du mandat du Conseil.
Les Procédures du Conseil canadien de la magistrature pour l’examen de plaintes ou d’allégations au sujet de juges de nomination fédérale prévoient un processus d’examen préalable des plaintes qui relève de ma responsabilité. Après avoir examiné votre plainte, j’estime qu’elle ne justifie pas un examen de la part du Conseil, car elle ne porte pas sur la conduite des juges.
VII. Questions en litige
[57] Le demandeur formule en ces termes les questions à trancher en l’espèce :
a. Le défaut du CCM de mener une enquête sur des manquements objectifs et incontestables à ses propres principes de déontologie en qualifiant artificiellement la question de l’impartialité judiciaire de décision au lieu de conduite inappropriée;
b. Il existe un précédent clairement établi en matière de récusation dans un contexte où le juge avait des connaissances antérieures ou des connaissances de sources extérieures, ou dans un contexte où son ancien cabinet avait agi à quelque titre que ce soit dans le litige, notamment la récusation du juge Leurer dans une situation presque identique;
c. Les décisions du CCM concernant les plaintes contre le juge Tochor et la juge McCreary ne sont pas transparentes, intelligibles, ni justifiables, comme l’exige la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov relativement aux décisions rendues par des décideurs administratifs;
d. La requête reposait sur l’attente légitime que le CCM examine valablement la question de l’impartialité judiciaire, ce qu’il n’a pas fait tant du point de vue du fond et que de celui de la forme. Ces décisions minent l’objet de la loi habilitante et des documents de politique du CCM, ce qui a pour effet de compromettre l’apparence d’impartialité des juges canadiens;
e. Le défaut du CCM de produire un dossier des procédures utile nuit au contrôle judiciaire et devrait mener à une conclusion défavorable.
[58] Les éléments ci-dessus se rapprochent plus d’une liste d’arguments que d’une liste de questions à trancher. Quoi qu’il en soit, ils se résument tous au même argument, à savoir que les décisions sont déraisonnables.
[59] Il importe de garder à l’esprit qu’au stade du contrôle judiciaire, le rôle de la Cour n’est pas de statuer sur le bien‑fondé des plaintes que le demandeur a formulées au CCM contre le juge Tochor et la juge McCreary, mais bien de déterminer si la décision du directeur exécutif, selon laquelle les plaintes ne justifient pas un examen de la part du CCM, car elles ne portent pas sur la conduite des juges, est raisonnable : Cosentino c Canada (Procureur général), 2020 CF 884 au para 31; Turner-Lienaux c Canada (Procureur général), 2021 CF 1483 [Turner‑Lienaux] au para 12. Il s’agit de la question déterminante dans la présente instance.
VIII. Analyse
A. Norme de contrôle
[60] La Cour et la Cour d’appel fédérale ont confirmé que les décisions que rend le directeur exécutif en s’acquittant de la fonction d’examen préalable du CCM doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable : Girouard c Canada (Procureur général), 2020 CAF 129 au para 38; Lim c Canada (Procureur général), 2022 CF 140 au para 12; Lochner c Canada (Procureur général), 2021 CF 692 [Lochner], au para 79; Turner-Lienaux au para 4.
[61] Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 85. Elle doit reposer sur un raisonnement à la fois rationnel et logique : Vavilov, au para 102.
[62] Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour ne doit pas trancher à nouveau la question, faire sa propre appréciation de la preuve ou se demander comment elle aurait elle-même décidé de l’affaire : Vavilov, aux para 75, 125 et 288‑291. La Cour doit plutôt examiner la décision rendue par le décideur administratif et les motifs exposés par ce dernier, chercher à comprendre le raisonnement qui sous-tend la décision et déterminer si celle-ci possède, dans son ensemble, les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov, aux para 15, 83-86 et 94-100.
B. Caractère raisonnable des décisions
[63] Le demandeur soutient que le directeur exécutif a commis une erreur en jugeant que les plaintes ne soulevaient pas de questions liées à la conduite des juges. Il soutient que, au contraire, les plaintes portent clairement sur la conduite des juges.
[64] Les observations du demandeur reprennent essentiellement les arguments qu’il a présentés au directeur exécutif. Il soutient principalement que les juges sont tenus, d’une part, de communiquer de façon proactive leurs conflits d’intérêts, et d’autre part, de ne pas trancher des affaires dans lesquelles leur ancien cabinet agissait à quelque titre que ce soit avant qu’ils ne soient nommés juges. Il fait valoir qu’il s’agit d’une attente de base codifiée objectivement dans les Principes de déontologie, mais qui n’a pas été respectée en l’espèce.
[65] Le demandeur soutient que la différence entre la conduite, qui relève du CCM, et une décision, qui ne relèverait pas du CCM, réside dans la question de savoir si l’action viole les Principes de déontologie dans une plus grande mesure que la décision rendue. Le demandeur affirme que même si les juges lui avaient donné gain de cause, le fait d’entendre une affaire dans laquelle un ancien client est partie demeure contraire à la déontologie et inapproprié. En outre, il n’est pas clair qu’une décision ne peut pas simultanément être considérée comme une conduite. Il n’est pas rare que les compétences se chevauchent dans la supervision administrative des enjeux déontologiques.
[66] Le demandeur fait valoir que le directeur exécutif a supposé à tort que la possibilité de porter l’affaire devant une cour d’appel existe ou a la moindre pertinence. Il soutient que le directeur exécutif n’a pas tenu compte de la totalité des Principes de déontologie, n’a pas examiné les violations objectives de ces principes comme un problème de conduite et n’a pas tenu compte du fait que les juges n’ont pas suivi la jurisprudence quant à la divulgation judiciaire, de la nécessité que le juge des faits jette un [traduction] « regard neuf »
sur l’affaire et de la capacité des tribunaux à annuler des décisions lorsque les relations antérieures du juge des faits soulèvent une crainte raisonnable de partialité.
[67] Le demandeur cite l’arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta Carbone v McMahon, 2017 ABCA 384, au paragraphe 94, pour faire valoir qu’un juge doit divulguer les renseignements pouvant porter un observateur objectif à conclure qu’il n’est pas nécessairement impartial. Dans cet arrêt, cette cour souligne l’importance de l’impartialité judiciaire :
[traduction]
[46] L’impartialité judiciaire est la pierre angulaire de notre solide structure judiciaire de longue date : « La confiance du public dans notre système juridique prend sa source dans la conviction fondamentale selon laquelle ceux qui rendent jugement doivent non seulement toujours le faire sans partialité ni préjugé, mais doivent également être perçus comme agissant ainsi ».
[68] Le demandeur s’appuie aussi sur l’arrêt De Cotiis et al v De Cotiis et al, 2004 BCSC 117, où la cour s’est exprimée en ces termes :
[traduction]
[5] Dès sa nomination à la magistrature, le juge doit se préoccuper grandement des craintes de partialité. Habituellement, il faudra un certain temps pour qu’un juge entende des affaires portées devant lui par un avocat de son ancien cabinet.
[6] Aucune loi ni ligne directrice n’établit pendant combien de temps un juge devrait attendre avant d’entendre une affaire dans laquelle une partie est représentée par un avocat de son ancien cabinet. La question est plutôt de savoir si la personne raisonnable connaissant les circonstances envisagerait la possibilité que le juge ait une prédisposition ou fasse preuve de partialité en raison de sa relation antérieure.
[7] Manifestement, dans l’intérêt de la justice, le juge ne peut pas entendre l’affaire s’il existe une quelconque crainte raisonnable qu’il fasse preuve de partialité. Cela aurait pour effet de jeter le discrédit sur l’administration de la justice. Un lien antérieur entre un juge et un cabinet peut, dans certaines circonstances, donner lieu à une telle crainte.
[69] Le demandeur soutient que le directeur exécutif a [traduction] « qualifi[é] artificiellement »
l’impartialité judiciaire de décision au lieu de conduite d’un juge. Il fait valoir que, parallèlement, le défaut de la CASK et du CCM d’examiner la question de l’impartialité judiciaire sur le fond est préoccupant et peut désormais uniquement être examiné par la Cour fédérale. Je ne suis pas de cet avis. Le demandeur confond deux questions distinctes, à savoir la conduite des juges, qui englobe le processus décisionnel, et l’inconduite judiciaire.
[70] En l’espèce, le CCM a établi que la plainte concernait le processus décisionnel judiciaire. Aux termes du paragraphe 63(2) de la Loi sur les juges, le CCM peut enquêter sur une plainte, exception faite des plaintes déposées par le ministre de la Justice ou le procureur général d’une province, qui sont visées au paragraphe 63(1) de cette loi. À cette fin, le directeur exécutif examine les plaintes pour déterminer si elles justifient un examen.
[71] Dans l’arrêt Moreau‑Bérubé c Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11 [Moreau‑Bérubé], la Cour suprême du Canada a expliqué la distinction entre les questions liées à la conduite des juges, qui relèvent du mandat des conseils de la magistrature, et les questions qui peuvent être traitées dans le cadre du processus d’appel.
[72] La Cour suprême a souligné, au paragraphe 58 de l’arrêt Moreau‑Bérubé, qu’un processus disciplinaire ne doit être lancé à l’égard d’une juge que lorsque la conduite de ce dernier « menace l’intégrité de la magistrature dans son ensemble »
et lorsque « [l]e processus d’appel ne peut pas remédier au préjudice allégué »
. Au paragraphe 55, la Cour suprême a également souligné que la plupart des questions concernant la conduite d’un juge peuvent être réglées dans le cadre du processus d’appel.
[73] La Cour suprême a donné l’explication suivante :
[60] Une partie de l’expertise du Conseil de la magistrature consiste à apprécier la distinction entre les actes contestés des juges qui peuvent être traités de la façon traditionnelle, au moyen d’un processus d’appel normal, et ceux qui sont susceptibles de menacer l’intégrité de la magistrature dans son ensemble, exigeant donc une intervention par l’application des dispositions disciplinaires de la Loi. Même si on peut prétendre que l’expertise des conseils de la magistrature et celle des tribunaux sont pratiquement identiques, la séparation de leurs fonctions sert à isoler, dans une certaine mesure, les tribunaux des réactions qu’une décision impopulaire d’un conseil de la magistrature peut provoquer. La conduite des instances disciplinaires par les pairs des juges offre les garanties d’expertise et d’équité que connaissent les officiers de justice, tout en permettant d’éviter la perception de partialité ou de conflit qui pourrait prendre naissance si les juges siégeaient régulièrement en cour pour se juger les uns les autres. Comme le juge Gonthier l’a indiqué clairement dans Therrien, les autres juges sont peut‑être les seuls à être en mesure d’examiner et de soupeser efficacement l’ensemble des principes applicables, et la perception d’indépendance de la magistrature serait menacée si un autre groupe effectuait cette évaluation. À mon avis, un conseil composé principalement de juges, conscient de l’équilibre délicat entre l’indépendance judiciaire et l’intégrité de la magistrature, doit généralement bénéficier d’un degré élevé de retenue.
[74] Dans la décision Lochner, la juge Catherine Kane a confirmé, au paragraphe 100, que « les conseils de la magistrature possèdent l’expertise nécessaire pour faire la distinction entre les questions qui relèvent de la prise de décisions judiciaires (lesquelles peuvent faire l’objet d’un appel) et les questions qui menacent “l’intégrité de la magistrature dans son ensemble”, lesquelles ne peuvent être réglées au moyen d’un appel »
. Il faut faire preuve de retenue à l’égard des décisions des conseils de la magistrature, y compris le CCM.
[75] En l’espèce, le demandeur a déposé ses plaintes au CCM peu après que la CASK a annulé ses appels à l’encontre de la décision relative à la sommation et de la décision accordant la qualité pour agir. Le demandeur a soulevé de nombreuses allégations d’inconduite semblables dans ses appels à l’encontre de la juge McCreary et du juge Tochor et il cherchait à obtenir leur récusation afin qu’ils n’entendent pas les affaires le concernant, et ce pour les mêmes motifs de conflit d’intérêts et de partialité qu’il avait soulevés devant le CCM. Bien que la CASK ait rejeté les appels en raison de leur caractère théorique, elle n’est pas intervenue en ce qui a trait aux dépens adjugés par la juge McCreary, rejetant vraisemblablement les allégations d’inconduite du demandeur. La CASK a également conclu que le demandeur n’avait pas établi un fondement factuel justifiant que le juge Tochor se récuse de toute affaire le concernant.
[76] Le demandeur a également déposé une requête en récusation du juge Tochor, dans laquelle il formulait exactement les mêmes allégations que celles formulées dans la plainte contre le juge qu’il a déposée au CCM. J’ai appris que le juge Tochor avait rejeté la requête du demandeur le 28 août 2022 : Patel v Van Olst, 2022 SKQB 199.
[77] Le CCM n’est pas une cour. Il doit prendre soin; dans l’exercice de son mandat, de ne pas se substituer aux cours d’appel. Par conséquent, les questions qui relèvent de la prise de décisions judiciaires et qui peuvent entièrement faire l’objet d’un appel ne relèvent pas du mandat du CCM.
[78] Les questions qui se posent dans le cadre de décisions prises lors du processus judiciaire, y compris dans le contexte de requêtes en récusation, font partie du processus décisionnel judiciaire et toute préoccupation en découlant peut, de façon générale, entièrement faire l’objet d’un appel.
[79] Dans certaines catégories de cas très exceptionnels, la conduite d’un juge dans le déroulement du processus décisionnel judiciaire doit être examinée sous le régime de la Loi sur les juges. Cependant, ces cas exceptionnels se limitent aux situations dans lesquelles la conduite a donné lieu à une perte de la confiance du public et à des doutes quant à l’intégrité de la fonction judiciaire elle-même : Moreau-Bérubé, aux para 58, 70; Best c Canada (Procureur général), 2017 CF 1145 au para 39. À mon avis, la conduite reprochée dans les plaintes n’appartient pas à cette catégorie.
[80] Comme c’était le cas dans la décision Cosentino c Canada (Procureur général), 2020 CF 884, le demandeur a eu tort de s’appuyer sur les Principes de déontologie pour faire valoir que le directeur exécutif avait commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que les plaintes ne portaient pas sur l’inconduite judiciaire. Cet argument se fonde sur des passages isolés sans tenir compte de l’ensemble des principes. La juge Kane a souligné ceci au paragraphe 92 : « L’objectif visé est, d’une part, d’aider les juges à trouver des réponses aux épineuses questions d’ordre déontologique et professionnel auxquels ils sont confrontés, et, d’autre part, d’aider le public à mieux comprendre le rôle des juges. Ils ne constituent pas un code ou une liste de comportements prohibés et ils ne doivent pas être utilisés comme tels. Ils n’énoncent pas de normes définissant l’inconduite judiciaire. » [Souligné dans l’original.]
[81] Je tiens à préciser que les Principes de déontologie n’interdisent pas aux juges de présider des affaires dans lesquelles leur ancien cabinet agissait à quelque titre que ce soit, comme le fait valoir le demandeur. Ils prévoient simplement, au paragraphe E.19, que « le juge ne doit pas entendre d’affaires dans lesquelles il se trouve réellement en situation de conflit d’intérêts »
et qu’il « faut éviter les situations où une personne raisonnable, impartiale et bien informée éprouverait une suspicion raisonnée que le juge n’est pas impartial »
.
[82] Le directeur exécutif a conclu que [traduction] « s’il existe un éventuel conflit d’intérêts, la question doit être examinée par un juge, qui déterminera si la récusation est appropriée »
.
[83] Les plaintes du demandeur reposent sur l’existence d’un conflit d’intérêts réel ou potentiel ou sur une crainte raisonnable de partialité de la part de la juge McCreary et du juge Tochor du fait qu’ils [traduction] « ont déjà exercé le droit ensemble et ont déjà représenté »
la SHA. Cependant, comme l’a souligné le directeur exécutif, [traduction] « les juges sont présumés, sauf preuve du contraire, avoir agi de bonne foi et avoir examiné adéquatement les questions dont ils étaient saisis »
. Les personnes qui remettent en question la présomption d’impartialité doivent présenter des éléments de preuve convaincants et substantiels justifiant, selon la prépondérance des probabilités, la conclusion que le juge avait effectivement un parti pris ou qu’une personne sensée, raisonnable et bien renseignée conclurait que le juge n’a pas tranché l’affaire de façon impartiale : Carbone, au para 62, citant R c S (RD), [1997] 3 RCS 484 au para 49.
[84] En l’espèce, les allégations de conflit d’intérêts et de partialité avancées par le demandeur reposent largement sur des hypothèses et des conjectures, ou sur de simples affirmations non étayées.
[85] Par exemple, le demandeur soulève des préoccupations au sujet d’une réunion qui s’est déroulée le 18 novembre 2020, soit avant l’audience qui a mené à la décision relative à la sommation, au cours de laquelle la juge McCreary et le juge Tochor auraient discuté de questions le concernant. Cependant, ces renseignements s’appuient sur des ouï-dire et le demandeur reconnaît dans ses plaintes que [traduction] « l’objet et l’ampleur de cette discussion demeurent inconnus malgré [ses] demandes d’éclaircissements »
.
[86] De plus, dans le premier affidavit qu’il a fourni à l’appui de sa requête en récusation du juge Tochor à titre de juge responsable de la gestion de l’instance, le demandeur affirme qu’on [traduction] « ignore à quel moment les liens financiers entre le juge Tochor et MLT Aikins ont officiellement pris fin »
. Dans son deuxième affidavit fourni à l’appui de sa requête en récusation du juge Tochor, le demandeur affirme que les dates exactes auxquelles le cabinet MLT Aikins est intervenu dans des litiges contre lui et que le rôle exact du cabinet lui [traduction] « sont inconnus en raison du secret professionnel de l’avocat invoqué par la SHA »
.
[87] Je ne vois aucune erreur dans la conclusion du directeur exécutif selon laquelle les allégations que le demandeur a soulevées dans ses plaintes contre la juge McCreary concernent toutes l’exercice du pouvoir discrétionnaire ou la conduite de la juge dans le déroulement du processus décisionnel judiciaire. Ces allégations sont de nature similaire à celles soulevées contre un juge dans la décision Lochner, qui sont décrites au paragraphe 107 :
[107] Comme il est décrit plus en détail aux paragraphes 24 à 53, M. Lochner a allégué à maintes reprises dans ses plaintes, entre autres allégations semblables, que les quatre juges n’avaient pas tenu compte de la question fondamentale de son appel, avaient déformé et [traduction] « falsifié » les faits, n’avaient pas suivi la jurisprudence, avaient mal interprété la jurisprudence, avaient exercé leur pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée, avaient commis une erreur en ajoutant le PGO comme intervenant, avaient outrepassé leur compétence et avaient [traduction] « faussement » jugé que son appel était vexatoire et frivole et qu’il constituait un abus de procédure. M. Lochner soutient également que ces affaires témoignent de partialité et de collusion, d’un mépris de la primauté du droit et d’un abus de confiance de la part d’un fonctionnaire public, comportent une décision frauduleuse qui constitue un crime et jettent le discrédit sur le système de justice.
[88] Dans la décision Lochner, la Cour a conclu que les plaintes visaient toutes manifestement des décisions judiciaires et que la perception du demandeur concernant les décisions judiciaires, la façon dont il les décrivait et son insatisfaction à l’égard des décisions ne transformaient pas une décision judiciaire en une inconduite judiciaire.
[89] Selon le demandeur, il convient de souligner que lorsqu’il a présenté exactement les mêmes allégations de conflit d’intérêts contre la juge McCreary devant le juge Robert Leurer de la CASK, celui-ci s’est récusé immédiatement, ainsi que le lendemain dans une affaire subséquente concernant le demandeur et la SHA, bien qu’il ait déclaré, selon le dossier, qu’il n’avait jamais travaillé personnellement dans le dossier du demandeur, que son domaine d’exercice était vaste et que ce dernier n’était pas axé sur le droit en matière de soins de santé. À mon avis, il s’agit d’une fausse analogie. Toute question dont une cour est saisie doit être tranchée selon les faits de l’affaire en cause.
[90] Quant aux allégations de conflit d’intérêts et de partialité à l’encontre du juge Tochor, celles-ci étaient clairement prématurées lors du dépôt des plaintes. C’est à juste titre que le juge Tochor a pris l’affaire en délibéré après s’être vu demander de se récuser. Si le demandeur est en désaccord avec la décision du juge Tochor, le recours approprié consiste à interjeter appel, et non à porter plainte au CCM.
C. Autres questions
[91] Aux paragraphes 6, 13 et 39 de son mémoire des faits et du droit, le demandeur soutient qu’en écartant ses plaintes, le directeur exécutif n’a pas respecté les exigences de l’équité procédurale. Si je comprends bien, le demandeur soutient que le directeur exécutif a contrevenu à ses droits en matière d’équité procédurale en omettant d’examiner et de sanctionner des allégations claires contre le juge Tochor et la juge McCreary qui étaient pleinement étayées par des éléments de preuve non contredits concernant leurs antécédents professionnels dans le domaine du droit.
[92] Cependant, un argument fondé sur l’équité procédurale n’a jamais été soulevé dans les avis de demande. Par conséquent, cette question ne peut pas faire l’objet d’un contrôle devant la Cour.
[93] Quoi qu’il en soit, il est bien reconnu que le décideur est présumé avoir soupesé et pris en considération la totalité des éléments de preuve qui lui ont été présentés, à moins que l’on démontre le contraire. L’argument du demandeur selon lequel les décisions du directeur exécutif ne précisaient pas exactement ce qui avait été examiné et n’étaient pas assez détaillées doit lui aussi être rejeté. La Cour suprême du Canada a établi que les décisions d’un organisme administratif ne doivent pas être jugées au regard d’une norme de perfection : Vavilov, au para 91. Le défaut de faire référence à l’ensemble des arguments, des dispositions législatives, des précédents ou des autres détails ne constitue pas un fondement justifiant à lui seul d’infirmer la décision. La procédure d’examen préalable du CCM, une [TRADUCTION] « fonction de filtrage administratif discrétionnaire ne déterminant aucun droit, devoir ou obligation de nature légale »
, justifie davantage le format et la concision des décisions du directeur exécutif. Bien que les décisions puissent sembler être de simples banalités, je suis convaincu que le directeur exécutif a examiné attentivement les éléments de preuve présentés et les arguments avancés par le demandeur.
[94] Pour ces motifs, le fait que le directeur exécutif a écarté la plainte du demandeur au motif qu’elle ne soulevait pas de question liée à la conduite des juges, comme le prévoit le mandat du CCM, ne soulève aucune question d’équité procédurale.
[95] Le directeur exécutif a examiné les allégations et il a conclu que les plaintes concernaient essentiellement le processus décisionnel judiciaire et non la conduite d’un juge. Le directeur exécutif a expliqué sa conclusion de façon logique. Le résultat est conforme aux pratiques antérieures. Les décisions sont raisonnables.
[96] Enfin, dans sa demande de redressement, le demandeur sollicite diverses réparations, dont les suivantes :
[traduction]
a) Qu’il soit ordonné au CCM de constituer un comité conformément à la Loi sur les juges, au Règlement administratif du CCM et aux politiques et procédures établies du CCM, et deconfier à ce dernier le mandat de répondre aux préoccupations concernant la violation du Code de déontologie du CCM et l’inconduite professionnelle du juge Tochor et de la juge McCreary;
b) Qu’il soit ordonné au CCM de procéder directement à une audience devant l’ensemble des membres du Conseil concernant les allégations d’inconduite professionnelle au lieu de soumettre d’abord les allégations contre le juge Tochor et la juge McCreary à l’examen préliminaire du président ou du vice-président du comité sur la conduite des juges, d’un comité d’examen officiel ou d’un comité d’enquête;
c) À titre subsidiaire, que les décisions soient annulées et qu’il soit ordonné au CCM de constituer un comité d’enquête ou un comité d’examen responsable d’examiner cette décision selon la loi.
[97] Par souci d’exhaustivité, je tiens à souligner que si l’une ou l’autre des demandes avait été accueillie en raison d’une erreur susceptible de contrôle, je n’aurais accordé aucune des réparations demandées. L’affaire aurait simplement été renvoyée au directeur exécutif afin que celui-ci rende une nouvelle décision parce qu’il avait conclu que les plaintes ne justifiaient pas un examen conformément à l’article 5 des Procédures d’examen.
D. Dépens
[98] Je conclus qu’il n’y a, en l’espèce, aucune circonstance particulière justifiant de déroger à la règle générale selon laquelle les dépens devraient suivre l’issue de la cause. Les facteurs pertinents prévus au paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales comprennent le dossier volumineux, le temps considérable que l’avocate du défendeur a nécessairement pris pour examiner le dossier, la préparation des documents transmis en réponse et la participation de l’avocate à l’audience. Le défendeur soutient que seule une somme globale de 1 000 $ dans chaque affaire devrait être adjugée. Je suis du même avis. Le montant demandé est plutôt modeste et est entièrement justifié.
IX. Conclusion
[99] Pour les motifs qui précèdent, les demandes de contrôle judiciaire présentées dans les dossiers T-245-22 et T-246-22 seront rejetées.
[100] Le demandeur paiera des dépens de 1 000 $ dans chaque affaire, débours et taxes compris.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-245-22
LA COUR ORDONNE :
La demande est rejetée.
Le demandeur versera au défendeur les dépens de la demande, d’un montant de 1 000 $, débours et taxes compris.
Vide
|
« Roger R. Lafrenière »
|
Vide
|
Juge
|
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS :
|
T-245-22
|
INTITULÉ :
|
Dr SATYAM PATEL c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 7 NOVEMBRE 2022
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE LAFRENIÈRE
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 4 JUILLET 2023
|
COMPARUTIONS :
Dr Satyam Patel
|
POUR LE DEMANDEUR
(POUR SON PROPRE COMPTE)
|
Marilou Bordeleau
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada
Vancouver (Colombie-Britannique)
|
POUR LE DÉFENDEUR
|