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Date : 20230206


Dossier : T‑431‑22

Référence : 2023 CF 171

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 février 2023

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

KENNETH PATRICK PIKE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La pension de la Sécurité de la vieillesse [la SV] assure un revenu aux aînés canadiens. S’ils gagnent au‑delà d’un certain montant, les aînés doivent rembourser une partie ou la totalité de leur pension de la SV au moyen d’un impôt de récupération. En 2012, le Parlement a modifié la Loi sur la sécurité de la vieillesse, LRC 1985, c O‑9 [la Loi], afin d’offrir une plus grande liberté aux aînés qui souhaitent reporter leur pension de la SV à une date ultérieure. Le report volontaire de la pension de la SV permet aux aînés à revenu élevé qui, autrement, ne recevraient pas de prestations nettes de la SV en raison de ce revenu, de reporter leur pension de la SV à une période ultérieure durant laquelle leur revenu pourrait être plus faible. S’il reçoit déjà une pension de la SV et souhaite procéder à un report volontaire, l’aîné ne peut le faire que dans les six mois suivant la date du premier versement de sa pension de la SV (Règlement sur la sécurité de la vieillesse, CRC, c 1246 [le Règlement], article 26.1).

[2] Le demandeur, M. Kenneth Patrick Pike, a demandé le report de sa pension de la SV; cette demande a été refusée parce qu’elle n’a pas été présentée dans les six mois suivant la date du premier versement de sa pension. M. Pike a ensuite demandé un redressement en vertu de l’article 32 de la Loi, mais sa demande a été rejetée le 27 juillet 2021 par une déléguée du ministre de l’Emploi et du Développement social [le ministre] au motif qu’il ne s’était vu refuser aucune prestation en raison d’une erreur administrative, comme le prévoit cet article de la Loi. M. Pike demande à présent un contrôle judiciaire de cette décision.

[3] Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l’affaire sera renvoyée à Service Canada pour nouvel examen à la lumière de ces motifs.

II. Les faits

[4] C’est la troisième fois que M. Pike se retrouve devant la Cour et se représente lui‑même.

[5] L’affaire de M. Pike remonte à janvier 2013, lorsqu’il a reçu une lettre d’avis d’inscription proactive de Service Canada l’informant qu’il n’avait pas encore demandé ses prestations de la pension de la SV et l’invitant à le faire [la lettre d’avis]; un formulaire de demande de pension de la SV et un feuillet de renseignements de quatre pages [la trousse de demande] étaient joints à la lettre. M. Pike a présenté sa demande, qui a été reçue et traitée par Service Canada en mars 2013. Le 24 mars 2013, M. Pike a reçu une lettre [la lettre d’approbation] dans laquelle Service Canada confirmait que sa demande de pension de la SV avait été approuvée et que les versements commenceraient environ un an plus tard, soit en février 2014. Au cours de l’été 2013, M. Pike a reçu une lettre non datée de Service Canada l’informant que les aînés dont le revenu net prévu pour l’année d’imposition 2013 serait supérieur à 70 954 $ verraient leurs prestations récupérées par l’Agence du revenu du Canada sous la forme d’un impôt de récupération mensuel d’un montant équivalent. Dans le cas de M. Pike, ce montant correspondrait à la totalité de ses prestations mensuelles. C’est effectivement ce qui est arrivé à M. Pike.

[6] Le 26 juin 2013, Service Canada a publié des directives sous la forme du Bulletin de prestation de services no 605 [le BPS 605], lequel contient, entre autres, les informations suivantes :

[traduction]
SV : Avis spécial (ISP7030) Communiqué sur le report volontaire de la pension de la SV

Contexte

Dans le budget de 2012, le gouvernement du Canada a annoncé une mesure qui permettra de reporter volontairement une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV); elle doit entrer en vigueur le 1er juillet 2013. Ce changement permet aux personnes de reporter le versement de leur pension de la SV, à compter du mois où elles y deviennent admissibles, et ce, pour une période maximale de 60 mois, c’est‑à‑dire jusqu’à l’âge de 70 ans, en échange d’une majoration de la pension.

De plus, dans le discours du budget fédéral de 2012, le gouvernement a annoncé des modifications à la Loi sur la sécurité de la vieillesse visant à permettre à un pensionné d’annuler sa pension de la Sécurité de la vieillesse, à compter du 1er mars 2013, pourvu qu’il en avise le ministère par écrit dans les six mois à compter de la date à laquelle la pension a commencé (c’est‑à‑dire à partir de la date du premier versement). Les personnes qui annulent leur pension de la SV pourraient tirer avantage du report volontaire de la pension de la SV.

Les personnes ayant déjà fait une demande pour recevoir leur pension de la SV (jusqu’à 11 mois à l’avance) ne sont peut‑être pas au courant de ces changements, car l’information ne figurait pas dans la demande de SV ou l’avis d’approbation de la SV (ISP3061) qu’elles ont reçus. En vue de les informer, un avis spécial sera communiqué au cours de la semaine du 24 juin 2013 et les invitera à aviser le ministère par écrit si elles ne souhaitent pas recevoir leur pension de la SV pour l’instant. Environ 280 000 personnes qui reçoivent ou attendent d’obtenir les versements de janvier 2013 à décembre 2013 recevront cet avis spécial.

Tous les autres clients seront informés du report volontaire de la pension de la SV au moyen de la lettre d’avis concernant l’inscription proactive à la pension, l’avis d’approbation de la SV à jour, la trousse actualisée de demande de SV et la page Web de Service Canada.

[Non souligné dans l’original.]

[7] Près de deux ans plus tard, en avril 2015, M. Pike a écrit à Service Canada pour signifier qu’il avait récemment appris l’existence d’une option de report de sa pension, dont il aurait pu se prévaloir s’il travaillait encore et gagnait un revenu, mais que cette option n’avait pas été mentionnée dans la lettre d’approbation. Étant donné que le montant des prestations de pension mensuelles de M. Pike était alors recouvré au moyen d’un impôt de récupération mensuel, il a demandé l’annulation et le report de sa pension rétroactivement à compter de sa date d’admissibilité, c’est‑à‑dire février 2014. Le 5 juin 2015, Service Canada a rejeté la demande de M. Pike au motif que ce dernier ne l’avait pas présentée dans les six mois suivant la date à laquelle le premier versement de sa pension avait été effectué, en février 2014 [la décision concernant le report]; pour une raison quelconque, M. Pike n’a pas été avisé de cette décision et n’en a reçu une copie que le 21 octobre 2015, après avoir insisté auprès de Service Canada pour obtenir une réponse à sa demande de report. En novembre 2015, M. Pike a demandé une révision de la décision concernant le report; cette demande a également été rejetée, rejet qui a été confirmé par une lettre datée du 20 novembre 2015 [la décision concernant la demande de révision]. En plus de citer en grande partie le contenu du BPS 605, la décision concernant la demande de révision renferme entre autres ce qui suit :

[traduction]

En juin 2013, il a été reconnu que les personnes qui avaient déjà présenté une demande pour recevoir leur pension de la SV n’étaient peut‑être pas au courant de tels changements, car l’information en question ne figurait pas dans la demande de pension de la SV ni dans la lettre d’approbation de la SV qu’elles avaient reçue. En vue de les informer, une lettre d’avis spécial a été envoyée durant la semaine du 24 juin 2013 afin de les inviter à aviser le ministère par écrit si elles ne souhaitent pas recevoir leur pension de la SV à ce moment‑là. Environ 280 000 personnes qui recevaient ou attendaient d’obtenir les versements de janvier 2013 à décembre 2013 ont reçu cet avis spécial.

Un exemplaire de la lettre en question est joint à la présente.

Étant donné que votre demande de pension de sécurité de la vieillesse a été reçue en date du 6 mars 2013 et traitée le 21 mars 2013, la lettre d’avis spécial devrait vous avoir été envoyée.

Le 21 avril 2015, vous avez présenté par écrit une demande d’annulation du service de votre pension de la Sécurité de la vieillesse afin de le reporter. Nous avons refusé la demande en question parce que nous l’avons reçue plus de six mois après le début du service de votre pension.

La décision est maintenue.

[Non souligné dans l’original.]

[8] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale [le TSS] a rejeté l’appel interjeté par M. Pike, et la division d’appel du TSS a refusé de lui accorder la permission d’interjeter appel. M. Pike a par la suite présenté une demande de contrôle judiciaire de cette décision. Devant notre Cour, M. Pike a affirmé n’avoir reçu aucun renseignement l’informant qu’il pouvait reporter sa pension. Plus précisément, il a affirmé ne pas avoir reçu la lettre d’avis spécial qui aurait été envoyée la semaine du 24 juin 2013 [la lettre d’avis spécial] et dont il est question dans la décision concernant la demande de révision. Le 31 janvier 2019, dans l’affaire Pike c Canada (Procureur général), 2019 CF 135 [Pike 1], le juge Norris a rejeté la demande de M. Pike, estimant que la conclusion de la division d’appel du TSS, selon laquelle il n’existait pas de motifs d’appel défendables relativement à la situation de M. Pike, était raisonnable. Pour résumer, le juge Norris a estimé que la question n’était pas de savoir si M. Pike aurait dû être au courant des modifications législatives, étant donné qu’elles étaient censées être « facilement accessibles » au public – un argument avancé par le procureur général – mais plutôt de savoir si la division générale du TSS avait le pouvoir de proroger la période de six mois au cours de laquelle sa pension pouvait être annulée. Il ajoute que la difficulté était que le tribunal ne pouvait pas non plus « invoquer les principes d’equity ou tenir compte de circonstances atténuantes pour accorder un délai d’annulation du service de la [pension de la SV] supérieur au délai qui est prescrit par la [Loi] et le [Règlement] » (Pike 1, aux para 16 et 32). Cependant, en rejetant la demande de contrôle judiciaire de M. Pike, le juge Norris a fait le commentaire suivant, au paragraphe 31 :

[...] Je suis d’accord avec M. Pike pour dire que la décision de Service Canada, datée du 20 novembre 2015, de rejeter sa demande de révision s’appuyait à tort sur la conclusion que la lettre d’avis spécial [traduction] « [devait lui] avoir été envoyée » et, implicitement, qu’il devait l’avoir reçue. Or, il n’existe aucune preuve directe démontrant que cette lettre a bel et bien été envoyée à M. Pike à quelque moment que ce soit. Étant donné la date à laquelle il a présenté sa demande de [pension de la SV] et la date à laquelle le service de celle‑ci devait débuter, il est impossible de dire avec certitude si M. Pike aurait été de ceux à qui la lettre d’avis spécial a été envoyée ou non. En tout état de cause, même si cette lettre lui a été envoyée, il ne fait aucun doute qu’il ne l’a pas reçue. Du reste, pour les raisons invoquées par la division générale, cela ne changeait rien à l’issue de l’appel devant ce tribunal.

[Non souligné dans l’original.]

[9] Les conclusions du juge Norris étaient suffisantes pour lui permettre de statuer sur la demande de contrôle judiciaire dont il était saisi. Toutefois, pour parvenir à sa décision, le juge Norris a déclaré que sa décision n’excluait pas la possibilité pour M. Pike d’obtenir un redressement en vertu de l’article 32 de la Loi, étant donné le pouvoir distinct accordé au ministre au titre de cette disposition (Pike 1, au para 35). L’article 32 de la Loi est libellé ainsi :

Refus de prestation dû à une erreur du ministère

Where person denied benefit due to departmental error, etc.

32 S’il est convaincu qu’une personne s’est vu refuser tout ou partie d’une prestation à laquelle elle avait droit par suite d’un avis erroné ou d’une erreur administrative survenus dans le cadre de la présente loi, le ministre prend les mesures qu’il juge de nature à replacer l’intéressé dans la situation où il serait s’il n’y avait pas eu faute de l’administration.

32 Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied a benefit, or a portion of a benefit, to which that person would have been entitled under this Act, the Minister shall take such remedial action as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made.

[10] En effet, devant le juge Norris, l’avocat du Procureur général a confirmé que, si M. Pike devait présenter une demande de redressement fondée sur l’article 32 de la Loi, une enquête serait effectuée et une décision serait prise en vertu de cette disposition (Pike 1, aux para 35, 38). Par conséquent, c’est exactement ce qu’a fait M. Pike le 10 février 2019 [la demande de redressement en vertu de l’article 32]. À l’appui de sa demande, M. Pike a souligné que ni la lettre d’avis, ni la trousse de demande, ni la lettre d’approbation ne mentionnaient la possibilité d’un report. En ce qui concerne la lettre d’avis spécial prétendument envoyée au cours de la semaine du 24 juin 2013 aux « 280 000 personnes qui recev[aient] ou attend[aient] d’obtenir les versements de janvier 2013 à décembre 2013 », M. Pike a fait valoir qu’il n’entrait pas dans cette catégorie car il [TRADUCTION] « ne recevait pas de versements » durant la semaine du 24 juin 2013, et qu’il [TRADUCTION] « n’attendait pas de versements de janvier 2013 à décembre 2013 »; il allait recevoir son premier versement en février 2014. M. Pike a affirmé qu’il n’avait jamais reçu la lettre d’avis spécial, et qu’il avait donc été oublié.

[11] Après que Service Canada l’eut invité à le faire, M. Pike a soumis au début du mois d’août 2019 des renseignements supplémentaires à l’appui de sa demande de redressement en vertu de l’article 32. Mme Sandra LeBlanc, consultante en programmes, apparemment basée à St. John’s (T‑N‑L), a été chargée d’examiner la demande. Le dossier montre que le matin du 30 août 2019, Mme Crystal Burke, analyste principale des affaires pour Service Canada dans la région de la capitale nationale, a envoyé un courriel à une adresse électronique générale interne, indiquant qu’elle travaillait avec une équipe au traitement de la demande de redressement en vertu de l’article 32 et qu’elle cherchait à déterminer si M. Pike figurait sur la liste numérisée utilisée pour envoyer la lettre d’avis spécial en juin 2013. Mme Burke a reçu une réponse de Mme Kathie Jones, conseillère de programme à Service Canada, laquelle indiquait que le compte de M. Pike avait été repéré dans les résultats de l’analyse de la liste numérisée, dont Mme Burke a reçu une copie. En début d’après‑midi, Mme Burke a accusé réception des résultats et a répondu, ajoutant Mme LeBlanc en copie : [TRADUCTION] « Sandra, je confirme que le nom de votre client, M. Pike [numéro d’assurance sociale supprimé], figure dans la partie 1 de la liste numérisée. Il devrait avoir reçu une lettre. » [la confirmation de réception datée du 30 août].

[12] Le dossier de M. Pike dont je dispose comprend une note qui a été versée dans le système interne de gestion de l’information de Service Canada [le SIGISC] et qui est assortie d’une marque de tampon‑dateur du 3 septembre 2019 [la note du 3 septembre 2019]. Cette note indique ce qui suit :

[traduction]
L’erreur administrative (EA) a été examinée et traitée par le gestionnaire national. Nous n’avons pas maintenu la recommandation faite par le bureau régional au sujet de ce dossier, à savoir qu’une EA avait eu lieu. Par conséquent, il est recommandé que l’article 32 de la [Loi sur la sécurité de la vieillesse] ne soit PAS invoqué. Le dossier papier est retourné par la poste à l’Île‑du‑Prince‑Édouard [...].

[Non souligné dans l’original.]

[13] Le bureau « régional » de Service Canada – qu’il s’agisse du bureau de Service Canada au Nouveau‑Brunswick, à l’Île‑du‑Prince‑Édouard ou à Terre‑Neuve‑et‑Labrador – n’a pas été précisé, pas plus que le nom du « gestionnaire national » dont il est question dans la note du 3 septembre 2019. En outre, la conclusion du bureau régional selon laquelle une erreur administrative avait été commise dans le dossier de M. Pike ne fait pas partie du dossier dont je dispose, et les raisons pour lesquelles l’administration centrale de Service Canada [l’ACSC] a annulé cette décision ne m’ont pas été exposées clairement. L’existence de la note du 3 septembre 2019 n’a été découverte par M. Pike que lorsqu’il a reçu des documents en réponse à une demande relative à l’accès à l’information et à la protection des renseignements personnels [l’AIPRP] qu’il a présentée le 2 juin 2020. Quoi qu’il en soit, J. C. Gagne, gestionnaire à l’ACSC, a signé le 3 septembre 2019 le rapport d’enquête préparé par Mme LeBlanc le même jour [le rapport relatif à l’article 32] et résumant l’affaire, la demande de redressement en vertu de l’article 32 et le contexte de la demande de M. Pike. À la même date, il fournissait une analyse et une recommandation et concluait que, selon la prépondérance des probabilités, il n’y avait eu aucune erreur administrative dans le cas de M. Pike. Dans une lettre datée du 9 septembre 2019, le ministre a rejeté la demande de redressement en vertu de l’article 32 présentée par M. Pike [la décision au titre de l’article 32]. Entre autres, la décision au titre de l’article 32 indiquait ce qui suit : « L’administration centrale a confirmé que votre numéro d’assurance sociale (NAS) figurait dans la liste des clients sélectionnés en vue de l’envoi de cet avis spécial ». M. Pike a demandé le contrôle judiciaire de cette décision.

[14] Le 25 mars 2020, dans l’affaire Pike c Canada (Procureur général), 2020 CF 415 [Pike 2], la juge Strickland a accueilli la demande de contrôle judiciaire de M. Pike et a renvoyé l’affaire au ministre pour qu’il procède à une nouvelle enquête et prenne une nouvelle décision au titre de l’article 32. La juge Strickland a conclu que la décision au titre de l’article 32 n’était pas justifiée à la lumière du dossier dont le ministre disposait, et qu’elle était donc déraisonnable. La juge Strickland était particulièrement préoccupée par les éléments de preuve censés étayer l’affirmation selon laquelle la lettre d’avis spécial avait été envoyée à M. Pike. Plus précisément, la juge Strickland n’était pas convaincue que le dossier présenté au ministre établissait que Service Canada avait envoyé la lettre d’avis spécial à M. Pike. La Cour a relevé un certain nombre de lacunes dans les éléments de preuve figurant au dossier et concernant la lettre d’avis spécial.

[15] Il ne semble pas que les éléments suivants aient fait partie du dossier qui a été présenté à la juge Strickland : la note du 3 septembre 2019, qui fait référence au désaccord entre le bureau régional et l’ACSC quant à savoir si une erreur administrative a été commise dans le dossier de M. Pike; la décision effective du bureau régional selon laquelle une erreur administrative a effectivement été commise; tout échange concernant les raisons pour lesquelles l’ACSC a décidé de ne pas tenir compte de la décision du bureau régional; ou toute preuve par affidavit expliquant ce changement de cap par rapport à la position établie en premier lieu par le bureau régional. Ceci est troublant, car c’est manifestement le « gestionnaire national » qui était saisi de l’affaire. La copie certifiée conforme délivrée par Emploi et Développement social Canada en application du paragraphe 318(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, et confirmant le contenu du dossier certifié du tribunal dans Pike 2, est datée du 11 octobre 2019; d’après ce que je peux constater, les entrées du SIGISC qui figurent dans ce dossier certifié du tribunal ne vont pas au‑delà du 20 février 2019. La raison pour laquelle l’entrée de la note du 3 septembre 2019, qui se trouve juste trois entrées au‑dessus de celle de février 2019, ne figure pas dans le dossier certifié du tribunal n’est pas claire, en particulier parce que le rapport relatif à l’article 32 et la décision au titre de l’article 32 sont respectivement datés du 3 septembre 2019 et du 9 septembre 2019.

[16] Lorsque j’ai demandé à l’audience si la recommandation du bureau régional de Service Canada ou tout autre échange à ce sujet pouvait être consulté, M. Pike a indiqué que la réponse qu’il avait reçue à sa demande d’AIPRP, par laquelle il cherchait à obtenir ces renseignements – ceux‑ci ayant pu appuyer sa position – établissait que la recommandation n’était pas disponible pour une raison inconnue. Plus important encore, il n’est pas possible de savoir si cette recommandation du bureau régional et si les possibles échanges à ce sujet ont été mis à la disposition de Mme LeBlanc lorsqu’elle a préparé le rapport relatif à l’article 32. Je dois supposer que les documents ne faisaient pas partie du dossier certifié du tribunal dans l’affaire Pike 2; cela pourrait bien avoir contribué à justifier la conclusion du caractère déraisonnable de la décision au titre de l’article 32.

[17] Dans son analyse, la juge Strickland a pris en considération les motifs fournis par le ministre dans la décision au titre de l’article 32 et les motifs fournis par Mme Leblanc dans le rapport relatif à l’article 32. La juge Strickland a estimé que le dossier ne résolvait pas la question soulevée au paragraphe 31 de la décision Pike 1, dans lequel le juge Norris a déclaré ce qui suit : « Étant donné la date à laquelle il a présenté sa demande de [pension de la SV] et la date à laquelle le service de celle‑ci devait débuter, il est impossible de dire avec certitude si M. Pike aurait été de ceux à qui la lettre d’avis spécial a été envoyée ou non. » Quoiqu’il en soit, après avoir relevé une série de lacunes dans l’analyse ayant conduit au rapport relatif à l’article 32, la Cour a estimé, dans l’affaire Pike 2, qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve pour étayer l’affirmation du ministre selon laquelle M. Pike avait reçu la lettre d’avis spécial. Plus précisément, la Cour a estimé que : a) la question soulevée par le juge Norris dans l’affaire Pike 1, à savoir si M. Pike faisait partie du groupe des 280 000 personnes ayant reçu la lettre d’avis spécial, n’a pas été résolue; b) il n’y avait aucune preuve matérielle permettant de conclure que la lettre d’avis spécial avait été envoyée à M. Pike; et c) aucune explication n’a été fournie quant à la raison pour laquelle la lettre n’avait pas été versée au dossier de M. Pike. Finalement, dans ces circonstances et compte tenu des préoccupations soulevées à répétition par M. Pike, par ailleurs demeurées sans réponse, quant à savoir s’il faisait réellement partie du groupe des 280 000 personnes à qui la lettre d’avis spécial avait été envoyée, la juge Strickland a conclu qu’elle n’était pas convaincue que le dossier présenté au ministre démontrait que Service Canada avait envoyé la lettre d’avis spécial à M. Pike et avait procédé à une enquête appropriée sur la question avant de rendre sa décision. Ainsi, la juge Strickland a ordonné que l’affaire soit renvoyée à Service Canada pour qu’une nouvelle enquête au titre de l’article 32 puisse être menée par un autre consultant en programmes, et pour qu’une décision puisse être rendue par un autre délégué du ministre à la lumière des motifs de la Cour.

III. La décision faisant l’objet du contrôle

[18] Le dossier dont je dispose contient un courriel daté du 12 mai 2020 et envoyé par Mme Elizabeth Charron, agente principale à la législation relative à la SV de la division de la Politique de la sécurité de la vieillesse, Secrétariat des politiques sur les aînés et les pensions, Emploi et Développement social Canada [le courriel de Mme Charron]. Il a été obtenu par M. Pike à la suite de l’une des deux demandes d’AIPRP qu’il a présentées suivant la décision de la juge Strickland dans l’affaire Pike 2, dans lesquelles celui‑ci demandait les directives qui avaient été données à l’équipe d’enquêteurs concernant sa demande de redressement en vertu de l’article 32. Le courriel fournit le contexte de l’affaire et les directives pour mener la nouvelle enquête au titre de l’article 32 ordonnée par la Cour, notamment la nécessité de répondre aux préoccupations exprimées par la Cour dans l’affaire Pike 2. Le courriel de Mme Charron indique, entre autres :

[traduction]
[...]

Il est extrêmement important que nous abordions chaque question soulevée par la juge Strickland dans la décision de la CF et que nous expliquions en détail comment et pourquoi nous en sommes parvenus à notre conclusion. Service Canada doit notamment fournir des explications au sujet des questions suivantes :

[...]

2. Pourquoi M. Pike aurait‑il été inclus dans le groupe de personnes qui devaient recevoir la lettre d’avis spécial, c’est‑à‑dire celles qui recevaient déjà ou devaient obtenir des versements entre janvier 2013 et décembre 2013, alors que son premier versement au titre de la SV ne devait pas être effectué avant février 2014? À l’heure actuelle, la confusion règne quant à la manière dont le ministre peut affirmer que M. Pike faisait partie des personnes auxquelles une lettre avait été envoyée en juin 2013 alors qu’il attendait son premier versement en février 2014, et non entre janvier 2013 et décembre 2013. Nous devons expliquer comment l’analyse par le système de la liste numérisée a été effectuée et pourquoi M. Pike a été inclus dans le groupe de personnes devant recevoir la lettre. Nous devons expliquer qu’il ne s’agit pas de considérer la date du commencement des prestations, mais qu’il s’agit plutôt d’évaluer le fait que le compte a été ouvert dans le système en mars 2013 et qu’il était en attente de paiement pendant tout le reste de l’année 2013. C’est pourquoi ce compte répondait aux critères. Ce sont ces informations qui ont été analysées.

3. Comment le ministre sait‑il avec certitude que la « lettre d’avis spécial » du 24 juin 2013 a bien été envoyée à M. Pike, bien qu’il n’y ait pas de copie au dossier? Nous devons expliquer comment, une fois l’analyse effectuée et la liste créée, les lettres automatiques ont été générées par le système et ont été transmises.

[...]

[19] À l’appui de la nouvelle enquête au titre de l’article 32, un autre consultant en programmes, Aldrick Theodore, a préparé un rapport daté du 21 juillet 2021, lequel a été signé le même jour par Catherine Chung, directrice du centre d’expertise de l’ACSC [le nouveau rapport au titre de l’article 32]. M. Theodore y expose l’historique du dossier de M. Pike et, dans la rubrique « Recommandation », il conclut [TRADUCTION] : « Après avoir procédé à un examen approfondi du dossier de M. Pike, le ministre n’est pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’une erreur administrative a été commise au titre de l’article 32 de la [Loi sur la sécurité de la vieillesse] ».

[20] Le procureur général ne conteste pas le fait que ni la lettre d’avis reçue par M. Pike en janvier 2013, ni la trousse de demande qui y était jointe, ni la lettre d’approbation reçue le 24 mars 2013 ne mentionnaient l’option de report. Bien que les documents de demande généraux aient été mis à jour le 6 septembre 2013 et que les lettres d’approbation types aient été mises à jour le 1er avril 2013, dans le but d’aviser les aînés de l’existence de cette option, la référence à celle‑ci n’y figurait pas au moment où M. Pike a reçu ces documents. M. Theodore a confirmé que, dans le but de remédier au problème, la lettre d’avis spécial a été envoyée aux « personnes qui reçoivent ou attendent d’obtenir les versements de janvier 2013 à décembre 2013 ». Dans son rapport, M. Theodore indique que, lorsqu’on lui a demandé de préciser le contenu du BPS 605 et la signification des mots « qui reçoivent ou attendent d’obtenir les versements de janvier 2013 à décembre 2013 », le [traduction] « gestionnaire des opérations dirigeant le projet de report de la SV » a fourni l’explication suivante :

[traduction]
Qu’entendions‑nous par « de janvier 2013 à décembre 2013 »? Cela signifie que le client apparaissait dans le système et qu’il était soit admissible (recevait déjà des prestations), soit en attente de prestations (date d’admissibilité ultérieure), et ce, quelle que soit la date d’entrée en vigueur des prestations (date d’admissibilité). Par exemple, Mary a fait une demande de prestations en octobre 2013, la date du premier versement des prestations étant fixée à juin 2014. Mary a été entrée dans le système en novembre 2013 comme étant en attente de prestations; son nom a donc été sélectionné pour la création de la liste numérisée qui couvrait les mois de janvier à décembre. Sa date d’admissibilité ultérieure, soit juin 2014, n’a pas été prise en compte dans les critères de sélection.

[Non souligné dans l’original.]

[21] Le dossier contient également ce qui est présenté comme étant un tableau Excel contenant des informations spécifiques sur M. Pike [le tableau]. Ce tableau aurait été tiré d’une analyse plus vaste des informations des clients contenues dans l’ancien système de la SV, et aurait été effectué pour regrouper les 280 000 personnes répondant aux critères pour recevoir la lettre d’avis spécial. Outre les titres des colonnes, le tableau comportant une seule ligne contient des informations spécifiques sur M. Pike, notamment son nom, son numéro de compte, son numéro d’assurance sociale, son adresse, des informations relatives à son droit à une pension de la SV, ainsi que le numéro de ligne de l’analyse plus vaste – le numéro de ligne 183863 – où son nom est apparu.

[22] En formulant sa recommandation dans le nouveau rapport au titre de l’article 32, M. Theodore s’est clairement appuyé sur l’avis interne du gestionnaire des opérations non identifié dirigeant le projet de report de la SV, ainsi que sur le tableau – elle aussi préparée par une personne non identifiée – pour déterminer que, selon la prépondérance des probabilités, M. Pike était l’une des « personnes qui re[cevai]ent ou attend[ai]ent d’obtenir les versements de janvier 2013 à décembre 2013 ». Le 27 juillet 2021, en se basant sur le nouveau rapport au titre de l’article 32, un autre délégué du ministre non identifié a décidé [la décision découlant du réexamen au titre de l’article 32] de rejeter la demande de redressement en vertu de l’article 32 présentée par M. Pike pour les raisons suivantes :

[traduction]
[...]

Dans votre lettre reçue le 14 février 2019, vous affirmez que le ministère a commis les erreurs administratives suivantes qui, selon vous, ont entraîné une perte de prestations :

Le formulaire de demande de pension de la SV et le feuillet de renseignements de quatre pages (2012‑01‑01) [joints à la lettre d’avis] qui vous ont été envoyés le 29 janvier 2013 ne mentionnaient pas l’option de report;

La [lettre d’approbation] qui vous a été envoyée le 24 mars 2013, une fois que votre demande de pension de la SV a été approuvée, ne mentionnait pas l’option de report;

Vous ne faisiez pas partie des destinataires de la [lettre d’avis spécial] concernant l’option de report volontaire de la pension de la SV, envoyée au cours de la semaine du 24 juin 2013.

Après un examen minutieux de toutes les informations figurant au dossier par un autre fonctionnaire de ce ministère, nous avons conclu que vous n’avez subi aucune perte de prestations en raison d’une erreur administrative, et ce, pour les raisons suivantes :

  • Il est vrai que le formulaire de demande de pension de la SV, le feuillet de renseignements de quatre pages qui accompagnait la demande et la lettre d’approbation que vous avez reçue ne mentionnaient pas l’option de report; le formulaire de demande de pension de la SV et le feuillet de renseignements ont été mis à jour le 6 septembre 2013 pour inclure des renseignements sur le report, tandis que la lettre d’approbation a été mise à jour le 1er avril 2013. Toutefois, dans le but de résoudre ce problème, le ministère a envoyé au cours de la semaine du 24 juin 2013 une lettre d’avis spécial à environ 280 000 personnes qui recevaient ou attendaient d’obtenir les versements de janvier 2013 à décembre 2013. Cela signifie que les clients qui apparaissaient dans le système et qui étaient soit admissibles (recevaient déjà des prestations), soit en attente de prestations (date d’admissibilité ultérieure), quelle que soit la date d’entrée en vigueur des prestations, devaient recevoir la lettre d’avis spécial. Nos dossiers indiquent que votre compte a été créé dans le système en ligne de la SV le 21 mars 2013 et qu’il prévoyait le 1er février 2014 comme date d’entrée en vigueur des prestations. Par conséquent, la preuve démontre que vous avez reçu la lettre d’avis spécial.

  • Votre nom se trouve à la ligne 183863 d’un tableau Excel où sont répertoriés les noms des 280 000 personnes qui répondaient aux critères d’envoi de la lettre d’avis spécial. Votre adresse est également indiquée sur le tableau, [adresse supprimée], et elle correspond à l’adresse à laquelle la trousse de demande de SV initiale a été envoyée le 29 janvier 2013. Il est établi que vous avez reçu la trousse de demande de SV initiale puisque vous l’avez renvoyé le 6 mars 2013. En outre, vous avez également indiqué cette même adresse sur votre formulaire de demande de SV, à la ligne 7a.

  • Quant au fait que la lettre d’avis spécial ne figure pas à votre dossier, la raison est que seules les lettres créées manuellement dans les centres de traitement de Service Canada sont photocopiées et versées dans les dossiers des clients. Les lettres qui sont générées par le système uniquement à des fins d’envoi automatisé, comme la lettre d’avis spécial sur l’option de report, ne sont pas copiées dans les dossiers des clients.

[...]

[Non souligné dans l’original.]

[23] C’est la décision découlant du réexamen au titre de l’article 32 qui fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire dont je suis saisi en l’espèce.

IV. Question en litige et norme de contrôle applicable

[24] La seule question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si la décision découlant du réexamen au titre de l’article 32 de la Loi est raisonnable. Il existe une présomption voulant que la décision raisonnable soit la norme applicable lors du contrôle d’une décision administrative, et aucune des exceptions ne vaut en l’espèce (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 16, 17). Comme l’ont souligné les juges majoritaires dans l’arrêt Vavilov, une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85). La Cour ne devrait intervenir que si la décision faisant l’objet du contrôle ne possède pas « les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité » et si elle n’est pas justifiée « au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, au para 99).

V. Analyse

[25] Il incombe à la partie qui soutient qu’il y a eu erreur administrative, ou qui affirme avoir reçu un avis erroné de prouver, suivant la prépondérance des probabilités, que cette erreur est survenue ou que cet avis lui a été donné (Lee c Canada (Procureur général), 2011 CF 689 au para 81 [Lee]). De plus, comme l’a déclaré la juge Gauthier (plus tard juge à la Cour d’appel fédérale) dans l’affaire Jones c Canada (Procureur général), 2010 CF 740 [Jones] : « [...] avant de prendre des mesures correctives, le ministre doit être convaincu que l’erreur a conduit au refus d’un avantage auquel l’appelant avait droit. Il doit donc exister un lien de causalité, et l’absence de ce lien sera fatale » (Jones, aux para 34‑35). En fait, la Cour doit établir si la décision du délégué du ministre était raisonnable compte tenu de la preuve disponible (Lee, para 60).

[26] Comme indiqué précédemment, le procureur général n’a pas insisté sur le fait que M. Pike avait effectivement reçu la lettre d’avis spécial : en effet, il semble admis que M. Pike ne l’a pas reçue. Dans l’affaire Pike 1, le juge Norris a souligné que la division générale du TSS avait admis que M. Pike n’avait pas reçu la lettre d’avis spécial et qu’il n’avait pas connaissance de l’option de report jusqu’à ce qu’il demande l’annulation de sa pension en avril 2015 (Pike 1, au para 29). En tout état de cause, soutient le procureur général, le ministre n’est pas tenu d’établir que M. Pike a effectivement reçu la lettre; tout ce que le ministre doit démontrer, c’est qu’une telle lettre lui a été envoyée (Bowen c Ministre du Revenu national, 1991 CanLII 13528 (CAF), [1991] FCJ No 1054 (QL), 1991 CarswellNat 520 (WL) au para 8; Jiang c Canada (Procureur général), 2019 CF 629, aux para 11, 13 [Jiang]). Par conséquent, la question à trancher est de savoir s’il était raisonnable pour le ministre de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la lettre d’avis spécial avait été envoyée à M. Pike et que, par conséquent, ce dernier ne s’était pas vu refuser les prestations de la SV en raison d’une erreur administrative (art 32 de la Loi). En d’autres termes, le ministre n’est pas tenu de démontrer que M. Pike a reçu la lettre d’avis spécial, mais seulement qu’une telle lettre a été envoyée (Jiang, aux para 11, 13).

[27] En outre, bien que cela n’ait pas été expressément tranché dans l’affaire Pike 2, j’estime que tout manquement à l’obligation d’envoyer la lettre d’avis spécial constituerait, en l’espèce, une erreur administrative de la part du ministre en vertu de l’article 32 de la Loi. Bien qu’il n’y ait généralement pas d’obligation légale pour le ministre d’informer les personnes de leur droit à une prestation ou d’émettre une lettre d’avis spécial (Consiglio c Canada (Procureur général), 2016 CF 1123, au para 25), il me semble qu’une fois la décision prise d’envoyer la lettre d’avis spécial, toute erreur administrative commise à cet égard pourrait bien relevée de l’article 32 de la Loi. En effet, le ministre a reconnu que l’envoi de la lettre d’avis spécial au cours de la semaine du 24 juin 2013 a été rendu nécessaire en raison de l’incapacité du ministère à mettre à jour les systèmes en temps opportun, et que les personnes qui avaient déjà demandé leur pension de la SV n’auraient peut‑être pas pu être informées autrement des changements législatifs en vigueur à cause du retard accusé par Service Canada à mettre à jour les informations envoyées aux personnes comme M. Pike. Il est donc difficile d’imaginer en quoi l’omission de lui envoyer la lettre d’avis spécial pourrait être autre chose qu’une erreur administrative dans l’application de la Loi, ce qui a entraîné le refus de prestations à M. Pike, comme prévu par l’article 32 de la Loi.

[28] M. Pike soutient que l’analyse effectuée dans le nouveau rapport au titre de l’article 32 est incorrecte et qu’elle est le fruit d’une série d’erreurs administratives et d’avis internes erronés. Le litige porte sur la question de savoir si M. Pike faisait partie – comme indiqué dans le BPS 605, la décision au titre de l’article 32 et la décision découlant du réexamen au titre de l’article 32 – des « 280 000 personnes qui re[cevai]ent ou attend[ai]ent d’obtenir les versements de janvier 2013 à décembre 2013 » qui devaient recevoir la lettre d’avis spécial. Comme indiqué précédemment, l’interprétation de M. Pike est qu’il ne faisait pas partie de cette catégorie puisqu’il « ne recevait pas de versements » pendant la semaine du 24 juin 2013 – ce qui n’est pas contesté par le procureur général – et, plus important encore, qu’il « n’attendait pas de versements de janvier 2013 à décembre 2013 », étant donné qu’il devait recevoir son premier versement en février 2014. En d’autres termes, il a été oublié et n’a pas reçu la lettre d’avis spécial.

[29] Le procureur général, en revanche, admet que la formulation choisie pour cibler le groupe d’aînés – utilisée pour la première fois dans le BPS 605 – qui devait recevoir la lettre d’avis spécial [le groupe destinataire] n’est pas précise et est quelque peu vague. Le procureur général affirme que la composition du groupe destinataire a été mieux décrite dans les documents ultérieurs. Plus particulièrement, le procureur général souligne la manière dont le groupe destinataire a été décrit par le gestionnaire des opérations dirigeant le projet de report de la SV, description sur laquelle M. Theodore s’est appuyé pour préparer le nouveau rapport au titre de l’article 32 : « [...] le client apparaissait dans le système et qu’il était soit admissible (recevait déjà des prestations), soit en attente de prestations (date d’admissibilité ultérieure), et ce, quelle que soit la date d’entrée en vigueur des prestations (date d’admissibilité) ». Le procureur général souligne également la manière dont cette définition a été appliquée dans la décision découlant du réexamen au titre de l’article 32 : « les clients qui apparaissaient dans le système et qui étaient soit admissibles (recevaient déjà des prestations), soit en attente de prestations (date d’admissibilité ultérieure), quelle que soit la date d’entrée en vigueur des prestations ».

[30] Le procureur général fait valoir qu’étant donné que la demande de prestations de M. Pike avait été approuvée entre janvier et décembre 2013, peu importait que le premier versement ait été prévu pour février 2014 : M. Pike était considéré comme « en attente de prestations » et devait donc être pris en compte lors de la création du tableau à partir de la liste numérisée contenant les noms et les adresses du groupe destinataire. Le nom de M. Pike figurait apparemment sur ce tableau, tel que reproduit sur le tableau Excel.

[31] Comme l’a souligné M. Pike, la difficulté pour le procureur général est que dans don affidavit, daté du 11 avril 2022 et déposé à l’appui de la position du ministre, Mme Charron affirme ce qui suit :

[traduction]
[3] Un dossier certifié du tribunal (DCT) a été préparé et transmis au demandeur et à la Cour fédérale. Le DCT contenait une copie de tous les documents présentés au décideur en juillet 2021.

[4] Le DCT contenait un tableau présentant des informations spécifiques sur le demandeur, tiré d’une analyse plus vaste des informations sur les clients contenues dans l’ancien système de la SV. En juillet 2013, de nouvelles modifications législatives sont entrées en vigueur, notamment des dispositions permettant aux demandeurs, dans certaines circonstances, de reporter le versement de leur pension de la SV. EDSC a demandé une analyse de tous les clients figurant dans les systèmes SV/AI (sécurité de la vieillesse/accords internationaux) afin de dresser la liste des clients qui recevaient déjà des prestations ou qui avaient fait une demande de prestations (mais qui n’avaient pas encore reçu d’approbation), afin de leur envoyer une « lettre d’avis spécial » les informant des nouveaux changements législatifs. Les personnes figurant sur la liste numérisée ont reçu une « lettre d’avis spécial » au cours de la semaine du 24 juin 2013, laquelle contenait des informations sur les changements législatifs entrant en vigueur. Le tableau Excel soumis dans le DCT est le résultat de l’analyse de la liste numérisée (contenant uniquement des informations spécifiques sur le demandeur). Le tableau est joint en tant que pièce « A ».

[Non souligné dans l’original.]

[32] Dans son affidavit, Mme Charron laisse entendre que le tableau contenant les noms des personnes constituant le groupe destinataire énumère les aînés qui recevaient déjà des prestations, de même que ceux qui avaient fait une demande de prestations mais dont la demande n’avait pas encore été approuvée au cours de l’année civile 2013. Il est difficile de savoir comment Mme Charron pouvait savoir que ces informations étaient exactes. Cependant, il est évident que le groupe de personnes dont la demande n’avait « pas encore été approuvée » n’incluait pas M. Pike, puisque sa demande a bel et bien été approuvée le 21 mars 2013.

[33] Le ministre soutient que l’affidavit de Mme Charron est imprécis, en ce sens que l’expression « pas encore été approuvée » n’était tout simplement pas complète, étant donné qu’elle ne désignait qu’une partie des personnes qui devaient figurer sur la liste numérisée. En d’autres termes, le ministre soutient que Mme Charron n’a pas spécifiquement exclu les personnes du groupe destinataire dont la demande avait été approuvée. Cela me semble absurde. Mme Charron a clairement indiqué que les personnes figurant sur la liste numérisée étaient des personnes « qui re[cevaie]nt déjà des prestations » – ce qui n’était certes pas le cas de M. Pike – « ou qui avaient fait une demande de prestations (mais qui n’avaient pas encore reçu d’approbation) » (non souligné dans l’original). Il n’y a rien d’incomplet ou d’imprécis dans l’affidavit de Mme Charron. Le ministre s’est ensuite efforcé d’expliquer ce que Mme Charron devait manifestement vouloir dire dans son affidavit en affirmant que, compte tenu du contexte, elle voulait dire que si une personne apparaissait dans le système et y était inscrite à titre de bénéficiaire de prestations, ou avait fait une demande de prestations sans avoir encore reçu d’approbation, ou encore avait reçu une approbation mais devait recevoir les premiers versements ultérieurement, alors le nom de cette personne devait figurer sur la liste numérisée. C’est une proposition possible, mais ce n’est pas ce que Mme Charron dit dans son affidavit, et le fait que l’avocat du ministre me demande d’interpréter ce que Mme Charron a voulu dire dans son affidavit n’est pas utile.

[34] Mme Charron joint également à son affidavit le tableau, identifiée comme la pièce A. D’après ce que je peux constater, le tableau ne prouve rien d’autre que le fait que quelqu’un l’a créé en tirant soi‑disant une ligne contenant des données qui auraient pu se trouver dans le dossier de M. Pike, ligne qui pourrait être issue d’une analyse de la liste numérisée, et en reproduisant les informations sur un tableau Excel. Aucune explication sur la manière dont le système de la SV a été configuré ou programmé pour créer la liste numérisée, ou sur la manière dont cette liste a été alimentée avec les 280 000 noms, ne figure au dossier, pas plus que le nom de la personne ayant créé le tableau ou la liste numérisée. L’affirmation selon laquelle la liste numérisée – laquelle ne figure pas au dossier – contiendrait les noms des personnes constituant le groupe destinataire n’est qu’une simple affirmation du directeur des opérations, lui‑même non identifié. Aucune information n’a été donnée sur la manière dont celui‑ci aurait pu savoir si cette affirmation est correcte. Même si on met de côté le fait que le responsable des opérations n’est pas identifié, il n’existe aucune information permettant de confirmer si cette personne a participé dans la mise en place du processus d’extraction des informations de la banque de données de la SV pour créer la liste numérisée, d’expliquer comment la liste numérisée a été créée à partir du système informatique de la SV, ou d’établir si cette personne dispose d’informations sur la façon dont la liste numérisée a été créée, à l’exception du fait qu’elle a peut‑être visualisé le produit final. Le fait qu’une personne ait déclaré que le tableau a été extrait de la liste numérisée contenant les noms des personnes constituant le groupe destinataire, et que M. Pike faisait partie de ce groupe, n’en fait pas une vérité.

[35] L’autre problème lié au fait que M. Theodore s’appuie, dans le nouveau rapport au titre de l’article 32, sur la déclaration du gestionnaire des opérations dirigeant le projet de report de la SV, est que l’exemple utilisé pour décrire la composition du groupe destinataire est erroné. Dans cet exemple, Mary (il s’agit d’un nom fictif) a fait sa demande de prestations en octobre 2013 et s’est retrouvée sur la liste des 280 000 personnes qui ont reçu la lettre d’avis spécial. Comme le souligne M. Pike, le problème évident est que la lettre d’avis spécial a été envoyée en juin 2013, bien avant que Mary ne demande ses prestations de SV. Qui plus est, en octobre 2013, les trousses de demandes et les lettres d’approbation types destinées aux aînés avaient déjà été mises à jour pour inclure les informations relatives à l’option de report (6 septembre 2013 et 1er avril 2013, respectivement). L’exemple donné par le directeur des opérations est déroutant : comment et pourquoi Mary aurait fait partie des 280 000 personnes qui ont reçu la lettre d’avis spécial est un mystère. En fait, cette fameuse Marie aurait plutôt fait partie de la catégorie des aînés décrite dans le BPS 605 comme suit : « Tous les autres clients seront informés du report volontaire de la pension de la SV au moyen de la lettre d’avis concernant l’inscription proactive à la pension, l’avis d’approbation de la SV à jour, la trousse actualisée de demande de SV et la page Web de Service Canada. » Ainsi, étant donné qu’il s’appuie sur l’explication erronée donnée par le gestionnaire des opérations dirigeant le projet de report de la SV, le nouveau rapport au titre de l’article 32 est inintelligible. Fait tout aussi important, la tentative d’explication est contredite par l’affidavit de Mme Charron.

[36] Dans l’affaire Pike 2, la juge Strickland a souligné le manque d’éléments de preuve concernant l’envoi de la lettre d’avis spécial à M. Pike. La Cour a mentionné que la décision au titre de l’article 32 indiquait qu’il avait été confirmé par l’ACSC que le numéro d’assurance sociale de M. Pike figurait sur la liste des clients sélectionnés pour recevoir la lettre d’avis spécial. La Cour a également souligné la déclaration de Mme LeBlanc figurant dans le rapport relatif à l’article 32, selon laquelle une demande de renseignements sur la procédure, les requêtes et la gestion du savoir [la DRPRGS] a été envoyée à l’ACSC pour vérifier si M. Pike avait reçu la lettre d’avis spécial, ce qui a été étayé plus tard par la confirmation de réception datée du 30 août. Pourtant, la Cour n’a pas été en mesure de trouver quoi que ce soit dans le dossier désigné en tant que DRPGC et envoyé le 26 août 2019, et je ne suis pas non plus en mesure de trouver mieux dans le dossier dont je dispose. La juge Strickland a également examiné la confirmation de réception datée du 30 août, mais elle a émis de sérieuses réserves quant à la pertinence de ce courriel et a donc estimé qu’il n’était pas possible de s’y appuyer pour conclure que la lettre d’avis spécial avait bel et bien été envoyée à M. Pike. La juge Strickland a également affirmé que la liste numérisée mentionnée par Mme Burke ne figurait pas au dossier et qu’aucun affidavit n’avait été déposé par une personne de Service Canada dans le but de confirmer que le nom de M. Pike figurait sur la liste numérisée regroupant les membres du prétendu groupe destinataire; aucune de ces lacunes n’a été corrigée de manière satisfaisante avant l’émission du nouveau rapport au titre de l’article 32, ni dans le dossier dont je dispose en l’espèce.

[37] La juge Strickland a estimé que le dossier dont elle disposait ne résolvait pas la question soulevée au paragraphe 31 de la décision Pike 1, dans lequel le juge Norris a déclaré : « Étant donné la date à laquelle il a présenté sa demande de [pension de la SV] et la date à laquelle le service de celle‑ci devait débuter, il est impossible de dire avec certitude si M. Pike aurait été de ceux à qui la lettre d’avis spécial a été envoyée ou non. » Je dois dire que le dossier que j’ai sous les yeux ne permet pas de le dire non plus.

[38] Enfin, le dossier dont disposait M. Theodore était incomplet, puisqu’il ne disposait pas de la décision du bureau régional selon laquelle une erreur administrative avait effectivement été commise dans le cas de M. Pike. Étant donné que cette information ne faisait pas partie du dossier certifié du tribunal dont je dispose, ni de celui dont disposait la juge Strickland, le ministre concède que l’on peut donc supposer que Mme LeBlanc et que M. Theodore ne disposaient pas de cette information lors de la préparation de leurs rapports respectifs. D’après ce que je peux déduire de la référence énigmatique à la décision prise par le « bureau régional » dans la note du 3 septembre 2019, il semblerait que cette décision ait été contraire à la recommandation du nouveau rapport au titre de l’article 32. Je ne veux pas dire que M. Theodore était tenu d’accepter les conclusions du « bureau régional », mais il aurait à tout le moins dû indiquer pourquoi il n’était pas d’accord avec ces conclusions. Le fait qu’il n’ait pas obtenu la recommandation du bureau régional crée un problème encore plus important, car cela signifie qu’il ne disposait pas des outils et des informations dont il avait besoin pour formuler une recommandation adéquate de son propre chef. Il aurait dû être dans une position où il aurait eu accès à ces informations et, s’il n’approuvait pas ces dernières, il aurait eu la possibilité d’expliquer pourquoi. Le fait que la recommandation du bureau régional n’ait pas été mentionnée rend le nouveau rapport au titre de l’article 32 déraisonnable. Je trouve un appui à ma décision directement dans le nouveau rapport au titre de l’article 32 : à la rubrique [traduction] « D – Analyse », les instructions suivantes ont été fournies au consultant en programmes, en l’occurrence M. Theodore, qui était chargé de mener l’enquête au titre de l’article 32 dans ce cas particulier :

[traduction]
Lors de l’examen des informations, les facteurs suivants doivent être pris en considération :

– Est‑ce que les informations fournies par le ministre étaient exactes/complètes? Est‑ce que le ministre a fourni toutes les informations?

 

[...]

En l’espèce, on ne peut pas dire que le ministre a « fourni toutes les informations », ni que les informations fournies à M. Theodore étaient « complètes ».

[39] En résumé, la décision découlant du réexamen au titre de l’article 32 était fondée sur les conclusions du nouveau rapport au titre de l’article 32, lesquelles reposaient sur la déclaration non corroborée d’un gestionnaire des opérations non identifié ayant donné son avis sur le sens de certains mots figurant pour la première fois dans le BPS 605 – « personnes qui reçoivent ou attendent d’obtenir les versements de janvier 2013 à décembre 2013 » – ainsi que sur un tableau préparé par une autre personne non identifiée et censé être issu d’une liste numérisée regroupant un plus grand nombre de personnes constituant, de l’avis du gestionnaire des opérations non identifié, le groupe destinataire. Toutefois, aucune information n’a été fournie sur la manière dont la liste numérisée a été créée et, si elle n’a pas été créée manuellement, sur la manière dont le système informatique de la SV a été programmé pour extraire les informations nécessaires à la création de cette liste numérisée, le tout étant contredit par l’affidavit de Mme Charron.

[40] Pour en revenir au courriel de Mme Charron, le dossier dont je dispose n’explique pas [traduction] « comment l’analyse par le système de la liste numérisée a été effectuée et pourquoi M. Pike a été inclus dans le groupe de personnes devant recevoir la lettre ». En effet, le courriel n’explique pas non plus sur quel fondement Mme Charron a pu faire la déclaration suivante :

[traduction]
Nous devons expliquer qu’il ne s’agit pas de considérer la date du commencement des prestations, mais qu’il s’agit plutôt d’évaluer le fait que le compte a été ouvert dans le système en mars 2013 et qu’il était en attente de paiement pendant tout le reste de l’année 2013. C’est pourquoi ce compte répondait aux critères. Ce sont ces informations qui ont été analysées.

 

M. Pike soutient qu’il s’agissait en quelque sorte d’une directive de Mme Charron à l’égard de l’équipe d’enquêteurs quant à l’issue de l’enquête. Je ne suis pas prêt à aller aussi loin dans mon interprétation. Cependant, sans aucun fondement permettant de faire une telle déclaration, il m’apparaît que la déclaration ci‑dessus devait être une affirmation pure et simple de la part de Mme Charron; mais encore une fois, le dire n’en fait pas une vérité si rien ne nous permet de comprendre ce qui a permis à Mme Charron de faire une telle déclaration.

[41] Par conséquent, j’estime qu’il n’était pas raisonnable pour M. Theodore de conclure que les informations sur lesquelles il s’est appuyé pour établir que, selon la prépondérance des probabilités, la lettre d’avis spécial avait été envoyée à M. Pike, avaient une valeur probante et étaient donc suffisantes pour fonder sa recommandation figurant dans le nouveau rapport au titre de l’article 32, selon laquelle il n’y avait pas eu d’erreur administrative dans l’application de la Loi. Ma conclusion concernant la décision découlant du réexamen au titre de l’article 32 est la même que celle concernant le nouveau rapport au titre de l’article 32. J’estime que la décision découlant du réexamen au titre de l’article 32 n’est pas intelligible, transparente et justifiée, compte tenu du dossier dont disposait le décideur au moment de la rendre, et qu’elle n’est donc pas raisonnable.

[42] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Quant aux dépens, les parties ont convenu que si je devais accueillir la présente demande, des dépens adjugés en faveur de M. Pike devraient être fixés à 1 100 $. Je ne vois aucune raison de m’éloigner de l’accord des parties sur cette question.


JUGEMENT dans le dossier T‑431‑22

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision est annulée.

  2. L’affaire est renvoyée à Service Canada, qui veillera à ce qu’une enquête au titre de l’article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse soit rapidement effectuée par un autre consultant en programmes et un autre délégué du ministre, à la lumière des présents motifs.

  3. Des dépens d’un montant total de 1 100 $ sont accordés à M. Pike.

« Peter G. Pamel »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑431‑22

 

INTITULÉ :

KENNETH PATRICK PIKE c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 octobre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 février 2023

 

COMPARUTIONS :

Kenneth Patrick Pike

Pour le demandeur

(pour son propre compte)

Ian McRobbie

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Gatineau (Québec)

 

Pour le défendeur

 

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