Date: 20000517
Dossier: IMM-2845-99
Ottawa (Ontario), le 17 mai 2000
Devant : Monsieur le juge Pinard
ENTRE :
EDWARD KWAKYE AMOAKO
et KWAKU BOATENG
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu, le 3 mai 1999, que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention selon la définition figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration est rejetée.
« YVON PINARD »
_______________________________
JUGE
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
Date: 20000517
Dossier: IMM-2845-99
ENTRE :
EDWARD KWAKYE AMOAKO
et KWAKU BOATENG
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 3 mai 1999, qu'ils n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention selon la définition figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration L.R.C. (1985), ch. I-2.
[2] La Commission croyait que les demandeurs travaillaient aux Automotive and Technical Services (ATS) et à SABAT MOTORS, qu'ils avaient obtenu des indemnités de départ avant la privatisation d'ATS et que SABAT MOTORS avait fermé ses portes lorsque les travailleurs syndiqués avaient refusé de travailler.
[3] Toutefois, la Commission n'a pas cru que les demandeurs avaient été arrêtés et torturés par le Bureau des enquêtes nationales (le BEN) et par la police parce qu'ils avaient protesté contre la privatisation d'ATS ou qu'ils feraient face à des actes de persécution similaires s'ils retournaient au Ghana.
[4] Premièrement, la preuve documentaire montre que le gouvernement s'opposait à la cession d'ATS à SABAT MOTORS. Le Comité responsable de la cession des actifs, qui était un comité gouvernemental, était mêlé à une poursuite avec SABAT MOTORS au sujet de l'accord de cession. De plus, le ministre du Commerce et de l'Industrie avait recommandé l'abrogation de l'accord pour le motif qu'il n'avait pas été mis en oeuvre d'une façon régulière et que les droits des travailleurs n'avaient pas été respectés. Il n'y avait pas de preuve documentaire au sujet de la présumée arrestation et de la présumée torture des membres du syndicat qui s'opposaient à la privatisation. La Commission a jugé invraisemblable que la police gouvernementale s'en prenne aux demandeurs parce qu'ils protestaient contre un marché auquel le gouvernement lui-même s'opposait.
[5] De plus, M. Boateng a témoigné que la manifestation du 7 mai 1988 visait à assurer aux travailleurs leur part de dix pour cent dans ATS et à protester contre la privatisation d'un bien public. La Commission jugeait invraisemblable que le fait que les dirigeants syndicaux à SABAT MOTORS avaient été arrêtés le 27 avril 1998, qu'ils avaient été détenus pendant trois jours et qu'ils avaient alors été torturés n'avait pas été mentionné lors de la manifestation.
[6] La Commission a également conclu que les pièces P-14, une lettre de la police, P-14-A, une lettre du BEN, et P-14-B, une lettre des Services de police du Ghana, n'étaient pas crédibles. Aucune de ces trois lettres n'est signée et les lettres sont rédigées de la même main. Au début des deux premières lettres figure l'inscription : [TRADUCTION] « Objet : Impasse chez Sabat Motors » . En outre, la pièce P-14, datée du 10 mai 1998, ordonne aux demandeurs de se présenter pour être interrogés, mais ces derniers ont témoigné qu'ils étaient déjà sous la garde du BEN ce jour-là. De plus, la pièce P-14-B renferme les mots : [TRADUCTION] « Avertissement final » , lesquels ont amené les demandeurs à conclure que leur vie était en danger. La Commission estimait que cette conclusion était déraisonnable puisque la lettre avait été envoyée par la police locale alors que les deux lettres antérieures avaient été envoyées par le surintendant de la police et par le BEN.
[7] La première question soulevée dans cette demande est de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant que les demandeurs n'étaient pas crédibles. Il est bien établi que la crédibilité est une question qui relève carrément de la compétence de la Commission en sa qualité de juge des faits. La Commission a le droit d'inférer qu'un demandeur n'est pas digne de foi à cause des invraisemblances que la preuve renferme, dans la mesure où ses inférences ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315, à la page 316 (C.A.F.), et que ses motifs sont énoncés « en termes clairs et explicites » (Hilo c. Canada (MEI) (1991), 15 Imm.L.R. (2d) 199 à la page 201 (C.A.F.)). La jurisprudence établit également que lorsque la Commission se pose des questions au sujet de la crédibilité du demandeur, elle est tenue d'avertir celui-ci de ses préoccupations et de lui donner la possibilité d'expliquer les présumées incohérences de la preuve (Gracielome c. Canada (MEI) (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 237 (C.A.F.)).
[8] D'une part, l'inférence que la Commission a faite à partir de la présumée omission de M. Boateng de mentionner que les dirigeants syndicaux avaient été torturés lorsqu'on lui avait posé des questions au sujet de la manifestation du 7 mai 1998 semble déraisonnable. Dans la mesure où la transcription de l'audience me permet de le constater, on n'a jamais demandé expressément à M. Boateng quel était le but de la manifestation, comme le défendeur l'allègue au paragraphe 31 de son Mémoire du défendeur, ni si la question du traitement infligé aux dirigeants syndicaux avait été soulevée au cours de la manifestation.
[9] D'autre part, je ne crois pas que la conclusion que la Commission a tirée au sujet de l'absence de crédibilité soit fondée sur cette inférence. Sa conclusion était plutôt fondée sur les incohérences et sur les invraisemblances de la preuve documentaire. Je ne crois donc pas que la conclusion contestable que la Commission a tirée sur ce point soit suffisante pour justifier l'octroi de la demande.
[10] Selon le deuxième argument soulevé par les demandeurs, la Commission n'a pas tenu compte de la preuve documentaire et a omis de mentionner, dans ses motifs, certains articles étayant les allégations des demandeurs. Toutefois, à moins que le contraire ne soit démontré, il est présumé que la Commission a tenu compte de toute la preuve mise à sa disposition. En général, le fait que la Commission ne mentionne pas une partie de la preuve documentaire dans ses motifs ne porte pas un coup fatal à sa décision (voir Hassan c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1992), 147 N.R. 317, à la page 318 (C.A.F.)).
[11] Il me semble que les demandeurs demandent à cette cour de substituer son appréciation de la preuve à la décision de la Commission. Toutefois, tel n'est pas le rôle de la Cour dans une demande de contrôle judiciaire. Je ne suis pas convaincu que la Commission ait omis de tenir compte de la preuve dont elle disposait ou que l'appréciation de la preuve documentaire par la Commission soit déraisonnable. Compte tenu des éléments dont elle disposait, la Commission pouvait à bon droit en arriver aux conclusions qu'elle a tirées au sujet de la position du gouvernement du Ghana sur la privatisation d'ATS, de la valeur probante des lettres soumises par les demandeurs et de la crédibilité des demandeurs.
[12] Enfin, en ce qui concerne le dernier argument que les demandeurs ont invoqué au sujet de l'expulsion, je suis d'accord avec le défendeur pour dire qu'il est prématuré de présenter cet argument puisque la Commission a simplement conclu que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention (voir Barrera c. Canada (MEI), [1993] 2 C.F. 3 (C.A.F.), et Plecko c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (26 avril 1996), IMM-980-95). En outre, la conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs n'étaient pas crédibles montre qu'ils ne seraient pas persécutés s'ils devaient retourner au Ghana. Par conséquent, les obligations internationales du Canada en matière des droits de la personne ne seraient pas violées si les demandeurs étaient expulsés.
[13] Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« YVON PINARD »
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JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
le 17 MAI 2000.
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-2845-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : EDWARD KWAKYE AMOAKO et autre |
c.
MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC) |
DATE DE L'AUDIENCE : LE 12 AVRIL 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Pinard en date du 17 mai 2000
ONT COMPARU :
Stewart Istvanffy pour les demandeurs
Lisa Maziade pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Stewart Istvanffy pour les demandeurs
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada pour le défendeur