Date : 20050419
Dossier : T-1890-02
Référence : 2005 CF 527
ENTRE :
MICHEL LALIBERTÉ
demandeur
et
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse
ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:
[1] Il s'agit en l'espèce d'une requête de la défenderesse en radiation de la déclaration d'action du demandeur - qui se représente seul - et en rejet de son action en vertu de l'alinéa 221(1)a) des Règles des Cours fédérales (les règles) au motif que cette Cour n'a pas compétence ratione materiae pour entendre l'action du demandeur vu que dans une décision maintenant finale de cette Cour, soit la décision de la juge Gauthier rendue le 14 janvier 2005 dans Galarneau c. Canada (Procureur général), 2005 CF 39, [2005] A.C.F. no 42 (ci-après l'arrêt Galarneau), la Cour a conclu - dans un dossier, pour les fins de la présente requête, similaire au nôtre - qu'un litige tel le présent fait l'objet d'un code complet et qu'une panoplie importante de recours administratifs a été prévue par le législateur pour le régler.
Contexte
[2] Dans une décision datée du 29 octobre 2004 dans le présent dossier (2004 CF 1524), le juge Beaudry reconnaissait dans les termes suivants aux paragraphes [5], [6], [18] et [19] que l'essence de l'action dans le présent dossier et celle dans Galarneau étaient similaires :
[5] Le 12 novembre 2002, le demandeur dépose une action en dommages-intérêts contre Sa Majesté la Reine. Il déclare être exposé à la fumée secondaire de cigarettes pendant ses quarts de travail.
[6] Le 19 décembre 2003, Mme Galarneau intente un recours collectif pour les mêmes raisons dans le dossier T-2414-03.
[...]
[18] Je suis d'avis que la question de fond est la même ici que dans le dossier T-2414-03. L'affidavit de Me Marie Marmet vient appuyer cette constatation. L'ordonnance du protonotaire Morneau rendue le 22 août 2003 le confirme aussi:
1.1 Est-ce que le demandeur peut intenter aux termes de l'effet combiné de l'article 17 de la Loi sur les Cours fédérales et du sous-alinéa 3a)(i) de la Loi sur les responsabilités civiles de l'État et le contentieux administratif la présente action en responsabilité civile extracontractuelle compte tenu du fait qu'il dispose de d'autres recours appropriés pour faire valoir ses prétentions qui concernent exclusivement ses conditions d'emploi en tant qu'agent de correction, savoir:
a) un droit de grief aux termes de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de sa convention collective;
b) un droit de plainte aux termes de la partie II du Code canadien du travail;
c) un droit de plainte aux termes de la Loi sur la santé des non-fumeurs;
d) le droit de présenter une réclamation pour damages (sic) corporels, incluant les dommages psychologiques, aux termes de la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État.
[19] De toute évidence, les faits des deux dossiers sont similaires. Dans les deux cas, il s'agit d'une demande de dommages-intérêts présentée par des agents de correction alléguant l'exposition à la fumée secondaire pendant leurs quarts de travail. Dans un cas, il s'agit d'une action individuelle et dans l'autre, un recours collectif.
[Non souligné dans l'original.]
[3]Toutefois, vu que la Cour ne disposait pas alors d'une décision finale dans Galarneau (ma décision du 18 mai 2004 dans ce dossier ayant été portée en appel et réglée ultimement par la décision de la juge Gauthier du 14 janvier 2005), le juge Beaudry a alors suspendu le sort de l'action du demandeur jusqu'à ce qu'une décision finale ait été rendue dans Galarneau. Le juge Beaudry concrétise ce report en suspendant comme suit tant l'action du demandeur que la requête en radiation de la défenderesse :
L'action du demandeur et la requête en radiation sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue dans le dossier T-2414-03. Lorsque la décision finale sera connue, les parties pourront, s'ils le jugent à propos, demander à l'Administrateur judiciaire une date prioritaire pour disposer des litiges qui subsisteront.
[4]Il est évident que lorsque le juge Beaudry parle d'obtenir une date prioritaire de l'Administrateur judiciaire, il envisage là que la décision finale dans Galarneau serait favorable à la demanderesse Galarneau et, en corollaire, au présent demandeur quant à la compétence de la Cour d'entendre ces actions.
[5]Toutefois, la décision finale dans Galarneau se trouve maintenant rendue et tel que mentionné précédemment, elle consiste en la décision de la juge Gauthier du 14 janvier 2005 puisque cette décision n'a pas été portée en appel et que les délais pour le faire sont maintenant expirés.
[6]La défenderesse en l'instance pouvait donc renouveler sa demande de rejet contre l'action du demandeur.
[7]Dans Galarneau, la Cour tient les propos déterminants suivants:
[3] Dans leur requête, les défendeurs demandent le rejet de l'action invoquant que la Cour n'a pas compétence ratione materiae pour entendre un litige qui porte essentiellement sur les mesures prises par le Service correctionnel du Canada (SCC) en tant qu'employeur pour préserver la santé et la sécurité au travail de ses employés, y inclus madame Galarneau. Selon eux, il s'agit d'une matière pour laquelle la convention collective et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35 (LRTFP) prévoient un mécanisme exclusif de règlement des différends qui s'applique en sus des autres recours administratifs prévus dans d'autres lois fédérales telles que le Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (Partie II), la Loi sur l'indemnisation des agents de l'état, L.R.C. 1985, ch. G-5 et la Loi sur la santé des non-fumeurs, L.R.C. 1985, (4e suppl.) ch. 15, et qui permettent à madame Galarneau et ses collègues de faire cesser cette situation et d'obtenir réparation de dommages en résultant.
[...]
[8] Comme l'indique le protonotaire Morneau dans sa décision, la demanderesse reproche au SCC de ne pas respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Loi sur la santé des non-fumeurs parce que les agents de correction sont illégalement exposés à la fumée secondaire dans le cadre de l'exercice de leur emploi.
[9] Selon elle, une telle situation constitue un manquement au devoir du SCC de veiller à la santé et la sécurité de ses employés en vertu du Code canadien du travail et elle viole son droit à la sécurité protégé à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.U.) 1982, ch. 11 (la Charte). La conduite de l'employeur constituerait une faute civile donnant aussi droit à des dommages et intérêts ainsi qu'à des dommages exemplaires et à une injonction permanente.
[...]
[70] Après avoir considéré tous et chacun des arguments soulevés par la demanderesse, la Cour conclut qu'il est évident que ce litige entre la Couronne fédérale et les agents correctionnels à son emploi quant à une question de santé ou de sécurité au travail fait l'objet d'un code complet et qu'une panoplie importante de recours administratifs a été prévue par le législateur. Le régime législatif en place exclut la juridiction de la cour quant aux réclamations de ces employés et de madame Galarneau en particulier.
[Non souligné dans l'original.]
[8] Cette dernière conclusion de la juge Gauthier n'est que renforcée par la récente décision de la Cour suprême du Canada en date du 18 mars 2005 dans l'arrêt Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11.
[9]Vu qu'il est clair et évident que l'essence et le fond du litige dans le présent dossier sont similaires à ceux de l'arrêt Galarneau, il est clair et évident que la conclusion que la juge Gauthier tire au paragraphe 70 de ses motifs s'applique ici au demandeur, et que, partant, la requête de la défenderesse en radiation de la déclaration d'action du demandeur et en rejet de son action doit être accueillie.
[10] Le demandeur a fait grand état du fait que c'est la troisième fois que la défenderesse s'attaque à son action dans le but de la faire dérailler avant la tenue d'une pleine audition au mérite, et, qu'en raison de cela, la présente requête en radiation de la défenderesse devait être rejetée. Suivant le demandeur, l'ordonnance que j'ai rendue le 22 août 2003 à la suite de la conférence préparatoire tenue dans le présent dossier fait en sorte qu'une instruction au mérite se doit d'être tenue en l'espèce.
[11] Je pense que le demandeur a tort de voir les choses ainsi.
[12] Tous pouvaient déceler dès la lecture de cette ordonnance du 22 août 2003 que la Cour n'écartait pas dès lors les arguments de la défenderesse quant à l'absence de compétence de cette Cour pour entendre le mérite de l'action du demandeur. En effet, en formulant les questions à trancher à l'instruction, la Cour s'est alors exprimée en partie comme suit :
1. Les questions à trancher à l'instruction seront les suivantes :
1.1 Est-ce que le demandeur peut intenter aux termes de l'effet combiné de l'article 17 de la Loi sur les Cours fédérales et du sous-alinéa 3a)(i) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif la présente action en responsabilité civile extracontractuelle compte tenu du fait qu'il dispose de d'autres recours appropriés pour faire valoir ses prétentions qui concernent exclusivement ses conditions d'emploi en tant qu'agent de correction, savoir :
a) un droit de grief aux termes de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de sa convention collective;
b) un droit de plainte aux termes de la partie II du Code canadien du travail;
c) un droit de plainte aux termes de la Loi sur la santé des non fumeurs;
d) le droit de présenter une réclamation pour dommages corporels, incluant les dommages psychologiques, aux termes de la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État.
[13] Le 25 février 2004, bien que par mon ordonnance d'alors je rejetais la requête en suspension de la défenderesse (remède qui sera toutefois accordé par le juge Beaudry le 29 octobre 2004) et que je fixais l'audition au mérite de l'action du demandeur, j'ajoutais toutefois l'avertissement qui suit:
[9] [...] Si en temps utile avant l'audition au mérite du présent dossier la Couronne dispose d'une décision finale dans le dossier d'Hélène Galarneau T-2414-03 quant à sa requête en radiation, la Couronne pourra se pourvoir en jugement sommaire ou en radiation d'action contre le demandeur, et ce, si les circonstances et l'intérêt de la justice le justifient alors.
[14] Cet avertissement renforçait la possibilité que le sort du présent dossier suive celui d'Hélène Galarneau. Le 29 octobre 2004, la décision du juge Beaudry allait encore plus loin dans le même sens.
[15] Vu que maintenant une décision finale de notre Cour indique clairement que la Cour n'a pas compétence ratione materiae sur une action telle celle mue par le demandeur, il est dans l'intérêt de la justice, du public et des parties en cause que le tout soit maintenant constaté afin d'éviter qu'un procès de quatre jours ne soit éventuellement tenu sans raison.
[16] La requête de la défenderesse sera donc accueillie. Quant aux dépens, vu que le présent dossier a été tributaire d'une décision finale dans Galarneau et que la Cour n'a pas accordé de dépens dans Galarneau, il m'apparaît opportun ici d'ordonner que la requête de la défenderesse soit accueillie, le tout sans frais.
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Richard Morneau |
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protonotaire |
Montréal (Québec)
le 19 avril 2005
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
INTITULÉ :
T-1890-02
MICHEL LALIBERTÉ
demandeur
et
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : 4 avril 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Me Richard Morneau, protonotaire
DATE DES MOTIFS : 19 avril 2005
ONT COMPARU :
M. Michel Laliberté |
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POUR LE DEMANDEUR, SE REPRÉSENTANT LUI-MÊME |
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Me Marc Ribeiro |
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POUR LA DÉFENDERESSE |
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PROCUREUR INSCRIT AU DOSSIER :
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
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POUR LA DÉFENDERESSE |
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