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Date : 20230414


Dossier : IMM-2447-22

Référence : 2023 CF 544

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 avril 2023

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

DAN DAVID AJAGU

HAWAWU JUMAI DAN AJAGU

IFECHUKWU CHURCHILL AJAGU

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 21 février 2022 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté l’appel interjeté par les demandeurs à l’encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de rejeter leurs demandes d’asile.

[2] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision est raisonnable et je rejetterai la présente demande.

II. Contexte

[3] Les demandeurs, un couple marié et leur fils mineur, sont des citoyens du Nigéria. Ils affirment qu’ils sont exposés à un risque de persécution de la part des membres de la famille de la codemanderesse pour des motifs religieux. Les menaces dont ils font l’objet sont attribuables à la conversion de la codemanderesse au christianisme et à son mariage subséquent avec un homme chrétien, le demandeur principal.

[4] Le 6 avril 2018, les demandeurs sont arrivés au Canada et ont demandé l’asile.

[5] Le 6 octobre 2021, la SPR a rejeté les demandes d’asile des demandeurs après avoir conclu que ceux-ci disposaient d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] viable dans l’État d’Enugu.

[6] En appel, la SAR a jugé que les conclusions de la SPR relativement à l’existence d’une PRI dans l’État d’Enugu étaient correctes. La SAR a conclu que les demandeurs n’avaient pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger, aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [la LIPR].

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[7] La SAR a tiré les conclusions suivantes, qui touchent à des éléments fondamentaux de l’analyse de la PRI :

  1. En ce qui concerne le premier volet du critère relatif à la PRI, les demandeurs n’ont pas établi que l’agent de persécution a les moyens ou la motivation pour retrouver les demandeurs à l’endroit proposé comme PRI, soit Enugu. Bien que les demandeurs aient affirmé que l’agent de persécution était un membre du Jihad islamique (JI), ils n’ont pas été en mesure de fournir des éléments de preuve pour étayer leur allégation.
  2. En ce qui concerne le second volet, les demandeurs n’ont pas réussi à établir pourquoi ils ne seraient pas en mesure de trouver un autre type d’emploi. Selon la SAR, les demandeurs ont des antécédents professionnels divers, sont très instruits, parlent les langues locales et possèdent des compétences transférables, de sorte qu’ils ne seraient pas désavantagés s’ils s’installaient à Enugu.

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[8] Dans le présent contrôle judiciaire, les parties conviennent, tout comme moi, que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[9] Les demandeurs soutiennent que la décision de la SAR est déraisonnable pour les motifs suivants : i) la SAR a eu tort de rejeter les nouveaux éléments de preuve déposés par les demandeurs; ii) la SAR a commis une erreur en refusant d’accorder une audience aux demandeurs, iii) la SAR a commis une erreur dans son analyse de la PRI.

[10] Une cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur, ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème : Vavilov, au para 83.

[11] Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. La norme de la décision raisonnable exige de la cour de révision qu’elle fasse preuve de retenue à l’égard d’une telle décision : Vavilov, au para 85.

[12] Le décideur peut apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise. À moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas ses conclusions de fait. Les cours de révision doivent également s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » : Vavilov, au para 125.

V. Analyse

A. Nouveaux éléments de preuve

[13] Les demandeurs ont voulu présenter huit nouveaux éléments de preuve pour étayer leur appel interjeté à la SAR. Tous les éléments étaient des articles de presse.

[14] La SAR a admis cinq des huit articles qui étaient postérieurs à la décision de la SPR et qui étaient jugés crédibles, dignes de foi et pertinents quant à la situation dans l’État d’Enugu et à la violence à l’égard des femmes.

[15] La SAR a rejeté trois des articles présentés parce qu’ils auraient pu être déposés avant que la SPR ne rende sa décision le 6 octobre 2021. Deux des articles en question dataient du 5 avril 2021, et le troisième, du 5 août 2021.

[16] Les demandeurs soutiennent que la SAR a eu tort de rejeter les trois articles de presse, au motif qu’ils étaient postérieurs à la seconde audience de la SPR tenue le 17 mars 2021.

[17] Cependant, il est bien établi dans la jurisprudence que, suivant le paragraphe 110(4) de la LIPR, seuls les nouveaux éléments de preuve documentaire suivants sont admissibles en appel devant la SAR : a) les éléments de preuve survenus depuis le rejet de la demande d’asile par la SPR, b) les éléments de preuve qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, c) les éléments de preuve qui étaient normalement accessibles, mais que la personne en cause n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet : Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 96 au para 34 [Singh]. [Non souligné dans l’original.]

[18] Je ne suis pas convaincue que la SAR a commis une erreur en refusant d’admettre les trois articles qui précédaient le rejet des demandes d’asile par la SPR. Les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer que, à la date de la décision de la SPR, les documents n’étaient pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’ils ne les auraient pas normalement présentés.

[19] Je fais remarquer que deux des articles précédaient la décision de la SPR d’environ six mois et l’autre, de deux mois.

[20] Enfin, comme le souligne le défendeur, les demandeurs ont eu la possibilité de déposer des observations après l’audience sur la question de la PRI, ce qu’ils ont fait le 24 juin 2021. Il est certain que, à ce moment-là, les deux premiers articles datant du 5 avril 2021 étaient normalement accessibles et que les demandeurs auraient pu les fournir avec les observations présentées après l’audience.

[21] Je conclus que, d’après ce qui précède, il était raisonnable de la part de la SAR de refuser d’admettre les documents au motif qu’ils ne respectaient pas les exigences relatives à l’admissibilité énoncées au paragraphe 110(4) de la LIPR.

B. Refus de la SAR de tenir une audience

[22] Les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas fourni de motifs suffisants pour refuser la tenue d’une audience.

[23] Les motifs de la SAR à cet égard se trouvent aux paragraphes 13 et 14 de sa décision. La SAR a correctement énoncé le critère à trois volets figurant au paragraphe 110(6) de la LIPR et a conclu que les nouveaux éléments de preuve admis ne « ne satisf[aisaie]nt pas aux exigences de la disposition en question ».

[24] Je fais observer que la SAR n’a pas l’obligation de tenir une audience simplement parce qu’elle admet de nouveaux éléments de preuve. Le paragraphe 110(3) de la LIPR énonce la règle générale selon laquelle la SAR doit procéder sans tenir d’audience. Le paragraphe 110(6) prévoit une exception à la règle. Le critère à trois volets doit être respecté et, encore là, la SAR peut tout de même décider de ne pas tenir d’audience : Singh, au para 71.

[25] De plus, le défendeur soutient à juste titre que la crédibilité des demandeurs n’était pas en cause dans cette affaire et que les demandeurs n’ont pas établi en quoi les nouveaux éléments de preuve respectaient les exigences législatives relatives à la tenue d’une audience.

[26] Compte tenu des contraintes juridiques et factuelles mentionnées ci-dessus qui ont eu une incidence sur la décision, je conclus, conformément à ce qui est énoncé dans l’arrêt Vavilov, que les motifs de la SAR sont intelligibles et transparents et qu’ils fournissent une justification suffisante pour refuser de tenir une audience.

C. PRI

1) Version mise à jour du cartable national de documentation

[27] Lors du contrôle judiciaire, le demandeur a soulevé en tant que [traduction] « question préliminaire » dans le contexte de la PRI qu’il était déraisonnable de la part de la SAR de conclure que la SPR n’avait pas manqué à l’équité procédurale en s’appuyant sur la version mise à jour du 30 juin 2021 du cartable national de documentation [le CND] sur le Nigéria de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [la Commission].

[28] Plus précisément, la SAR a jugé que la SPR n’avait pas manqué à l’équité procédurale en s’appuyant sur la version mise à jour du CND, puisque la SPR est tenue d’examiner le caractère raisonnable d’une PRI proposée à la lumière des meilleurs renseignements les plus récents qui sont accessibles au moment de l’évaluation. À l’appui de cette conclusion, la SAR a renvoyé à la Politique relative aux cartables nationaux de documentation dans le cadre de la procédure d’octroi de l’asile de la Commission. La SAR a également fait remarquer que les demandeurs étaient représentés par un conseil qui savait ou qui aurait dû savoir que le CND est régulièrement mis à jour et que, par conséquent, ils auraient pu présenter des observations modifiées concernant la version mise à jour du CND avant que la décision ne soit rendue.

[29] Je suis d’avis que le raisonnement de la SAR sur ce point est quelque peu problématique, mais il ne suffit pas à rendre l’ensemble de la décision déraisonnable.

[30] En règle générale, le décideur manque à son devoir d’équité en se fondant sur des éléments de preuve documentaire dont le demandeur n’a pas connaissance ou n’est pas présumé avoir connaissance : Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1re inst), 2002 CFPI 266, [2002] 4 CF 193 aux para 33-34.

[31] De plus, la Cour a statué que le fait que la Commission s’appuie sur des éléments de preuve documentaire qui ne faisaient pas partie du dossier au moment de l’audience et qui ont seulement été publiés dans un CND après l’audience pouvait très bien constituer un manquement à l’équité procédurale : Varatharajah c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 149.

[32] Cependant, ma conclusion selon laquelle la décision de la SAR est raisonnable repose sur le fait que les demandeurs n’ont pas attiré l’attention de la Cour sur des différences importantes entre les deux versions du CND et n’ont pas présenté d’observations pour expliquer en quoi le fait qu’ils n’aient pas été informés de l’utilisation de la version mise à jour du CND a pu nuire à l’évaluation de leurs demandes d’asile.

[33] Dans ses observations de vive voix, le défendeur a admis que le défaut de la SPR d’informer les demandeurs qu’elle s’était appuyée sur la version mise à jour du CND soulevait certainement des questions relatives à l’équité procédurale. Cependant, le défendeur a procédé à une comparaison exhaustive des deux versions du CND pour la Cour et a montré précisément la façon dont la SPR a utilisé la nouvelle version du CND en renvoyant à des paragraphes et à des notes de bas de page précises dans sa décision. Enfin, le défendeur a affirmé que les différences n’avaient pas d’incidence sur l’issue des demandes d’asile et que les demandeurs n’avaient pas réussi à démontrer qu’ils avaient subi un préjudice.

[34] En résumé, quatre documents ont été ajoutés ou mis à jour dans le CND de juin 2021 : les éléments 1.15, 1.18, 1.32 et 1.34.

[35] Selon le défendeur, la nouvelle version du CND a principalement servi à établir des faits incontestés au sujet de l’emploi, de la discrimination fondée sur le sexe et du profil linguistique dans la région proposée comme PRI. Par exemple, la SPR s’est fondée sur l’élément 1.15 pour appuyer sa conclusion selon laquelle les demandeurs parlent l’igbo, qui est la langue principalement parlée dans l’État d’Enugu.

[36] Pour trancher cette question, j’estime que le jugement rendu par la juge Mactavish dans la décision Ding c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 820, est instructif. Dans cette affaire, la SPR s’était appuyée sur un document qui ne se trouvait plus dans le CND. La juge Mactavish a conclu que le fait que la SPR n’ait pas avisé la demanderesse de son intention de se fonder sur ce document n’était pas équitable, mais que cela n’était pas déterminant quant à l’issue de l’affaire :

[12] Je suis d’accord avec madame Ding : il était injuste que la Commission se fonde sur le document en question. Les cartables nationaux de documentation ont justement pour but premier de faire en sorte que toutes les parties aient accès aux renseignements pertinents sur la situation dans le pays et que les demandeurs d’asile soient au fait des documents sur lesquels la Commission se fiera. Il était loisible à la Commission de tenir compte du document en question, mais la Commission, en toute équité, était tenue d’en aviser madame Ding et de lui donner l’occasion de répondre au document, si cette dernière l’estimait nécessaire.

[13] Cela étant dit, madame Ding n’a soulevé aucune différence importante entre le document de 2004 sur lequel la Commission s’est fiée et celui qui l’a remplacé et qui figure à l’heure actuelle dans le cartable national de documentation sur la Chine. Par conséquent, encore une fois, tout manquement à l’équité procédurale qui a été être [sic] commis n’était aucunement déterminant quant à l’issue de la présente affaire.

[37] De même, en l’espèce, j’estime que les demandeurs n’ont pas démontré en quoi les différences mineures dans la version mise à jour du CND ont eu quelque incidence que ce soit sur l’évaluation de leurs demandes d’asile.

[38] Je fais également remarquer que, au moment où les demandeurs ont interjeté appel à la SAR, ils étaient sans aucun doute au courant de l’existence de la nouvelle version du CND. Dans leurs observations présentées à la SAR, les demandeurs ont souligné les différences entre les deux versions du CND, mais n’ont pas montré en quoi les documents auxquels la SPR avait renvoyé étaient suffisamment différents pour avoir une incidence sur l’issue de leurs demandes d’asile.

[39] D’après ce qui précède, je conclus que les demandeurs ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait de démontrer que la décision de la SAR devrait être annulée pour ce motif.

D. Analyse de la PRI effectuée par la SAR

[40] Pour déterminer l’existence d’une PRI, le décideur doit tenir compte du critère à deux volets énoncé dans les arrêts Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1991 CanLII 13517 (CAF), [1992] 1 CF 706 (CA), et Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1993 CanLII 3011 (CAF), [1994] 1 CF 589 (CA).

[41] La Commission doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où, selon elle, il existe une possibilité de refuge, et la situation dans la partie du pays où la Commission juge qu’il existe une PRI doit être telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’y chercher refuge, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles qui lui sont propres.

[42] Les demandeurs contestent l’analyse qu’a effectuée la SAR des deux volets du critère relatif à la PRI.

[43] En ce qui concerne le premier volet, les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur en concluant que l’agent de persécution, désigné dans la décision comme M.B., n’a pas la motivation ni les moyens voulus pour les retrouver.

[44] L’analyse de la SAR sur ce point est très complète.

[45] En ce qui concerne la motivation, la SAR a tenu compte des quatre années qui s’étaient écoulées entre le moment où M.B. avait eu vent de la conversion de la codemanderesse et le moment où le demandeur principal avait été attaqué. Elle a également tenu compte du fait que, après la prétendue agression, il y a eu une pause d’environ sept ans avant que M.B. ne commence à envoyer des messages textes au demandeur principal. La SAR a également fait observer que le demandeur principal avait reçu le dernier message texte en août 2018, après quoi les demandeurs n’ont plus eu de contact avec M.B., et aucun autre membre de leur famille non plus.

[46] En ce qui concerne les moyens, la principale question soulevée par la SAR était l’absence d’éléments de preuve permettant d’établir que l’agent de persécution pouvait les poursuivre jusqu’à Enugu. La SAR a conclu que l’affirmation des demandeurs selon laquelle M.B. était membre du JI n’était pas étayée par des éléments de preuve. La SAR a estimé que le seul élément à l’appui de cette affirmation était le témoignage du demandeur principal où il relatait une conversation qu’il avait eue avec un policier en 2010. Selon le demandeur principal, le policier a déclaré « qu’il s’[était] joint aux extrémistes islamiques ».

[47] D’après un examen approfondi du dossier, j’estime qu’il était raisonnable de la part de la SAR de conclure que les demandeurs « n’[avaient] pas établi que leur agent de persécution [était] actuellement affilié au JI ni qu’il [pouvait] déployer un réseau à l’échelle du pays pour les identifier ».

[48] Dans l’ensemble, je suis d’accord avec le défendeur pour affirmer que les arguments des demandeurs en ce qui concerne le premier volet du critère relatif à la PRI se résument à une contestation des conclusions de la SAR et qu’ils n’ont pas comblé les lacunes dans la preuve qui avaient été relevées par la SAR.

[49] Les demandeurs soutiennent également que la SAR a commis une erreur dans son examen du second critère relatif à la PRI. Ils soutiennent que la violence fondée sur le sexe, les conséquences de la COVID-19, la présence de Boko Haram et d’autres groupes extrémistes dans la région, ainsi que les perspectives d’emploi limitées, rendent l’endroit proposé comme PRI déraisonnable.

[50] Un examen de la décision montre que la SAR a examiné de façon exhaustive et raisonnable les observations des demandeurs. Par exemple, en ce qui concerne la question de l’emploi, la SAR a conclu ce qui suit :

Les appelants ont déclaré durant leur témoignage qu’ils parlent tous l’anglais, la langue nationale du Nigéria. De plus, l’appelant principal parle l’igbo, langue couramment parlée à Enugu. Les appelants adultes sont tous deux instruits et ont obtenu leur diplôme universitaire. Ils ont beaucoup voyagé, comme le montrent leurs passeports. Ils ont tous deux divers antécédents professionnels. L’appelante associée a travaillé pendant plus de 19 ans comme gestionnaire pour Ecobank, une entreprise qui a des succursales à Enugu. De plus, elle a de l’expérience de travail à titre de conseillère en dette et de spécialiste en hypothèques au Canada. L’appelant principal était un entrepreneur dans le secteur du divertissement et il avait sa propre entreprise dans le secteur de la vidéo et de la musique. L’État d’Enugu est très présent dans l’industrie nigériane du film et du spectacle. J’estime que les compétences variées et transférables des appelants ne les désavantageraient pas considérablement s’ils devaient s’installer à Enugu.

[51] La SAR a également tenu compte des observations des demandeurs en ce qui concerne l’identité autochtone et des facteurs démographiques pour parvenir à sa conclusion. Elle a finalement conclu que, selon la preuve, en tant que membres de la tribu dominante d’Enugu, les demandeurs ne risquaient pas d’être exposés à des obstacles en matière d’accès au logement ou à l’éducation.

[52] Dans le contexte de l’analyse de la PRI, il est bien établi que le seuil pour ce volet du critère est très élevé. Il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions : Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16789 (CAF), [2001] 2 CF 164 (CA) au para 15.

[53] Les arguments des demandeurs reviennent à demander à la Cour d’apprécier à nouveau les éléments de preuve qui ont été présentés à la SAR. Les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer qu’il y avait quelque erreur que ce soit dans l’analyse de la SAR en ce qui concerne le second volet.

[54] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que les demandeurs ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait de démontrer que la SAR a commis une erreur dans son analyse de la PRI dans le cadre de l’un ou l’autre des deux volets.

VI. Conclusion

[55] La décision de la SAR de rejeter l’appel des demandeurs était raisonnable. Je rejetterai donc la présente demande de contrôle judiciaire.

[56] Aucune question grave de portée générale n’a été soulevée par les parties et, au vu des faits de l’espèce, l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2447-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2447-22

 

INTITULÉ :

DAN DAVID AJAGU, HAWAWU JUMAI DAN AJAGU, IFECHUKWU CHURCHILL AJAGU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 FÉVRIER 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 14 AVRIL 2023

 

COMPARUTIONS :

Linda Kassim

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Laoura Christodoulides

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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