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Date : 20230626


Dossier : IMM-7987-22

Référence : 2023 CF 891

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 juin 2023

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

TIGIST ABERA WOLDEMARIAM

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Mme Tigist Woldemariam est une citoyenne éthiopienne qui vit actuellement en Afrique du Sud, où son mari et elle ont été officiellement reconnus comme réfugiés. La demanderesse, son mari et leur fille ont demandé la résidence permanente au Canada à titre de réfugiés parrainés, dans la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières. Un agent de migration d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a conclu que Mme Woldemariam et son mari n’étaient pas admissibles à la résidence permanente puisqu’ils avaient une « solution durable » en Afrique du Sud.

[2] Mme Woldemariam soutient que la décision de l’agent de migration était déraisonnable, car celui-ci s’est concentré sur leur statut juridique en tant que réfugiés et n’a tenu compte ni de la preuve relative à la situation générale en Afrique du Sud ni de la situation personnelle de la famille, notamment du meurtre du beau-frère de la demanderesse. Elle soutient également qu’il était déraisonnable de faire abstraction, dans la décision, du fait que la famille risquait d’être refoulée en Éthiopie.

[3] Après avoir examiné la décision de l’agent de migration et les arguments des parties, je conclus que la décision était raisonnable. L’agent de migration a raisonnablement apprécié le statut de réfugié de Mme Woldemariam et les raisons qu’elle avait avancées pour faire valoir qu’elle ne disposait pas d’une solution durable en Afrique du Sud en dépit de son statut. L’existence d’une solution durable étant déterminante quant à l’issue de la demande de résidence permanente, la décision était raisonnable et la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

II. Questions en litige et norme de contrôle applicable

[4] En l’espèce, Mme Woldemariam soulève les deux questions suivantes :

  1. L’agent de migration a-t-il commis une erreur lorsqu’il a conclu que la famille disposait d’une solution durable en Afrique du Sud?

  2. L’agent de migration a-t-il commis une erreur lorsqu’il a conclu que la famille ne risquait pas d’être refoulée en Éthiopie?

[5] Les parties conviennent que la décision de l’agent de migration est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16–17, 23–25; Helal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 37 au para 14. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, doit être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti et doit démontrer de manière adéquate les critères de justification, de transparence et d’intelligibilité : Vavilov, aux para 15, 85–86, 95, 99–101; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 aux para 3132.

III. Analyse

A. L’agent de migration n’a pas commis d’erreur en concluant que la famille disposait d’une solution durable en Afrique du Sud

(1) « Solution durable » au sens du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

[6] L’article 144 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR], définit la catégorie des « réfugiés au sens de la Convention outre-frontières » comme une catégorie de personnes qui peuvent obtenir un visa de résident permanent. L’article 139 du RIPR énonce une série d’exigences générales à remplir pour être admissible à un visa de résident permanent dans cette catégorie. L’exigence qui est en cause dans la présente demande est celle qui est énoncée à l’alinéa 139(1)d) :

Exigences générales

General requirements

139(1) Un visa de résident permanent est délivré à l’étranger qui a besoin de protection et aux membres de sa famille qui l’accompagnent si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

139 (1) A permanent resident visa shall be issued to a foreign national in need of refugee protection, and their accompanying family members, if following an examination it is established that

[...]

[...]

d) aucune possibilité raisonnable de solution durable n’est, à son égard, réalisable dans un délai raisonnable dans un pays autre que le Canada, à savoir :

(d) the foreign national is a person in respect of whom there is no reasonable prospect, within a reasonable period, of a durable solution in a country other than Canada, namely

(i) soit le rapatriement volontaire ou la réinstallation dans le pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle,

(i) voluntary repatriation or resettlement in their country of nationality or habitual residence, or

(ii) soit la réinstallation ou une offre de réinstallation dans un autre pays;

(ii) resettlement or an offer of resettlement in another country;

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

[7] Bien que l’alinéa 139(1)d) du RIPR renvoie à une « solution durable » comme signifiant le rapatriement volontaire ou la réinstallation dans le pays de nationalité ou de résidence habituelle, ou « la réinstallation ou une offre de réinstallation dans un autre pays », la Cour a reconnu qu’il n’existe pas de définition précise de « solution durable » dans le RIPR : Kediye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 888 au para 12, citant Al-Anbagi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 273 au para 17. La question de savoir s’il existe une solution durable nécessite une évaluation prospective qui dépend du statut juridique et de la situation personnelle du demandeur, mais aussi de la situation dans son pays de résidence : Uwamahoro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 271 au para 11; Al-Anbagi, au para 17, citant Barud c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1152 aux para 3, 12; Kediye, au para 12. Pour qu’une solution soit « durable », elle n’a pas à être parfaite : Uwamahoro, au para 15; Shahbazian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 680 au para 22.

[8] De manière générale, il incombe à la personne qui demande un visa de convaincre l’agent chargé de l’examen de sa demande qu’elle satisfait à toutes les exigences applicables à l’obtention du visa : Oladipo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 366 au para 24. La personne qui présente une demande au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières doit notamment démontrer qu’aucune possibilité raisonnable de solution durable n’est réalisable dans un délai raisonnable dans un autre pays : Karimzada c Canada (Citoyenneté et Immigration, 2012 CF 152 au para 25; Al-Anbagi, au para 16; Uwamahoro, au para 10.

(2) Demande de Mme Woldemariam

[9] Mme Woldemariam a fui l’Éthiopie en 2015, après avoir été emprisonnée et maltraitée par les autorités éthiopiennes pour avoir lutté contre la répression du peuple oromo. L’Afrique du Sud lui a accordé le statut de réfugié en 2015. Le mari de Mme Woldemariam s’était également vu accorder le statut de réfugié en Afrique du Sud, après avoir fui l’Éthiopie avec son frère plusieurs années avant Mme Woldemariam. M. et Mme Woldemariam étaient des amis d’enfance en Éthiopie. Ils se sont revus en Afrique du Sud, se sont mariés en 2015 et ont eu une fille qui est née en Afrique du Sud.

[10] Dans sa demande de résidence permanente, Mme Woldemariam a indiqué que le couple croyait que l’Afrique du Sud serait un pays sûr, mais a découvert qu’en raison de la forte xénophobie, les immigrants y sont victimes de vol, de torture et de meurtre. Elle a décrit les actes de xénophobie dont sa famille avait été victime, notamment le meurtre du frère de son mari dans une attaque à caractère xénophobe, et a fourni des pièces justificatives confirmant le décès de son beau-frère, son mariage et la naissance de sa fille. Elle a également fourni les documents de reconnaissance officielle de leur statut de réfugié en Afrique du Sud en guise de confirmation de son statut et de celui de son mari.

[11] Mme Woldemariam et sa famille ont été parrainées par un groupe de citoyens canadiens et de résidents permanents vivant à Calgary, dont faisait partie sa sœur, pour l’obtention de la résidence permanente. Une fois que le groupe de parrainage privé a été approuvé, un agent de migration a convoqué Mme Woldemariam à une entrevue à Pretoria afin d’évaluer la demande et de déterminer si elle répondait aux critères d’admission au Canada.

(3) Preuve fournie lors de l’entrevue

[12] Conformément à la pratique habituelle, l’agent de migration a consigné ses notes relatives à l’entrevue dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC]. Rien n’indique que ces notes ne reflètent pas fidèlement le contenu de l’entrevue.

[13] Au début de l’entrevue, l’agent de migration a indiqué que, pour approuver la demande, il devait déterminer si Mme Woldemariam satisfaisait aux exigences énoncées dans le RIPR et notamment vérifier si elle avait une solution durable en Afrique du Sud. Au cours de l’entrevue, l’agent de migration a cherché à obtenir plus de renseignements sur la question de la solution durable puisque le statut de réfugié de Mme Woldemariam avait été formellement reconnu en Afrique du Sud, de sorte qu’en théorie elle avait une solution durable en Afrique du Sud et ne risquait pas d’être refoulée en Éthiopie. En même temps, l’agent a reconnu que, dans les faits, la situation était peut-être différente. Il a donc donné à Mme Woldemariam l’occasion d’expliquer pourquoi elle ne pensait pas avoir une solution durable en Afrique du Sud. L’agent a dit à Mme Woldemariam qu’il reconnaissait que le taux de criminalité était élevé en Afrique du Sud, mais que tout le monde était touché et que, si elle voulait soulever la question de la criminalité, elle devait expliquer en quoi sa situation était différente de celle des autres Sud-Africains en situation semblable ou pourquoi son risque était plus grand que celui d’autres personnes résidant en Afrique du Sud. Cette approche est conforme à la jurisprudence de la Cour selon laquelle une solution durable peut exister malgré l’existence d’un risque général : Hassan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 531 au para 19, citant Abdi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1050 au para 28.

[14] Mme Woldemariam a donc expliqué que, depuis son arrivée en Afrique du Sud, elle avait été confrontée à de nombreuses difficultés et avait, entre autres, été victime de vol. Elle a indiqué qu’il était faux d’affirmer que les réfugiés bénéficiaient des mêmes possibilités d’étudier, car ils ne sont pas autorisés à entrer dans les écoles. Elle a répété que son beau-frère avait été tué en raison des problèmes de criminalité. Elle a fait remarquer qu’elle entendait régulièrement des coups de feu, qu’elle entendait souvent parler de meurtres et qu’elle avait peur pour son enfant. Elle a mentionné que les réfugiés ne peuvent pas postuler des emplois puisqu’ils sont [traduction] « sans papiers », et sont victimes de vol lorsqu’ils essayent de travailler. Bien qu’elle ait reconnu que son mari et elle travaillaient actuellement, elle a fait remarquer que leurs emplois n’étaient pas permanents.

(4) Décision de l’agent de migration

[15] Dans une lettre datée du 7 juillet 2022, l’agent de migration a rejeté la demande de visa de résident permanent de Mme Woldemariam. Dans sa lettre, l’agent a d’abord cité les dispositions législatives et réglementaires pertinentes avant d’indiquer que Mme Woldemariam résidait dans un pays signataire de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et qu’elle avait pu bénéficier de la protection de l’Afrique du Sud et de la reconnaissance formelle du statut de réfugié. Il a donc conclu que Mme Woldemariam ne satisfaisait pas aux exigences de l’alinéa 139(1)d) du RIPR.

[16] L’agent de migration a consigné des notes supplémentaires dans le SMGC, lesquelles font partie des motifs de la décision : Ezou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 251 au para 17, citant Rabbani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 257 au para 35. Dans ses notes du SMGC, l’agent de migration a mentionné le fait que l’Afrique du Sud avait reconnu officiellement à Mme Woldemariam et à son mari le statut de réfugié, et il a formulé la conclusion suivante :

[traduction]

Puisque le statut de réfugié de la candidate a été reconnu officiellement en Afrique du Sud, je suis convaincu que celle-ci ne risque pas d’être refoulée en Éthiopie, qu’elle a le droit d’étudier, de travailler, d’accéder aux soins de santé et de se déplacer librement [en Afrique du Sud] et qu’elle pourra y demander la résidence permanente au bout d’un certain temps.

[17] L’agent de migration a ensuite consigné le fait que Mme Woldemariam avait soulevé les questions de la criminalité et de la xénophobie au cours de son entrevue et dans ses formulaires de demande. Après avoir examiné ces questions, l’agent a énoncé ce qui suit :

[traduction]

Je concède que la criminalité est beaucoup plus présente en Afrique du Sud qu’au Canada, mais je ne suis pas convaincu qu’elle prive la candidate d’une solution durable. Je constate que la candidate peut signaler des crimes à la police.

De même, j’admets que le risque d’être victime de xénophobie peut être plus grand en Afrique du Sud qu’au Canada. Cependant, je ne suis pas convaincu que les renseignements à ma disposition donnent à penser que la xénophobie est telle que la candidate ne dispose pas d’une solution durable en Afrique du Sud ou qu’elle ne dispose pas de droits et de privilèges (en matière d’emploi, d’études, de soins de santé, de mobilité, etc.) en tant que réfugiée dont le statut est officiellement reconnu.

(5) Caractère raisonnable de la décision de l’agent de migration

[18] Mme Woldemariam soutient que la décision de l’agent de migration était déraisonnable parce que l’agent n’a pas tenu compte de manière significative de la situation personnelle de la famille, notamment du décès du beau-frère de la demanderesse, et des déclarations de celle-ci concernant leurs possibilités d’emploi et d’études. Je ne suis pas de cet avis.

[19] Comme je l’ai déjà mentionné, l’évaluation de l’existence d’une solution durable est une évaluation prospective visant à déterminer s’il existe une « possibilité raisonnable de solution durable […] réalisable dans un délai raisonnable » : RIPR, art 139(1)b); Uwamahoro, au para 11; Gebreselasse c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 865 au para 42, citant Miakhil c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1022 au para 20. Mme Woldemariam a évoqué la mort de son beau-frère comme exemple très personnel de l’existence de violence à caractère xénophobe en Afrique du Sud. Cependant, un incident de violence passé ne permet pas, en soi, de prédire le risque futur. Comme le mentionne le ministre, la Cour a jugé raisonnable de conclure qu’une solution durable existe en Afrique du Sud, même pour un réfugié qui avait lui-même été victime de « sept ou huit agressions xénophobes » : Hassan, aux para 4, 20–24. En l’espèce, bien que Mme Woldemariam ait évoqué le décès de son beau-frère, elle n’a donné que peu de détails sur cet événement et n’a fourni aucune preuve ou explication quant à la manière dont cet incident passé avait augmenté le risque de violence à caractère xénophobe que pourrait subir la famille dans l’avenir.

[20] L’agent de migration a bel et bien examiné les préoccupations de Mme Woldemariam concernant les crimes à caractère xénophobe. Il a conclu que la preuve n’était pas suffisante pour démontrer que la xénophobie en Afrique du Sud était telle que Mme Woldemariam ne disposait pas d’une solution durable. Je conviens que les motifs de l’agent de migration auraient pu être plus détaillés et que l’agent aurait pu renvoyer aux déclarations de Mme Woldemariam, surtout en ce qui concerne son beau-frère. Toutefois, à la lumière de la preuve au dossier, je ne peux pas conclure que la décision est déraisonnable simplement en raison du fait que l’agent n’a pas expressément fait référence au décès du beau-frère dans ses motifs lorsqu’il a apprécié le risque futur de violence à caractère xénophobe : Uwamahoro, aux para 17, 20.

[21] L’agent de migration n’a pas non plus omis d’examiner de façon raisonnable les questions de l’éducation et de l’emploi. Comme il ressort clairement du dossier, les éléments de preuve présentés à l’agent concernant l’incapacité des membres de la famille à se trouver un emploi ou à faire des études étaient très limités. Mme Woldemariam et son mari ont tous deux un emploi, même s’il s’agit d’emplois occasionnels ou non permanents; leur fille va à l’école. Dans ces circonstances, il était raisonnable pour l’agent de migration de conclure que les renseignements dont il disposait ne montraient pas que Mme Woldemariam et son mari ne pouvaient pas exercer leur droit à l’emploi et à l’éducation en tant que réfugiés dont le statut est officiellement reconnu.

[22] Mme Woldemariam soutient également que la décision de l’agent de migration est déraisonnable parce que l’agent n’y fait pas mention des éléments de preuve concernant la situation dans le pays. Je ne suis pas de cet avis. Rien n’indique que l’agent n’était pas au courant des éléments de preuve concernant la situation en Afrique du Sud. En effet, l’agent a mentionné la situation du pays dans sa décision, quoique de manière générale. Mme Woldemariam n’avait présenté aucun argument précis concernant la preuve relative à la situation dans le pays. Je ne peux donc pas conclure qu’il était déraisonnable pour l’agent de migration de ne pas se livrer à une analyse détaillée d’arguments qui ne lui ont pas été présentés.

[23] Comme le souligne le ministre, la Cour a, à plusieurs reprises, confirmé des décisions par lesquelles des agents des visas ont conclu que les réfugiés, y compris les réfugiés d’Afrique de l’Est, disposaient d’une solution durable en Afrique du Sud, même lorsqu’ils avaient été eux-mêmes victimes d’actes criminels et de xénophobie : Gebreselasse, au para 43, citant Hafamo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 995 aux para 23–25; Hassan, aux para 21–23; Ntakirutimana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 272 au para 16; voir aussi Uwamahoro, aux para 20–21; Abdi, au para 28; Barud, aux para 15–17. Bien entendu, cela ne scelle pas l’issue de toutes les demandes de résidence permanente et ne rend pas nécessairement toutes les conclusions quant à l’existence d’une solution durable en Afrique du Sud raisonnables. La jurisprudence de la Cour contredit toutefois l’argument de Mme Woldermariam selon lequel la preuve relative à la situation dans le pays – qui n’a pas été invoquée devant l’agent de migration – démontre que les réfugiés éthiopiens en Afrique du Sud ne disposent pas d’une solution durable.

B. L’agent de migration n’a pas commis d’erreur dans ses conclusions sur le risque de refoulement

[24] Mme Woldemariam soutient également que la conclusion de l’agent de migration selon laquelle elle [traduction] « ne risque pas d’être refoulée en Éthiopie » était déraisonnable. Elle affirme que l’agent a tiré cette conclusion sans tenir compte de la [traduction] « nature précaire » de son statut de réfugié, de celui de son mari et du fait que leur fille [traduction] « n’a pas de statut d’immigration en Afrique du Sud ».

[25] Ces arguments ne sont pas convaincants. D’abord, je constate que Mme Woldemariam n’a fourni à l’agent de migration aucun renseignement indiquant qu’elle risquait d’être renvoyée en Éthiopie. La demanderesse et son mari ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas retourner en Éthiopie parce qu’ils y seraient harcelés sexuellement, détenus ou tués, mais ils n’ont jamais fait valoir qu’ils couraient le risque d’y être renvoyés par les autorités sud-africaines. En outre, et contrairement à ce qu’a affirmé Mme Woldemariam dans ses observations écrites, rien n’indique que la raison pour laquelle elle n’a pas demandé la résidence permanente en Afrique du Sud est qu’elle a peur d’être refoulée en Éthiopie ou [traduction] « qu’elle manque de confiance envers le système ».

[26] Les arguments de Mme Woldemariam concernant l’obligation de renouveler le statut de réfugié et de le faire certifier avant d’obtenir la résidence permanente reflètent largement ceux avancés dans l’affaire Uwamahoro. Le juge LeBlanc, alors juge à la Cour fédérale, a mentionné que le principe du non-refoulement était inscrit dans la législation de l’Afrique du Sud, et il a conclu que la nécessité de renouveler le statut de réfugié en Afrique du Sud ne signifiait pas qu’il existait un risque de refoulement, à défaut de preuve établissant un risque véritable de refoulement : Uwamahoro, aux para 6, 13.

[27] Il n’y a pas non plus de preuve pour étayer les arguments de Mme Woldemariam concernant le statut juridique de sa fille et, quoi qu’il en soit, ces préoccupations n’ont pas été soumises à l’agent de migration. Bien que la demanderesse affirme que le certificat de naissance de sa fille est [traduction] « différent des certificats de naissance délivrés aux ressortissants d’Afrique du Sud », rien ne permet d’étayer cette affirmation ni de la relier à un risque de refoulement.

[28] Je ne suis donc pas convaincu que Mme Woldemariam a établi que la conclusion de l’agent de migration sur la question du refoulement était déraisonnable.

IV. Conclusion

[29] La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-7987-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Nicholas McHaffie »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7987-22

 

INTITULÉ :

TIGIST ABERA WOLDEMARIAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 AVRIL 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 JUIN 2023

 

COMPARUTIONS :

Teklemichael Ab Sahlemariam

Pour la demanderesse

 

Maria Green

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Law Office of Teklemichael Ab Sahlemariam

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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