Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20060214

Dossier : T-668-04

Référence : 2006 CF 191

Ottawa (Ontario), ce 14 février 2006

Présent :          MONSIEUR LEJUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                                              JEAN PELLETIER

                                                                                                                                         Demandeur

                                                                             et

                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                             

                                                                                                                                          Défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une requête du demandeur en vertu des Règles 403 et suivantes et de la Règle 369 des Règles de la Cour fédérale, DORS/98-106 ( « Règles de la Cour » ) visant à obtenir des directives concernant les dépens quant aux procédures prises dans le présent dossier et, plus spécifiquement, à obtenir les dépens sur une base avocat-client. Subsidiairement, il est demandé que les dépens soient taxés selon la colonne V du Tarif B, tel que le prévoit la Règle 400(5) des Règles de la Cour ou encore que soit rendue toute autre ordonnance que la Cour jugerait appropriée y compris l'octroi d'une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés en conformité avec la Règle 400(4) des Règles de la Cour.


[2]                Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur n'avait pas formulé de demande au sujet des dépens.

[3]                Dans les motifs de l'ordonnance en date du 18 novembre 2005, le soussigné donnait raison au demandeur en annulant le décret de destitution de ce dernier de son poste de président du Conseil d'administration de Via Rail mais n'accordait aucun dépens étant donné qu'aucune demande n'avait été formulée à ce sujet :

"Aucun frais n'ayant été demandés par la partie demanderesse, il n'y a pas lieu d'en accorder.

(Voir, Pelletier c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1545, [2005] A.C.F. No. 1891, para. 95)."

[4]                Le demandeur prétend que les Règles 403 et suivantes permettent au soussigné d'octroyer des dépens qui n'avaient pas été accordés auparavant dans les motifs de l'ordonnance. Le demandeur fonde sa demande sur la Règle 403(2) des Règles de la Cour qui se lit ainsi :          


(2) La requête visée à l'alinéa (1)a) peut être présentée que le jugement comporte ou non une ordonnance sur les dépens.


(2) A motion may be brought under paragraph (1)(a) whether or not the judgment included an order concerning costs.



De plus, le demandeur invoque l'arrêt Bayer AG c. Apotex Inc., 2005 CAF 128, [2005] A.C.F. No. 604 (C.A.F.), dans lequel le juge Décary au nom de la Cour écrivait, au para. 7 :

"Comme il est permis à une partie, en vertu de la règle 403, de solliciter l'obtention ou la modification d'une ordonnance de la Cour au sujet des dépens, les notions de res judicata ou de functus officio ne sont tout simplement pas applicables. Le juge saisi de la requête doit l'entendre et en disposer."

[5]                Le défendeur s'oppose de façon catégorique à une telle demande, estimant essentiellement que la Cour n'a pas accordé de dépens et qu'il s'agit d'une décision finale qui ne peut être reconsidérée par le juge en vertu des Règles 403 et suivantes des Règles de la Cour fédérale.

[6]                Dans le jugement rendu dans le cadre du présent dossier, j'ai décidé de ne pas accorder de dépens étant donné qu'aucune demande n'avait été faite à ce sujet. Le fait qu'aucune demande n'a été formulée par le demandeur dans le dossier principal est confirmé par celui-ci dans ses prétentions écrites au paragraphe 4 (qui devrait se lire au paragraphe 1 dans le document).


[7]                La Règle 403 existe dans le but de demander à la Cour des directives à l'intention de l'officier taxateur concernant l'allocation des dépens. Il me semble que la Règle est à la disposition des parties dans le but de permettre à un juge de clarifier une ordonnance, de la compléter ou d'y ajouter une précision concernant l'octroi de frais ou de dépens. La Règle 403 n'a pas pour but de permettre au juge de prononcer une nouvelle ordonnance à l'encontre de la première mais vise plutôt à lui permettre de donner des directives au sujet des frais à être taxés. Lorsque la Cour a conclu en décidant de ne pas allouer de dépens, cette décision est finale et il m'apparaît que les Règles 403 et suivantes ne peuvent pas être utilisées comme voie d'appel pour renverser une ordonnance de ne pas accorder de dépens. Si le rédacteur des Règles de la Cour avait voulu que ce soit le cas, il l'aurait dit expressément. Un régime d'appel de décisions est trop important dans notre système juridique pour ne pas être exprimé en des termes clairs.

[8]                Je ne crois pas que la décision Apotex précitée donne raison au demandeur. Les faits de cette affaire sont différents. Une ordonnance accordant les dépens avait été rendue en faveur de la demanderesse et celle-ci s'appuyait sur la Règle 403 en demandant qu'une directive soit donnée à l'officier taxateur pour que les dépens soient taxés sur la base avocat-client. Le juge du procès refusa d'accorder la demande de directive, estimant qu'il n'avait pas la compétence pour décider étant donné qu'il était functus officio. La Cour d'appel décida qu'il n'était pas functus officio et que le dossier devait être retourné en première instance pour qu'une décision soit prise.


[9]                Dans le cas présent, la décision fut prise de ne pas accorder de frais, ce qui est très différent de la situation de faits dans le dossier Apotex, précité. En l'espèce, le demandeur me demande de reconsidérer ma décision par laquelle je n'accordais pas de frais, ce que ne permettent pas les Règles 403 et suivantes des Règles de la Cour.

[10]            En plus, je note que le juge Décary dans la décision Apotex précitée en partie, au para.7, a précisé que le fait pour une partie de renoncer à une demande de dépens, ce qui est le cas de la présente en ce qu'aucune demande n'a été faite, pouvait être considérée comme étant un motif pour refuser une requête déposée sur la base de la Règle 303 de la Cour :

"Il ou elle peut estimer que la requête est vexatoire (lorsque, par exemple, avant le prononcé de l'ordonnance la question des dépens a été pleinement examinée par les parties, qui étaient au courant du dénouement du litige, ou lorsqu'une partie a renoncé à son droit aux dépens) et il peut la rejeter pour ce motif. Le juge ne peut toutefois pas refuser de l'entendre et d'en disposer."

[11]            Le défendeur, le Procureur général du Canada, demande les dépens pouvant découler de la présente procédure. Ayant à l'esprit les circonstances particulières du présent dossier et ayant recours à la discrétion qui est allouée au juge dans le cadre de la détermination sur les dépens, je n'accorderai pas de dépens et chaque partie assumera ses propres frais.

ORDONNANCE


LA COUR ORDONNE :

-           Le rejet de la requête du demandeur.

              "Simon Noël"                

         Juge

                                                     


COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :                T-668-04

INTITULÉ :               JEAN PELLETIER et PROCUREUR GÉNÉRAL                                                               DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Requête écrite sans comparution

MOTIFS :                 L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                                   Le 14 février 2006

COMPARUTIONS :

Me Suzanne Côté                                              POUR LE DEMANDEUR

Me Patrick Girard

Me Jacques Jeansonne                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stikeman Elliot                                                   POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Deslauriers Jeansonne                                        POUR LA DÉFENDERESSE

Montréal (Québec)


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.