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Date : 20230301

Dossier : IMM‑2054‑22

Référence : 2023 CF 284

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 1er mars 2023

En présence de monsieur le juge Andrew D. Little

ENTRE :

HITANSHU HITESH BAROT

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur est un citoyen de l’Inde âgé de 23 ans. Il a demandé le contrôle judiciaire d'une décision (la décision) en date du 22 février 2022 par laquelle un agent des visas a rejeté sa demande de permis d’études au titre du paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le RIPR).

[2] Le demandeur demande à la Cour d’annuler la décision au motif qu’elle est déraisonnable selon les principes énoncés dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653.

[3] Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée. Le demandeur ne m'a pas convaincu que l'agent avait commis une erreur susceptible de contrôle.

I. Faits et événements à l’origine de la demande

[4] Le demandeur a décroché un baccalauréat en gestion de l’Université de Mumbai en 2020. Il a occupé un emploi de conseiller financier en Inde de février à juillet 2021. Depuis lors, il suit le [traduction] « programme de gestion de l’entrepreneuriat menant à un certificat d’études supérieures de l’Ontario » à partir de son domicile en Inde, qui est dispensé par le Collège Canadore, à North Bay, en Ontario. e Collège est un établissement d’enseignement désigné au titre de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[5] Le demandeur a présenté une demande de permis d’études le 9 novembre 2021 afin de suivre le programme de gestion de l’entrepreneuriat au Collège Canadore.

[6] Avec sa demande de permis d’études, le demandeur a présenté la lettre d’acceptation dans le programme proposé au Collège Canadore. Il a joint à l’envoi ses relevés de notes de l’Université de Mumbai ainsi qu’une lettre de soutien de son employeur.

[7] Le demandeur a payé d’avance les droits de scolarité d’environ 15 000 $ et a obtenu une bourse d’études au montant de 1 000 $ du Collège Canadore. Il a également investi 10 000 $ dans un certificat de placement garanti (CPG) auprès d’une banque canadienne.

II. La décision faisant l’objet du contrôle

[8] L’agent, dans une lettre datée du 22 février 2022, a rejeté la demande de permis d’études présentée par le demandeur. L’agent n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de son séjour, comme le prévoit le paragraphe 216(2) du RIPR, compte tenu de l’objet de son séjour.

[9] L’information qui suit figure dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC) en date du 22 février 2022 :

[traduction]
Examen de toutes les informations dont je dispose, y compris les antécédents d’emploi et d’études du demandeur. Le client a réussi l’examen du baccalauréat en gestion en 2020. Il demande un permis d’études pour qu'il puisse suivre un programme en gestion de l’entrepreneuriat au Collège Canadore. Voir la lettre d’acceptation.

À la lumière des antécédents d’études et d’emploi du client, je ne suis pas convaincu que les raisons pour lesquelles le client souhaite suivre ce programme en particulier, à ce stade au Canada, sont raisonnables; voir la lettre d’acceptation. Je ne suis pas convaincu que le client a les compétences scolaires voulues pour terminer avec succès des études au Canada.

Le client a présenté des relevés de notes pour étayer ses compétences scolaires. Les relevés de notes font état de notes généralement basses, et particulièrement de notes médiocres dans les matières clés. Je ne suis pas convaincu que le client a les compétences scolaires voulues pour terminer avec succès des études au Canada. Le demandeur ne m’a pas convaincu que le programme d’études choisi est raisonnable étant donné le coût élevé des études internationales au Canada par rapport aux avantages qu’il en retirerait au niveau de la carrière et/ou de l’emploi après avoir terminé le programme et par rapport aux possibilités d’études similaires en Inde. Voir la lettre d’acceptation.

Selon l’appréciation décrite précédemment, je ne suis pas convaincu que ce demandeur est un étudiant authentique. Après l’appréciation de l’information dont je dispose pour cette demande, j’estime que le demandeur n’a pas établi qu’il est un résident temporaire authentique qui quitterait le Canada après avoir terminé ses études conformément à l’article 216 du Règlement.

x1 Rejets antérieurs.

Demande rejetée.

III. Principes de droit

[10] Le demandeur a affirmé que la Cour devrait appliquer la norme de contrôle de la décision correcte aux [traduction] « questions de droit, y compris celles concernant l’équité procédurale et l’étendue de la compétence du décideur », mais la norme de la décision raisonnable pour les [traduction] « erreurs manifestes et dominantes de fait ou de fait et de droit ».

[11] En contrôle judiciaire, la norme de contrôle qui s’applique quant au fond de la décision de l’agent dans une demande de permis d’études est la norme de la décision raisonnable : voir les décisions Iyiola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 324 aux para 11‑14; Aghaalikhani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1080 au para 11. La portée de la compétence de l’agent n’est pas remise en cause dans la présente affaire.

[12] Il ne faut pas confondre cette norme avec les normes qui s’appliquent en appel, comme il a été établi dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 RCS 235. Ces normes sont distinctes. Selon l’arrêt Housen, les questions de droit sont assujetties à la norme de la décision correcte, tandis que les questions mixtes de fait et de droit dans lesquelles les faits dominent, et les questions de fait, sont susceptibles de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante. Voir l’arrêt Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 RCF 344 aux para 56 et suivants.

[13] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est une évaluation sensible et respectueuse visant à s’assurer qu’une décision administrative est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov aux para 12, 13 et 15. Les motifs du décideur, qui doivent être interprétés de façon globale et contextuelle et lus en corrélation avec le dossier dont il était saisi, sont le point de départ du contrôle. Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, particulièrement aux para 85, 91‑97, 103, 105‑106 et 194; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes, 2019 CSC 67, [2019] 4 RCF 900 aux para 2, 28‑33, 61.

[14] Le juge Roussel a défini la norme de contrôle qui s’applique aux affaires concernant les permis d’études dans la décision Lingepo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 552 au para 13 :

La norme de contrôle applicable à la révision d’une décision d’un agent des visas refusant une demande de permis d’études est celle de la décision raisonnable ([...] Vavilov, aux para 10, 16‑17 […], Nimely c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 282 au para 5 [...]; Hajiyeva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 71 au para 6). Même s’il n’est pas nécessaire d’avoir des motifs exhaustifs pour que la décision soit raisonnable étant donné les pressions énormes que subissent les agents des visas pour produire un grand volume de décisions chaque jour, la décision doit tout de même être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente, rationnelle et justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). Elle doit aussi posséder « les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité » (Vavilov, au para 99).

[15] Pour pouvoir intervenir dans la présente affaire, la Cour doit relever dans la décision une erreur qui est suffisamment capitale ou importante pour rendre celle‑ci déraisonnable : Vavilov, au para 100.

[16] La Partie 12 du RIPR régit la façon dont les « Étudiants » en tant que catégorie réglementaire de personnes peuvent devenir résidents temporaires du Canada. Selon l’article 213 du RIPR, l’étranger qui cherche à étudier au Canada doit, préalablement à son entrée au Canada, faire une demande de permis d’études. Conformément au paragraphe 216 (1), l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, certains critères sont établis. Ces critères comprennent : l’étranger quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable (comme le prévoit l’alinéa 216(1)b)); l’étranger remplit les exigences prévues à la Partie 12 (alinéa 216(1)c)); et l’étranger a été admis à un programme d’études offert par un établissement d’enseignement désigné (alinéa 216(1)e)).

[17] Il incombe au demandeur de convaincre l’agent qu’il ne demeurera pas au Canada après l’expiration de son visa, comme le prévoit l’alinéa 216(1)b) : Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690 au para 10.

[18] L’article 220 du RIPR prévoit que l’agent ne délivre pas de permis d’études à l’étranger, sauf certaines exceptions, à moins que celui‑ci ne dispose de ressources financières suffisantes, comme il est décrit aux alinéas 220(1)a) à 220(1)c) du RIPR.

IV. Analyse

[19] Le demandeur a soutenu devant la Cour qu’il répondait à toutes les exigences prévues au paragraphe 216(1) et aux conditions financières énoncées à l’article 220. Il a affirmé que rien dans les éléments de preuve n’indiquait qu’il ne respecterait pas les dispositions législatives canadiennes et qu’il ne quitterait pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[20] Le demandeur a rassemblé une quantité d’arguments pour contester la décision de l’agent, en soutenant dans son mémoire écrit ce qui suit :

  • l’agent a appliqué des critères qui ne figurent pas dans les dispositions législatives régissant les permis d’études;

  • l’agent s’est préoccupé à tort du coût disproportionné des études au Canada;

  • l’agent n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour étayer ses conclusions de fait;

  • les conclusions de fait tirées par l’agent ne reposaient pas sur une analyse rationnelle ou intelligible;

  • l’agent a omis de présenter des justifications transparentes et intelligibles quant à son raisonnement;

  • aucun élément de preuve n’étayait la conclusion de l’agent selon laquelle il n’était pas certain que le demandeur respecterait les dispositions législatives canadiennes.

[21] L’argument avancé de vive voix portait sur la question de savoir si l’information consignée par l’agent dans le SMGC, qui représente les motifs du refus du permis d’études, était suffisamment justifiée et tenait compte des éléments de preuve au dossier dont disposait l’agent. Le demandeur a soutenu que l’agent n’avait pas expliqué la conclusion selon laquelle il n’était pas un étudiant authentique en raison de son piètre rendement scolaire et qu’il n’avait pas pris en compte les éléments de preuve essentiels montrant qu’il avait les ressources financières voulues pour suivre le programme proposé au Canada.

[22] J’analyserai chacun de ces arguments un par un.

A. L’appréciation du rendement scolaire par l’agent

[23] Les notes consignées par l’agent dans le SMGC indiquent notamment ce qui suit :

[traduction]
[… ] Je ne suis pas convaincu que le client a les compétences scolaires voulues pour terminer avec succès des études au Canada.

Le client a présenté des relevés de notes pour étayer ses compétences scolaires. Les relevés de notes font état de notes généralement basses, et particulièrement de notes médiocres dans les matières clés. Je ne suis pas convaincu que le client a les compétences scolaires voulues pour terminer avec succès des études au Canada […].

[24] Le demandeur prétend que l’agent n'a pas tenu compte des éléments de preuve parce que ses relevés de notes ne faisaient pas état de [traduction] « notes généralement basses » puisque celles‑ci répondaient aux critères de l’établissement d’enseignement désigné – sinon ce dernier ne l’aurait pas accepté dans le programme proposé. Il a soutenu que l’appréciation de la preuve faite par l’agent était grandement limitée par l’alinéa 216(1)e) du RIPR, qui exigeait uniquement que le demandeur démontre qu’il avait été admis à un programme d’études au sein de l’établissement d’enseignement désigné. Il prétend que, puisqu’il a été admis dans le programme, le RIPR ne confère aucun pouvoir discrétionnaire à l’agent chargé de l’examen pour apprécier ses compétences scolaires; ce pouvoir discrétionnaire relève de l’établissement d’enseignement désigné (en citant Vavilov, aux para 99 et 109‑111). Le demandeur a également invoqué la décision Hamedani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 628 au para 13.

[25] Dans le même ordre d’idées, le demandeur a affirmé que l’agent était tenu en droit d’expliquer les observations qu’il a formulées au sujet de ses notes généralement basses et de ses notes médiocres dans les matières essentielles (en citant la décision Bougrine c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 528 aux para 21‑22).

[26] Je ne suis pas de cet avis, pour les motifs exposés ci‑après.

[27] En premier lieu, comme l’a fait observer le défendeur, la Cour a statué que l’agent qui apprécie une demande de permis d’études peut apprécier les capacités et les compétences d’un demandeur (y compris les compétences scolaires et la probabilité de réussite du programme proposé) lorsqu’il établit si le demandeur est un étudiant authentique qui quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, comme le prévoit l’alinéa 216(1)b) du RIPR : Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1745 au para 15; Bougrine, aux para 14‑15; Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 517 au para 24; Siddiqua c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1263 aux para 9 et 24.

[28] En deuxième lieu, je n’accepte pas l’observation formulée par le demandeur en l’espèce selon laquelle l’alinéa 216(1)e) du RIPR empêche ou restreint considérablement la prise en compte par l’agent des éléments mentionnés précédemment, dont les compétences scolaires, au titre de l’alinéa 216(1)b). Cette question concerne le caractère raisonnable de l’interprétation de l’article 216 du RIPR faite par l’agent. L’alinéa 216(1)e) porte sur l’admission du demandeur dans un programme dispensé par un établissement d’enseignement désigné, tandis que l’alinéa 216(1)b) concerne la question de savoir si le demandeur quittera le Canada à la fin de son séjour. Il semble que le paragraphe 216, à première vue, ne limite pas l’appréciation par l’agent de la question de savoir si le demandeur quittera le Canada comme le prévoit l’alinéa 216(1)b) et n’empêche pas non plus l’examen de l’authenticité de la demande de permis d’études présentée par le demandeur. Le demandeur n’a produit aucun élément de preuve objectif et n’a formulé aucune observation au sujet du contexte ou de l’objet de l’une ou l’autre disposition pour étayer son observation. Après avoir appliqué l’arrêt Vavilov, je ne suis pas disposé à conclure que l’agent a outrepassé les contraintes juridiques prévues à l’article 216 en général ou à l’alinéa 216(1)e) en particulier : Vavilov, aux para 116‑124.

[29] Certes, je conviens que le fait d’être admis dans un programme dispensé par un établissement d’enseignement désigné constitue un indice de la bonne foi du demandeur en tant qu’étudiant, facteur que l’agent doit soupeser avec d’autres dans chaque dossier. Les notes que l’agent a consignées dans le SMGC en l’espèce ne portent pas à croire que l’agent ne l’a pas fait.

[30] En troisième lieu, au sujet des conclusions de l’agent concernant les notes médiocres, le demandeur n’a présenté aucune observation particulière quant au contenu de ses relevés de notes postsecondaires ni aucun argument quant à ce qui constituait une matière essentielle dans ses études antérieures ou en quoi ces notes influeraient (ou n’influeraient pas) sur sa capacité à terminer avec succès le programme proposé au Collège Canadore.

[31] Le demandeur a invoqué une exigence juridique qu'il aurait relevée dans la décision Bougrine pour expliquer les deux conclusions concernant ses notes. Cependant, faute d’observations précises formulées à l’intention de l’agent (ou de la Cour) sur cette question, le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer pourquoi il n’était pas raisonnablement loisible à l’agent de conclure, sur la foi du dossier, qu'il avait des notes généralement basses et des notes médiocres dans les matières essentielles. Comme l’a fait remarquer le défendeur, la première conclusion de l’agent (notes généralement basses) est dûment fondée sur le dossier – le demandeur a obtenu une note globale de 330/600 à son sixième semestre (six cours pour lesquels il a obtenu 47, 48, 53, 58, 59 et 65 sur 100, ce qui donne des cotes alphabétiques allant de C à A). Il a obtenu une moyenne de C, D et C en tant que moyenne globale à son deuxième, son troisième et son quatrième semestres, et de B au premier. Bien que certaines notes soient plus élevées par ailleurs, il ne semble pas que l’agent se soit fondamentalement mépris sur le rendement scolaire au niveau postsecondaire du demandeur ou qu’il n’en ait pas tenu compte : Vavilov, aux para 125‑126.

[32] De plus, la décision Bougrine n’aide pas la cause du demandeur quant aux faits de l’espèce. Comme le révèlent les motifs réfléchis du juge Pamel, l’agent dans la décision Bougrine a omis de mentionner des éléments de preuve importants qui contredisaient la conclusion selon laquelle M. Bougrine avait des résultats faibles dans « toutes les matières » et des « notes médiocres dans les domaines qui formeront l’essence de ses études futures ». Ainsi que la Cour l’a expliqué, cette omission justifiait l’application du principe énoncé dans la décision Cepeda‑Gutierrez parce que des notes en particulier n’étaient ni faibles ni médiocres, dont des notes dans des matières clés se rapportant directement au programme d’études que M. Bougrine voulait suivre au Canada : Bougrine, aux para 20‑21; Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 1 CF D‑53, [1998] ACF no 1425, aux para 15‑17. Ainsi que le demandeur l’a reconnu à juste titre, la Cour a conclu ce qui suit, au paragraphe 21 :

« L’obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés » (Cepeda‑Gutierrez, au para 17) et, en l’espèce, les notes de M. Bougrine constituent le cœur des motifs de la décision de l’agent.

[33] Aux paragraphes 22‑23, la Cour a fait remarquer dans la décision Bougrine que l’agent devait faire preuve de prudence, comme l’avait souligné le juge Norris dans l’affaire Patel et elle a conclu qu’il incombait toujours à l’agent de montrer qu’il comprenait les exigences relatives à la charge de cours pour réussir le programme proposé et d’expliquer pourquoi une moyenne générale inférieure pouvait susciter des inquiétudes quant à la capacité de M. Bougrine de réussir le programme et comment ces inquiétudes pouvaient amener l’agent à conclure que M. Bougrine n’était pas un étudiant authentique. La Cour a conclu que l’agent n’avait pas exposé son raisonnement clairement : Bougrine,aux para 22‑23.

[34] La Cour a également conclu dans la décision Bougrine qu’il semblait que l’agent n’avait pas examiné sérieusement les observations de M. Bougrine concernant son dossier scolaire et qu’il avait simplement copié et collé mot à mot les conclusions du premier agent dont la décision avait finalement été annulée : Bougrine, aux para 24‑25.

[35] Dans l’arrêt Cepeda‑Gutierrez, le juge Evans a expliqué aux paragraphes 15‑17 que la Cour pouvait inférer que le décideur avait tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » s'il n'avait pas mentionné dans ses motifs certains éléments de preuve qui étaient pertinents eu égard à la conclusion et en était arrivé à une conclusion différente de celle du premier décideur. Cependant, le juge Evans a clairement affirmé qu’une telle inférence ne doit pas être tirée à la moindre omission que le demandeur peut relever dans les motifs ni être fondée sur le moindre élément de preuve du dossier passé sous silence. En fait, le défaut de considérer certains éléments de preuve peut entraîner l’annulation de la décision seulement lorsque les éléments passés sous silence sont essentiels et que la preuve contredit la décision du tribunal de sorte que la cour de révision détermine par inférence que son omission atteste qu’il n’a pas tenu compte des éléments dont il disposait : voir Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 26 au para 28; Zamani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 19 au para 23; Gebru c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1563 au para 49; Kargbo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1376 au para 54; Cepeda‑Gutierrez, au para 17 (« les éléments de preuve dont [le décideur] n'a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion »), cité par le juge Pamel dans la décision Bougrine, au para 21.

[36] En l’espèce, le demandeur n’a pas démontré que les éléments de preuve figurant au dossier contredisaient les conclusions tirées par l’agent, que ce soit sur le plan de ses relevés de notes ou du fait que l’agent était empêché par la loi de les prendre en compte au départ. Comme il a été mentionné, le demandeur n’a pas formulé d’observations contestant les conclusions tirées par l’agent quant à savoir quelles matières étaient importantes dans son bagage éducationnel ou quant à savoir en quoi ces notes antérieures influeraient ou non sur sa capacité à terminer avec succès le programme d’études proposé au Collège Canadore. Aucun élément en ce sens ne ressort clairement du dossier. Le principe énoncé dans l’arrêt Cepeda‑Gutierrez que la Cour a appliqué dans la décision Bougrine n’exige pas plus d’explications de la part de l’agent en l’espèce. Par souci de clarté, j’ajouterais que le simple fait que le demandeur ait été accepté dans un programme au Collège ne constitue pas une preuve qui entraîne l’obligation de fournir d’autres explications, étant donné les éléments de preuve précis contenus dans ses relevés de notes universitaires qui figurent au dossier.

[37] Enfin, dans la décision Hamedani, la Cour (le juge Bell) a conclu qu’il y avait quatre raisons d’annuler la décision de l’agent, dont le fait que « rien n’indiqu[ait] » que le demandeur serait incapable de réussir le programme d’un point de vue académique : au para 13. En l’espèce, il y avait des éléments de preuve relatifs aux compétences scolaires sur lesquels l’agent pouvait fonder des doutes quant à la capacité du demandeur de terminer avec succès le programme proposé.

[38] Par conséquent, je conclus que le demandeur n’a pas démontré que la conclusion tirée par l’agent à cet égard était déraisonnable.

B. L’appréciation que l’agent a faite de la motivation du demandeur et du coût du programme d’études proposé par rapport à ses avantages

[39] L’agent a mentionné ce qui suit dans les notes qu’il a consignées dans le SMGC au sujet du demandeur :

[traduction]
[...] ne m’a pas convaincu que le programme d’études choisi est raisonnable étant donné le coût élevé des études internationales au Canada par rapport aux avantages qu’il en retirerait au niveau de la carrière et/ou de l’emploi après l’avoir terminé et par rapport aux possibilités d’études similaires en Inde. Voir la lettre d’acceptation.

[40] Le demandeur a affirmé qu’il avait démontré qu’il avait les fonds voulus pour satisfaire aux exigences du RIPR, puisqu’il a acquitté la totalité des droits de scolarité et qu’il a déposé 10 000 $ dans un CPG auprès d’une banque canadienne. Il a prétendu qu’il lui revenait de décider des montants d’argent qu’il souhaitait investir dans ses études et dans son avenir. Tout comme les observations formulées précédemment, il a soutenu qu’il avait les fonds voulus et que l’agent n’avait pas pris en compte cet élément de preuve essentiel.

[41] Le demandeur a affirmé que l’agent avait eu tort de soupeser le coût du programme par rapport aux possibilités d’études en Inde et qu’il avait omis de révéler de façon transparente quelles « possibilités d’études en Inde » il avait prises en compte dans l’appréciation.

[42] Le demandeur a renvoyé aux éléments de preuve financiers dont disposait l’agent ainsi qu’aux lettres de recommandations et d’intentions qu’il a produites pour mettre en lumière son cheminement scolaire et ses objectifs. À la lumière de ces éléments, le demandeur soutient qu’il n’y avait pas d’analyse rationnelle dans le raisonnement suivi par l’agent comme l’exige l’arrêt Vavilov.

[43] Le demandeur a renvoyé à plusieurs affaires, dont les décisions Fallahi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 506, Afuah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 596 et Aghaalikhani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1080 au para 24 (qui décrivait les principes énoncés dans l’arrêt Cepeda‑Gutierrez).

[44] Les observations formulées par le demandeur ne me convainquent pas. Les notes consignées par l’agent dans le SMGC ne concluaient pas que le demandeur n’avait pas les fonds voulus pour étudier au Canada. L’agent s’est intéressé à la question de savoir si le programme proposé était raisonnable étant donné son coût, par rapport aux avantages que le demandeur pouvait en retirer au niveau de la carrière ou de l’emploi après avoir terminé le programme.

[45] Le demandeur occupe un poste de conseiller financier depuis 2020. Dans sa lettre justifiant ses choix, il affirmait qu’il voulait suivre le programme de gestion de l’entrepreneuriat pour gravir les échelons. Les intentions et les objectifs qu’il y a décrits diversement se résument ainsi : (i) décrocher un poste d’analyste commercial, de gestionnaire des opérations quotidiennes ou de directeur financier, au niveau d’entrée, dans une entreprise multinationale en Inde; (ii) acquérir de l’expérience dans le traitement de divers types de [traduction] « portefeuilles commerciaux »; (iii) décrocher un poste au niveau d’entrée pour mieux se positionner après la pandémie, dans un contexte de faible croissance économique; (iv) acquérir des compétences pour devenir un [traduction] « pionnier de la gestion entrepreneuriale » ; (v) joindre les rangs de l’un des [traduction] « géants de l’industrie » en Inde; (vi) lancer sa propre entreprise, maintenant ou à plus long terme; et (vi) ultérieurement, devenir un expert‑conseil indépendant. Il se dégage essentiellement de la lettre du demandeur que celui‑ci veut trouver un meilleur emploi et gagner plus d’argent. Le demandeur a aussi mentionné qu’il souhaitait lancer une entreprise pour favoriser la croissance en Inde, ce qui lui fait honneur.

[46] Les observations formulées par le demandeur devant la Cour à ces égards étaient essentiellement une invitation à apprécier de nouveau les éléments de preuve dont disposait l’agent pour établir si le programme d’études avait été apprécié comme il se devait par rapport aux avantages qu’il apporterait, ce qui est contraire aux enseignements de l’arrêt Vavilov (au paragraphe 125) et de nombreuses décisions contraignantes de tribunaux d’appel.

[47] En réponse à la préoccupation quant à l’invitation à apprécier de nouveau la preuve, le demandeur a soutenu que les motifs donnés par l’agent ne contenaient pas d’analyse rationnelle intelligible et que le problème tenait dans une absence d’explication – les notes consignées dans le SMGC n'en contenaient aucune, ce qui portait à croire que l’agent se livrait indûment à la [traduction] « rétroingénierie » d’un résultat. Avec égards, je ne relève aucune preuve en ce sens. En suivant le raisonnement juridique qui a été exposé précédemment et tel qu’il a été reconnu dans la décision Aghaalikhani, et selon les observations formulées par le demandeur, je ne peux conclure que l’agent s’est fondamentalement mépris sur les éléments de preuve, ou qu’il a fait fi du moindre élément de preuve essentiel au dossier pour tirer la conclusion contestée : Vavilov, au para 126. Les contraintes se rattachant aux éléments de preuve ou aux observations ne sont pas suffisantes pour exiger que les notes consignées dans le SMGC renferment un raisonnement plus approfondi.

[48] Je ne relève aucun parallèle entre les motifs donnés par l’agent et les préoccupations quant à l’intelligibilité décrites par le juge Southcott dans la décision Fallahi, aux para 14‑15. Je ne crois pas non plus, comme l’a également prétendu le demandeur, que le raisonnement suivi par l’agent va à l’encontre de celui du juge McHaffie dans la décision Afuah, au paragraphe 15. Même si l’agent n’a pas défini expressément les « possibilités d’études en Inde » dont dispose le demandeur, on ne peut lui reprocher amèrement de ne pas avoir précisé quelles étaient ces possibilités étant donné ce que contenait la lettre dans laquelle le demandeur faisait part de ses intentions. Je n’interprète pas la décision Afuah comme exigeant des agents qu’ils précisent les possibilités qui s’offrent aux demandeurs dans leur pays dans chaque dossier de permis d’études, ainsi que le laisse entendre le demandeur dans ses observations.

[49] Je conclus que le demandeur n’a pas démontré que les notes de l’agent figurant au SMGC contenaient une erreur susceptible de contrôle suivant les raisons alléguées.

V. Conclusion

[50] Par conséquent, la demande est rejetée.

[51] Aucune partie n’a proposé de question à certifier aux fins d’un appel, et aucune ne sera énoncée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2054‑22

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel aux termes de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

« Andrew D. Little »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2054‑22

 

INTITULÉ :

HITANSHU HITESH BAROT c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 JANVIER 2023

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE A.D. LITTLE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1ER MARS 2023

COMPARUTIONS :

Samin Mortazani

POUR LE DEMANDEUR

 

Erica Louie

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Samin Mortazani

Pax Law Corporation

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Erica Louie

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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