Date :
Dossier : IMM-790-22
Référence : 2023 CF 87
[TRADUCTION FRANÇAISE]
En présence de madame la juge McDonald
ENTRE : |
KARAMJEET KAUR |
demanderesse |
et |
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 19 janvier 2022, par laquelle la Section de l’immigration [la SI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a déclaré la demanderesse interdite de territoire pour fausse déclaration au titre de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].
[2] Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. La SI a cerné et appliqué le bon critère juridique, et la décision qui en a résulté est raisonnable. Je refuse de certifier la question proposée par la demanderesse.
I. Le contexte et l’historique procédural
[3] La demanderesse, âgée de 24 ans, est une citoyenne de l’Inde qui a présenté une demande pour étudier au Canada. Sa famille a retenu les services d’une personne en Inde qui, selon elle, était un consultant en immigration, afin d’obtenir un visa d’étudiant pour la demanderesse. Cette dernière affirme qu’elle n’a jamais rencontré ce consultant et qu’elle n’a signé aucun document pour sa demande de visa d’étudiant.
[4] En janvier 2018, le consultant a informé la demanderesse qu’elle avait reçu une lettre d’acceptation du Collège Seneca. En avril 2018, la demanderesse s’est rendue au Canada et, sur la base de la lettre d’acceptation du Collège Seneca, a obtenu un visa d’études.
[5] Peu de temps après que la demanderesse est arrivée au Canada, le consultant lui a dit qu’il y avait un problème concernant sa fréquentation du Collège Seneca en raison d’un différend entre le consultant et le Collège. La demanderesse a cherché d’autres options d’études au Canada et s’est inscrite au Collège Norquest à Edmonton, où elle a obtenu un diplôme en administration des affaires en deux ans.
[6] En juillet 2020, la demanderesse a obtenu un permis de travail postdiplôme [PTPD] et a présenté une demande de résidence permanente.
[7] En mai 2021, la demanderesse a eu une entrevue avec l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] et a été informée qu’un rapport avait été établi contre elle au titre de l’article 44 de la LIPR en raison d’une fausse déclaration dans sa demande de visa d’étudiant.
[8] La lettre d’acceptation du Collège Seneca fournie par le consultant s’est avérée frauduleuse. Une fois que l’ASFC a informé la demanderesse de ce fait, la famille a déposé une plainte au criminel contre le consultant en Inde.
A. La décision faisant l’objet du contrôle
[9] La décision est constituée de la transcription d’une enquête tenue le 19 janvier 2022 devant un commissaire de la SI. La demanderesse, une étrangère, a été déclarée interdite de territoire au Canada au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR pour fausse déclaration à l’égard d’un fait important qui pourrait entraîner une erreur dans l’application de la Loi.
[10] La SI a conclu que la lettre d’acceptation n’avait pas été délivrée par le Collège Seneca et qu’elle ne concordait pas avec les dossiers du Collège. Elle a jugé que, selon la prépondérance des probabilités, la lettre d’admission n’était pas authentique et qu’il y avait eu une fausse déclaration indirecte.
[11] La SI a demandé si la demanderesse avait fait une fausse déclaration indirecte, puisqu’elle n’avait pas signé le formulaire de demande de visa. La demanderesse a admis à l’audience qu’elle savait que son cousin avait contrefait sa signature sur l’un des documents de sa demande, le formulaire « Recours aux services d’un représentant »
. La SI a conclu que la preuve démontrait « qu’elle savait qu’une demande était présentée pour un permis d’études et qu’elle avait autorisé son cousin et le consultant d’immigration à présenter la demande pour le permis d’études »
. La SI a souligné qu’il incombait à la demanderesse de s’assurer que sa demande était complète, exacte et conforme à la loi. Elle a conclu que la demanderesse savait que son cousin et le consultant présentaient une demande en son nom, de sorte qu’une fausse déclaration s’est produite.
[12] La SI a jugé que la fausse déclaration concernait un fait important, puisqu’une lettre d’acceptation est un document requis pour une demande de permis d’études. Elle a conclu que l’utilisation de la lettre d’admission frauduleuse avait entraîné une erreur dans l’application de la LIPR.
[13] La SI a également tenu compte de la défense d’erreur de bonne foi et a conclu qu’elle ne s’appliquait pas en l’espèce. En ce qui concerne le premier volet du critère, qui concernait la croyance subjective, la SI a accepté le fait que la demanderesse croyait sincèrement avoir été admise au Collège Seneca.
[14] Pour ce qui est du deuxième volet du critère, à savoir si la croyance était objectivement raisonnable, la SI a conclu que la défense ne pouvait être retenue. Elle a jugé que la lettre d’admission était très élaborée et qu’elle avait pour but de duper. Cependant, la SI a ensuite tenu compte des éléments suivants :
[…] si une personne se trouvant dans la même situation que Mme KAUR, avec son passé, ses attentes culturelles, sa dynamique familiale et son handicap physique, si une personne se trouvant dans sa situation aurait raisonnablement pu croire qu’elle avait été admise au Collège Seneca, et je dois déterminer si la connaissance de l’authenticité de la lettre d’admission échappait à sa volonté.
[15] Selon la SI, rien dans la preuve ne donnait à penser que la demanderesse ne pouvait pas utiliser un téléphone ou envoyer un courriel pour communiquer avec le Collège Seneca dans le but de confirmer son inscription après avoir reçu la lettre d’admission ou après avoir été admise au Canada. La SI a conclu que la capacité de la demanderesse de confirmer sa place au Collège Seneca n’échappait pas à son contrôle.
II. Les questions en litige
[16] La demanderesse soulève un certain nombre de questions relativement à la décision, que je traiterai dans l’ordre suivant :
A. La demande de visa d’étudiant était-elle valide?
B. La SI a-t-elle raisonnablement tenu compte du critère relatif aux fausses déclarations faites de bonne foi?
C. La SI a-t-elle raisonnablement examiné si l’exception relative aux fausses déclarations faites de bonne foi s’appliquait dans la situation?
D. Une question à certifier est-elle soulevée?
III. La norme de contrôle
[17] Les parties soutiennent, et je suis d’accord avec elles, que la norme de contrôle applicable aux questions en litige est celle de la décision raisonnable, en conformité avec l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Pour apprécier le caractère raisonnable de la décision, la Cour doit « se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci »
(Vavilov, au para 99). Si « des motifs sont communiqués, mais que ceux‑ci ne justifient pas la décision de manière transparente et intelligible […] la décision sera déraisonnable »
(Vavilov, au para 136).
IV. La question préliminaire
[18] À titre préliminaire, la demanderesse a nommé à la fois le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile comme défendeurs. Le défendeur approprié est le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, étant le ministre nommé dans la décision faisant l’objet du contrôle.
[19] Par conséquent, l’intitulé sera modifié, avec effet immédiat, afin que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile soit désigné comme seul défendeur.
V. Analyse
A. La demande de visa d’étudiant était-elle valide?
[20] La demanderesse invoque les articles 10 et 12 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement] pour faire valoir qu’elle n’a jamais rempli une demande valide et que, par conséquent, la SI ne pouvait se fonder sur la demande de visa d’étudiant incomplète pour tirer une conclusion de fausse déclaration.
[21] Le paragraphe 10(1) de la LIPR est ainsi libellé, en partie :
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[22] La demanderesse fait valoir qu’elle n’a jamais signé la demande comme l’exige la disposition du Règlement qui précède, et que, par conséquent, la demande est nulle. Elle s’appuie sur le paragraphe 40 de la décision Su c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 51 [Su], et le paragraphe 6 de l’arrêt Gennai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 29 [Gennai], pour faire valoir qu’une demande incomplète ne peut être considérée comme existante tant qu’elle n’est pas conforme à l’article 10 du Règlement.
[23] De plus, elle soutient qu’au titre de l’article 12 du Règlement, une demande incomplète doit être retournée au demandeur. L’article 12 du Règlement est ainsi libellé :
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[24] La demanderesse fait valoir que sa demande de visa non signée était incomplète et que, au titre de l’article 12, elle aurait dû lui être retournée et ne pas être conservée par l’ASFC (sauf pour les renseignements biométriques). Elle soutient qu’en raison des articles 10 et 12, il [traduction] « n’y a pas »
de demande dans le système – il ne peut donc pas y avoir de conclusion de fausse déclaration, car la demande n’existe pas.
[25] Cette position est difficile à concilier avec le fait que la demanderesse a effectivement obtenu un permis d’études sur la base de la demande présentée. De plus, la demanderesse a utilisé le permis d’études comme fondement de ses demandes subséquentes de PTPD et de résidence permanente. Il n’est donc pas logique ou crédible de la part de la demanderesse de soutenir maintenant que sa demande n’a jamais existé, étant donné qu’elle a bénéficié des avantages découlant du permis d’études délivré sur la base de cette demande.
[26] De plus, la jurisprudence invoquée par la demanderesse n’appuie pas son argument. La décision Su et l’arrêt Gennai portaient tous deux sur des demandes incomplètes qui avaient été retournées aux demandeurs. Cela ne s’est pas produit en l’espèce. Quoi qu’il en soit, les scénarios factuels de ces affaires sont entièrement différents et, par conséquent, peuvent être distingués.
[27] Les observations de la demanderesse sur ce point sont entièrement dénuées de fondement. Elles confondent également les dispositions législatives applicables. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’alinéa 40(1)a) de la LIPR est une disposition indépendante qui n’est pas subordonnée à l’existence d’une demande complète. L’alinéa 40(1)a) prévoit qu’une personne est interdite de territoire pour fausses déclarations « quant à un objet pertinent »
.
[28] De plus, selon un principe bien établi en matière d’interprétation législative, un règlement est subordonné à une loi et, en cas de conflit, la loi habilitante a préséance. Comme l’a déclaré le juge Rennie au paragraphe 22 de la décision Afzal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1028 :
[…] un règlement est subordonné à une loi et, ainsi, ne peut pas déroger à la loi ni être contraire à celle‑ci. Comme l’explique la professeure Ruth Sullivan dans Statutory Interpretation, 2e éd. (Toronto : Irwin Law, 2007) à la page 312, [traduction] « la primauté des lois sur les dispositions législatives subordonnées constitue une présomption » et, dans les situations de conflit, [traduction] « la loi est présumée avoir préséance ». Un règlement ne peut enlever ce que la loi a attribué.
[29] Je suis convaincue qu’une fausse déclaration sur un permis d’études délivré constitue une fausse déclaration quant à un objet pertinent aux termes de l’alinéa 40(1)a), indépendamment de toute irrégularité dans la demande elle-même.
B. La SI a-t-elle raisonnablement tenu compte du critère relatif aux fausses déclarations faites de bonne foi?
[30] La demanderesse fait valoir que la SI a mal appliqué le critère lorsque celle-ci lui a demandé si elle croyait avoir été admise au Collège Seneca. Elle soutient que la vraie question est de savoir s’il était raisonnable pour elle de présumer que la lettre d’acceptation du Collège Seneca était valide.
[31] Le critère relatif aux fausses déclarations faites de bonne foi est énoncé aux paragraphes 5 et 6 de la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Robinson, 2018 CF 159 :
[…] Pour établir si une personne a commis une erreur innocente, il faut se demander si elle croyait honnêtement et raisonnablement ne pas faire de fausse déclaration.
[6] Il s’agit donc d’un critère comportant deux aspects. Le premier aspect est subjectif : le décideur doit se demander si la personne croyait honnêtement ne pas faire de fausse déclaration. Le second aspect est objectif : le décideur doit établir si, au vu des faits, la personne pouvait raisonnablement croire qu’elle ne faisait pas de fausse déclaration. [Souligné dans l’original.]
[32] La SI a examiné ces aspects de la manière suivante :
Maintenant, ce avec quoi j’ai eu du mal, c’est la question de savoir si une déclaration a bel et bien été faite. Pour qu’il y ait une fausse déclaration, il doit y avoir une déclaration, et sans la signature de la demandeure [sic], je n’étais pas certain qu’il y avait eu une véritable déclaration. Mais j’ai conclu qu’il y avait bel et bien eu une déclaration en examinant les circonstances entourant la demande; j’ai entendu le témoignage selon lequel le cousin et le consultant en immigration de Mme KAUR sont allés présenter une demande, en son nom, et qu’elle était au courant que cela se produisait. Ce n’est pas une situation où quelqu’un a présenté une demande sans que le présumé demandeur en ait connaissance. Je vais donc m’arrêter là à ce stade-ci, et je vais passer au reste de mon analyse de la fausse déclaration.
[33] La jurisprudence de la Cour a conclu à maintes reprises que l’alinéa 40(1)a) de la LIPR s’applique même lorsque la fausse déclaration est faite par une autre partie (Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059).
[34] L’objectif de l’alinéa 40(1)a) a pour objet de décourager les fausses déclarations et de préserver l’intégrité de la procédure d’immigration (Inocentes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1187 aux para 17 et 18, citant Sayedi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 420 au para 24; voir également Canada (Citoyenneté et Immigration) c Sidhu, 2018 CF 306 au para 33).
[35] Comme il est énoncé au paragraphe 25 de la décision Haghighat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 598 [Haghighat] :
La Cour ne fait pas de distinction entre les déclarations délibérément fausses et les déclarations inexactes faites innocemment, y compris celles « découlant d’un conseil juridique erroné » (Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 678 au para 10). L’intégrité du régime d’immigration repose sur la présentation d’informations complètes, honnêtes et véridiques, même si cela peut sembler rigide. Le défaut du demandeur de s’acquitter de son devoir de s’assurer que sa demande est véridique et complète, comme l’exige la Loi, ne saurait lui permettre de s’affranchir de son entière obligation de franchise.
[36] La présente affaire est semblable à l’affaire Haghighat, dans laquelle la demanderesse, qui ne savait pas lire l’anglais et ne connaissait pas bien les processus d’immigration au Canada, s’était vu remettre un document frauduleux par un consultant en immigration. Cette demanderesse avait été déclarée interdite de territoire pour fausses déclarations. Comme l’a conclu le juge Manson au paragraphe 21 : « [l]es circonstances de l’espèce sont malheureuses. La demanderesse a fait confiance à un consultant en immigration, et elle a été dupée. Cependant, ces circonstances ne l’exonèrent pas des conséquences de sa fausse déclaration. »
[37] De plus, la Cour a conclu que, un « demandeur étant tenu responsable du contenu de la demande qu’il signe, on ne peut considérer qu’il croyait raisonnablement ne pas avoir présenté faussement un fait d’importance s’il a omis de revoir sa demande et de vérifier qu’elle était complète et exacte »
(Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1124 au para 26, renvoyant à Goburdhun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 971 au para 28; et Haque c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 315 au para 16).
[38] Compte tenu de ce qui précède, la position de la demanderesse selon laquelle les fausses déclarations ne devraient pas avoir d’incidence sur elle n’est tout simplement pas étayée par la jurisprudence de la Cour.
C. La SI a-t-elle raisonnablement examiné si l’exception relative aux fausses déclarations faites de bonne foi s’appliquait dans la situation?
[39] La demanderesse soutient que la SI n’a pas tenu compte de sa situation particulière lorsqu’elle a examiné l’exception relative aux fausses déclarations faites de bonne foi. Plus précisément, elle fait valoir que la SI n’a pas tenu compte du fait qu’elle était une jeune femme handicapée et persécutée originaire d’une région rurale de l’Inde, dont les parents n’étaient pas instruits. Elle affirme que la SI a déraisonnablement examiné les mesures que la demanderesse avait prises après son arrivée au Canada, mais qu’elle aurait dû tenir compte de ce qu’une femme handicapée et persécutée en Inde aurait fait lorsqu’elle était dans ce pays.
[40] Contrairement aux observations de la demanderesse, un examen de la décision démontre que la SI a tenu compte de sa situation et de son expérience particulières et qu’elle s’en est servie pour éclairer l’appréciation du caractère raisonnable de ses actes. La SI a déclaré :
L’analyse ne prend pas simplement fin après avoir examiné l’apparence du document. Je dois déterminer si une personne se trouvant dans la même situation que Mme KAUR, avec son passé, ses attentes culturelles, sa dynamique familiale et son handicap physique, si une personne se trouvant dans sa situation aurait raisonnablement pu croire qu’elle avait été admise au Collège Seneca, et je dois déterminer si la connaissance de l’authenticité de la lettre d’admission échappait à sa volonté.
Alors, Mme KAUR s’est rendue seule à Toronto depuis l’Inde. Elle a aussi voyagé de Toronto à Edmonton seule, ce qui montre un certain degré de mobilité. J’ai toutefois entendu qu’elle se fatigue rapidement et que son handicap nuit à sa capacité de marcher. Mais il n’y a aucun élément de preuve qui laisse entendre que Mme KAUR ne peut pas utiliser un téléphone ou ne peut pas envoyer des courriels. Elle aurait pu communiquer avec le Collège Seneca après avoir reçu la lettre d’admission ou même après avoir été admise au Canada. La capacité de confirmer sa place au Collège Seneca n’échappait pas à son contrôle; ce n’était pas une preuve ou une information qui aurait, que le Collège Seneca lui aurait cachée.
[…]
[…] En fait, à mon avis, il serait raisonnable qu’un étudiant communique avec son école après y avoir été admis, au lieu de s’en remettre complètement à un consultant en immigration. Mais malheureusement, à mon avis, ce moyen de défense ne fonctionne pas, parce que Mme KAUR n’a pris aucune mesure pour déterminer la véracité de cette, cette [sic] lettre d’admission.
[41] Ce qui précède démontre que la SI a pleinement tenu compte de la situation présentée par la demanderesse et qu’elle s’y est attaquée. Néanmoins, la SI a conclu que, même si la demanderesse n’avait pas signé le formulaire « Recours aux services d’un représentant »
, elle savait qu’une demande était présentée en son nom et que sa signature avait été contrefaite pour faciliter la présentation de la demande d’une manière ou d’une autre, même si elle ne connaissait pas le document précis ni son objet.
[42] La SI a accepté le fait que la demanderesse croyait sincèrement qu’elle avait été acceptée au Collège Seneca, mais a conclu que cette croyance était objectivement déraisonnable. La SI n’a pas limité son examen aux mesures qui, selon elle, auraient dû être prises, mais a plutôt cherché toute mesure prise par la demanderesse pour confirmer qu’elle était admise au Collège Seneca. Cette analyse constitue un examen raisonnable de l’aspect objectif de l’exception relative à l’erreur de bonne foi.
[43] De plus, même si la demanderesse se décrit comme étant une personne vulnérable n’ayant pas accès à des ressources, son expérience en matière d’études postsecondaires en Inde remet cette observation en question. Cela est d’autant plus vrai étant donné que son diplôme précédent était en informatique.
[44] De façon globale, la SI a tenu compte de l’ensemble de la preuve et des faits de l’affaire, y compris les antécédents, le handicap, la dynamique familiale et la culture de la demanderesse. La SI a également conclu que la demanderesse savait qu’une demande de permis d’études était présentée en son nom.
[45] Je conclus que la SI a raisonnablement appliqué le critère à deux volets relatif aux fausses déclarations faites de bonne foi. Si la SI était tenue d’accepter la défense de fausse déclaration faite de bonne foi dès que l’élément subjectif est établi, le deuxième élément objectif du critère ne serait pas nécessaire.
D. Une question à certifier est-elle soulevée?
[46] La demanderesse propose la question suivante soit certifiée :
[traduction]
Le défendeur peut-il se fonder sur une demande jugée incomplète au titre des articles 10 et 12 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés pour rendre une décision subséquente sur le statut d’immigrant d’une personne?
[47] Pour être certifiée au titre de l’alinéa 74d) de la LIPR, une question proposée doit être une « question grave »
qui (i) est déterminante quant à l’issue de l’appel, (ii) transcende les intérêts des parties au litige et (iii) porte sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale : Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130 [Lewis] au para 36.
[48] De plus, une question certifiée « doit [être] une question qui a été soulevée et qui a été examinée dans la décision d’instance inférieure »
: Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Zazai, 2004 CAF 89 au para 12; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Kassab, 2020 CAF 10 au para 72; Lewis, au para 36.
[49] Au paragraphe 46 de l’arrêt Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22, le juge Laskin a expliqué que le critère énoncé dans l’arrêt Lewis :
[…] signifie que la question doit avoir été examinée par la Cour fédérale et elle doit découler de l’affaire elle-même, et non simplement de la façon dont la Cour fédérale a statué sur la demande. Un point qui n’a pas à être tranché ne peut soulever une question dûment certifiée (arrêt Lai c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CAF 21, au paragraphe 10). Il en est de même pour une question qui est de la nature d’un renvoi ou dont la réponse dépend des faits qui sont uniques à l’affaire (arrêt Mudrak c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178, aux paragraphes 15 et 35).
[50] Enfin, les questions certifiées devraient être posées d’une manière qui tient compte de la norme de contrôle appropriée et qui établit un lien entre la question certifiée et la décision faisant l’objet du contrôle : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Galindo Camayo, 2022 CAF 50 [Galindo Camayo] aux para 44 et 45. La méthode de rédaction prévue par l’arrêt Galindo Camayo veille à ce que la question soit formulée de manière à traiter d’un point soulevé dans la décision elle-même et à ce qu’elle soit une question générale d’importance (comme une question de droit), plutôt qu’une question abstraite ou axée sur les faits particuliers de l’affaire : Galindo Camayo, aux para 40 et 45.
[51] À mon avis, la question proposée ne découle pas de la décision faisant l’objet du contrôle, car les arguments examinés plus haut concernant les articles 10 et 12 du Règlement n’ont pas été soulevés devant la SI. Quoi qu’il en soit, la question ne respecte pas le principe bien établi en matière d’interprétation législative selon lequel un règlement est subordonné à une loi et, en cas de conflit, la loi habilitante a préséance.
[52] Par conséquent, je refuse de certifier la question proposée par la demanderesse.
VI. Conclusion
[53] La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée, car la décision de la SI est raisonnable. Je refuse également de certifier toute question.
JUGEMENT dans le dossier IMM-790-22
LA COUR STATUE :
La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;
L’intitulé est modifié, avec effet immédiat, afin que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile soit désigné comme seul défendeur;
Il n’y a aucune question à certifier.
« Ann Marie McDonald »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-790-22 |
INTITULÉ :
|
KARAMJEET KAUR c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE |
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 7 décembre 2022
|
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LA JUGE MCDONALD
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 19 JANVIER 2023 |
COMPARUTIONS :
Manraj Sidhu |
Pour la demanderesse |
Alicia Dueck‑Read |
Pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Nanda & Company Avocats Edmonton (Alberta) |
Pour la demanderesse |
Procureur général du Canada Winnipeg (Manitoba) |
Pour le défendeur |