Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20221215

Dossier : 21‑T‑61

Référence : 2022 CF 1728

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

CHANDRAHAS JOG

demandeur

et

BANQUE DE MONTRÉAL

défenderesse

MOTIFS DE LA TAXATION

AUDREY BLANCHET, officière taxatrice

I. Contexte

[1] Par voie d’une ordonnance et de motifs datés du 22 février 2022, la Cour a rejeté la requête écrite du demandeur présentée en vertu de la règle 369 des Règles des Cours fédérales [les Règles], avec dépens.

[2] Le 5 mai 2022, la défenderesse a déposé un mémoire de dépens, ce qui a déclenché sa demande de taxation des dépens.

[3] Le 17 mai 2022, les parties ont reçu une directive concernant la préparation et le dépôt de documents supplémentaires pour la taxation des dépens. Par la suite, le 13 juillet 2022, le demandeur a déposé des observations écrites. Le 4 août 2022, la défenderesse a déposé des observations écrites en réponse sur la question des dépens. J’ai examiné le dossier de la Cour et constaté que les deux parties ont signifié et déposé leurs documents respectifs sur les dépens dans les délais prescrits.

II. Questions préliminaires

A. Le report de la taxation des dépens

[4] Le 7 mars 2022, le demandeur a déposé un avis d’appel relativement à l’ordonnance et aux motifs susmentionnés dans le dossier de la Cour A‑49‑22. La Cour d’appel fédérale a par la suite ordonné que le dossier A‑49‑22 et le dossier A-66-22, qui concernait l’avis d’appel d’un autre demandeur, soient réunis, précisant que le dossier A‑49‑22 serait le dossier principal.

[5] Le demandeur a demandé que la taxation des dépens soit reportée étant donné la procédure d’appel en cours devant la Cour d’appel fédérale. Le demandeur a affirmé que [TRADUCTION] « la défenderesse [pouvait] demander à la Cour d’appel fédérale d’accorder les dépens dans toutes les cours dans le cadre du dossier principal A‑49‑22 » (réponse du demandeur, au paragraphe 14).

[6] Dans ses observations écrites, la défenderesse a fait valoir que les appels visés par les dossiers A‑66‑22 et A‑49‑22 n’ont aucune incidence sur la taxation des dépens. La défenderesse a ajouté que les dépens devraient être établis à la fin de chaque étape de la procédure judiciaire et être fixés par l’officier taxateur en fonction des observations des parties (réponse de la défenderesse, aux paragraphes 3 et 4).

[7] Dans la décision Suresh c Canada, 2000 CanLII 15812 (CF) [Suresh], l’officier taxateur a affirmé ce qui suit au sujet du report de la taxation des dépens :

[6] Après avoir examiné les arguments des avocats et la jurisprudence susmentionnée, ainsi que d’autres causes pertinentes, j’estime que, dans les circonstances de l’espèce, un officier taxateur ne pourrait exercer son pouvoir discrétionnaire de reporter la taxation des dépens que si des circonstances impérieuses le commandaient. Je ne prétends pas qu’un appel en instance n’a aucune incidence ou conséquence sur la taxation, mais je ne suis pas convaincu que l’existence d’un appel suffit, en soi, pour m’obliger à reporter la taxation. Bien que l’argumentation du demandeur sur ce point soit bien construite, je crois que cette argumentation aurait dû être présentée à la Cour dans le cadre d’une requête en sursis de l’exécution de l’ordonnance. En ma qualité d’officier taxateur, je n’ai pas le pouvoir de rendre pareille ordonnance. Aucun sursis n’a été accordé ni même demandé. Par conséquent, je suis saisi aujourd’hui d’une ordonnance valide de la Cour, qui adjuge les dépens au défendeur. Selon cette ordonnance, le montant des dépens doit être fixé soit par voie de taxation, soit par entente entre les parties. Or, aucune entente n’ayant été conclue, je suis tenu de taxer les dépens comme le prescrit l’ordonnance.

[8] Dans l’arrêt Elders Grain Co c Ralph Misener (Le), 2005 CAF 139, [Elders Grain], la Cour d’appel fédérale a conclu que la décision d’un juge d’adjuger ou non les dépens d’une requête ne peut pas être annulée par la suite par le juge qui tranche l’action ou la demande sous‑jacente, sauf dans des circonstances particulières :

[13] La décision du juge de première instance concernant la procédure à suivre au procès en était une de nature discrétionnaire. Une cour d’appel n’a pas la liberté de simplement substituer l’exercice de son propre pouvoir discrétionnaire à celui déjà exercé par le juge de première instance. Toutefois, si la décision était fondée sur une erreur de droit ou si la cour d’appel conclut que le pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon erronée, parce qu’on n’a pas accordé suffisamment d’importance, ou qu’on n’en a pas accordé du tout, à des considérations pertinentes ou que le juge de première instance a pris en compte des facteurs non pertinents ou qu’il a omis de prendre en compte des facteurs pertinents, la cour d’appel peut alors exercer son propre pouvoir discrétionnaire : [références omises].

[9] Compte tenu des principes énoncés dans la décision Suresh et dans l’arrêt Elders Grain, un officier taxateur doit procéder à la taxation des dépens sans délai, conformément à la règle 405.

B. Le délai pour déposer une requête pour directives en vertu de l’article 403 des Règles

[10] Le demandeur soutient que la défenderesse n’a pas respecté le délai prescrit pour déposer une requête pour directives en vertu de la règle 403 relativement au montant des dépens que le juge de première instance aurait inclus dans l’ordonnance datée du 22 février 2022.

[11] Le paragraphe 403(1) des Règles est ainsi rédigé :

Requête pour directives

403 (1) Une partie peut demander que des directives soient données à l’officier taxateur au sujet des questions visées à la règle 400 :

a) soit en signifiant et en déposant un avis de requête dans les 30 jours suivant le prononcé du jugement;

b) soit par voie de requête au moment de la présentation de la requête pour jugement selon le paragraphe 394(2).

 

Motion for directions

403 (1) A party may request that directions be given to the assessment officer respecting any matter referred to in rule 400,

(a) by serving and filing a notice of motion within 30 days after judgment has been pronounced; or

(b) in a motion for judgment under subsection 394(2).

 

[12] L’article 403 des Règles peut être appliqué pour clarifier, compléter ou préciser une ordonnance relative aux dépens. L’utilisation du mot « peut » indique un pouvoir discrétionnaire de procéder dans ce délai et n’impose aucune obligation. L’inférence selon laquelle il faut lui donner un sens obligatoire ne peut être retenue.

  • [13]Contrairement à ce que prétend l’appelant, si aucune partie ne demande que des directives soient données à l’officier taxateur au sujet des dépens, ceux‑ci sont taxés conformément à l’article 407 des Règles :

Tarif B

407. Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie‑partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B.

Assessment according to Tariff B

407. Unless the Court orders otherwise, party‑and‑party costs shall be assessed in accordance with column III to the table of Tariff B.

[14] En l’espèce, la défenderesse n’a pas déposé de requête pour directives en vertu de l’article 403 des Règles. Elle a plutôt déposé un mémoire de dépens pour qu’un officier taxateur taxe les dépens conformément aux règles 405 et 406.

C. Le mémoire de dépens de la défenderesse ne se heurte essentiellement à aucune opposition

[15] Mis à part les questions déjà abordées, les observations écrites du demandeur ne comprenaient pas d’observations portant expressément sur les allégations de la défenderesse. Ainsi, ce mémoire de dépens ne se heurte essentiellement à aucune opposition.

[16] En ce qui concerne la norme à appliquer par un officier taxateur dans l’évaluation d’un mémoire de dépens qui ne se heurte essentiellement à aucune opposition, l’officier taxateur dans l’affaire Dahl c Canada, 2007 CF 192 [Dahl], a déclaré ce qui suit :

[2] Effectivement, l’absence d’observations utiles présentées au nom du demandeur, observations qui auraient pu m’aider à définir les points litigieux et à rendre une décision, fait que le mémoire de dépens ne se heurte à aucune opposition. Mon opinion, souvent exprimée dans des cas semblables, c’est que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’un plaideur puisse compter sur le fait qu’un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d’un mémoire de dépens. Cependant, l’officier taxateur ne peut certifier d’éléments illicites, c’est-à-dire des postes qui dépassent ce qu’autorisent le jugement et le tarif. […]

[17] En outre, dans l’affaire Merck & Co c Apotex Inc, 2006 CF 631 [Merck], la Cour a décrété :

[3] En général, une partie qui obtient gain de cause a droit de recouvrer ses dépens, lesquels doivent être taxés selon la colonne III, de même que les débours raisonnables et nécessaires au déroulement de l’instruction. […]

[18] En tenant compte des principes énoncés dans les décisions Dahl et Merck, et par suite de la décision de la Cour, j’autoriserai seulement les dépens réclamés par la défenderesse auxquels elle a droit et qui se situent dans la fourchette des unités établies à la colonne III du tarif B, ainsi que les débours que je jugerai raisonnables et nécessaires.

III. Services à taxer

[19] Le mémoire de dépens de la défenderesse ne comprend que les réclamations relatives aux services à taxer, qui totalisent 2 373 $, TVH comprise.

A. Article 5 – Préparation et dépôt d’une requête contestée, y compris les documents et les réponses s’y rapportant

[20] La défenderesse réclame sept unités pour la préparation et le dépôt d’une réponse à la requête du demandeur visant à obtenir une prorogation du délai pour le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire conformément à l’article 369 des Règles. Après avoir examiné les observations écrites de la défenderesse, je remarque qu’il n’y a aucune preuve précise à cet égard. Étant donné que la présente affaire est d’une complexité habituelle et que le niveau par défaut des dépens devant la Cour fédérale se situe au milieu de la colonne III du tarif B, j’estime qu’il est raisonnable d’accorder cinq unités (Allergan Inc c Sandoz Canada Inc, 2021 CF 186 au para 25).

B. Article 25 – Services rendus après le jugement et non mentionnés ailleurs

[21] La défenderesse réclame une unité au titre de l’article 25, sans preuve à l’appui de sa réclamation. Malgré l’absence de preuve, l’article 25 est habituellement accordé pour l’examen du jugement et l’explication de ses répercussions au client (Halford c Seed Hawk Inc, 2006 CF 422 au para 131). Par conséquent, je conclus que la défenderesse a droit à l’unité qu’elle réclame.

C. Article 27 – Autres services acceptés aux fins de la taxation par l’officier taxateur ou ordonnés par la Cour

[22] Dans son mémoire de dépens, la défenderesse réclame trois unités au titre de l’article 27, en référence à des « observations sur les dépens » (mémoire de dépens de la défenderesse). Puisque la réclamation fondée sur les observations sur les dépens devrait être présentée au titre de l’article 26, qui prévoit précisément la taxation des frais, j’accorde trois unités au titre de cet article plutôt qu’au titre de l’article 27.

D. Article 28 – Services fournis par des étudiants, des parajuristes ou des stagiaires en droit, dans une province, que le Barreau de cette province les autorise à fournir, 50 % du montant qui serait calculé pour les services d’un avocat

[23] La défenderesse réclame 525 $ au titre de l’article 28 et mentionne sept unités. L’article 28 du tarif B vise les « services fournis par des étudiants, des parajuristes ou des stagiaires en droit, dans une province, que le Barreau de cette province les autorise à fournir, 50 % du montant qui serait calculé pour les services d’un avocat ».

[24] Après avoir examiné les observations écrites de la défenderesse, je remarque qu’il n’y a pas de précisions quant aux services qui ont été rendus ni en ce qui concerne les services visés par la réclamation. Il est toutefois précisé dans la réclamation que les services ont été fournis par S. Atwell, parajuriste. Mon examen du dossier de la Cour révèle que le 17 janvier 2022, un affidavit de Sonia Atwell a été déposé à la Cour à l’appui du dossier de requête au nom de la défenderesse.

[25] Puisque les dépens ont été déjà été accordés au titre de l’article 5 relativement à la préparation du dossier de requête de la défenderesse, le fait d’accorder des dépens au titre de l’article 28 pour le service en question entraînerait une double indemnisation. Dans l’arrêt Advance Magazine Publishers Inc v Farleyco Marketing Inc, 2010 CAF 143, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit :

[traduction]

[18] La défenderesse a réclamé 50 % du montant demandé pour la taxation des dépens pour le travail d’un parajuriste dans la préparation du mémoire de dépens. Bien qu’ils soient réclamés en vertu de l’article 26, les services fournis par un étudiant, un parajuriste ou un stagiaire en droit figurent à l’article 28 du tarif B des Règles des Cours fédérales. Dans la décision Bayer AG v. Novopharm Ltd., 2009 CF 1230, au paragraphe 14, la Cour fédérale a conclu que, comme les dépens pour le travail du parajuriste avaient déjà été accordés au titre de l’article 26, « aucuns dépens au titre de l’article 28 ne sont accordés afin d’empêcher la double indemnisation d’un même service ». Le même raisonnement s’applique en l’espèce. Par conséquent, la réclamation pour les services d’un parajuriste n’est pas autorisée.

[26] Étant donné que ni les observations de la défenderesse ni le dossier de la Cour ne contiennent d’autres renseignements me permettant de déterminer quels services, autres que ceux liés au dossier de requête, ont été fournis par un parajuriste, le montant réclamé n’est pas accordé.


 

IV. Conclusion

[27] Pour les motifs susmentionnés, les dépens de la défenderesse sont taxés au montant total de 1 627,20 $. Un certificat de taxation sera délivré en conséquence, et les dépens sont payables par le demandeur, Chandrahas Jog, à la défenderesse, la Banque de Montréal.

« Audrey Blanchet »

Officière taxatrice

Ottawa (Ontario)

15 décembre 2022

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

21‑T‑61

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

CHANDRAHAS JOG c BANQUE DE MONTRÉAL

 

AFFAIRE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) SANS COMPARUTION EN PERSONNE DES PARTIES

 

MOTIFS DE LA TAXATION :

AUDREY BLANCHET, officière taxatrice

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 DÉCEMBRE 2022

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Chandrahas Jog

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Christine Lonsdale

Stephanie Willsey

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.