Date : 20221122
Dossiers : IMM-8016-21
IMM-8024-21
Référence : 2022 CF 1599
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2022
En présence de monsieur le juge Zinn
Dossier : IMM-8016-21 |
ENTRE : |
ABDULBASIT ADEREMI AKINWUMI |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
Dossier : IMM-8024-21 |
ET ENTRE : |
EFE GREGORY EJINYERE |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Le juge saisi de la demande d’autorisation a ordonné que les demandes de contrôle judiciaire en l’espèce soient entendues ensemble. Un seul exposé de motifs sera produit et ce dernier sera versé dans chacun des dossiers.
[2] M. Akinwumi (IMM-8016-21) et M. Ejinyere (IMM-8024-21) affirment être conjoints de même sexe. Ils contestent tous deux les décisions défavorables à la suite de l’examen des risques avant renvoi [ERAR] dont ils ont respectivement fait l’objet; les décisions en question sont datées du 18 août 2021 et celles-ci ont été rendues par le même agent principal [l’agent].
[3] Dans les deux décisions, l’agent a conclu que les demandeurs respectifs n’avaient pas établi leur orientation sexuelle ou la relation conjugale qui les unissait. L’agent a conclu que, malgré le fait que [traduction] « les conditions sont médiocres pour les minorités sexuelles au Nigéria »
, les demandeurs n’avaient pas établi leur orientation sexuelle, de sorte que ni l’un ni l’autre ne couraient de risque en retournant au Nigéria.
[4] Initialement, les deux hommes étaient représentés par la même avocate; cependant, quelques jours avant l’audience, la Cour a rendu une ordonnance de cessation d’occuper visant l’avocate de M. Akinwumi. Ce dernier n’a pas comparu à l’audience. La Cour s’appuie sur la documentation écrite qui avait été déposée avant le prononcé de l’ordonnance de cessation d’occuper visant l’avocate. Au bout du compte, cela n’a eu aucune incidence sur l’issue des demandes et M. Akinwumi n’a subi aucun préjudice du fait que la Cour a tenu l’audience en son absence.
[5] Les deux hommes sont entrés au Canada en tant qu’étudiants pour étudier à l’Université Thompson Rivers à Kamloops, en Colombie-Britannique. En 2020, ils ont tous deux été déclarés interdits de territoire au motif qu’ils n’avaient pas rempli toutes les conditions de leur permis d’études et, par la suite, ils ont tous deux fait l’objet d’une mesure d’exclusion. En janvier 2021, ils ont tous deux présenté une demande d’ERAR. Il convient de relever que chacun des demandeurs a préparé sa demande d’ERAR, sans l’aide d’un avocat.
[6] Après que leurs demandes d’ERAR respectives eurent été rejetées, ils se sont vu signifier une convocation leur enjoignant de se présenter en vue de leur renvoi, le 25 mai 2022. Les demandeurs ont chacun sollicité un report de leur renvoi et, après avoir été déboutés, ils ont respectivement sollicité auprès de la Cour un sursis à la mesure de renvoi compte tenu des décisions défavorables relatives au report. Les deux requêtes ont été rejetées et un seul exposé des motifs a été rendu par la Cour : Akinwumi c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2022 CF 754.
[7] Les deux demandeurs ne se sont pas présentés en vue de leur renvoi.
[8] Le ministre soutient que ces hommes se présentent devant la Cour pour solliciter un recours discrétionnaire en equity, mais qu’ils le font sans avoir eu une conduite irréprochable; pour ce seul motif, le ministre exhorte la Cour à rejeter leurs demandes. À l’appui de sa position, le ministre a fait référence à l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Homex Realty c Wyoming, [1980] 2 RCS 1011, dans lequel la Cour déclare ce qui suit à la page 1035 :
Les principes en vertu desquels le certiorari et maintenant l’ordonnance moderne d’examen judiciaire sont accordés, comprend depuis longtemps celui de la perte du droit au redressement lorsqu’à cause de la conduite du requérant, un tribunal refuse d’accorder le redressement discrétionnaire.
[9] Le ministre a également relevé des décisions rendues par la Cour dans lesquelles celle-ci refusait d’examiner le bien-fondé des demandes dont elle était saisie sur le fondement du principe de la conduite irréprochable, compte tenu du fait que les demandeurs ne s’étaient pas présentés en vue de leur renvoi et qu’ils avaient fait l’objet de mandats d’arrestation : Wong c Canada (Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 569; Ngo Sen c Canada (Citoyenneté et de l’Immigration), 2020 CF 331; Wu c Canada (Citoyenneté et de l’Immigration), 2018 CF 779; Bradshaw c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 632.
[10] L’avocate de M. Ejinyere a fait valoir qu’il y a lieu d’établir une distinction entre la présente affaire et les précédents cités, parce que dans aucun de ceux-ci, la décision faisant l’objet du contrôle n’avait été la seule appréciation du risque auquel le demandeur était exposé. Elle invoque également que l’arrêt faisant autorité est Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Thanabalasingham, 2006 CAF 14 [Thanabalasingham]. Au paragraphe 10 de cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a exposé les principaux facteurs à prendre en considération avant de rejeter une demande de contrôle judiciaire au motif que le demandeur n’est pas sans reproche :
Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit s’efforcer de mettre en balance d’une part l’impératif de préserver l’intégrité de la procédure judiciaire et administrative et d’empêcher les abus de procédure, et d’autre part l’intérêt public dans la légalité des actes de l’administration et dans la protection des droits fondamentaux de la personne. Les facteurs à prendre en compte dans cet exercice sont les suivants : la gravité de l’inconduite du demandeur et la mesure dans laquelle cette inconduite menace la procédure en cause, la nécessité d’une dissuasion à l’égard d’une conduite semblable, la nature de l’acte prétendument illégal de l’administration et la solidité apparente du dossier, l’importance des droits individuels concernés, enfin les conséquences probables pour le demandeur si la validité de l’acte administratif contesté est confirmée.
[11] L’avocate a reconnu en toute franchise que l’inconduite reprochée à son client était grave. Elle a souligné qu’aucun des deux hommes n’avait fait l’objet d’un examen des risques par la Section de la protection des réfugiés ou la Section d’appel des réfugiés. La décision faisant l’objet du contrôle renfermait le seul examen des risques en l’espèce et elle a fait valoir que cette décision renfermait de sérieux problèmes, lesquels faisaient ressortir son caractère déraisonnable. En outre, elle a souligné que ces hommes, en tant qu’homosexuels, s’exposaient à de graves conséquences, étant donné que les relations entre personnes de même sexe sont illégales au Nigéria.
[12] L’avocate a donné son point de vue sur la raison pour laquelle ils ne se sont pas présentés en vue de leur renvoi conformément aux instructions reçues. Toutefois, il ne s’agit que d’une simple conjecture. Aucun des deux hommes n’a personnellement expliqué la raison pour laquelle ils ont fait fi de la mesure de renvoi. En outre, aucun des deux hommes ne s’est engagé à se présenter pour son renvoi si sa demande de contrôle judiciaire était rejetée sur le fond. En toute honnêteté, la Cour n’a aucune raison de croire que l’un ou l’autre se soustrairait volontairement à une mesure de renvoi.
[13] La Cour a lu attentivement le dossier et elle a particulièrement examiné la décision faisant l’objet du contrôle. La Cour ne souscrit pas à l’opinion de l’avocate selon laquelle cette décision présente de graves lacunes qui la rendent déraisonnable. La Cour est d’avis, au vu du dossier, qu’il n’est pas raisonnablement probable que la demande soit accueillie sur le fond. Il ne s’agit pas d’une cause solide.
[14] Par conséquent, la Cour rejette les demandes en l’espèce puisque les demandeurs ne se sont pas présentés devant la Cour avec une conduite irréprochable. La dissuasion des comportements répréhensibles d’autrui est une considération importante en l’espèce. La solidité de notre système d’immigration dépend du respect de la loi. Le fait de fermer les yeux sur l’inconduite des demandeurs envoie un mauvais message à ceux qui respectent et observent la loi, même lorsque leurs demandes n’ont pas abouti.
[15] Aucune question ne sera certifiée.
JUGEMENT dans les dossiers IMM-8016-21 et IMM-8024-21
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant : Les demandes sont rejetées et aucune question n’est certifiée.
« Russel W. Zinn »
Juge
Traduction certifiée conforme
M. Deslippes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-8016-21 |
INTITULÉ :
|
ABDULBASIT ADEREMI AKINWUMI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
ET DOSSIER :
|
IMM-8024-21 |
INTITULÉ :
|
EFE GREGORY EJINYERE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 14 NOVEMBRE 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE ZINN
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DATE DES MOTIFS :
|
LE 22 novembre 2022
|
COMPARUTIONS :
Natalie Domazet |
Pour le demandeur, EFE GREGORY EJINYERE |
Charles Jubenville |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Matkowsky Immigration Law Cabinet d’avocats Toronto (Ontario) |
Pour le demandeur, EFE GREGORY EJINYERE |
Procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |