Dossier : T‑467‑22
Référence : 2022 CF 660
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 5 mai 2022
En présence de madame la juge Kane
ENTRE : |
|||||||||||||||||||| |
appelant |
et |
SA MAJESTÉ LA REINE, |
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION |
CIVILE ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE |
intimés |
ORDONNANCE ET MOTIFS
[1] Les intimés présentent, en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], une requête écrite en radiation de l’avis d’appel qu’a déposé l’appelant au titre de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, LC 2015, c 20, art 11 [la LSDA] le 28 février 2022.
[2] À titre subsidiaire, les intimés sollicitent une ordonnance selon laquelle les parties disposent de 30 jours après la date de la décision concernant la présente requête pour s’entendre sur le contenu du dossier d’appel.
[3] Pour les motifs qui suivent, la requête des intimés est accueillie. L’avis d’appel de |||||||||||||| est radié.
[4] En résumé, l’article 16 de la LSDA prévoit qu’il peut être interjeté appel devant notre Cour des décisions prises au titre de l’article 15 de la LSDA. La décision du ministre de la Sécurité publique [le ministre] d’inscrire le nom de |||||||||| sur la liste établie en vertu de l’article 8 [la liste d’interdiction de vol ou la liste] a été prise avant que ne soit donnée au transporteur aérien, en application de l’article 9, la directive d’interdire à |||||||||| d’embarquer sur le vol qu’il devait prendre le 18 janvier 2022. Conformément à la LSDA, |||||||||| a été informé pour la première fois que son nom avait été inscrit sur la liste lorsque la directive concernant le refus de transport au titre du Programme de protection des passagers lui a été signifiée. L’article 15 de la LSDA prévoit un recours administratif pour les personnes qui font l’objet d’un refus de transport à la suite d’une directive donnée en application de l’article 9, et qui souhaitent faire radier leur nom de la liste. |||||||||| a exercé ce recours. Une fois que le processus de recours administratif aura été mené à terme et que le ministre aura décidé, au titre de l’article 15, de radier ou non le nom de |||||||||| de la liste d’interdiction de vol, |||||||||| pourra interjeter appel devant notre Cour si la décision rendue lui est défavorable. Un appel à ce stade-ci – alors que le processus de recours administratif n’a pas atteint son terme – n’est pas envisageable au titre de la LSDA et est prématuré. Une interprétation contextuelle des dispositions pertinentes de la LSDA, ainsi que la jurisprudence, permet d’en arriver à cette conclusion (voir Brar c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 729, [2020] 4 RCF 557 [Brar]).
[5] Comme l’a expliqué le juge Noël dans la décision Brar, les dispositions en matière d’appel de la LSDA prévoient que le juge détermine si la décision du ministre prise au titre de l’article 15 est raisonnable. Bien que la procédure que prévoit la LSDA soit qualifiée d’appel, certains de ses attributs, dont la norme de contrôle applicable, ressemblent à ceux d’un contrôle judiciaire. Toutefois, comme l’a fait remarquer le juge Noël, l’appel est une procédure plus vigoureuse que le contrôle judiciaire, et l’appel accueilli n’entraîne pas le renvoi de la décision au ministre. Même si un appel ne se limite pas à l’examen du dossier dont disposait le ministre, je suis d’avis qu’il est essentiel, pour trancher l’appel, d’examiner le dossier sur lequel le ministre s’est appuyé pour prendre sa décision.
[6] Contrairement à ce que prétend |||||||||| dans ses observations, la Cour a compétence pour radier un avis d’appel, et le critère applicable à la radiation d’un avis d’appel n’est pas très différent de celui qui s’applique à la radiation d’un avis de demande de contrôle judiciaire. Le principe selon lequel il faut épuiser tous les recours administratifs permettant d’obtenir une réparation efficace avant de s’adresser aux tribunaux ne s’applique pas seulement aux demandes de contrôle judiciaire. Aucune raison ou circonstance exceptionnelle ne justifie que l’on s’écarte de ce principe.
[7] |||||||||| a exercé le recours administratif prévu par la LSDA et devrait attendre la décision du ministre, qui lui accordera peut‑être la réparation demandée.
[8] Comme l’ont noté les intimés, l’intimé est le ministre de la Sécurité publique et l’intitulé sera modifié en conséquence.
I. Le contexte
[9] Le 18 janvier 2022, |||||||||| s’est vu refuser l’embarquement sur un vol pour l’Afghanistan. Il a reçu une copie de la directive donnée en vertu de l’article 9 de la LSDA, à savoir le refus de transport au titre du Programme de protection des passagers [refus de transport]. Selon cette directive, |||||||||| pouvait demander que son nom soit radié de la liste d’interdiction de vol.
[10] Le 31 janvier 2022, |||||||||| a soumis une demande de recours au titre du Programme de protection des passagers et a présenté des observations. Le ministre n’a pas encore décidé si le nom de |||||||||| doit être radié ou non de la liste.
[11] Le 28 février 2022, |||||||||| a déposé à notre Cour un avis d’appel de la directive concernant le refus de transport du 18 janvier 2022 et de la décision du ministre d’inscrire son nom sur la liste.
[12] La question dont la Cour est saisie concerne la radiation de l’avis d’appel de ||||||||||, et non le bien‑fondé d’un quelconque appel. Cependant, dans ses observations, |||||||||| a fourni des renseignements contextuels plus détaillés, dont les grandes lignes sont exposées ci‑après à des fins de mise en contexte. En résumé, |||||||||| soutient que le ministre n’avait aucun motif raisonnable d’inscrire son nom sur la liste d’interdiction de vol. Il explique qu’il a déjà agi à titre d’interprète auprès des Forces armées canadiennes et d’autres intervenants en Afghanistan et que son rôle actuel au sein de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| consiste à fournir un refuge aux personnes à risque en Afghanistan. Il précise qu’il s’est déjà rendu en Afghanistan à cette fin et que le voyage qu’il devait effectuer en janvier 2022 pour le compte de ||| avait le même but. Il nie que ses voyages ou rencontres antérieurs, notamment avec des représentants des talibans, avaient un quelconque autre but.
II. L’avis d’appel
[13] |||||||||| souhaite interjeter appel de la décision du ministre d’ajouter son nom sur la liste d’interdiction vol et à la suite de laquelle on lui a refusé l’embarquement conformément à la directive donnée en application de l’article 9.
[14] |||||||||| cherche à faire annuler cette décision et à faire radier son nom de la liste. Il invoque plusieurs arguments, dont les suivants : la décision est déraisonnable parce que le ministre n’avait aucun motif de soupçonner qu’il participerait à un acte qui menacerait la sûreté des transports ou qu’il commettrait un acte ou une omission qui constitue une infraction visée aux articles 83.18, 83.19 ou 83.2 du Code criminel ou une autre infraction de terrorisme; la décision est contraire aux principes d’équité procédurale et de justice naturelle, notamment parce qu’il n’a pas été informé des allégations qui ont mené à l’inscription de son nom sur la liste, qu’il n’a pas eu l’occasion de répondre à ces allégations et qu’il n’a pas été informé des raisons pour lesquelles son nom a été inscrit sur la liste; la décision porte atteinte aux droits que lui confèrent les articles 6 et 7 ainsi que les alinéas 10a) et 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés [la Charte]; et la LSDA est inconstitutionnelle, notamment parce qu’elle porte atteinte aux droits garantis par la Charte, qu’elle va à l’encontre des principes de justice naturelle et qu’elle ne prévoit pas de procédure d’appel qui permettrait à une personne de connaître les motifs sur lesquels le ministre a fondé sa décision, de présenter une défense pleine et entière ou d’être entendue dans des délais raisonnables.
III. La requête en radiation des intimés
[15] Les intimés renvoient aux dispositions de la LSDA, en particulier aux articles 8, 9, 15 et 16. Plus particulièrement, les intimés notent que, selon l’article 16, l’appel concerne une décision visée à l’article 15, soit la décision du ministre à l’égard de la demande de recours administratif que la personne touchée a présentée pour faire radier son nom de la liste, laquelle décision doit généralement être rendue par le ministre dans les 120 jours.
[16] Les intimés font valoir que |||||||||| avait le statut de personne inscrite au titre de l’article 8 de LSDA avant de se voir refuser l’embarquement et de recevoir une copie de la directive concernant le refus de transport qui avait été donnée au transporteur aérien en vertu de l’article 9 de la LSDA. Ils soutiennent que |||||||||| doit s’appuyer sur l’article 15 pour tenter de faire radier son nom de la liste.
[17] Selon les intimés, |||||||||| a mal interprété les dispositions de la LSDA. L’interprétation juste est qu’il ne peut être fait appel que de la décision du ministre au sujet du recours demandé au titre de l’article 15.
[18] Les intimés expliquent qu’une personne ne sait pas que son nom figure sur la liste tant que le refus de transport ne lui a pas été signifié. Conformément à l’article 20 de la LSDA, la liste n’est pas communiquée; ce n’est que lorsqu’une directive est donnée en vertu de l’article 9 que la personne concernée en est informée. Cette dernière peut alors exercer le recours pour demander la radiation de son nom de la liste. Il est possible d’interjeter appel une fois que le ministre a rendu sa décision au titre de l’article 15 quant à la radiation du nom de la personne de la liste. En appel, la Cour détermine si la décision prise au titre de l’article 15 est raisonnable.
[19] Selon les intimés, un appel est prématuré puisque |||||||||| s’est prévalu du recours administratif prévu à l’article 15 en présentant une demande le 31 janvier 2022. Poursuivre à la fois le recours administratif et le présent appel irait à l’encontre de l’objet de la LSDA, serait inefficace et prêterait à confusion.
[20] Les intimés font remarquer que |||||||||| a reçu un résumé des allégations et qu’il a reconnu avoir répondu à chacune d’elles. Ils ajoutent que |||||||||| sera informé des motifs de la décision du ministre.
[21] Les intimés font valoir qu’un appel à ce stade ne devrait pas précipiter la prise d’une décision par le ministre et ne permettrait pas d’obtenir une réparation différente quant à la possibilité de radier le nom de |||||||||| de la liste. Les intimés notent que, si sa demande est fondée, |||||||||| pourra obtenir par l’entremise du processus administratif la même réparation auprès du ministre que celle qu’il sollicite auprès de la Cour, soit la radiation de son nom de la liste.
[22] Les intimés font en outre valoir que la Cour ne peut pas décider du caractère raisonnable de la décision initiale du ministre d’inscrire le nom de |||||||||| sur la liste ni procéder à la révision subséquente de cette décision sans qu’un dossier ne lui ait été présenté. Les intimés ajoutent que si le ministre radie le nom de |||||||||| de la liste à l’issue du recours administratif prévu à l’article 15, le présent appel deviendra théorique.
[23] Cependant, les intimés reconnaissent qu’un appel de la décision du ministre au titre de l’article 15 de la LSDA diffère du processus de recours administratif à plusieurs égards, notamment parce qu’un appel est une procédure plus vigoureuse.
[24] Les intimés renvoient à la jurisprudence selon laquelle le processus administratif doit suivre son cours avant que les parties puissent s’adresser à la Cour en interjetant appel ou en demandant un contrôle judiciaire (CB Powell Limited c Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 61, [2011] 2 RCF 332, aux para 30 et 31 [CB Powell]). Quelle que soit la formulation utilisée pour désigner ce principe (doctrine de l’épuisement des recours, doctrine des autres voies de recours adéquates, objection contre le contrôle judiciaire prématuré, ou autre), les intimés affirment que le principe fondamental suivant lequel les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui‑ci n’a pas été mené à terme s’applique tant aux avis de demande de contrôle judiciaire qu’aux avis d’appel.
[25] Les intimés renvoient également à la jurisprudence en matière de radiation de demandes de contrôle judiciaire en soulignant que la Cour n’accepte de radier un avis de demande de contrôle judiciaire que s’il est « manifestement irrégulier au point de n’avoir aucun[e] chance d’être accueilli »
(JP Morgan Asset Management (Canada) Inc c Canada (Revenu national), 2013 CAF 250, [2104] 2 RCF 557, aux para 47 et 48 [JP Morgan]). Les intimés soutiennent que la demande de |||||||||| ne saurait être accueillie puisqu’elle est prématurée.
[26] S’agissant des arguments de |||||||||| quant à la violation des droits que lui confère la Charte et, de façon plus générale, l’inconstitutionnalité de la LSDA, les intimés font valoir qu’il est bien établi que les tribunaux ne doivent pas tenir compte de ce genre d’arguments en l’absence d’un dossier de preuve adéquat et d’un fondement factuel. Si, en réponse à la demande de recours administratif de ||||||||||, le ministre décide de laisser son nom sur la liste, la Cour pourra alors examiner les arguments relatifs à la constitutionnalité au vu de la décision du ministre et du dossier de preuve complet.
[27] Les intimés contestent l’affirmation de |||||||||| selon laquelle des circonstances exceptionnelles justifient que l’on permette l’instruction de son appel même s’il n’a pas encore été statué sur le recours administratif. Les intimés notent qu’il est établi dans la jurisprudence que très peu de circonstances peuvent être qualifiées d’exceptionnelles qui justifieraient que l’on contourne le processus administratif et qui permettraient un recours anticipé aux tribunaux judiciaires (CB Powell, au para 33).
[28] Les intimés soutiennent que les observations de l’appelant selon lesquelles une erreur judiciaire découlera de l’interdiction de vol devraient d’abord être examinées par le ministre dans le contexte de la demande qu’a présentée |||||||||| pour faire radier son nom de la liste.
[29] S’agissant des observations de |||||||||| selon lesquelles il a été privé de son droit à l’équité procédurale, les intimés affirment que |||||||||| a exercé son droit à l’équité procédurale en se prévalant du recours administratif. De plus, il est possible d’interjeter appel de toute décision défavorable que le ministre prend au titre de l’article 15.
IV. Les observations de l’appelant
[30] Comme je le mentionne plus haut, |||||||||| souhaite faire radier son nom de la liste d’interdiction de vol établie en vertu de l’article 8 de la LSDA. Il affirme interjeter appel de la décision initiale qu’a prise le ministre d’inscrire son nom sur la liste, décision de laquelle a découlé le refus de transport.
[31] |||||||||| affirme que, selon le paragraphe 16(1) de la LSDA, la disposition en matière d’appel s’applique « à toute demande d’appel d’une directive donnée en vertu de l’article 9 et d’une décision du ministre prise au titre des articles 8 ou 15 »
(non souligné dans l’original). Il soutient que son appel n’est pas prématuré puisqu’il vise la décision du ministre d’inscrire son nom sur la liste d’interdiction de vol en vertu de l’article 8, décision pour laquelle il n’existe aucun recours administratif. Il reconnaît qu’il a exercé un recours administratif, mais il affirme que ce recours ne vise que la directive concernant le refus de transport donnée en vertu de l’article 9. Il soutient également que le recours administratif prévu à l’article 15 ne donnera pas suite à ses autres contestations relatives à la LSDA.
[32] Selon ||||||||||, la jurisprudence en matière de radiation d’un avis de demande de contrôle judiciaire ne s’applique qu’aux avis de demande de contrôle judiciaire et non aux avis d’appel. Il fait en outre valoir que la Cour n’a pas compétence pour radier un avis d’appel, mais il n’invoque aucun précédent à l’appui de cette affirmation générale.
[33] À titre subsidiaire, |||||||||| soutient que, si cette jurisprudence s’applique, les intimés n’ont pas satisfait au critère très vigoureux qui doit être rempli pour que son avis d’appel soit radié. Il conteste l’affirmation selon laquelle son appel n’a aucune chance d’être accueilli. Il présente plusieurs arguments pour étayer son observation générale selon laquelle la preuve dont disposait le ministre n’était pas suffisante pour justifier l’inscription de son nom sur la liste d’interdiction de vol. Il affirme également que le recours administratif visant la directive concernant le refus de transport ne lui permettra pas de faire valoir ses arguments relatifs aux violations des droits conférés par la Charte et à la constitutionnalité de la LSDA.
[34] À titre subsidiaire, |||||||||| affirme également que des circonstances exceptionnelles justifient que la Cour autorise l’instruction de son appel, notamment le fait que la décision du ministre d’inscrire son nom sur la liste porte atteinte aux droits que lui garantissent les articles 6 et 7 de la Charte, qu’il n’a pas été informé de l’inscription de son nom sur la liste, qu’il n’a pas eu l’occasion de répondre et qu’il n’a pas été informé des motifs de cette décision et, de façon plus générale, que cette décision constitue un manquement à l’équité procédurale. Il affirme en outre que la LSDA est inconstitutionnelle. Il ajoute qu’aucun autre recours ne permet de donner suite à ces questions. De plus, il soutient que l’interdiction de vol dont il est l’objet met en danger la vie des personnes qu’il tente d’aider en Afghanistan, dont des interprètes canadiens, et l’empêche de gérer des refuges pour ces personnes.
[35] |||||||||| reconnaît que l’existence d’un fondement factuel est essentielle pour que la Cour puisse trancher les questions qu’il soulève en matière de violation de la Charte et de constitutionnalité. Il affirme qu’il a présenté un tel fondement, que la preuve des intimés peut servir de complément et, qu’ensemble, ces éléments constitueront un dossier suffisamment étoffé.
[36] |||||||||| présente également des observations concernant le bien‑fondé de son appel.
V. L’accueil de la requête des intimés
A. L’interprétation des dispositions de la LSDA en matière d’appel
[37] Les arguments de |||||||||| concernant son droit d’interjeter appel à ce stade, avant que le recours administratif prévu par la LSDA ait été mené à terme, reposent sur son interprétation des dispositions pertinentes. Il s’appuie principalement sur le paragraphe 16(1), sans tenir compte du fonctionnement du régime dans son ensemble.
[38] Les dispositions pertinentes de la LSDA sont reproduites à l’annexe 1 des présents motifs.
[39] Je suis d’avis que, interprétée dans son ensemble, la LSDA prévoit la possibilité d’interjeter appel de la décision qu’a prise le ministre au titre de l’article 15.
[40] Je conviens que le libellé du paragraphe 16(1), interprété isolément, laisse entendre qu’il est possible d’interjeter appel d’une « décision »
prise au titre de l’article 8. (Le paragraphe 16(1) dispose que le « présent article s’applique à toute demande d’appel d’une directive donnée en vertu de l’article 9 et d’une décision du ministre prise au titre des articles 8 ou 15 »
(non souligné dans l’original).) Il serait utile de clarifier le libellé de ce paragraphe pour qu’il corresponde aux dispositions en matière d’appel décrites à l’article 16 et pour qu’il s’harmonise mieux avec les dispositions connexes.
[41] Cependant, le paragraphe ne devrait pas être interprété isolément ou de manière illogique. Lorsque le paragraphe 16(1) est interprété en tenant compte de l’article 16, qui s’applique aux appels, et de la LSDA dans son ensemble, il est évident que les dispositions en matière d’appel s’appliquent à une décision qu’a prise le ministre au titre de l’article 15 — soit la décision de radier ou non un nom inscrit sur la liste établie en vertu de l’article 8, en réponse à la demande de la personne concernée (c.‑à‑d. la décision à l’égard du recours administratif exercé). Il est à noter que le paragraphe 16(2) accorde un droit d’appel aux personnes inscrites. Cette disposition est ainsi libellée : « La personne inscrite ayant fait l’objet d’un refus de transport à la suite d’une directive donnée en vertu de l’article 9 peut présenter […] une demande d’appel de la décision visée à l’article 15 »
(non souligné dans l’original). L’article 16 n’accorde pas à la personne inscrite un droit d’appel à l’égard de la décision initiale du ministre d’inscrire son nom sur la liste.
[42] Comme l’ont souligné les intimés, la décision du ministre d’inscrire un nom sur la liste n’est pas communiquée à la personne concernée ni à quiconque (hormis certaines exceptions bien précises) et cette liste n’est pas diffusée. La personne concernée n’en est avisée que lorsqu’on l’informe de la directive concernant le refus de transport, après quoi elle peut se prévaloir du recours administratif.
[43] D’un point de vue pratique, une personne inscrite ne peut pas interjeter appel si elle ignore que son nom figure sur la liste. Elle n’en est informée que lorsque le ministre donne une directive visée à l’article 9; elle peut ensuite choisir d’exercer ou non le recours administratif pour demander de faire radier son nom de la liste.
[44] Aux paragraphes 60 à 128 de la décision Brar, le juge Noël a donné un aperçu exhaustif de la LSDA et a interprété les dispositions pertinentes, y compris le processus d’appel, en appliquant les principes modernes d’interprétation des lois. Il a expliqué le caractère vigoureux du processus d’appel, le rôle du juge au moment de déterminer si la décision du ministre au titre de l’article 15 est raisonnable ainsi que la nécessité de trouver un équilibre entre la protection de la sécurité nationale et le droit de la personne inscrite de connaître la preuve qui pèse contre elle et d’y répondre. Le juge Noël a souligné, dans les passages reproduits ci‑dessous, que la LSDA prévoit la possibilité d’interjeter appel d’une décision prise au titre de l’article 15.
[45] Aux paragraphes 76 à 79, la Cour a décrit le déroulement du processus et a mentionné la possibilité d’exercer un recours administratif :
[76] S’il y a une correspondance positive [entre l’identité de la personne qui veut voyager et le nom sur la liste], le paragraphe 9(1) de la LSDA confère au ministre le pouvoir d’ordonner au transporteur aérien de « prendre la mesure raisonnable et nécessaire qu’il précise en vue d’éviter qu’une personne inscrite commette les actes visés au paragraphe 8(1) » ainsi que celui de « donner des directives relatives, notamment a) au refus de transporter une personne; b) au contrôle dont une personne fait l’objet avant d’entrer dans une zone stérile de l’aéroport ou de monter à bord d’un aéronef ». S’il est refusé de transporter une personne en application de l’alinéa 9(1)a), la personne inscrite reçoit un avis écrit à cet effet. Comme nous l’avons vu plus tôt, il s’agit de la première fois où la personne apprend que son nom est inscrit sur la liste de la LSDA, car, en l’absence d’un refus, une personne inscrite n’est pas informée que son nom figure sur cette liste.
[77] Le paragraphe 15(1) de la LSDA prévoit qu’une personne ayant fait l’objet d’un refus de transport en application de l’article 9 de la LSDA dispose d’un recours administratif permettant de faire radier son nom de la liste. Cette personne peut en faire la demande par écrit au ministre, dans les 60 jours suivant le refus, mais une prolongation peut être accordée en vertu du paragraphe 15(2). Le ministre, lorsqu’il reçoit la demande, doit décider s’il « existe encore des motifs raisonnables qui justifient l’inscription du nom du demandeur sur la liste » conformément au paragraphe 15(4).
[78] Pour examiner la demande de recours administratif d’une personne inscrite, le membre du Groupe consultatif qui l’a nommée fournit des renseignements en vue d’aider le ministre à décider s’il existe des motifs raisonnables pour maintenir le nom de la personne sur la liste de la LSDA. Le ministre donne aussi à la personne inscrite la « possibilité de faire des observations » dont il tiendra compte au moment de rendre sa décision (paragraphe 15(3)). Cependant, l’article 15 de la LSDA ne l’oblige pas explicitement à communiquer des renseignements à une personne inscrite afin de l’aider à formuler des observations. Cela dit, dans le cadre des présents appels, chaque appelant a reçu un [traduction] « résumé non confidentiel », de deux pages, des renseignements qui ont été présentés au ministre de même qu’une déclaration portant que ce dernier tiendrait compte aussi de [traduction] « renseignements confidentiels » pour parvenir à sa décision. (Affidavit de Lesley Soper, document ii de la pièce B.)
[79] Enfin, une fois que le ministre rend sa décision sur la demande de recours administratif d’une personne inscrite en application du paragraphe 15(4), il est tenu d’en donner avis sans délai à la personne inscrite (paragraphe 15(5)). Cependant, d’après le paragraphe 15(6), si le ministre ne rend pas sa décision dans les 120 jours suivant la réception de la demande, il est réputé avoir décidé de radier de la liste le nom de la personne. Il peut néanmoins prolonger cette période d’un délai supplémentaire de 120 jours, moyennant un avis, s’il ne dispose pas d’assez de renseignements pour rendre une décision.
[46] Le juge Noël a donné des précisions sur le processus d’appel aux paragraphes 80 et 81 de la décision Brar, où il a expliqué et étayé le fait que l’appel porte sur une décision prise au titre de l’article 15 :
[80] Outre le processus décisionnel interne et le recours administratif de la LSDA, le régime législatif prévoit qu’il est possible d’interjeter un appel externe auprès du juge en chef de la Cour fédérale, ou d’un juge désigné par ce dernier, conformément aux procédures d’appel décrites à l’article 16 de la LSDA. Plus précisément, cette loi prévoit qu’une personne inscrite en vertu de l’article 8, qui a fait l’objet d’un refus de transport à la suite d’une directive donnée en application de l’article 9, peut présenter une demande d’appel de la décision visée à l’article 15, et ce, dans les 60 jours suivant la date de l’avis de cette décision (voir les paragraphes 16(1) et 16(2)). Aux termes de l’alinéa 63(1)e) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, l’acte introductif d’instance est un avis d’appel. Dans le cas des présents appels, les parties ont déposé des avis d’appel conformément aux Règles des Cours fédérales.
[81] Le paragraphe 16(4) confie au juge désigné la tâche de déterminer « si la décision [du ministre prise en vertu de l’article 15] est raisonnable compte tenu de l’information dont il dispose », et cette détermination doit avoir lieu « [d]ès qu’il est saisi de la demande ». Si le juge conclut que la décision est déraisonnable, le paragraphe 16(5) lui permet d’ordonner que le nom de l’appelant soit radié de la liste. Ces dispositions sont importantes pour définir la nature de l’appel interjeté sous le régime de la LSDA, car elles fixent la norme qui s’applique à l’examen qu’effectue le juge désigné, elles ne limitent pas les éléments de preuve soumis au juge à ceux qui ont été présentés au ministre, et elles confèrent au juge le pouvoir de rendre directement une décision au sujet de la radiation du nom d’une personne de la liste de la LSDA.
[Non souligné dans l’original.]
B. La nécessité de mener le recours administratif à terme
[47] |||||||||| soutient que la jurisprudence qui établit qu’il faut attendre l’issue d’un recours administratif efficace avant de s’adresser aux tribunaux ne s’applique pas. Il n’a pas précisé pourquoi il en serait ainsi, se contentant de faire remarquer que les faits étaient différents dans l’arrêt CB Powell – où l’intimé avait présenté une demande de contrôle judiciaire, alors que la loi applicable prévoyait la possibilité d’interjeter appel. Contrairement à ce qu’affirme ||||||||||, la règle ou le principe décrit dans l’arrêt CB Powell s’applique de façon générale, car la raison d’être des principes est la même, que le premier recours à exercer soit un appel interne ou une autre procédure de contrôle. En fait, lorsqu’une loi prévoit un tel recours, ce dernier devrait être exercé et épuisé avant que l’on ne s’adresse aux tribunaux. Comme il est indiqué au paragraphe 33 de l’arrêt CB Powell, « [p]artout au Canada, les cours de justice ont reconnu et appliqué rigoureusement le principe général de non‑ingérence dans les procédures administratives ».
[48] Dans l’arrêt CB Powell, aux paragraphes 30 et 31, la Cour d’appel fédérale a expliqué avec clarté et vigueur le « principe »
habituel :
[30] En principe, une personne ne peut s’adresser aux tribunaux qu’après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui lui sont ouvertes en vertu du processus administratif. L’importance de ce principe en droit administratif canadien est bien illustrée par le grand nombre d’arrêts rendus par la Cour suprême du Canada sur ce point : Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561; Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3; Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., [1998] 1 R.C.S. 706, aux paragraphes 38 à 43; Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14, [2000] 1 R.C.S. 360, aux paragraphes 31 et 34; Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, [2001] 2 R.C.S. 460, aux paragraphes 14, 15, 58 et 74; Goudie c. Ottawa (Ville), 2003 CSC 14, [2003] 1 R.C.S. 141; Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11, [2005] 1 R.C.S. 146, aux paragraphes 1 et 2; Okwuobi c. Commission scolaire Lester‑B.‑Pearson; Casimir c. Québec (Procureur général); Zorrilla c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 16, [2005] 1 R.C.S. 257, aux paragraphes 38 à 55; Canada (Chambre des communes) c. Vaid, 2005 CSC 30, [2005] 1 R.C.S. 667, au paragraphe 96.
[31] La doctrine et la jurisprudence en droit administratif utilisent diverses appellations pour désigner ce principe : la doctrine de l’épuisement des recours, la doctrine des autres voies de recours adéquates, la doctrine interdisant le fractionnement ou la division des procédures administratives, le principe interdisant le contrôle judiciaire interlocutoire et l’objection contre le contrôle judiciaire prématuré. Toutes ces formules expriment la même idée : à défaut de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunaux. En d’autres termes, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui‑ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés.
[Non souligné dans l’original.]
[49] La Cour d’appel a expliqué, au paragraphe 32, que ce principe permet notamment d’éviter le fractionnement du processus administratif et d’éliminer les coûts et les retards inutiles, et s’accorde avec le concept du respect des tribunaux judiciaires envers les décideurs administratifs.
[50] Rien ne justifie en l’espèce que l’on s’écarte du principe selon lequel le processus administratif doit suivre son cours. Je suis d’avis que |||||||||| n’a pas établi qu’il existe des circonstances exceptionnelles qui justifient que l’on s’écarte de ce principe. Comme il est indiqué au paragraphe 33 de l’arrêt CB Powell, « très peu de circonstances peuvent être qualifiées d’“exceptionnelles” et […] le critère minimal permettant de qualifier des circonstances d’exceptionnelles est élevé »
, et les doutes soulevés au sujet de l’équité procédurale ou de l’existence d’une question constitutionnelle ne permettraient généralement pas de contourner le processus administratif. |||||||||| devrait attendre la décision du ministre à l’égard de la demande qu’il lui a présentée pour que son nom soit radié de la liste.
C. La compétence de la Cour pour radier un avis d’appel
[51] |||||||||| n’a invoqué aucune jurisprudence à l’appui de son argument selon lequel les principes s’appliquant à la radiation d’un avis de demande ne s’appliquent pas à la radiation d’un avis d’appel. Il n’a également invoqué aucune jurisprudence pour établir que la Cour n’a aucunement compétence pour radier un avis d’appel.
[52] Un examen de la jurisprudence relative aux deux scénarios révèle que les critères applicables à la radiation d’un avis de demande, d’un avis d’appel ou d’un autre acte de procédure se fondent sur les mêmes principes généraux. Bien que les tribunaux aient formulé ces critères de différentes manières, ces derniers sont similaires, par exemple, « il est évident et manifeste que l’appel est voué à l’échec »
, « la demande n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie »
ou « [l’]avis de demande […] n’a aucun[e] chance d’être accueilli ».
La jurisprudence confirme également que la Cour a compétence pour radier un avis d’appel.
[53] Dans l’arrêt Lessard‑Gauvin c Procureur général du Canada, 2019 CAF 233, la Cour d’appel fédérale a examiné une requête en radiation d’un avis d’appel et a convenu que la Cour a le pouvoir inhérent de radier un tel avis. Au paragraphe 16, la Cour d’appel a indiqué que les positions des parties ne divergeaient pas considérablement quant au critère à appliquer. Aux paragraphes 8 à 10, elle s’exprime ainsi pour décrire les positions des parties :
[9] L’intimé soumet que le critère pour radier l’avis d’appel est satisfait dans la présente instance. Il prétend que, pour chacune des erreurs alléguées dans l’avis d’appel, la position de l’appelant est sans fondement et/ou vague, et qu’il est évident et manifeste que l’appel est voué à l’échec.
[…]
[10] En réponse, l’appelant insiste que le seuil pour radier l’avis d’appel est très élevé […]
[54] Dans l’arrêt Tuccaro c La Reine, 2014 CAF 184, la Cour d’appel fédérale a examiné l’appel d’une ordonnance par laquelle la Cour de l’impôt avait radié des sections de l’avis d’appel. La Cour d’appel s’est fondée sur la jurisprudence applicable aux requêtes en radiation d’actes de procédure et, au paragraphe 5, a cité l’arrêt Succession Odhavji c Woodhouse, 2003 CSC 69, [2003] 3 RCS 263, qui citait à son tour l’arrêt Hunt c Carey Canada Inc, [1990] 2 RCS 959 à la p 980, 1990 CanLII 90 : « dans l’hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, est‑il “évident et manifeste” que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d’action raisonnable? »
La Cour d’appel a aussi noté qu’il faut ensuite « se demander s’il est “évident et manifeste” que l’action doit être rejetée ».
[55] De même, dans l’arrêt Ereiser c Canada, 2013 CAF 20, un autre appel d’une décision par laquelle la Cour de l’impôt avait radié des sections d’un avis d’appel, la Cour d’appel a cité la jurisprudence relative au critère applicable à la radiation des actes de procédures (au para 17), dont l’arrêt R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, [2011] 3 RCS 45 [Imperial Tobacco], qui faisait lui aussi référence aux critères établis dans les arrêts Succession Odhavji c Woodhouse et Hunt c Carey Canada Inc.
[56] Dans l’arrêt Imperial Tobacco, la Cour suprême du Canada a fait observer que le recours aux requêtes en radiation commande la prudence. La Cour a également donné d’autres indications, au paragraphe 25, en précisant qu’il « s’agit de savoir si, dans le contexte du droit et du processus judiciaire, la demande n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie »
(en italique dans l’original).
[57] Dans l’arrêt JP Morgan, la Cour d’appel fédérale a énoncé, au paragraphe 47, le critère applicable à la radiation d’un avis de demande de contrôle judiciaire :
[47] La Cour n’accepte de radier un avis de demande de contrôle judiciaire que s’il est « manifestement irrégulier au point de n’avoir aucun[e] chance d’être accueilli » : David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.), à la page 600. Elle doit être en présence d’une demande d’une efficacité assez radicale, un vice fondamental et manifeste qui se classe parmi les moyens exceptionnels qui infirmeraient à la base sa capacité à instruire la demande : Rahman c. Commission des relations de travail dans la fonction publique, 2013 CAF 117, au paragraphe 7; Donaldson c. Western Grain Storage By‑Products, 2012 CAF 286, au paragraphe 6; Hunt c. Carey Canada Inc, [1990] 2 R.C.S. 959.
[58] Les intimés notent que, dans l’arrêt JP Morgan, la Cour d’appel a confirmé que la compétence de la Cour pour radier un avis de demande découle de la compétence absolue qu’ont les cours de justice pour restreindre le mauvais usage ou l’abus des procédures judiciaires. Comme l’ont fait remarquer les intimés, une demande de contrôle judiciaire prématurée peut être radiée en appliquant le même critère, c’est‑à‑dire si la demande n’a aucune chance d’être accueillie (Forner c Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2016 CAF 35 aux para 11 à 14 [Forner]). Dans l’arrêt Forner, au paragraphe 10, la Cour d’appel a conclu que la requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire prématurée était « d’une efficacité assez radicale »
et que la Cour ne pouvait pas instruire la demande de contrôle judiciaire.
[59] |||||||||| fait valoir que le principe énoncé dans l’arrêt JP Morgan ne s’applique pas, car cet arrêt portait sur une requête en radiation d’un avis de demande de contrôle judiciaire s’appuyant sur le fait qu’il était possible d’interjeter appel devant la Cour de l’impôt. (L’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales exclut la possibilité de demander un contrôle judiciaire dans une telle circonstance.) De façon plus générale, |||||||||| soutient que la jurisprudence relative aux demandes de contrôle judiciaire ne s’applique pas puisqu’il interjette appel sous le régime de la loi.
[60] Les observations de |||||||||| portent davantage sur l’application du principe selon lequel les recours administratifs doivent être épuisés (tel qu’il est décrit dans l’arrêt CB Powell) ainsi que sur la prématurité de son appel, et donc sur l’absence d’une possibilité raisonnable que son appel soit accueilli. La véritable question n’est pas de savoir si le critère applicable à la radiation d’un avis d’appel diffère de celui qui s’applique à la radiation d’un avis de demande de contrôle judiciaire. Il faut plutôt déterminer si un appel prématuré peut satisfaire au critère relatif à la radiation d’un avis d’appel. À mon avis, il n’existe aucune raison logique de conclure que ce ne serait pas le cas. Dans les circonstances de la présente affaire, l’appel satisfait à ce critère.
[61] Comme je le mentionne plus haut, la Cour a compétence pour radier un avis d’appel lorsqu’il est évident et manifeste que l’appel est voué à l’échec. Comme il est indiqué au paragraphe 25 de l’arrêt Imperial Tobacco, le « contexte du droit et du processus judiciaire »
doit être pris en compte. La LSDA prévoit un recours administratif, et le droit d’interjeter appel est accordé une fois ce recours épuisé. Ainsi, un appel prématuré n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueilli.
D. L’aspect pratique
[62] Même si les principes établis s’appliquent à la présente affaire, il serait irréaliste d’instruire l’appel de |||||||||| à ce stade. |||||||||| a exercé le recours administratif le 31 janvier 2022. Suivant le paragraphe 15(6) de la LSDA, le ministre dispose de 120 jours (ce délai pouvant être prolongé) pour décider si le nom de |||||||||| doit être radié de la liste ou y rester. Une décision pourrait être rendue d’ici la fin mai, donc d’ici quelques semaines. Si le ministre décide de radier le nom de |||||||||| de la liste, la principale réparation que ce dernier sollicite maintenant au moyen d’un appel deviendra théorique. Si le ministre décide de maintenir le nom de |||||||||| sur la liste, ce dernier pourra interjeter appel de cette décision et, conformément au paragraphe 16(4) de la LSDA, la Cour décidera, dès qu’elle aura été saisie de la demande, si la décision est raisonnable au vu du dossier dont disposait le ministre ainsi que d’autres informations. Comme l’a écrit le juge Noël dans la décision Brar, le processus d’appel est « vigoureux ».
[63] Je reconnais que les arguments de |||||||||| concernant la violation des droits conférés par la Charte et la constitutionnalité de la LSDA méritent d’être examinés, et je souligne que des arguments similaires ont été soulevés devant notre Cour dans d’autres instances. Toutefois, contrairement à ||||||||||, je ne suis pas d’avis que le dossier dont notre Cour dispose actuellement me permet de trancher les questions soulevées.
[64] En conclusion, la requête des intimés est accueillie. L’avis d’appel est radié dans son intégralité. Il est inutile d’examiner l’autre réparation demandée au vu du contenu de l’actuel dossier d’appel. Si, en réponse à la demande de recours administratif de ||||||||||, le ministre décide de maintenir son nom sur la liste d’interdiction de vol, |||||||||| pourra alors exercer son droit d’appel et la Cour s’efforcera d’instruire l’appel rapidement, dans la mesure du possible. Dans les circonstances, la Cour refuse d’adjuger des dépens.
ORDONNANCE dans le dossier T‑467‑22
LA COUR ORDONNE :
La requête des intimés est accueillie.
L’avis d’appel de l’appelant est radié dans son intégralité.
Aucuns dépens ne sont adjugés.
« Catherine M. Kane »
Juge
ANNEXE 1 – Dispositions et extraits pertinents de la LSDA
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T‑467‑22 |
INTITULÉ :
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|||||||||||||||||| c SA MAJESTÉ LA REINE, LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE |
LIEU DE L’AUDIENCE :
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REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER
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DATE DE L’AUDIENCE :
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REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER |
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE : |
LA JUGE KANE
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DATE DES MOTIFS :
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LE 5 MAI 2022
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COMPARUTIONS :
B. Rory B. Morahan |
POUR L’APPELANT |
Hilla Aharon |
POUR LES INTIMÉS |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morahan and Company
Avocats Victoria (Colombie‑Britannique) |
POUR L’APPELANT |
Procureur général du Canada Vancouver (Colombie‑Britannique) |
POUR LES INTIMÉS |