Date : 20221219
Dossier : T-584-21
Référence : 2022 CF 1758
Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2022
En présence de l’honorable juge Pamel
ENTRE :
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COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE
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demanderesse
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et
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DENIS SAUVÉ
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1] La demanderesse, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique [CP Rail ou employeur], demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue par l’arbitre Me Bernard Giroux [Arbitre] le 5 mars 2021, par laquelle il accueille partiellement la plainte de congédiement injuste du défendeur, M. Denis Sauvé, déposée le 15 septembre 2017 en vertu de l’article 240 du Code canadien du travail, LRC 1985, c L‑2 [Code].
[2] Le 21 juillet 2017, CP Rail a congédié M. Sauvé pour avoir violé sa Politique sur la discrimination et le harcèlement [politique sur le harcèlement] et la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6, en raison de son comportement de harcèlement sexuel à l’égard sa subalterne [plaignante], auteure de la plainte ayant mené à ce congédiement.
[3] Dans sa décision, l’Arbitre a annulé le congédiement de M. Sauvé en concluant qu’il n’avait pas eu un comportement de harcèlement sexuel à l’égard de sa subalterne et que, malgré qu’il ait violé sciemment le Code d’éthique de l’employeur en ne divulguant pas sa relation avec sa subalterne, le congédiement n’était pas une mesure appropriée en raison des années de service et du dossier disciplinaire vierge de M. Sauvé. L’Arbitre a donc substitué au congédiement une suspension de quatre mois sans salaire. Il a par ailleurs rejeté la demande de réintégration de M. Sauvé dans son emploi et ordonné à l’employeur de lui verser une compensation rétroactive.
[4] CP Rail allègue que l’Arbitre, en concluant que M. Sauvé n’avait pas commis de harcèlement sexuel à l’égard de la plaignante, a omis de référer au droit applicable, de mentionner et de considérer ses arguments, et d’appliquer le cadre d’analyse et les critères reconnus en matière de harcèlement sexuel en droit du travail à la preuve. CP Rail affirme également que l’Arbitre, en concluant que le congédiement n’était pas une mesure appropriée dans les circonstances, a omis d’appliquer la longue liste de facteurs aggravants que l’employeur avait soulevés.
[5] Pour les motifs qui suivent, CP Rail ne m’a pas convaincu que la décision de l’Arbitre est déraisonnable, et que les lacunes dont elle souffre sont suffisamment capitales ou importantes pour justifier l’intervention de la Cour. Conséquemment, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
II.
Contexte
[6] Au moment des faits pertinents à la présente demande, M. Sauvé était au service de l’employeur depuis 31 ans. Débutant au poste de journalier, il a gravi les échelons de l’entreprise et, depuis 2010, occupé des postes de direction au sein du département d’ingénierie de Montréal. Le 7 novembre 2016, la plaignante a été engagée au poste de superviseure – structures. Deux semaines après son arrivée, une restructuration est survenue au sein du département et la plaignante est alors tombée sous la supervision de M. Sauvé, nouvellement nommé directeur – voies et structures.
[7] Bien qu’elle soit détentrice d’une maîtrise en génie civil et possède une expérience dans l’évaluation des structures, la plaignante ne connaissait pas le domaine du transport ferroviaire ni le fonctionnement de l’entreprise. Dans le cadre de ses fonctions, elle devait notamment inspecter les structures et les ponceaux sur un territoire donné, et dès son arrivée dans l’équipe de M. Sauvé, les parties ont été appelées à passer beaucoup de temps ensemble à des fins de formation et de supervision. À partir du mois de février 2017, des rapprochements de nature personnelle se sont produits entre les parties, et leur relation a pris la tournure d’une liaison.
[8] Le 10 mars 2017, un contremaître sous la supervision de la plaignante a été victime d’un grave accident. La plaignante est sortie profondément troublée de cet événement et M. Sauvé est alors devenu son soutien moral au travail, ce qui aura pour effet de rapprocher encore plus les parties. Leur liaison durera jusqu’au début du mois de mai 2017. Il ressort de la preuve au dossier que la fin de la relation personnelle entre les parties a eu un impact important sur leur relation professionnelle, affectant leur confiance mutuelle, leur communication et leur capacité à travailler en équipe.
[9] Le 6 juillet 2017, la plaignante comptait sur la présence de M. Sauvé pour sa première rencontre avec Transports Canada, mais celui-ci l’aurait informée à contretemps qu’il ne pouvait être présent en raison de l’accouchement de sa fille. Cet événement s’ajoutait à une longue liste de situations où la plaignante s’était sentie exclue ou abandonnée par M. Sauvé, avant mais surtout après la fin de leur liaison. Le lendemain, la plaignante a relaté la situation en personne au supérieur de M. Sauvé, M. Ron Pattyn, qui lui a suggéré de contacter le programme d’aide aux employés et d’en discuter également avec M. Sauvé. La plaignante aurait écrit par message texte à M. Sauvé qu’elle souhaitait avoir une discussion franche avec lui afin de repartir à neuf. Le même jour, elle a de plus raconté les détails de l’histoire intervenue entre les parties à M. Adam Kudlik, qui avait été son superviseur pour quelques semaines à son arrivée chez l’employeur, avant la restructuration. Celui-ci aurait recommandé à la plaignante d’en discuter avec les ressources humaines de l’employeur ainsi que l’ingénieur en chef de l’employeur pour la région de l’Est, M. Scott Paradise.
[10] Au courant de la fin de semaine, la plaignante a contacté le programme d’aide aux employés. Lors de cette conversation, la répondante lui aurait affirmé qu’elle subissait du harcèlement sexuel au travail, qu’elle devait arrêter de se culpabiliser et l’a encouragée à contacter les ressources humaines de l’employeur. Cette même fin de semaine, la plaignante a également contacté M. Paradise afin de lui faire part de sa situation.
[11] Le 12 juillet 2017, la plaignante a été rencontrée à Montréal par Mme Caroline Gilbert, directrice des relations de travail de l’employeur. Par la suite, une enquête a été menée par Mmes Linda Fournier, partenaire d’affaires en RH, et Dana Beaulne, conseillère en RH; elles rencontreront successivement, à Montréal, MM. Pattyn et Kudlik à titre de témoins le 18 juillet 2017, ainsi que M. Sauvé et la plaignante le 19 juillet 2021.
[12] Un rapport d’enquête a été rédigé par Mme Fournier suite à ces entretiens. Dans ce rapport, on peut lire les allégations formulées par la plaignante, soit que M. Sauvé aurait émis des commentaires de nature sexuelle et fait des avances vulgaires à son endroit, enlacé la plaignante et tenté de l’embrasser, pris sa main et touché l’intérieur de sa cuisse, et l’aurait assise sur ses cuisses lorsqu’il était sur sa chaise de bureau en lui montrant ses parties intimes à travers son pantalon. Suite à la fin de leur relation, M. Sauvé aurait pris des mesures de représailles en excluant la plaignante des rencontres d’équipe, en s’adressant à elle en criant et en s’absentant de sa rencontre avec Transports Canada.
[13] Dans ce même rapport, Mme Fournier a noté ses conclusions selon lesquelles M. Sauvé avait admis qu’il était inapproprié de sa part de nouer une relation personnelle avec la plaignante alors qu’il était son supérieur immédiat. Le rapport mentionnait également l’état émotionnel chargé et confus de la plaignante, celle-ci se sentant dépassée par sa charge de travail, le grave accident survenu en mars et son conflit avec M. Sauvé. Mme Fournier a conclu que les versions des parties différaient sur la question de savoir qui avait initié les interactions personnelles et sur les faits entourant leurs interactions de nature sexuelle, mais concordaient sur le fait qu’elles avaient développé un intérêt mutuel, puis noté que c’était un cas où la parole de l’une s’opposait à celle de l’autre (he said/she said), et qu’aucun témoin n’avait vu les interactions entre les parties. Le rapport contenait également les recommandations de Mme Fournier. Quant à la mesure appropriée à l’endroit de M. Sauvé, il prévoyait deux options : congédier M. Sauvé pour avoir entretenu une relation inappropriée avec sa subalterne, alors qu’il était en position d’autorité, ou retirer M. Sauvé de son poste de gestion avec un avis de dernière chance. Il était également prévu de convoquer les parties à une rencontre afin de discuter du caractère inapproprié de leurs comportements respectifs.
[14] Ce rapport a ensuite été transmis, comme le prévoyait la procédure de l’employeur, aux membres de la direction chargés de décider de l’issue de la plainte. Le 21 juillet 2017, une rencontre est intervenue entre Scott MacDonald, vice-président principal, Exploitation (systèmes), Justin Myer, vice-président, Ingénierie, John Derry, vice-président, Ressources humaines, Mme Fournier et M. Sauvé. Au sortir de cette rencontre, ce dernier a été congédié. Le jour même, l’employeur a transmis à M. Sauvé une lettre confirmant la cause de son congédiement, soit d’avoir harcelé sexuellement une employée qui lui était subordonnée, enfreignant ainsi la politique de l’entreprise contre le harcèlement et la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le 15 septembre 2017, M. Sauvé a déposé une plainte de congédiement injuste contre son employeur en vertu de l’article 240 du Code.
III.
Décision du tribunal d’arbitrage
[15] L’Arbitre a été nommé à titre d’arbitre par le Service fédéral de médiation et de conciliation le 26 juillet 2018 et l’audition sur le fond s’est déroulée les 26, 27 et 28 août 2019, et s’est poursuivie les 10, 11, 12, 13, 14 août, 23 et 29 septembre et 28 et 29 octobre 2020. Lors de ces audiences, l’employeur a fait entendre huit témoins, incluant M. Sauvé et la plaignante, tandis que M. Sauvé a fait entendre sept témoins, incluant la plaignante. Une preuve documentaire abondante a également été produite, ainsi que des plaidoiries écrites volumineuses et des cahiers de jurisprudence totalisant plusieurs milliers de pages.
[16] L’Arbitre a débuté sa décision en citant le fondement du congédiement de M. Sauvé contenu dans sa lettre de congédiement, datée du 21 juillet 2017, laquelle se lit :
[traduction]
Violation de la Politique 1300 Discrimination et harcèlement du CP et de la Loi canadienne sur les droits de la personne :
Une enquête a mis au jour une preuve convaincante de harcèlement sexuel envers une employée subalterne, notamment :
- des remarques déplacées et des insinuations;
- des avances sexuelles non désirées accompagnées de promesses explicites ou implicites.
[17] L’Arbitre a ensuite dressé un bref sommaire des faits ayant mené à la plainte. Il a mentionné les raisons qui, à son avis, ont motivé les parties à se rapprocher, soit, pour la plaignante, des raisons professionnelles liées à son ambition et à son avidité à apprendre, et pour M. Sauvé, parce qu’il ressentait une attirance physique pour la plaignante. Puis, l’Arbitre a présenté un résumé de ses conclusions quant à l’issue du litige. Il a conclu que M. Sauvé avait manqué de jugement en établissant et en maintenant une liaison avec une personne relevant directement de lui et en manifestant à plusieurs reprises ses sentiments sur les lieux du travail et à l’occasion du travail. Toutefois, l’Arbitre a conclu que M. Sauvé n’avait pas commis de faute en vertu de la politique sur le harcèlement de l’employeur et qu’en conséquence, le congédiement n’était pas la mesure appropriée dans cette affaire. Il a donc substitué la suspension sans salaire d’une durée de quatre mois au congédiement.
[19] L’Arbitre a débuté son analyse en mentionnant que, parce que le harcèlement sexuel ne se produit généralement pas en public, au vu et au su de témoins de faits, il fallait, pour déterminer si une personne a été victime de harcèlement sexuel, tenir compte de preuves circonstancielles, en structurant les déductions à partir de la conduite des deux parties. L’Arbitre a ensuite reproduit ce qu’il a considéré comme étant les allégations pertinentes de la plainte de harcèlement sexuel, c’est-à-dire la quasi-totalité du compte rendu écrit de la rencontre intervenue le 12 juillet 2017 entre la plaignante et Mme Caroline Gilbert, directrice des relations de travail, dans le cadre du traitement de la plainte.
[20] L’Arbitre a poursuivi en examinant le processus d’enquête ayant mené au congédiement de M. Sauvé. Il a d’abord reproduit les sections de la politique sur le traitement des plaintes et le règlement des différends ainsi que sur la détermination des mesures disciplinaires, puis procédé à l’analyse des faits entourant l’enquête elle-même. L’Arbitre a rejeté l’argument de M. Sauvé voulant que l’enquête ait été bâclée, concluant par contre que celle-ci était incomplète à certains égards, notamment du fait que CP Rail n’avait pas effectué la vérification des messages textes échangés par les parties, bien que M. Sauvé ait indiqué durant son entretien avec Mme Fournier qu’ils constituaient le principal élément de preuve pour faire la lumière sur la situation.
[21] L’Arbitre a noté que M. Pattyn avait, comme la procédure le demande, débuté une enquête pour tenter de régler la situation; il avait rencontré la plaignante le vendredi, discuté avec M. Sauvé, et organisé une rencontre, laquelle ne s’était pas produite puisque la plaignante avait communiqué avec M. Paradise, le supérieur hiérarchique de M. Pattyn, au cours de la fin de semaine en lui donnant sa version des faits. L’Arbitre a par ailleurs conclu que les deux témoins rencontrés ensuite par l’enquêtrice, soit MM. Kudlik et Pattyn, avaient essentiellement rapporté ce que la plaignante leur avait elle-même raconté et n’avaient été témoins d’aucune situation particulière. Il a aussi noté que l’enquêtrice avait omis de leur demander de vérifier l’exactitude de leur déclaration et d’apposer leur signature. L’Arbitre a conclu que la rigueur aurait voulu qu’il en soit autrement, et noté qu’aucune des déclarations prises lors de l’enquête n’avait été signée, et que seule la plaignante avait eu l’occasion de revérifier le contenu de sa déclaration, tant au début qu’à la fin du processus.
[22] Puis, aux fins de statuer sur la survenance du harcèlement sexuel reproché, l’Arbitre a considéré les témoignages et les observations des parties devant lui de la façon suivante :
[87] Le Tribunal, après avoir entendu [la plaignante] témoigner, tant en interrogatoire principal qu’en contre‑interrogatoire, ne peut adhérer à la thèse du procureur de [CP Rail] à l’effet qu’il s’agit d’une personne vulnérable.
[88] De ces témoignages, il ressort qu’il s’agissait plutôt d’une relation personnelle et consensuelle entre elle et [M. Sauvé]. D’ailleurs, plusieurs comportements et affirmations le laissent croire au Tribunal.
[89] [M. Sauvé], tant lors de son témoignage que lors de l’enquête, n’a pas nié, pour l’essentiel, avoir entretenu cette relation avec [la plaignante]. Il n’a pas cherché à dissimuler celle-ci. Il a même reconnu que ce qu’il avait fait, soit d’entretenir une relation avoir [sic] une personne qui lui est subornée [sic] était une erreur.
[90] Pour le Tribunal, [M. Sauvé] n’a pas exercé de harcèlement sexuel envers [la plaignante]. Il s’agit plutôt d’une relation entre un directeur et une subordonnée qui s’est mal terminée et pour laquelle la direction de l’entreprise n’a pas suivi sa propre procédure et qui aurait pu avoir un autre dénouement que le congédiement d’un cadre de 31 ans de service sans dossier disciplinaire.
[23] L’Arbitre a ensuite évalué la sanction émise par CP Rail. Il a noté qu’en vertu des règlements et politiques de l’employeur, les employés étaient tenus de divulguer les relations qu’ils pouvaient avoir entre eux, pour éviter que ne surgissent des conflits d’intérêts, et qu’il était de la responsabilité des directeurs de s’assurer que ces règlements et politiques soient connus et suivis par tous les employés travaillant sous leur direction. L’Arbitre a souligné que M. Sauvé avait reconnu, lors de son entretien avec l’enquêtrice, qu’il connaissait ces règles et était tenu de les suivre lui-même, et que par ailleurs il savait fort bien que l’idée qu’il s’était faite de son obligation à cet égard, soit de divulguer sa relation avec la plaignante uniquement s’ils avaient une relation sexuelle, ne respectait pas ces règles.
[24] L’Arbitre a retenu des actions de M. Sauvé qu’elles constituaient une brèche sérieuse à la responsabilité qui est dévolue à un directeur par rapport au respect des règlements et politiques de l’employeur, d’autant plus que la relation entre les parties s’était, à quelques exceptions près, déroulée entièrement sur le temps et dans les lieux de l’employeur. Cependant, il a conclu qu’un tel comportement ne justifiait pas un congédiement immédiat, mais plutôt une sévère réprimande. Ainsi, l’Arbitre a considéré qu’une suspension sans solde de quatre mois constituait une mesure disciplinaire suffisante, compte tenu du long état de service de M. Sauvé et de l’absence de précédent disciplinaire.
[25] Dès lors, l’Arbitre a évalué la demande de réintégration de M. Sauvé. Évoquant les pouvoirs conférés à l’arbitre par le paragraphe 242(4) du Code, et citant la décision Énergie Atomique du Canada Ltée c Sheikholami, [1998] 3 CF 349 (CAF), l’Arbitre a retenu que la réintégration d’un employé constituait un remède parmi ceux disponibles suivant une conclusion de congédiement injuste, mais qu’il importait de déterminer s’il s’agissait de la meilleure décision à prendre, dans les circonstances, ou s’il était plus approprié de choisir un autre remède. L’Arbitre a noté que tout au long des audiences, les cadres de haut niveau avec qui M. Sauvé aurait à travailler de nouveau étaient venus témoigner et avaient déclaré que son comportement n’était pas conforme aux politiques et au Code d’éthique de l’employeur, et étaient convaincus de la faute qui lui avait été reprochée et qui était le fondement du congédiement. Citant la décision Rémy Bonneau c Sépaq-Val-Jalbert SENC, 2006 QCCRT 101, l’Arbitre a conclu que le poste de directeur occupé par M. Sauvé exigeait un haut niveau de confiance de la part de ses supérieurs, et que si la relation de confiance mutuelle n’était peut-être pas complètement disparue, elle s’était suffisamment détériorée pour rendre la réintégration impossible. L’Arbitre a donc rejeté la demande de réintégration de M. Sauvé. Cependant, il n’a émis aucune conclusion quant à un remède alternatif, et a plutôt réservé sa compétence pour trancher toute difficulté d’application de la décision rendue.
IV.
Questions en litige
[26] CP Rail soulève quatre questions dans sa demande de contrôle judiciaire :
a) La décision de l’Arbitre concluant que M. Sauvé n’a pas eu un comportement de harcèlement sexuel à l’égard de la plaignante était-elle déraisonnable?
b) La décision de l’Arbitre de substituer une suspension de quatre mois au congédiement de M. Sauvé était-elle déraisonnable?
c) La Cour doit-elle rendre la décision que l’Arbitre aurait dû rendre, soit une ordonnance rejetant la plainte de congédiement injuste déposée par M. Sauvé?
d) Dans l’éventualité où la Cour ne rendrait pas une ordonnance rejetant la plainte de M. Sauvé, la décision doit-elle être renvoyée à un autre arbitre?
V.
Norme de contrôle
[27] Les parties sont d’accord que la norme de contrôle applicable à la décision de l’Arbitre est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16-17 [Vavilov]). Le rôle de la Cour est de déterminer si la décision possède les attributs de la rationalité, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si celle-ci appartient aux issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Vavilov aux para 85, 99).
[28] La Cour doit donc veiller à examiner les motifs de l’Arbitre avec une attention respectueuse et chercher à comprendre le fil du raisonnement qui l’a mené à ses conclusions et décider si, dans l’ensemble, la décision est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle (Vavilov aux para 84-85). De plus, une décision est raisonnable si la Cour est en mesure de suivre le raisonnement du décideur sans buter sur une faille décisive dans la logique globale; elle doit être convaincue qu’un mode d’analyse, dans les motifs avancés, pouvait raisonnablement amener le décideur, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait (Vavilov au para 102).
VI.
Analyse
A.
La décision de l’Arbitre concluant que M. Sauvé n’a pas eu un comportement de harcèlement sexuel à l’égard de la plaignante était-elle déraisonnable?
[29] CP Rail prétend que l’Arbitre n’a pas appliqué le cadre d’analyse et les critères composant la notion de harcèlement sexuel qui découlent des lois et de la jurisprudence applicables. Il soutient que l’Arbitre n’a jamais indiqué qu’il avait examiné la preuve sur la question du harcèlement sexuel de façon globale et objective selon le critère de la « personne raisonnable », en tenant compte du contexte et des circonstances dans lesquels les comportements à connotation sexuelle sont survenus, dont le lien hiérarchique entre les parties, et ne mentionne ni n’applique jamais les critères composant le harcèlement sexuel, soit : (1) tout comportement, propos, geste ou contact à connotation sexuelle; (2) qui est non désiré (non sollicité et importun); et (3) qui est de (i) de nature à offenser ou humilier un employé ou (ii) peut, pour des motifs raisonnables, être interprété par celui-ci comme subordonnant des conditions d’emploi à des conditions à caractère sexuel.
[30] CP Rail prétend que l’Arbitre, en retenant que « le harcèlement sexuel ne se produi[san]t généralement pas en public, au vu et au su de témoins de faits, pour déterminer si une personne a été victime de harcèlement sexuel, on doit tenir compte de preuves circonstancielles, en structurant les déductions à partir de la conduite des parties »
, a référé à un cadre d’analyse qui ne découle pas du droit en la matière et qu’il a omis d’analyser la crédibilité des témoins. De même, l’employeur affirme que l’Arbitre, lorsqu’il retient de la relation entre les parties qu’il s’agissait plutôt d’une relation personnelle et consensuelle, et que plusieurs comportements et affirmations le lui laissaient croire, a appliqué un critère qui n’en est pas un en matière de harcèlement sexuel en droit du travail, et ce, sans indiquer quels comportements et affirmations le mènent à conclure ainsi.
[31] CP Rail allègue également que la décision ne tient pas compte des arguments essentiels qu’il a soulevés à l’appui de sa position, et ce, malgré la remise d’une plaidoirie et d’une réplique écrites détaillées, soit que la preuve prépondérante démontre que M. Sauvé a eu un comportement de harcèlement sexuel à l’égard de sa subalterne. CP Rail soutient que l’Arbitre a plutôt résumé de façon laconique et incomplète la position de l’employeur en retenant simplement qu’il avait congédié M. Sauvé pour avoir violé la politique sur le harcèlement et en citant ensuite un passage de celle-ci. CP Rail prétend également que l’Arbitre a commis une erreur en retenant que la thèse de l’employeur était que la plaignante était une personne vulnérable, puisqu’il aurait plutôt soutenu que l’Arbitre devait, dans le cadre de son analyse, tenir compte du contexte et des circonstances dans lesquels les événements sont survenus, incluant la position et l’état vulnérables dans lesquels la plaignante se trouvait.
[32] Pour les motifs qui suivent, je ne peux souscrire aux arguments de CP Rail.
[34] Partant, je considère qu’après douze jours d’audience, où CP Rail et M. Sauvé ont fait entendre un total de quinze témoins, et compte tenu aussi de la preuve volumineuse ainsi que des centaines de pages d’observations détaillées produites par les parties, l’Arbitre ne pouvait ignorer l’existence des critères en matière de harcèlement sexuel auxquels réfère CP Rail, puisque ceux-ci ont été au cœur du débat entre les parties. Il est vrai que l’Arbitre ne fait aucune mention de ces critères dans sa décision, pas plus qu’il ne réfère à la jurisprudence citée par CP Rail sur le sujet. Il est également manifeste que l’Arbitre a traité les arguments de CP Rail de manière particulièrement succincte. À cet égard, M. Sauvé concède que la décision n’est pas un chef-d’œuvre de clarté rédactionnelle, et même, que l’Arbitre a vraisemblablement fait preuve d’une certaine paresse intellectuelle. Je note par contre que les observations de M. Sauvé sur la question du harcèlement sexuel ont été traitées de manière tout aussi sommaire par l’Arbitre, et à ce compte, personne ne conteste le caractère laconique de la décision sur la question. Cependant, CP Rail ne m’a pas convaincu que cet état de fait rendait les motifs et les conclusions de l’Arbitre déraisonnables, une fois considéré le contexte factuel et légal dans lequel il a rendu sa décision, mais surtout compte tenu de la façon dont CP Rail a développé ses observations tant devant l’Arbitre que devant la Cour.
(1)
Le contexte factuel et législatif de la décision
[35] Il va sans dire que, pour être raisonnable, une décision doit être transparente, intelligible et justifiée, et qu’à ce titre il n’est pas suffisant que la décision soit justifiable en vertu du dossier qui était devant l’Arbitre; la décision doit, par elle-même et en elle-même, permettre à la Cour de suivre le raisonnement de l’Arbitre. Par contre, lorsqu’elles évaluent s’il leur est possible ou non de comprendre comment le décideur en est arrivé à conclure comme il l’a fait, les cours de révision doivent garder à l’esprit que celui-ci n’est pas tenu de répondre à tous les arguments des parties, ni de tirer des conclusions explicites sur chaque élément constitutif de son raisonnement (Vavilov au para 128). À cet égard, la cour conserve une marge de manœuvre afin de relier les points sur la page, quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent facilement être discernées (Vavilov au para 97; Komolafe c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 431 au para 11). Qui plus est, il est parfaitement loisible à la cour d’examiner le dossier administratif afin d’apprécier le caractère raisonnable de la décision, pour autant que celle-ci ne substitue pas ses propres motifs à ceux du tribunal (Payne au para 39; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 15).
[36] À cet effet, ce qui frappe d’abord et avant tout à la lecture de ce dossier, c’est la constatation qu’à aucun moment le rapport d’enquête rédigé par Mme Fournier, dont la preuve révèle qu’il constituait l’unique information écrite dont disposaient les dirigeants de l’employeur au moment de prendre leur décision, n’arrive à la conclusion que M. Sauvé a commis des actes de harcèlement sexuel, ni qu’il a enfreint la politique de l’entreprise sur le harcèlement. En effet, ces éléments sont absents des conclusions de Mme Fournier, tandis que ses recommandations font uniquement référence à la possibilité d’un congédiement en raison d’une relation inappropriée avec une subordonnée ou à celle d’une réinsertion à un poste sans composante de gestion. Or, CP Rail soutenait dans sa lettre de congédiement que, suite à l’investigation de Mme Fournier, il avait devant lui une preuve solide de harcèlement sexuel à l’endroit d’une subordonnée, incluant des commentaires inappropriés, des insinuations et des avances sexuelles non désirées accompagnées de promesses implicites ou explicites.
[37] Ironiquement, je constate que le rapport d’enquête et la décision de l’Arbitre sont essentiellement similaires quant aux enjeux centraux de la présente affaire, puisque tous deux reconnaissent l’absence de preuve objective au dossier, ne concluent pas à l’existence du harcèlement sexuel mais bien à une relation inappropriée entre un supérieur et sa subordonnée, et retiennent que le congédiement n’était pas la seule mesure possible. À cet égard, j’ai peine à comprendre comment CP Rail peut prétendre que les conclusions de l’Arbitre sur la présence d’une relation inappropriée entre les parties et le choix d’une autre mesure disciplinaire que le congédiement ne faisaient pas partie des issues possibles qui s’offraient à l’Arbitre, dans la mesure où son propre rapport d’enquête prévoyait lui aussi ces mêmes issues.
[38] En tout état de cause, compte tenu des circonstances particulières de la présente demande, je suis d’avis que l’absence de référence explicite au rapport dans les motifs de l’Arbitre n’est pas fatale à l’intelligibilité de son raisonnement. Dans la mesure où Mme Fournier a été questionnée avec insistance sur ce rapport d’enquête lors de son contre-interrogatoire par l’avocat de M. Sauvé, et qu’il constituait l’unique information qui a été présentée aux dirigeants de l’employeur et sur la base de laquelle ils ont pris leur décision, je ne puis douter du fait que l’Arbitre l’a pris en considération dans le cadre de sa décision, tout comme je peux certainement voir comment ce rapport a pu jouer dans l’esprit de l’Arbitre au moment de rendre sa décision.
[40] En effet, comme je l’ai déjà souligné, le rapport d’enquête lui-même mentionnait clairement que la preuve pertinente devant Mme Fournier se résumait aux témoignages oraux des versions des parties, lesquels se contredisaient sur la quasi-totalité des gestes à caractère sexuel reprochés à M. Sauvé. Je suis d’avis que ce contexte est important pour saisir le sens des propos de l’Arbitre dans son analyse de l’enquête effectuée par l’employeur. En effet, l’Arbitre a retenu que M. Sauvé avait insisté sur la pertinence de collecter les messages textes échangés par les parties pour contre-vérifier la validité de leurs allégations. Compte tenu de l’absence de témoin oculaire, ils constituaient la seule preuve matérielle permettant de départager le vrai du faux et d’effectuer une analyse objective quant à l’existence de la faute reprochée à M. Sauvé.
[41] CP Rail soutient que, tel qu’il appert de la jurisprudence soumise à l’Arbitre, il est d’autorité constante que la qualité de l’enquête d’un employeur ne doit pas avoir une incidence sur la décision de l’arbitre quant au comportement de l’employé sanctionné. En effet, l’employé n’a pas de droits procéduraux dans le cadre d’une enquête disciplinaire et la qualité de l’enquête disciplinaire d’un employeur ne vicie pas sa décision. CP Rail allègue qu’en consacrant une section entière de sa décision à analyser l’enquête effectuée par Mme Fournier, et en concluant qu’il s’agissait plutôt d’une relation entre un directeur et une subordonnée qui s’est mal terminée et pour laquelle la direction de l’entreprise n’avait pas suivi sa propre procédure, l’Arbitre s’est écarté, sans explication, de la jurisprudence constante à ce sujet. À l’appui de ses prétentions, CP Rail cite la décision van Woerkens v Marriott Hotels of Canada Ltd, 2009 BCSC 73, laquelle mentionne :
[traduction]
149. Ces lacunes dans l’enquête du défendeur, quoique troublantes, n’invalident pas la décision de ce dernier de mettre fin à l’emploi du demandeur pour motif valable. En common law, où le lien entre les parties est régi par un contrat de travail, l’employeur n’est pas légalement tenu de donner à l’employé l’occasion d’être entendu équitablement avant de mettre fin au contrat de travail […]
[42] Cela étant, je note qu’au paragraphe suivant, la Cour émet une nuance importante quant à l’impact d’une enquête incomplète sur la capacité de l’employeur à justifier un congédiement :
[traduction]
150. Toutefois, l’employeur qui omet de mener une enquête juste et adéquate sur des allégations de harcèlement sexuel ou d’autre inconduite et qui n’offre pas à l’employé une occasion raisonnable de répondre aux allégations d’inconduite risque de ne pas être en mesure de s’acquitter du fardeau de la preuve pour établir le motif du congédiement […]
[Je souligne.]
[43] En effet, comme le rappelait la Cour suprême dans l’arrêt Wilson c Énergie Atomique du Canada Ltée, 2016 CSC 29 au paragraphe 51, il incombe à l’employeur de fournir les motifs démontrant en quoi le congédiement est justifié. Plus précisément, quant à la nature de ce fardeau lorsque le motif du congédiement ne repose pas sur une preuve objective, comme en l’espèce, la Cour d’appel du Québec, dans Volailles Grenville inc c Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), 2004 CanLII 76595 (QC CA), a indiqué :
28. De plus, comme le souligne à bon droit le premier juge, il revient à l’employeur d’établir un motif sérieux pour une sanction aussi drastique que le congédiement. Parlant au nom de la Cour, après avoir cité trois jugements de la Cour supérieure, mon collègue le juge Delisle résume ainsi l’état du droit sur cette question dans Sirois c. O’Neill, 1999 CanLII 13187 (QC CA), J.E. 99-1343 (C.A.) :
Le fardeau de prouver que le congédiement a été fait pour un motif sérieux repose sur l’employeur. Il s’agit là d’une lourde tâche, surtout si les motifs de licenciement sont subjectifs.
[Je souligne.]
[44] Dans la présente affaire, l’omission de collecter les messages textes était certes une faille dans le processus d’enquête, mais surtout, elle avait pour effet de réduire la preuve de l’existence du harcèlement sexuel, tant devant l’employeur que devant l’Arbitre, dans les témoignages des parties. Or, cet état de fait était connu de CP Rail avant de rendre sa décision, puisque M. Sauvé avait indiqué la pertinence de consulter les messages textes, et Mme Fournier avait elle-même conclu que le témoignage des tiers contribuait peu ou pas à établir la survenance des faits en litige. Ainsi, je suis d’avis qu’il faut lire les conclusions de l’Arbitre mentionnées ci-dessus conjointement avec les passages de la décision concernant l’enquête, qui précisent clairement que l’absence de preuve objective au dossier était en partie attribuable à la conduite de l’employeur, et que le défaut de l’Arbitre de les mentionner de nouveau n’affecte en rien l’intelligibilité de sa conclusion (Payne au para 54).
[45] Ce faisant, je peux parfaitement comprendre comment la constatation de cette omission par l’Arbitre, combinée à l’absence de témoin oculaire, a contribué à sa conclusion que CP Rail n’avait pas, au cours de son enquête, collecté une preuve suffisante pour lui permettre de conclure à la faute reprochée, puisqu’il était lui-même en mesure de constater les lacunes dont souffrait la justification qui avait été faite devant lui par l’employeur en raison de la faiblesse de la preuve soumise.
(2)
Les soumissions de l’employeur devant la Cour et devant l’Arbitre
[46] Tout au long de sa plaidoirie devant moi, CP Rail n’a ménagé aucun effort pour tenter d’éluder la portion des faits qui, manifestement, ne cadrait pas avec sa théorie de la cause, soit que M. Sauvé et la plaignante avaient eu une liaison ayant pour source un intérêt mutuel. Pour l’employeur, la relation entre les parties aurait, en tout temps, été de nature strictement professionnelle; M. Sauvé aurait offert du mentorat à la plaignante en contrepartie de faveurs sexuelles et lui aurait fait miroiter des possibilités d’avancement pour la maintenir dans une position de dépendance à son égard. Lorsque celle-ci aurait mis fin à ses avances en inventant qu’elle avait rencontré quelqu’un, M. Sauvé serait devenu distant et colérique, lui rappelant son infériorité et sa situation de soumission. La plaignante aurait cherché à retrouver le mentor qu’elle avait perdu, et c’est seulement lorsqu’elle a constaté que la situation ne s’améliorerait pas qu’elle a décidé de porter plainte.
[47] Par ailleurs, je constate que la lecture des faits soumise par CP Rail devant la Cour est essentiellement la même que celle qui a été soumise devant l’Arbitre, comme en témoigne la façon dont celui-ci a présenté la faute commise par M. Sauvé dans ses observations écrites :
238. En effet, selon la prépondérance de la preuve, lorsque nous évaluons les événements dans leur ensemble et de façon objective, selon le critère de la personne raisonnable, et lorsque nous tenons compte du contexte et des circonstances dans lesquels les événements sont survenus, la preuve démontre que [M. Sauvé] a abusé de son pouvoir en profitant de son autorité sur une subalterne vulnérable pour la harceler sexuellement en violation flagrante des politiques de la Compagnie.
[48] Or, c’est en fonction de « ce contexte et [de] ces circonstances »
que CP Rail a demandé à l’Arbitre de prendre en considération le caractère non désiré des gestes de M. Sauvé :
276. Considérant ce contexte et ces circonstances, et surtout puisqu’il était le gestionnaire de [la plaignante], [M. Sauvé] devait non seulement être extrêmement attentif aux signaux de refus de son employée, mais il avait également l’obligation de vérifier auprès d’elle, et obtenir une confirmation expresse de sa part, que ses comportements à connotation sexuelle à son égard étaient désirés, et s’ils l’étaient, ce que nous nions, qu’ils continuaient de l’être. En effet, en raison de la relation hiérarchique et du déséquilibre qui existaient entre [M. Sauvé] et [la plaignante], [M. Sauvé] devait présumer que ses comportements à son égard étaient non désirés.
[49] Étrangement, l’existence d’une liaison consensuelle entre les parties a pourtant été admise sans détour par la plaignante elle-même, tout comme elle a été retenue par Mme Fournier à l’issue de son enquête. Ainsi, pour en arriver à présenter un récit qui n’en fasse pas mention, l’approche de l’employeur a essentiellement consisté à disséquer et à extraire les allégations de la plaignante qui, prises isolément, pouvaient potentiellement constituer du harcèlement sexuel, et à les relier ensuite aux critères établis par le Code et la jurisprudence en matière de harcèlement sexuel au travail.
[50] Or, qu’il suffise, pour se convaincre de la distorsion évidente entre les faits au dossier et l’interprétation soumise à l’Arbitre par CP Rail, de citer ce passage de ses observations écrites :
116. Pendant que [M. Sauvé] est en vacances, [la plaignante] vit une situation difficile et un conflit avec une personne dans le département de la mécanique. Cela lui cause un stress important. Elle se sent dépassée par cet événement à un point tel qu’elle considère démissionner.
117. Elle communique alors avec [M. Sauvé] par écrit pour l’en informer et chercher son support. Il appelle ensuite [la plaignante] pour la rassurer et lui propose de faire des appels pour rectifier la situation.
118. Suite à cet événement qui lui a causé un grand stress et suite au support qu’elle reçoit de la part de [M. Sauvé], [la plaignante] transmet un message à [M. Sauvé] lui indiquant qu’elle est allée dans son bureau pour sentir son odeur. Elle se sent vulnérable sur un plan professionnel en son absence.
[Je souligne.]
[51] Or, le message texte auquel réfère CP Rail a été décrit par la plaignante de la façon suivante dans sa déclaration :
Je lui envoie un texto vers la fin de son voyage pour lui dire que je me suis faufilée dans son bureau pour sentir son odeur tellement il me manque.
[52] À ce compte, je peux aisément voir comment l’Arbitre, en concluant qu’il ne pouvait adhérer à la thèse de l’avocate de l’employeur selon laquelle il s’agit d’une personne vulnérable, référait de manière succincte mais parfaitement intelligible au contexte factuel présenté par CP Rail, lequel évacuait toute notion de relation personnelle et réciproque entre les parties. Je note par ailleurs que le mot « vulnérable » est utilisé par CP Rail pour décrire l’état de la plaignante aux paragraphes 48, 70, 118, 238, 258, 266, 267, 270 et 408 de ses observations écrites, et le mot « vulnérabilité » aux paragraphes 260, 274 et 324 et dans les extraits de doctrine cités par l’employeur (aux para 251, 327). Il m’apparaît évident que l’Arbitre a procédé de la même façon, au paragraphe 88 de sa décision, c’est-à-dire qu’il a accepté la version des faits présentée par M. Sauvé en reprenant les termes exacts utilisés tout au long de ses observations écrites, soit qu’il existait bel et bien une relation personnelle et consensuelle entre les parties.
[53] Par ailleurs, j’ai révisé l’abondante jurisprudence soumise par CP Rail, laquelle fait état du cadre d’analyse et des facteurs applicables pour déterminer l’existence d’une situation de harcèlement sexuel. Dans l’ensemble, ces décisions ont un point commun qui, à mon sens, diminue substantiellement leur capacité à éclairer la présente affaire, soit qu’elles n’analysent pas le congédiement pour cause de harcèlement sexuel dans un contexte où les parties ont entretenu une relation personnelle. Questionnée à savoir s’il était raisonnable pour l’Arbitre d’évaluer les allégations de la plaignante en tenant compte de la relation personnelle et consensuelle intervenue entre les parties, CP Rail a répondu par la négative, arguant que ces éléments n’étaient pas des critères reconnus par la jurisprudence, et que l’Arbitre devait s’en tenir à déterminer s’il y avait eu harcèlement sexuel en évaluant objectivement le caractère non désiré des gestes posés et les signaux de refus émis par la plaignante. Or, je suis plutôt d’avis que l’évaluation du caractère consensuel des relations en cause est absente des décisions soumises par l’employeur, non pas parce que cet élément n’est pas un critère d’analyse, mais parce que, comme je l’ai mentionné précédemment, celui-ci n’était tout simplement pas en jeu en raison de la trame factuelle particulière de ces décisions. Il convient de souligner une exception notable, soit la décision Dupuis v British Columbia (Ministry of Forests), [1993] BCCHRD No 43, soumise par CP Rail, où le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique mentionne clairement au paragraphe 72 la difficulté de départager les contacts sociaux acceptables du harcèlement sexuel, dans un contexte où la preuve au dossier suggère que les avances étaient initialement accueillies favorablement, contredisant ainsi les prétentions de l’employeur sur ce point.
[55] Je note par ailleurs que les conclusions de la Cour d’appel fédérale dans Payne sont plutôt à l’effet contraire, c’est-à-dire qu’il est tout à fait légitime pour un arbitre de se questionner sur la nature de la relation entre les parties et d’en tirer les inférences qu’il juge raisonnables quant à la détermination du caractère justifié du congédiement en cause :
[66] L’arbitre a conclu que la relation entre M. Payne et Mme Carter était consensuelle, et ce, en grande partie parce qu’on l’avait ainsi décrite dans l’exposé conjoint des faits, mais aussi parce qu’il n’avait relevé aucune preuve de menaces ou de promesses relatives au travail. Il a par conséquent conclu que cette relation ne résultait pas de pressions indues.
[67] Faute d’une telle preuve, l’existence de rapports sexuels entre superviseurs et subordonnés ne constitue pas un motif valable de congédiement. […]
[56] Ces conclusions sont conformes au principe, établi de longue date et confirmé récemment par la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov, selon lequel le décideur administratif doit prendre en considération la preuve versée au dossier et la trame factuelle générale dans le cadre de son processus décisionnel (Vavilov au para 126).
[57] De toute façon, comme l’indiquent en toutes lettres les paragraphes des observations écrites de l’employeur reproduites ci-dessus, ce dernier a lui-même demandé à l’Arbitre de tenir compte du contexte et des circonstances entourant les événements survenus. Il m’apparaît plutôt que le contexte et les circonstances retenus par l’Arbitre n’étaient pas ceux qui convenaient à CP Rail. Or, faire comme si des faits essentiels à la compréhension du litige ne s’étaient jamais produits n’est pas d’une grande utilité pour aider la Cour à déterminer le caractère raisonnable de la décision de l’Arbitre.
[58] À titre de précision, il n’est aucunement question ici d’affirmer qu’il ne puisse survenir de harcèlement sexuel dans le contexte d’une relation personnelle entre deux individus. À coup sûr, cette possibilité est bien réelle. Néanmoins, les gestes posés par M. Sauvé à l’endroit de la plaignante, qui sont allégués par CP Rail comme constituant du harcèlement sexuel, devaient être évalués par l’Arbitre dans leur contexte, lequel contexte incluait le fait que ces deux individus ont clairement, et de leur aveu même, entretenu une liaison. J’ai demandé à CP Rail si elle pouvait au moins concéder l’existence de cette liaison, et je n’ai pas obtenu de réponse claire. Certes, la reconnaissance par CP Rail de cette « vérité qui dérange » aurait nécessité un argumentaire plus nuancé quant à la façon dont l’Arbitre se devait d’évaluer la faute de M. Sauvé en fonction de la preuve, et plus cohérent, il me semble, avec le sommaire des faits contenu à son propre rapport d’enquête, mais elle aurait aussi permis un débat adéquat sur la question, lequel n’a malheureusement pu avoir lieu.
[59] Lorsque lue dans son ensemble, la décision ne laisse aucun doute qu’au sortir de douze jours d’audition et après lecture de plusieurs milliers de pages d’observations écrites, l’Arbitre a reconnu cette même vérité qui dérange et a plutôt évalué la justesse du congédiement de M. Sauvé en tenant compte de l’ensemble de la matrice factuelle qui se dégageait de la preuve devant lui. Comme je l'ai déjà dit, la décision n’est pas un chef-d’œuvre de clarté rédactionnelle, cependant, les motifs écrits donnés par un tribunal administratif ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Le fait que les motifs de la décision « ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire »
ne constitue pas un fondement justifiant à lui seul d’infirmer la décision (Vavilov aux para 91 et 128). En l’espèce, l’approche de CP Rail consistant à isoler les éléments de preuve de manière à respecter les limites strictes des critères qui définissent le harcèlement sexuel en milieu de travail ne m’a pas convaincu qu’aucune des conclusions de l’Arbitre en la matière était déraisonnable. Au contraire, la constatation qu’une telle stratégie a été choisie pour attaquer la décision de l’Arbitre ne peut que renforcer ma conviction à cet égard.
B.
La décision de l’Arbitre de substituer une suspension de quatre mois au congédiement de M. Sauvé était-elle déraisonnable?
[60] CP Rail soutient également que l’Arbitre, en concluant que le congédiement n’était pas une mesure appropriée dans les circonstances, a omis d’appliquer les nombreux facteurs aggravants qu’il avait soulevés, comme le niveau hiérarchique élevé du poste occupé par M. Sauvé, sa connaissance des règles et des politiques de la compagnie, le fait qu’il ait tenté de nier une telle violation et la nature des opérations de l’employeur, et a par ailleurs retenu des facteurs atténuants qui ne sont pas applicables, comme l’ancienneté et l’absence de dossier disciplinaire de M. Sauvé. Ce faisant, l’Arbitre n’aurait pas tenu compte de la jurisprudence qui lui a été soumise par l’employeur à l’appui de ses prétentions.
[61] Je suis d’avis que l’argument de CP Rail s’appuie sur une vision erronée du rôle de l’Arbitre, lequel n’est pas d’appliquer les facteurs soumis par les parties, mais bien de les prendre en considération, et de retenir ceux qu’il juge pertinents, en fonction de l’ensemble de la preuve, pour en arriver à déterminer la sanction appropriée.
[62] De plus, une lecture attentive des motifs de l’Arbitre montre que, loin d’avoir ignoré les facteurs aggravants présentés par l’employeur, l’Arbitre a retenu que M. Sauvé, à titre de directeur, connaissait les règles et devait les suivre lui-même, et que l’omission de déclarer sa relation avec la plaignante constituait une brèche sérieuse à la responsabilité qui est dévolue à un directeur au chapitre du respect des règlements et politiques de l’entreprise. D’autant plus que la relation, comme l’a retenu l’Arbitre, s’était déroulée, à quelques exceptions près, sur le temps et dans les lieux de l’employeur. L’Arbitre a ainsi conclu, sur la base d’une analyse succincte mais parfaitement intelligible, que ce comportement ne justifiait pas un congédiement immédiat, mais une sévère réprimande.
[63] Certes, l’expression « facteur aggravant » est absente de la décision. Or, l’expression « facteur atténuant » l’est tout autant. Cela n’a pourtant pas empêché CP Rail d’attaquer la décision en soutenant que l’Arbitre avait retenu des facteurs atténuants inapplicables en l’espèce. Encore une fois, l’approche sélective de CP Rail et son insistance à présenter une version parcellaire, dans ce cas-ci, de la décision de l’Arbitre, n’est d’aucune utilité pour déterminer si la décision de l’Arbitre sur la question était raisonnable.
[64] J’ai révisé également l’abondante jurisprudence soumise par CP Rail, et il en ressort clairement que l’ancienneté peut constituer un facteur aggravant ou atténuant selon le contexte, et l’employeur ne m’a pas convaincu que l’Arbitre ait conclu de manière déraisonnable sur la question, considérant le large pouvoir discrétionnaire conféré aux arbitres en la matière (Payne au para 43).
[65] Finalement, pour ce qui est de l’argument de CP Rail quant au facteur aggravant que constitue la nature des opérations de l’entreprise, qui opère dans le domaine hautement réglementé du transport ferroviaire, où le respect des règles et procédures est crucial à sa survie, j’ai souligné à l’avocate de CP Rail qu’à mon sens, ce critère pouvait être pertinent dans une affaire impliquant la sécurité des employés et des usagers, mais qu’il m’apparaissait peu pertinent dans le contexte d’une relation interpersonnelle entre deux employés. Cette dernière a répondu, sans s’appuyer sur aucune source jurisprudentielle, que les règles de sécurité étaient tout aussi importantes que les règles qui régissent les comportements, ce qui, à mon sens, est insuffisant pour conclure qu’il était déraisonnable pour l’Arbitre de ne pas aborder précisément ce facteur dans ses motifs.
VII.
Conclusion
[66] Je suis d’avis que CP Rail était tout à fait en droit de choisir de dépeindre les faits en litige comme si M. Sauvé et la plaignante n’avaient jamais eu une liaison, malgré la quantité accablante de preuve testimoniale à l’effet contraire. Dans les circonstances, je suis aussi d’avis qu’il était tout à fait loisible à l’Arbitre de rejeter cette lecture des faits, et avec elle, les prétentions de l’employeur quant au caractère non désiré des gestes de nature sexuelle posés par M. Sauvé, pour lui préférer la version de M. Sauvé. C’est d’ailleurs ce que l’Arbitre a fait, au paragraphe 88 de sa décision. Sur la base des présents motifs, je n’ai pas été convaincu que CP Rail s’est déchargé de son fardeau de démontrer le caractère déraisonnable de la décision de l’Arbitre, ni quant à sa conclusion que M. Sauvé n’avait pas commis d’actes de harcèlement sexuel à l’endroit de la plaignante, ni quant au choix de la sanction appropriée. De plus, je suis d’avis qu’une fois reconstruit le contexte factuel et légal dans le cadre duquel l’Arbitre a établi ses conclusions, il est tout à fait possible de suivre son raisonnement sans buter sur une faille déterminante dans la logique globale de sa décision et de conclure, au vu des motifs avancés, qu’il était raisonnable pour l’Arbitre de conclure comme il l’a fait (Vavilov au para 102). Conséquemment, il ne m’est pas nécessaire de trancher les deux autres questions en litige soumises par CP Rail. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée dans son entièreté.
JUGEMENT au dossier T-584-21
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée, le tout avec dépens en faveur du défendeur.
« Peter G. Pamel »
Juge
ANNEXE
Paragraphe 240(1) du Code canadien du travail :
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Paragraphe 242(4) du Code canadien du travail
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Politique sur la discrimination et le harcèlement – Politique 1300
Harcèlement
Le harcèlement est une forme de discrimination. Il s’agit d’un comportement offensant ou humiliant, fondé sur l’un des motifs susmentionnés.
Le harcèlement personnel est un comportement inapproprié et offensant, mais qui n’a aucun lien avec les motifs de discrimination cités dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il est toutefois interdit en vertu de la présente politique et du Code d’éthique professionnelle du CP et il ne sera pas toléré.
Le harcèlement se manifeste de nombreuses façons, dont les suivantes :
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Menaces
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Intimidation
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Violence verbale
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Victimisation
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Remarques désobligeantes
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Injures
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Insinuations
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Remarques désobligeantes ou dégradantes
sur le sexe ou l’orientation sexuelle
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Matériel choquant ou inapproprié
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Écrits haineux
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Blagues choquantes
Le harcèlement est non seulement inadmissible durant les heures de travail et dans les lieux appartenant à la Compagnie, mais aussi au cours d’activités professionnelles telles que des conférences, des voyages d’affaires et des activités sociales.
Harcèlement sexuel
Par harcèlement sexuel, on entend tout comportement, commentaires geste ou contact de nature sexuelle, non sollicité ou importun susceptible :
a) d’offenser ou d’humilier un employé;
b) de donner des motifs raisonnables de croire qu’une condition de nature sexuelle est liée à un emploi ou à une possibilité de formation ou de promotion;
Un comportement peut être considéré comme du harcèlement sexuel indépendamment du sexe ou de l’orientation sexuelle du contrevenant et de la victime. Le contrevenant peut être une personne qui occupe un poste d’autorité, un compagnon de travail ou une personne de l’extérieur, comme un client ou un fournisseur.
Le harcèlement sexuel peut avoir lieu dans un endroit appartenant à l’entreprise ou ailleurs, et il peut se manifester, notamment, par :
-
des remarques, des plaisanteries, des insinuations ou des commentaires suggestifs à caractère sexuel;
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des contacts physiques injustifiés;
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des regards concupiscents;
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des invitations compromettantes;
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l’étalage de photographies pornographiques, d’objets ou d’écrits à caractère sexuel ou autrement offensant ou désobligeants;
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des propos à caractère sexuel dégradants utilisés pour décrire une personne ou un groupe;
-
des agressions sexuelles.
[…]
Traitement des plaintes et règlement des différends
Les plaintes peuvent faire l’objet d’une enquête ou, s’il y a lieu, d’un processus de règlement des différends auquel participera le gestionnaire, le représentant syndical désigné chargé des droits de la personne ou une autre personne‑ressource choisie par l’employé.
Tout employé qui croit avoir été victime de discrimination devrait demander au contrevenant présumé de cesser ses agissements. Il peut parler à la personne en présence d’un témoin ou lui écrire. Les employés qui ont besoin d’aide peuvent s’adresser à leur gestionnaire, aux RH et RI ou à leur représentant syndical. Cette étape n’est pas obligatoire avant le dépôt d’une plainte.
L’employé qui croit avoir été victime de discrimination a le choix de porter la question à n’importe quel niveau hiérarchique ou d’en saisir les RH et RI.
On doit chercher à régler la plainte dans les meilleurs délais et à l’échelon hiérarchique le plus bas possible. Aussi le plaignant devrait-il envisager de soumettre l’affaire au gestionnaire local dont relève le contrevenant présumé. S’il le préfère, l’employé peut toutefois s’adresser directement à un gestionnaire de niveau hiérarchique supérieur ou aux relations avec le personnel.
L’employé qui dépose une plainte à quelque niveau hiérarchique que ce soit peut, à son gré, se faire accompagner d’un compagnon de travail, et ce, à toutes les rencontres nécessaires au règlement de la plainte. Les employés syndiqués peuvent demander qu’un représentant syndical assiste à l’entretien.
Lorsqu’il dépose une plainte, l’employé doit être prêt à fournir à la personne responsable du traitement de celle‑ci le plus de renseignements possibles sur le comportement dénoncé, ainsi que le nom des témoins, le cas échéant. On suggère aux employés de noter le lieu et le moment où s’est produit chaque incident ainsi que les paroles et gestes reprochés.
Dès réception de la plainte, l’enquêteur interroge le plaignant, le contrevenant présumé et, le cas échéant, les témoins; il examine les dossiers et documents pertinents et mène une enquête approfondie afin d’établir les faits.
Si l’une ou l’autre des parties est assujettie à une convention collective, on doit, dans la mesure du possible et selon les circonstances, respecter la procédure d’enquête qui y est exposée.
L’enquête doit être menée avec impartialité et permettre aux deux parties de relater leur version des faits.
Une décision quant aux mesures à prendre sera rendue dans les meilleurs délais et les parties en seront informées. La décision et l’avis donné aux parties seront consignés.
Si les accusations se révèlent sans fondement, la plainte est rejetée.
Si l’une ou l’autre des parties à la plainte est insatisfaite des résultats de l’enquête, elle peut en appeler à un échelon supérieur de la Compagnie ou aux RH et RI.
[…]
Détermination des mesures disciplinaires
On étudiera séparément chaque plainte et décidera de la possibilité de prendre des mesures disciplinaires. Si des mesures sont indiquées, leur sévérité dépendra de la gravité du cas: elles peuvent aller du simple avertissement au congédiement.
Le niveau hiérarchique du contrevenant n’influera pas sur la sanction prise à son endroit.
Une sanction sera imposée une fois que toute l’information aura été recueillie, consignée et examinée et que le bien‑fondé de la plainte aura été démontré.
Pour l’établissement des mesures disciplinaires, on tiendra compte des facteurs tels que le type de comportement dénoncé, la persistance de ce dernier et l’attitude du contrevenant.
La prise de mesures disciplinaires ne convient pas à toutes les situations.
Selon les circonstances, on pourra privilégier d’autres formes d’intervention, notamment l’aide psychologique et l’éducation.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-584-21
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INTITULÉ :
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COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE c DENIS SAUVÉ
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Montréal (Québec)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 22 novembre 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE PAMEL
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DATE DES MOTIFS :
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LE 19 décembre 2022
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COMPARUTIONS :
Me Emilie Paquin-Holmested
Me Michael Shortt
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Pour lA demandeRESSE
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Me Elisabeth Côté
Me Sophie-Rose Lefebvre
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Fasken Martineau DuMoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Montréal (Québec)
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Pour lA demandeRESSE
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Pepper, Villeneuve-Gagné
Montréal (Québec)
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Pour le défendeur
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