Date : 20030213
Dossier : 03-T-8
Référence neutre : 2003 CFPI 162
OTTAWA (ONTARIO), le 13 février 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL
ENTRE :
AVTAR DHALIWAL et
KULWANT DHALIWAL
demandeurs
- et -
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
Réparation demandée
[1] Il s'agit d'une demande de prorogation de délai pour le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire concernant une décision rendue le 20 novembre 2000 par un tribunal de révision (le Tribunal de révision) constitué en vertu de l'article 82 du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8. La décision du Tribunal de révision faisait suite à un appel interjeté par les demandeurs en vertu du paragraphe 28(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. (1985), ch. O-9.
[2] Par suite d'une ordonnance de M. le juge Strayer datée du 10 février 2003, la présente instance, qui a d'abord débuté à la Section d'appel de la Cour fédérale du Canada, a été transférée à la Section de première instance, conformément à l'article 49 des Règles de la Cour fédérale (1998).
Les faits relatifs aux demandeurs
[3] En février 1999, les demandeurs, qui ont près de quatre-vingts ans et dont l'un d'eux est atteint d'un grave problème médical, ont formulé une demande de pension de vieillesse partielle en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.
[4] Après avoir reçu des lettres longues, tortueuses et parfois contradictoires de différents fonctionnaires, les demandeurs ont finalement été informés, par lettre datée du 6 août 2002 provenant de Tina Head, avocate-conseil pour le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision, que la décision du Tribunal de révision datée du 20 novembre 2000 était maintenue et qu' [traduction] « il n'y a rien que notre bureau puisse faire pour changer la situation » . Dans sa décision, le Tribunal de révision avait conclu, entre autres, que les demandeurs [traduction] « ne se sont pas déchargés du fardeau qui leur incombe de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'ils sont résidents du Canada aux fins du sous-alinéa 3(1)b)(iii) de la Loi [sur la sécurité de la vieillesse] » .
[5] La lettre de Tina Head, datée du 6 août 2002, référait à la correspondance antérieure envoyée aux demandeurs qui était [traduction] « déroutante » et « erronée » sur le droit à une pension. La lettre contenait également des excuses aux demandeurs pour le fait qu'elle compliquait encore davantage [traduction] « ce qui constitue déjà une affaire compliquée » et recommandait aux demandeurs [traduction] « de porter notre retard à l'attention de la Cour fédérale au soutien d'une demande en prorogation de délai pour le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal de révision » .
La prétention et l'argumentation des demandeurs
[6] La demande de prorogation de délai présentée par les demandeurs relativement au dépôt en Cour fédérale d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal de révision datée du 20 novembre 2000 est fondée sur la prétention que les demandeurs satisfont aux exigences juridiques d'une telle prorogation, telles qu'elles ont été énoncées par le juge Strayer dans l'arrêt Nelson c. Établissement d'Edmonton, [1996] A.C.F. no 1492.
La position du défendeur
[7] Le défendeur souligne que, dans la présente demande, les demandeurs réfèrent à différentes décisions en plus de la décision du Tribunal de révision du 20 novembre 2000 qui est en cause et il demande à la Cour de ne tenir compte que de la preuve se rapportant à la décision du Tribunal de révision. Cependant, comme le souligne le défendeur, les autres décisions en question [traduction] « sont liées aux effets de la décision en cause [...] »
[8] On trouve un exemple de ce que veut dire le défendeur, dans une lettre datée du 4 décembre 2000 provenant de Développement des ressources humaines Canada et adressée à M. Avtar Singh Dhaliwal, l'un des demandeurs, dans laquelle on réfère à la décision du 20 novembre 2000 du Tribunal de révision comme fondement du refus d'approuver l'attribution de la prestation de sécurité de la vieillesse. Dans la même lettre, on dit à M. Avtar Singh Dhaliwal que, s'il n'est pas satisfait de la décision portant sur la prestation de la sécurité de la vieillesse, il peut demander un nouvel examen dans les 90 jours de la réception de la lettre, pourvu que sa demande soit faite par écrit, qu'il y énonce clairement les motifs à son appui et qu'il produise tous les documents pertinents qui ne l'ont pas déjà été.
[9] Il ressort aisément de la correspondance que les demandeurs, qui n'étaient pas représentés par un conseiller juridique et qui se fiaient aux conseils de procédure offerts par les fonctionnaires des différents ministères avec lesquels ils faisaient affaires, ont pu être déroutés au sujet des moyens à leur disposition pour faire réexaminer et réviser les différentes décisions, encore que le défendeur ait raison sur le fait que la seule décision faisant l'objet de la présente demande soit celle du Tribunal de révision du 20 novembre 2000.
[10] Le défendeur réfère à la décision Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 263 (C.A.), et il énonce un peu différemment des demandeurs les fondements que ceux-ci doivent établir dans la présente demande. Le défendeur affirme que les demandeurs doivent démontrer [traduction] « qu'il y a eu une volonté constante de formuler une demande à la Cour, qu'il y a une explication raisonnable pour le retard, qu'une demande de contrôle judiciaire a une chance raisonnable de réussir et que le défendeur ne subit aucun préjudice » . Le défendeur prétend que les demandeurs n'ont pas satisfait à ces critères.
Analyse
[11] Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 prévoit que :
Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder. |
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An application for judicial review in respect of a decision or order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within thirty days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected thereby, or within such further time as a judge of the Trial Division may, either before or after the expiration of those thirty days, fix or allow. |
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[12] La décision Grewal, précitée, et les autres qui s'en sont inspirées établissent que les préoccupations fondamentales lors de l'examen d'une demande de prorogation de délai sont de faire en sorte que justice soit faite entre les parties, d'examiner attentivement les raisons du retard et de déterminer si la demande d'annulation de la décision a des chances raisonnables d'être accueillie.
[13] Les facteurs qu'il faut normalement examiner sont énoncés dans Independent Contractors & Business Association c. Canada (Ministre du Travail) (1998), 225 N.R. 19, à savoir : a) la volonté, exprimée en temps voulu, d'engager la procédure; b) l'existence d'un dossier défendable; c) la cause et la longueur réelle du retard; et d) la question de savoir si le retard a été cause de préjudice.
[14] En l'espèce, le défendeur a raison de souligner que les demandeurs ont été avisés à plusieurs reprises que la décision du Tribunal de révision était définitive et ne pouvait pas faire l'objet d'un examen autrement que par une demande de contrôle judiciaire adressée à la Cour fédérale du Canada. Ces avis ne peuvent toutefois pas être pris isolément et l'ensemble de la correspondance donne à penser que les différentes décisions prises à l'égard des demandeurs les ont déroutés parce que, comme le souligne le défendeur, [traduction] « elles sont liées aux effets de la décision en cause [...] » . En conséquence, il s'avère très difficile de faire une distinction entre les avis déroutants et parfois contradictoires que les demandeurs ont reçus concernant d'autres décisions et la décision faisant l'objet de la présente demande.
[15] Le fait que Tina Head, avocate-conseil pour le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision, dans sa lettre du 6 août 2002 adressée aux demandeurs, s'est sentie obligée de s'excuser auprès des demandeurs pour la confusion et les retards à leur répondre et leur a recommandé [traduction] « de porter notre retard à l'attention de la Cour fédérale au soutien d'une demande en prorogation de délai pour le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal de révision » , et qu'elle a dit qu'elle était [traduction] « vraiment désolée que nous en ayons rajouté à ce qui constitue déjà une affaire compliquée » , est le signe manifeste que les demandeurs ont expérimenté un processus compliqué et déroutant.
[16] En conséquence, je suis convaincu que le principe selon lequel justice doit être faite entre les parties, de même que les motifs pour le retard et les questions de préjudice militent tous en faveur des demandeurs.
[17] Ce qui fait davantage problème, c'est la question de savoir si les demandeurs ont démontré qu'ils avaient un dossier défendable pour l'annulation de la décision du Tribunal de révision.
[18] Concernant cette question, l'avocat des demandeurs affirme simplement que le Tribunal de révision a commis une erreur de droit, parce qu'il [traduction] « n'a pas appliqué de la bonne façon le critère découlant des dispositions pertinentes de la Loi sur la sécurité de la vieillesse sur la définition de résidence » et qu'il a tiré [traduction] « des conclusions de fait erronées en se basant sur des considérations non pertinentes » .
[19] Le point essentiel de l'argumentation des demandeurs, c'est que le Tribunal de révision aurait dû conclure en se basant sur la preuve qui lui avait été présentée que les demandeurs satisfaisaient à l'exigence de résidence imposée par la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Tout cela équivaut à dire, comme le souligne le défendeur, que les demandeurs croient que le Tribunal de révision était dans l'erreur en rendant sa décision. Les demandeurs ne fournissent aucune raison tangible expliquant pourquoi le Tribunal de révision, en rendant sa décision, a commis une erreur susceptible de révision. Le simple fait d'être en désaccord avec le Tribunal ne suffit pas. En conséquence, je conclus que les demandeurs n'ont pas suffisamment démontré que, si cette demande était accueillie, ils auraient un dossier de demande de contrôle judiciaire défendable auprès de la Cour fédérale.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES QUE la demande en prorogation de délai soit rejetée.
« James Russell »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 13 février 2003
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : 03-T-8
INTITULÉ : Avtar Dhaliwal et al. c. Procureur général du Canada
REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : Le juge Russell
DATE DES MOTIFS : Le 13 février 2003
OBSERVATIONS ÉCRITES :
Satnam S. Aujla POUR LES DEMANDEURS
Rick Garvin POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Yanko Merchant Law Group POUR LES DEMANDEURS
Calgary (Alberta)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada